Pandémie(-frère) [Virgil]

12 décembre 2010

L'hiver s'était confortablement installé sur les plaines écossaises depuis quelques semaines désormais et Poudlard avait revêtu son blanc manteau. Les vitres de l'infirmerie étaient complètement givrées, on apercevait à peine le lac gelé en contrebas. Les courants d'air se faufilaient partout et les Elfes de Maison passaient régulièrement entretenir les poêles qui gardaient les lits des patients au chaud. Marlene commençait à prendre ses marques au sein de l'infirmerie. Mrs Silvester était toujours très gentille et patiente avec elle, elle apprenait beaucoup. L'avantage et l'inconvénient d'être l'unique praticien de l'école, c'est qu'on était très autonome (même en cas de problèmes, d'ailleurs) et qu'on pratiquait de nombreux actes. Elle était plutôt ravie d'apprendre des choses que les élèves de Médicomagie ne voyaient pas forcément à l'hôpital, toujours devancés par les élèves des années supérieures. Pour l'instant, il n'y avait rien de trop grave chez les étudiants de Poudlard. Des rhumes, soignés par la Pimentine, quelques grippes, un troisième année qui avait déclaré la Dragoncelle (il fallait donc surveiller ses camarades de classe et plus particulièrement ses camarades de dortoir), quelques accidents de Quidditch (mais qui volait encore par ce temps ? Andrew Dubois était venu avec des engelures aux mains, hier) et des glissades dans les escaliers gelés.

Marlene avait mis un peu de temps à "perdre" son statut de préfète-en-chef face aux élèves qu'elle avait fréquentés (pas toujours dans la cordialité quand elle sévissait, il fallait l'avouer) et elle avait le contact plus facile avec les plus jeunes. Elle essayait néanmoins d'être toujours souriante et gentille, afin que les élèves se sentent en confiance. La présence de Mrs Silvester par dessus son épaule la rassurait souvent, en plus de lui donner une vraie légitimité. Mais cet après-midi, elle avait une réunion pédagogique et elle tenait donc la barre toute seule (même si elle pouvait envoyer un Patronus à sa tutrice à tout moment.) Pour l'instant, il ne s'était rien passé de passionnant, à part un élève qui était venu prendre une potion anti-douleur contre la migraine et une autre qui s'était coupée en cours de potion, en tentant d'écraser une blatte. Alors pour s'occuper, elle avait rangé les potions dans la pharmacie pour que toutes les étiquettes soient en face de la porte, afin qu'on les distingue bien. Elle avait aussi refait tout les lits au carré. Et maintenant elle s'ennuyait un peu, assise sur s chaise. Elle faisait scroller son Instamag. Ce n'était pas très professionnel mais elle n'allait quand même pas s'inventer des tâches... Heureusement, un bruit de pas lui fit lever la tête et elle claqua le petit appareil pour le ranger rapidement dans sa poche.

Enfin, quelqu'un, du travail ! Malheureusement, son excitation retomba bien vite en avisant Virgil. Humpf. Il n'avait pas l'air foncièrement malade, son teint pâle et ses cernes étaient caractéristiques de sa tête de gnome. Toujours pas remise de son attitude au barbecue avant sa grand-mère, Marlene le portait encore moins dans son coeur. Elle prit néanmoins sur elle pour lancer un très professionnel - elle avait un stage à valider quand même - :

- Bonjour, que puis-je faire pour toi ?

En entendant la voix de Grinch de Virgil l'appeler Marlyyy, Marlene comprit à quel point cette petite entrevue allait être désagréable. Elle prit tout de même un instant pour maudire James qui avait eu la brillante idée de l'appeler ainsi devant les Forbes. Virgil ne comptait visiblement pas la lâcher avec cela. Elle laissa échapper un bruyant soupir pour lui montrer tout de même qu'elle n'était pas ravie de sa présence. Le problème était qu'elle se trouvait sur son lieu de travail et elle n'avait pas le loisir de le renvoyer en classe. Il était bien capable de se plaindre à Mrs Silvester, elle en était certaine.

Sourcils froncés, elle l'observa se vautrer sur l'un des lits qu'elle avait fait au carré, avec ses chaussures dégoulinantes de neige. Il était hors de question qu'elle lui demande de les retirer, il allait rendre toxique l'air de l'infirmerie, elle en était certaine. De toute manière, elle commençait à comprendre que Virgil n'attendait qu'une chose : qu'elle s'énerve après lui. Alors il est vrai qu'il représentait un potentiel particulièrement irritant pour elle mais comme disait Barnabas le Follet "Don't feed the troll. Make him dance." Elle était moins convaincue de la seconde partie mais elle était à peu près capable d'appliquer la première. Aussi se retint-elle de signaler d'un ton cinglant qu'elle n'était pas sa soeur, heureusement, et qu'ils n'étaient pas une famille. Leurs parents se fréquentaient, grand bien leur fasse. Cela ne les concernait pas vraiment. Agathe était sympathique et Marlene voulait bien avoir quelques liens avec elle mais elle n'avait pas signé pour avoir Virgil Forbes dans son entourage. Il était bien trop toxique pour elle : sa remarque sur ses cheveux la mit immédiatement mal à l'aise et elle se retint de les attacher brusquement. Elle n'était pas encore convaincue par cette nouvelle couleur, c'était un changement énorme. Un peu agacée, elle s'efforça de garder un ton égal alors qu'elle se relevait de sa chaise. Ne pas réagir, ne pas réagir.

- Tu ne peux pas utiliser l'infirmerie comme une excuse pour sécher les cours, prévint-elle, si tu n'as rien, tu ne peux pas rester ici. En plus, ajouta-t-elle, Mrs Silvester va bientôt revenir et elle te dira la même chose.

Marlene fonça les sourcils lorsque Virgil affirma qu'il était maintenant devenu un élève modèle. Elle avait un peu de mal à le croire, vu qu'elle avait passé son année de septième année à le mettre en retenue pour divers motifs. Elle ne voyait pas comment un tel miracle avait pu arriver, à moins que son père se soit décidé à le mettre sous Imperium dans l'espoir de lui éviter Azkaban pour délinquance juvénile. Il aurait pu se donner la peine de rajouter un sortilège d'allégresse, histoire de le rendre aimable... Il lui adresse un sourire idiot, ce sourire stupide et irritant dont il avait le secret, et Marlene se retint de lever les yeux au ciel ouvertement.

- Donc si je résume, tu as du temps libre devant toi et tout ce que tu trouves à faire, c'est venir me traquer sur mon lieu de travail pour m'embêter ?

Elle s'était forcée à utiliser le mot "embêter" et pas un autre, histoire de rester professionnelle. Elle ne comprenait pas pourquoi Virgil prenait tant de plaisir à tenter de la faire sortir de ses gonds, avec des choses comme la mention de "petit bisou." Elle avait compris, il ne l'appréciait pas et qu'il ne s'inquiète pas, c'était bien réciproque. À partir de là, pourquoi ne pas simplement s'ignorer ? Il avait juste à se montrer poli devant leurs parents respectifs pour préserver la tranquillité de la famille. Ce n'est pas elle qui allait chercher à entretenir des contacts avec lui... La nouvelle mention de "Marly" lui arracha cette fois-ci un soupir agacé.

- Arrête de m'appeler comme ça. Personne ne le fait. Pieux mensonge. Elle maudissait James d'avoir donné cet élément privé à Virgil. Elle sentait qu'il ne la lâcherait jamais avec ça. La mention du Noël conjoint lui donnait des sueurs froides : elle avait l'habitude de le passer principalement avec son père et ses frères le vingt-quatre, et avec sa famille mancunienne le vingt-cinq. S'il n'y avait eu que Agathe, cela aurait pu aller mais l'idée d'avoir l'intégralité de la fratrie Forbes... Cela faisait beaucoup de changement pour elle. De plus, Noël relevait de l'intimité de sa famille, du privé et l'idée que Virgil assiste à cela avec toute sa malfaisance... Quelle horreur. Ça me ferait plaisir que tu ne viennes pas, répliqua-t-elle avec froideur. T'es majeur, tu pourrais bien trouver une excuse, tu n'as même pas envie de venir, non ? Et arrête avec mes cheveux aussi ! s'agaça-t-elle.

Elle n'assumait pas beaucoup alors s'il en faisait des caisses...

La mention de James donna à Marlene l'envie de balancer un sortilège à Virgil. Évidemment, elle n'allait pas vraiment le faire car il était un élève et qu'elle était une professionnelle, dans un contexte de stage et surtout, de soin. Mais dans sa tête, elle l'avait déjà fait huit fois. C'était un sujet bien trop sensible pour qu'elle laisse Virgil en parler, il allait encore dire des horreurs et c'était hors de question. Même si c'était vrai que son père adorait James, elle n'avait pas envie d'entendre son avis dessus ou d'épiloguer sur son absence à Noël.

- Donc ça t'amuse de m'appeler avec le surnom de mon ex, en fait ? Ça ne te questionne pas ? lança-t-elle sans réaliser que, selon les nouvelles officielles de la famille, ils étaient encore ensemble (encore une fois, à cause du petit cinéma de James au barbecue d'octobre.) Elle n'avait pas eu le coeur de démentir auprès de son père et se contentait d'éviter le sujet et de dire que non, James ne pouvait pas venir manger à la maison car il était super occupé. Et non, il ne sera pas là à Noël, il est en famille. Enfin, elle supposait qu'il était en famille, ils n'en n'avaient pas vraiment parlé. Tu vas devoir gérer mon père tout seul, conclut-elle avec un sourire satisfait.

Car Virgil la rendait dingue mais elle avait très bien remarqué qu'il avait beaucoup de mal avec Nicholas. Comment aurait-il pu en être autrement ? Son père était structuré, organisé, courageux et déterminé, c'était un leader d'hommes, sa maison était toujours en ordre et ses enfants bien éduqués. Virgil était... mou. Amorphe. Malveillant. Il aimait le chaos. En somme, c'était... une goule. Qu'elle allait devoir se coltiner pendant les fêtes cette année et peut-être même les années suivantes car Agathe et son père avaient l'air très heureux. Elle avait bien espéré que Virgil sèche mais... Il n'avait pas l'air volontaire. Pour une fois qu'elle le poussait à se rebeller, franchement ! Devant sa réponse et ses moqueries, elle haussa les sourcils.

- D'habitude, c'est moi qui fait le plan de table, signala-t-elle, tout en étant malheureusement consciente qu'elle n'obtiendrait pas gain de cause puisque Noël n'avait pas lieu chez elle. . Et non, je ne vais pas faire les petites étiquettes, débrouille-toi. En réalité, elle aimait bien le dessin et la calligraphie mais elle se refusait par principe à faire tout ce que Virgil pouvait lui demander. La mention de sa grand-mère lui fit lever les yeux au ciel, une nouvelle fois. Mais t'as pas honte de profiter de la faiblesse d'une vieille dame, franchement ? Elle perd la tête et toi, ça t'amuse. Elle ne sera pas là, et heureusement parce que c'est hors de question que tu l'approches encore.  

Courroucée par cette conversation, Marlene se leva un peu brusquement de sa chaise, posant le Pear qu'elle avait dans les mains avec que Virgil arrive. Elle s'approcha du lit sur lequel il était vautré et fit un geste de la main comme pour chasser une mouche.

- Et vire tes chaussures dégoûtantes du lit, s'il te plaît, je viens de les refaire !

Marlene eut envie de se donner des claques lorsqu'elle réalisa la portée de l'information qu'elle avait donné à Virgil. Elle avait parlé sans réfléchir... Elle se mélangeait, entre les gens qui étaient au courant de certaines choses, comme Emma, d'autres qui n'étaient au courant de rien et ceux à qui elle mentait presque (par omission) comme sa famille. Elle-même était un peu perdue, elle ne savait pas où ce qu'elle en était. Ce n'était pas une période facile mais Virgil Forbes n'était clairement pas la personne avec qui en parler. Elle savait très bien qu'il était du genre à ressortir cette information au moment le plus opportun, à son père, dans le but de l'embarrasser ou de provoquer un malaise à table. Elle le voyait bien, qu'il se moquait déjà, il s'en fichait de savoir si cette éventuelle (presque fausse) rupture pouvait lui faire de la peine. Elle n'avait pas très envie qu'il aille le dire à son père, aussi choisit-elle le mensonge, en espérant que cela passe. S'il pensait que tout le monde était déjà au courant, il n'allait pas avoir d'intérêt à en parler, non ?

- Il considère que ça ne regarde que nous et il a bien raison, lança-t-elle froidement.

C'était la vérité. Leur histoire ne les concernait que tous les deux, peu importe ce qui s'y passait. C'était agaçant de devoir se justifier auprès des gens, cela les poussait à mettre des mots sur des choses alors qu'elle aurait préféré qu'ils ne le fassent pas. Comme à Poudlard, au début de leur septième année : ils se laissaient juste aller... Elle aurait aimé que son père comprenne qu'elle n'avait aucun compte à lui rendre, qu'il ne fasse pas de remarque si elle venait à lui dire pour James. Elle aurait aimé également que Virgil s'abstienne de lui faire des petits commentaires mais ça, c'était visiblement trop demander. C'était comme s'il était croisé avec un lutin de Cornouailles (ce qui pouvait expliquer les yeux globuleux) : il prenait plaisir à embêter le monde. Il fit mine de bailler après qu'elle eut parlé et elle lui lança un regard noir. Bien sûr que sa grand-mère perdait la tête, même si elle restait une femme adorable. Cela hérissait Marlene au plus haut point que Virgil se permette de l'appeler "Hannah", comme s'il la connaissait personnellement. Il l'avait vue trois heures à un barbecue ! Marlene détestait cette sensation, de voir Virgil se glisser dans sa famille, son intimité, sa vie privée et tout salir avec ses pattes dégoûtantes. L'insulte de Virgil, sur son "petit esprit étriqué" la mit en colère et elle croisa ses bras sur sa poitrine.

- Elle ne t'apprécie pas ! protesta-t-elle. Déjà parce qu'elle n'apprécierait pas quelqu'un qui se moque de moi comme ça. Et ensuite, c'est quoi ton besoin de monopoliser ma grand-mère ? C'est parce que tes propres parents ne te supportent pas, c'est ça ?

Ce n'était pas très charitable, comme remarque. Surtout qu'elle était au travail et qu'il était un élève. Mais il faisait tout pour la faire sortir de ses gonds ! Ce n'était pas tous les jours facile cette histoire de recomposition. Agathe était gentille, c'est vrai, mais Marlene se sentait parfois un peu envahie par toutes ces nouvelles personnes. Typiquement, elle était un peu anxieuse de fêter Noël en dehors de son cercle familial classique. Les choses auraient pu être plus facile si la fratrie Forbes s'était passée de Virgil. Les autres étaient bien plus sympathiques et fréquentables... Elle n'aimait pas du tout son ancien camarade et c'était tout à fait réciproque au vu de toutes les piques qu'il lui lançait. Quand il annonça qu'elle devait faire du "préjudice à la personne", elle leva les yeux au ciel.

- Je ne veux pas être infirmière, je veux être Médicomage, répondit-elle. Quel sexisme. Et tu ne me connais pas du tout, alors je ne vois pas sur quoi tu bases tes suppositions...

Parce qu'elle l'avait collé quand elle était préfète ? Super. Bon, elle ne se montrait pas très gentille avec lui mais de là à dire qu'elle faisait du préjudice à la personne... Ce fut le moment que choisit son Pear pour sonner. Elle vit très bien le mouvement que fit Virgil pour apercevoir son écran et elle se jeta presque dessus pour qu'il ne puisse pas voir. Il avait peut-être entraperçu le nom de James mais c'était tout. Elle fourra le petit engin dans la poche de sa blouse.

- Ne lis pas mes messages !

Fin pour Virgil

Marlene était arrivée ici pleine de bonnes résolutions : elle avait assuré à Mrs Silvester que, même si elle venait à peine de sortir de Poudlard, elle pourrait se montrer professionnelle et trouver ses marques avec les patients qui avaient un jour été ses camarades. Elle se cherchait encore, évidemment, mais elle avait l'impression qu'elle était sur la bonne voie. Cela s'était bien passé avec tous les élèves qu'elle avait vus, il n'y avait pas eu de problèmes en particulier. Elle n'était pas la plus à l'aise, eux non plus, mais les choses s'étaient déroulées tranquillement. Elle était contente. La plupart des gens étaient de bonne composition. Malheureusement, ce n'était pas une qualificatif que l'on pouvait appliquer à Virgil Forbes. Il était entré ici avec la volonté évidente de l'embêter et de la faire sortir de ses gonds et malheureusement, il savait très bien où appuyer. Elle avait répliqué méchamment et ce n'était pas professionnel mais en même temps, il l'attaquait sur des choses qui n'avaient rien à voir avec son métier. Parler de sa grand-père, de Noël ou de sa relation avec son à-peu-près-ex, cela n'avait rien à voir avec la médicomagie. Il faisait exprès de choisir des choses qui allaient la rendre dingue et il y prenait un malin plaisir. Lorsqu'il finit par déclarer qu'elle n'avait pas le profil, elle serra les dents très fort pour ne pas l'envoyer au diable.

La question était déjà très sensible chez elle, elle n'avait pas besoin qu'il vienne en rajouter une couche avec sa malveillance. Elle avait hésité longuement avant de demander une réorientation, en se demandant si elle ne se surestimait pas. C'est James qui avait fini par la pousser pour qu'elle n'ait pas de regrets à être restée à la maternité sans avoir essayé. Être admise à la formation n'avait pas suffit à lui donner une impression de légitimité. Ses autres camarades de classe avaient tous eu des notes excellentes à leurs examens de fin d'année de Poudlard, ce qui n'était pas toujours son cas. Elle oscillait entre l'impression qu'elle n'allait jamais y arriver et qu'elle n'était pas assez douée et des petites fiertés lorsqu'elle réussissait bien quelque chose. Pour le moment, tout ce qu'elle avait pu apprendre sur le terrain lors de son année de sage-femme lui servait encore beaucoup : elle avait des gestes, des positionnements que des étudiants sortants de Poudlard n'avaient pas encore. Mais elle ne conserverait pas cette avance éternellement, à un moment ou un autre, ses camarades de classe allaient apprendre ces techniques et elle avait très peur qu'ils la dépassent tous, qu'elle devienne incapable de suivre. Elle n'était pas aussi brillante qu'eux, elle obtenait tous ses résultats avec du travail, elle avait l'impression qu'elle ne pourrait jamais les suivre, si elle passait le cap de la première année, ce qui n'était pas encore dit. Elle ne parlait pas beaucoup de tout cela, parce que mine de rien, ils étaient en concurrence et qu'elle ne voulait pas avoir l'air plus timorée. Que Virgil ramène tout cela d'un simple persiflage la rendait dingue. Elle sentit ses joues chauffer et elle lui jeta un regard sombre. Elle avait envie de l'insulter. Elle se retint.

- Tu ne sais pas de quoi tu parles, siffla-t-elle entre ses dents.  

Pour l'instant, ses formateurs n'avaient jamais parlé d'un manque de sang-froid, elle s'était toujours bien débrouillée en stage... Il faut dire que ses patients n'essayaient généralement pas de la rendre dingue ! Lors de son stage de premiers secours, avec les ambulanciers, James lui avait dit qu'elle en avait, du sang-froid, qu'elle avait bien géré leurs situations d'urgences... Mais il n'était pas forcément objectif, songea-t-elle, elle le savait. Toutes ces pensées l'agitaient et elle en voulait à Virgil de la mettre dans des états pareils, sur son lieu de travail en plus ! Et dire qu'elle allait devoir passer Noël avec lui... Elle n'en n'avait vraiment pas envie. Si elle avait pu, elle aurait demandé à travailler ce jour-là juste pour l'éviter. Qu'il tente de lire son Pear, abandonné sur le bureau, fut la cerise sur le gâteau. Elle se jeta dessus pour empêcher qu'il s'immisce un peu plus dans sa vie privée, le regard noir et la voix acerbe. Lorsqu'il lui demanda de se calmer, elle considéra très sérieusement son envie de lui jeter un sort. Elle ne pouvait malheureusement pas parce qu'elle n'allait pas compromettre la réussite de son stage à cause de Virgil Forbes, cela lui ferait trop plaisir. Elle savait bien qu'il s'amusait et qu'il mourrait d'envie d'aller raconter à ses petits copains comment il avait fait tourner Marlene Barclay en bourrique. Abruti, abruti, abruti, troll, gros troll, fond de chaudron brûlé, botruc éborgné, cognard, gros cognard, énorme cognard, sac à gargouilles, vieil hibou rabougri, espèce de limace écrasée. Déblatérer autant d'insultes dans sa tête ne la calmait pas mais au moins, cela la retenait de crier. Elle se contentait de fusiller Virgil du regard.

- C'est ça, lança-t-elle abruptement quand il déclara qu'il allait la laisser. Casse-toi, ajouta-t-elle dans sa tête.

Les épaules tendues, crispée, elle le regarda se traîner hors de l'infirmerie avec un air tout à fait satisfait qui donnait envie de lui filer des claques. Elle le suivit du regard, sans répondre à sa dernière petite pique. Le pire étant que, si ça se trouve, il était effectivement content de l'avoir vue pour pouvoir l'enquiquiner. L'utilisation finale du surnom lui fit lever les yeux au ciel. Elle n'y couperait plus jamais à celui-là. La porte se referma et elle laissa échapper un long sourire, ses bras retombant le long de son corps. Elle se détendit enfin, le coeur battant à toute vitesse. Malheureusement, son accalmie ne fut que de courte durée. La lourde porte en bois s'ouvrit de nouveau pour laisser apparaître le visage de l'enfer de Virgil.

-  Au fait, fais un bisou à James de ma part.

Il avait vu son Pear. Marlene lutta de toutes ses forces pour retenir un geste vulgaire avec sa main. La porte se referma, enfin. Elle le détestait. Elle le détestait sincèrement et pourtant, il y avait beaucoup de gens qu'elle n'aimait pas. Elle laissa échapper une exclamation de rage, furieuse. Elle en avait les larmes au yeux. Abruti, abruti, abruti.