La reine des neiges [PV Casey]

"Hamilton et...Keller"

Sasha observa Cindy se retourner pour faire un signe timide de la main à Kathrina Keller, assise deux rangs plus loin, et reporta son attention sur le Professeur Addock qui continuait de former les binômes pour l'exposé de fin de premier trimestre. Les Serpentard étaient mélangés aux Poufsouffle pour les cours de potions, et la jeune fille voyait la liste de ses partenaires potentiels s'amenuiser de façon dramatique.

"Benson et..."

La préfète releva les yeux vers son professeur et implora silencieusement Merlin. Elle voulait bien de n'importe quel partenaire, sauf lui. Elle acceptait même de se retrouver seule. Tout sauf lui.

"Forbes !"

Merci Merlin. Vraiment. Sasha laissa échapper un soupir et cacha sa tête entre ses mains alors que des éclats de rire s'élevaient dans son dos. Bien sûr, toute sa promotion avait appris sa rupture avec Casey, et ses camarades semblaient trouvé ce binôme d'exposé particulièrement drôle. Bande d'imbéciles. Décidée à ne pas montrer à quel point elle était bouleversée, la Serpentard redressa la tête et fit comme si elle n'entendait rien des bavardages qui lui parvenaient des autres rangées.

Casey et elle étaient séparés depuis deux semaines mais leur dernière conversation lui restait en travers de la gorge. Elle avait vite réalisé que le Poufsouffle ne lui manquait pas tant que ça. Ce n'était pas tant la présence de son petit-ami qu'elle regrettait que toutes les illusions qu'il avait emmené avec lui. Il avait affirmer qu'il n'était pas "comme elle", mais que sous-entendait-il par là exactement ? Et si elle ne trouvait jamais quelqu'un comme elle ? Etait-elle condamnée à la solitude pour le restant de ses jours ?

Les rumeurs qui circulaient au sein de l'école ne l'aidaient pas vraiment à se rassurer. En voyant que le couple s'était séparé, tout le monde avait assumé que c'était Sasha qui avait quitté Casey, et la Serpentard n'avait pas démenti -en partie parce que presque personne n'était venue lui en parler directement, et en partie parce qu'elle préférait de loin cette version de l'histoire. Elle avait pourtant parfois hésité à rétablir la vérité tant les murmures qu'elle entendait sur son passage étaient blessants. On disait qu'elle avait du traumatiser le pauvre Casey, que c'était à cause d'elle qu'il était bizarre depuis la rentrée, qu'elle était folle de toute façon.

La préfète s'efforçait de ne pas y accorder d'importance, et mettait un point d'honneur à agir comme si tout allait très bien. Ses notes n'avaient jamais été si hautes, elle avait redoublé d'investissement dans tous les clubs où elle était inscrite et arborait un air parfaitement serein. Intérieurement pourtant, elle était en proie à une grande remise en question et ressentait parfois le besoin de tout envoyer balader. Elle avait des accès de colère dont elle ne laissait jamais rien paraitre mais qui lui donnait envie de tout jeter par les fenêtres, et parfois de se jeter avec.

Lorsque le professeur annonça la fin du cours, Sasha mit volontairement plus de temps que d'habitude à ranger ses affaires. Elle était installée au premier rang, comme à son habitude, et entendit progressivement la salle se vider.

"Bonne journée professeur !" lança-t-elle avec un sourire poli pour son enseignant, qui passait devant elle alors qu'elle refermait son sac.

Comme elle l'avait espéré, la salle fut bientôt vide, à l'exception de Casey qui paraissait l'attendre quelques rangs plus loin. La vision du jeune homme lui serra le coeur et réveilla sa colère. Sasha expira longuement pour se contraindre au calme et se dirigea vers son ex petit-ami en s'efforçant de ne pas laisser transparaître la moindre émotion.

"Salut, souffla-t-elle d'une voix moins affirmée qu'elle ne l'aurait voulu. Je rédigerai le devoir, reprit-elle un peu plus fort. Et je ferai la plus longue partie à l'oral. Personne n'avait envie d'entendre Casey bafouiller pendant vingt minutes, et surement pas lui-même. Je t'enverrai ta partie par Pear."

La jeune femme n'avait aucune envie de passer de longues heures à la bibliothèque avec le Poufsouffle, et était certaine que ce sentiment était partagé. Elle avait l'habitude d'être celle qui travaillait le plus dans les travaux de groupe et ne voyait aucun inconvénient à rédiger ce devoir toute seule. Ainsi ils auraient une excellente note et n'auraient pas à s'adresser la parole, tout le monde était gagnant.

Sasha prit sur elle pour en pas soupirer bruyamment alors que Casey commençait à bégayer. Ce qu’elle avait toléré pendant leur relation -et parfois même trouvé attendrissant- lui était désormais insupportable. Sa seule envie était de mettre fin à cette discussion au plus vite et de s’enfermer à la bibliothèque pour se plonger dans son travail et ne plus penser à rien d’autre. Là où certains trouvaient des échappatoires dans le sport ou à travers une quelconque expression artistique, la préfète fuyait ses problèmes en s’investissant encore davantage dans ses études.

Malheureusement, cet échappatoire qu’était son travail scolaire était sur le point de devenir une épreuve supplémentaire. En bon Poufsouffle qu’il était, Casey tenait évidement à faire sa part de leur exposé. Sasha n’était pas vraiment surprise, elle s’était attendue à cette réaction, mais elle avait secrètement espéré qu’il aurait trop peur d’elle pour s’opposer à sa suggestion. N’était-ce pas pour cette raison qu’il l’avait quitté ? L’adolescente hésita un instant à argumenter davantage et à faire pression sur son petit-ami pour qu’il accepte de lui déléguer le devoir, mais les rumeurs qu’elle avait entendues sur son passage ces derniers jours, à propos de ses soi-disant tendances tyranniques, eurent raison de cette volonté et elle capitula.

« D’accord, lâcha-t-elle finalement en posant -un peu brusquement- son sac sur la table. J’ai une heure de libre aussi…»

Elle aurait difficilement pu paraitre moins enthousiaste alors qu’elle se laissait tomber sur la chaise à côté de Casey et ouvrait son sac pour en sortir un vieux rouleau de parchemin un peu abimé et une plume auto-encreuse.

« Le philtre de mort-vivante, donc » commença-t-elle en inscrivant rapidement le sujet de leur exposé en haut de la page.

Elle n’avait aucune envie d’échanger des banalités et préférait se plonger immédiatement dans le devoir. Elle ne voulait pas savoir comment il allait, elle ne voulait pas revenir sur ce qui s’était passé, elle ne voulait plus y penser. Jamais. Elle avait été honnête avec lui, lui avait révélé ses pires secrets, et il l’avait quittée. C’était fait, c’était fini, c’était de l’histoire ancienne. Est-ce qu’elle lui en voulait ? Evidement. Mais il était hors de question qu’elle lui montre à quel point il l’avait blessée. Elle ne voulait plus jamais partager ses sentiments avec lui, ou avec qui que ce soit. C’était visiblement quelque chose qui ne lui réussissait pas.

« J’ai déjà lu le chapitre concerné, commença-t-elle, les yeux résolument fixés sur sa feuille. On n'apprendra à le préparer que l'année prochaine mais il y a quelques pages sur le sujet dans notre manuel. Evidement l’introduction devra présenter la potion et son utilité -c’est un puissant somnifère, expliqua-t-elle en parlant un peu trop vite. Ensuite je me disais qu’on pouvait faire deux parties : une consacrée à l’élaboration de la potion, avec les différents ingrédients, leur dosage, les manipulations les plus délicates, les risques en cas d’erreur de dosage ou de cuisson... »

Elle inscrivit « Préparation de la potion : instructions et risques associés » sur le parchemin, sans relever la tête pour recueillir l’approbation de son camarade.

« Et une deuxième partie sur la réglementation de l’usage de la potion, suggéra-t-elle en ajoutant le titre sur la feuille. Elle a longtemps été interdite à cause des risques importants en cas de surdosage. Une goutte aide à s’endormir, deux gouttes plongent dans un sommeil très profond de plusieurs heures, et à partir de trois goutes la potion est potentiellement mortelle, récita-t-elle en se remémorant les pages qu’elle avait lu sur le sujet quelques jours plus tôt. Les meurtres au philtre de mort-vivante seraient même assez fréquents, apparement… »

Elle s’arrêta là en réalisant que leur dernière conversation avait justement été à propos de meurtres, et qu’elle ne s’était pas très bien terminée. Elle se mordit la langue pour ne pas lancer une remarque acerbe sur le fait que Casey serait surement incapable de gérer cette partie de l’exposé, lui qui avait une éthique et une morale si irréprochables, et garda le silence un instant.

« Je peux faire cette partie, lança-t-elle finalement d’une voix moins assurée qu’auparavant. Tu n’as qu’à faire l’autre, si ça te va ? »

Pour la première fois depuis qu’elle s’était assise elle s’arracha à la contemplation de son rouleau de parchemin pour interroger le jeune homme du regard. Elle avait beau s'efforcer de dissimuler ses émotions, ses deux yeux clairs brillaient d'une colère glaçante.  

Casey Forbes

Sasha se sentit troublée quand les yeux de Casey rencontrèrent les siens. Toutes les émotions négatives qu'elles s'efforçaient de contenir depuis qu'ils s'étaient retrouvés seuls lui remontèrent brusquement dans la gorge et elle lutta pour ne pas détourner le regard. Elle aurait été incapable de dire si elle avait envie de fondre en larmes ou de lui coller une gifle, mais elle ne supportait plus leur proximité.

Elle aurait voulu garder la tête froide et ne pas se laisser atteindre par leur rupture. Elle n'avait toujours eu que du mépris pour ces filles ridicules qui mettaient plus de trois mois à se remettre d'une séparation et qui pleuraient à longueur de journée. Elle s'était accordé trois minutes, en sortant de la salle de classe dans laquelle ils s'étaient disputé pour évacuer la tension et la colère, pas une de plus, avant de se reprendre. Elle avait décidé de se concentrer sur ses études, et de ne plus y penser. Elle ne voulait pas laisser cette histoire stupide lui gâcher la vie et la distraire de ses objectifs, mais c'était bien plus facile à dire qu'à faire.

Chaque fois qu'elle voyait Casey son coeur se serrait et les derniers mots de leurs conversation lui revenaient en tête. Elle se détestait d'être si faible, et elle lui en voulait à lui, d'être là pour lui rappeler leur échec en permanence, pour la renvoyer à sa solitude. La préfète laissa quelques secondes de silence s'écouler, luttant contre le besoin urgent de déverser toute cette colère au visage de son ex-petit-ami, qui finit par prendre la parole pour balbutier qu'il aurait aimé que leur histoire se termine autrement.

Sasha encaissa sans laisser apparaitre le moindre signe extérieur de réaction mais Casey venait d'attiser sa haine à un tel point qu'elle aurait été capable de l'étrangler pour le faire taire. Il aurait aimé que cela se termine autrement. Et alors ? Elle n'en avait rien à faire, de ce qu'il aurait souhaité. C'était trop tard, il avait pris sa décision. Les choses s'étaient terminées comme il les avait terminé, et il n'y avait qu'à lui qu'il pouvait s'en prendre.

Elle ne supportait pas son regard penaud, son ton hésitant, comme s'il était réellement triste de cette situation qu'il avait lui-même provoquée. Il n'avait pas le droit d'être malheureux, pas quand c'était elle qui avait été abandonnée. Que toute l'école le plaigne en pensant qu'elle l'avait larguée était une chose -et elle s'en accommodait plutôt bien- mais il ne pouvait pas lui jouer ce numéro à elle. Elle savait ce qui s'était vraiment passé, et il n'était pas la victime dans cette histoire-là.

"Tu aurais peut-être dû y réfléchir avant alors, répliqua-t-elle, cinglante, la gorge nouée. Ça s'est terminé comme tu l'a voulu," ajouta-t-elle d'une voix moins assurée.

Elle n'arrivait plus à le regarder dans les yeux et dut fixer la table entre eux pour empêcher les siens de se remplir de larmes. Assaillie par des émotions qu'elle avait de plus en plus de mal à retenir, elle replia prestement sa feuille de parchemin dans l'intention de quitter la salle au plus vite.

"C'était ta décision, ne viens pas t'en plaindre."

Elle attrapa son sac, qu'elle avait posé au sol et y rangea maladroitement sa plume et le parchemin sur lequel elle avait inscrit le plan de leur exposé. Elle se leva mais s'arrêta face au jeune homme, dont elle fuyait toujours le regard pour dissimuler ses yeux larmoyants.

"C'est bon, pour la répartition de l'exposé ?"

Elle savait qu'elle ne tiendrait pas une minute de plus de cette conversation avant de fondre en larmes ou de lui hurler dessus, et préférait y mettre un terme pour sauver le peu de fierté qu'il lui restait.

Casey Forbes

Sasha haussa les sourcils, offusquée, quand Casey affirma que ce n'était pas de sa faute. Elle n'avait jamais insinué que cela puisse être le cas. De quel droit considérait-il qu'elle devait se sentir coupable ? Pensait-il, au fond de lui, qu'elle était responsable de cette situation. L'adolescente contenait de plus en plus difficilement sa colère et tira violemment sur son sac quand le Poufsouffle posa une main dessus pour la retenir, et dut lutter contre l'envie de le lui lancer au visage.

"Je voulais juste te dire que tu …tu n’as pas à te remettre en question..."

L'adolescente considéra un instant son ex-petit-ami en silence, abasourdie, en essayant de faire taire cette voix intérieure qui la suppliait de l'égorger, avant d'éclater d'un rire glacial, presque dément, face à tant d'audace.

"Oh, mais comme c'est gentil ! répliqua-t-elle, acide, le regard noir. C'est exactement ce que j'avais besoin d'entendre, je me sentais tellement perdue et coupable... Heureusement que tu es là pour me dire comment gérer cette situation ! Ça va beaucoup mieux maintenant ! "

Comment osait-il ? Comment pouvait-il venir la voir et lui servir ce genre de discours de réconfort ? Elle n'avait pas besoin de ça, elle n'avait pas besoin de lui, et la simple idée qu'il puisse penser le contraire la rendait folle de rage. Elle lui en voulait tellement qu'elle aurait voulu le frapper, lui faire du mal, pour le faire payer. Elle serra les poings si fort qu'elle sentit ses ongles s'enfoncer dans la paume de sa main. Elle tressaillit de colère quand il déclara avec un certain fatalisme que ça n'aurait jamais marché entre eux, et qu'elle le savait bien. Evidement qu'elle le savait. Evidement qu'ils n'étaient pas faits l'un pour l'autre. Mais était-ce une raison pour la quitter au seul moment de leur relation où elle aurait eu besoin de lui ?

Au fond, ce n'était pas tant pour leur séparation qu'elle lui en voulait. C'était pour les aveux qu'il lui avait arrachés juste avant. Elle le détestait de l'avoir poussée à la confidence. Et elle se haïssait encore plus de s'être montrée si vulnérable face à un garçon qui l'avait abandonnée quelques minutes plus tard. Elle aurait donné n'importe quoi pour reprendre tous les secrets qu'elle lui avait confiés, pour que ce moment de complicité n'ait jamais existé. Elle se sentait profondément trahie, et abandonnée une nouvelle fois. Elle se retrouvait seule, et en proie à une rage dévastatrice qui lui donnait envie de hurler.

"Si tu le sais si bien, pourquoi tu n'es pas parti plus tôt, hein ? riposta-t-elle en haussant la voix malgré elle. Pourquoi attendre ? Pourquoi me dire que "tu peux tout entendre", que je peux te faire confiance, si c'est pour me quitter ensuite ? s'écria-t-elle d'une voix étranglée. Tu t'es foutu de moi, Casey, reprit-elle plus bas, le souffle court. Je te déteste."

Elle aurait voulu rester complètement indifférente, et n'en avoir rien à faire. Elle aurait préféré l'oublier et le laisser sortir de sa vie aussi rapidement qu'il y était entré, mais elle en était incapable, pas après tout ce qu'elle lui avait dit. Et elle le détestait un peu plus à chaque geste qu'il faisait vers elle. Elle lui en voulait tellement que c'était physiquement douloureux de contenir toute cette violence. Elle aurait pu le tuer.

Casey Forbes

Fin pour Casey