20 Novembre 2010

«  Viens me faire un bisou! Viens là ! Brave bête ! »
D’un bond, le fléreur grimpa sur les cuisses de son maitre accroupi. La grosse paluche d’Angus s’écrasa sur le pelage ocellé d’Accio qui résista avec bonheur à la pression.

« Bah oui moi aussi je suis content de te retrouver ! » reprit Angus en offrant le creux de son cou au câlin du fléreur ronronnant. Il se releva, gratouilla l’arrière des oreilles d’Accio  et fit quelques pas dans la cage du flénil, l’animal blotti dans ses bras. Il devait en profiter. Les calins d’Accio ne duraient généralement pas plus de quelques minutes tant le félin retrouvait vite son instinct solitaire et indépendant. Angus déposa un baiser sur son crâne tigré et profita de cette parenthèse enchantée.

Accio était obligé de passer la nuit au flénil de la brigade et même si Angus aurait préféré pouvoir le ramener chez lui, il se pliait à cette règle et abandonnait, chaque soir, son fidèle acolyte dans sa cage. D’ailleurs son coéquipier à quatre pattes ne tarda pas à se lasser des caresses de son maitre. Il sauta au sol et alla se positionner devant la porte de la cage, les deux pattes avant contre la grille, de toute évidence impatient de sortir.

« Non Accio. Pas ce matin. Je suis au bureau aujourd’hui. »
Le fléreur laissa échapper  un miaulement aigu.
« Oui je sais mais c’est comme ça. C’est pas moi qui choisit. »
Le petit animal vint se frotter docilement contre ses jambes.
« Non mais ça ne sert à rien ton numéro de charme là. Expliqua Angus, je suis au bureau. »

Les animaux, magiques ou non, n’étaient pas autorisés dans l’enceinte des locaux de la Milice et Angus avait une montagne de rapports en retard à rédiger. Il ne pouvait plus y couper. Cela faisait plus d’une semaine qu’il laissait trainer l’aspect administratif de son travail en se portant volontaire sur toutes les missions de terrain. Le lieutenant en chef de la brigade Fléro-technique l’avait même interdit de participer à l’intervention du jour mais le brigadier n’avait pas résisté à l’envie de venir saluer son acolyte à poils avant d’aller s’enfermer au Ministère.

Voyant que son maitre n’allait pas changer d’avis, la réaction d’Accio ne se fit pas attendre : le petit félin cracha de colère, donna un coup de patte dans les airs et alla se réfugier dans sa caisse.

« C’est ça ! Boude ! »grommela Angus en secouant la tête. Il épousseta rapidement sa cape violette –sans parvenir à chasser un seul poil de fléreur qui y était logé- puis il quitta la cage.

« Je reviens ce soir. On ira se balader. »

Pour toute réponse, Accio laissa échapper un miaulement aussi menaçant que lugubre qui tira un vague sourire à Angus. Quel sale caractère celui-là ! Le brigadier traversa le flénil, sous les miaulements des autres fléreurs et rejoignit d’un pas lourd l’armoire à disparaitre du local. Elle était reliée directement au département de la Justice Magique pour faciliter la réactivité des agents lors des interventions. Angus pénétra dans l’armoire et ressortit dans le couloir principal du département, desservant les bureaux de la PM, des Aurors et de la Milice. Partout autour de lui des sorciers et des sorcières en uniformes rejoignant leurs différents services.

«  HÉ, LES GARS ! lança Angus en avisant ses anciens collègues de la Police avec lesquels il prenait une Kinness chaque soir au "Mirror Of Erised" , QUI EST-CE QUI VA VOUS METTRE LA PÂTÉ CE SOIR AUX FLÉCHETTES MAGIQUES ? » fanfaronna-t-il, très fier de lui.
« Arrête ça Angus ! Si la Milice a gagné l’autre soir c’est uniquement grâce à votre petite lieutenante ! »
« Tu rigoles ! J’ai mi 400 points à moi tout seul ! » répliqua-t-il en frappant bruyamment son torse de son poing. Il partit d’un grand rire rauque, rire qui mourut sur ses lèvres lorsqu’il arriva au contrôle d’entrée des locaux de la Milice. Finie la rigolade. Angus présenta son badge, sa baguette et passa au détecteur de polynectar avant d’avancer au milieu des bureaux de ses collègues, beaucoup trop serrés les uns aux autres à son gout. Il était parfois obligé de progresser à pas chassés dans les allées pour rejoindre le sien, et cela n’avait absolument rien à voir avec son poids, voyons.

« HÉ, CRIMSON ! Tu as vu ce qu’ils ont fait hier les Canons ? »

Non, il ne cherchait pas du tout à gagner du temps avant de rédiger sa dizaine de rapports. Absolument pas.

« C’était un chouette match Angus, répondit poliment le milicien avant de se replonger dans un épais dossier. Angus afficha une petite mine déçue. Ok, il était déjà 9h passées mais ils pouvaient bien prendre le temps de discuter un peu de quidditch avant de se mettre au travail non ? Le Maitre-Fléreur arriva finalement à son poste, la mine maussade. Il déposa son déjeuner sur la table –un énorme sandwich bien gras- et son gouter –un sac de mini-viennoiseries- dans un coin de son bureau. Ce dernier était recouvert d’un tas de parchemins et, surtout, d’un rappeltout rouge sang qui lui tira une grimace. Angus connaissait parfaitement l’identité de la personne qui avait déposé cet artefact magique sur ses dossiers en cours. Tout en observant la porte ouverte du bureau de Danielle Coleman, le milicien ôta sa cape violette et poilue, dévoilant son pantalon taché des empreintes d’Accio et sa chemise un peu trop ajustée. Il boutonna à contre cœur le bouton du haut sur son cou de taureau et prit place sur son siège trop petit pour sa carrure épaisse.

Bon, bon, bon. Par où commencer ? songea-t-il en tapotant ses doigts sur le bois.

Ses dossiers et autres notes se mirent alors à trembler et un écran magique sortit de la pile posée sur son bureau pour venir se positionner face à lui, immobile dans les airs.  Angus observa l’objet d’un air suspicieux-encore un truc moldu- avant de regarder tout autour de lui. De toute évidence, ses collègues étaient tous en train d’utiliser ce nouvel équipement. Certains tapaient leurs rapports, d’autres semblaient en pleine visioconférence avec des miliciens sur le terrain.

Cela lui revenait maintenant : Il avait reçu une note alors qu’il était sur le terrain. Vargas Corp avait enfin livré les tablettes technomagiques –Les PearPro, mi-ordinateur, mi Pear-  censées équiper tous les miliciens et sur lesquelles ils allaient devoir taper leurs rapports et communiquer en crypté sur l'application Netflics. Si ses souvenirs étaient bons, il était question d’identifiants et de mots de passe qu’il recevrait ultérieurement et d’une formation qui avait lieu… -Angus ouvrit son agenda de poche-…. le 17 novembre. Trois jours plus tôt.
Bravo. Bien joué.

Le brigadier afficha un sourire sans joie. Il la sentait bien cette journée. Très bien. Parfaite. Au poil.

« Bordel …» grommela-t-il pour lui-même en appuyant sur le seul bouton du PearPro. Une animation holographique léchée apparut avant une page d’authentification à Netflics requise. Angus souleva absolument  tous ses dossiers un à un à la recherche de la procédure à suivre, en vain. Bien… Il allait devoir se résoudre à demander de l’aide.  Le brigadier releva les yeux juste au moment où Avalon Davies passait dans le Service. Il ne la connaissait pas plus que ça mais la jeune lieutenante lui avait fait bonne impression –Il l’avait vu boire une Kiness au pub –le top des bières irlandaises- et elle avait assurée aux fléchettes lors de la rencontre PM/Milice- c’était largement suffisant pour qu’il se décide à l’interpeler.

« HÉ, LIEUTENANT ! dit-il de sa voix forte en levant le bras au dessus de lui pour lui faire signe d’approcher, Vous pouvez venir voir s’il vous plait ? » Il attendit qu’elle soit à sa hauteur pour lui montrer l’écran d’accueil de sa main cagneuse, Qu’est-ce que je dois faire là ? Comment je m’authentifie ? J’ai rien reçu moi, expliqua-t-il en tournant la tête vers elle, Je veux bien rédiger mes rapports en retard mais si on nous met des baguettes dans les roues ça va être compliqué, ajouta-t-il plein de mauvaise foi, En plus, ces trucs moldus… -il afficha une moue passablement écœurée-…ça me parle pas trop. »
Il espérait sincèrement qu’Avalon Davies allait pouvoir l’aider. Angus posa une main sur le dossier de son siège, prêt à se lever :
« Si vous voulez je vous laisse ma place. »

La lieutenante ne tarda pas à faire remarquer à Angus qu’il n’avait pas assisté à la formation concernant les équipements neufs de la Milice. Formation durant laquelle on avait distribué les codes d’identification du nouveau logiciel crypté. Évidemment.
Plutôt que d’admettre qu’il avait complètement oublié cette réunion et de s’excuser, le milicien gratouilla sa barbe hirsute et expliqua:

« Non… J’étais en intervention le 17, il releva les yeux vers Avalon,  L’interpellation de Chaporouges pour le  trafic de Mona Lisa. » crut-il bon de préciser. Il n’avait pas été convoqué pour cette opération (surement parce qu’il aurait du être présent à la formation ) mais, sachant qu’une journée au bureau l’attendait, il s’était porté volontaire comme renfort omettant totalement cette réunion Netflics. Angus était du genre sélectif. Autant il pouvait se souvenir de minuscules détails autant il oubliait volontiers ce qui ne l’intéressait pas.
S’il était réellement sincère avec lui-même, il devait avouer qu’ il ne regrettait pas vraiment. Rester enfermé toute une journée à écouter un employé de chez Vargas déblatérer son jargon mi-moldu mi-magique ou se confronter à l’un des gangs les plus actifs du pays, il n’y avait pas photo ! De plus, la brigade Fléro-technique s’était  particulièrement illustrée lors de cette mission. Les sortilèges de révélation s’étaient révélés inefficaces pour faire apparaitre la drogue –sans doute était-elle protégée par des contre-sorts- mais l’odorat et la clairvoyance d’Accio et des autres fléreurs avaient permis de mettre la main sur plus de 10 kilos de marchandise. C’était d’ailleurs ce rapport –parmi d’autres- qu’Angus devait rédiger en urgence aujourd’hui grâce aux codes que Davies allait gentiment lui donner. Que Merlin la bénisse.

Le Milicien s’appuya sur son bureau , le menton coincé dans sa paume et attendit patiemment qu’elle trouve les identifiants dans son livret. C’était un joli brin de fille, plutôt agréable à regarder. Il avait déjà fait ce constat à son arrivée à la Milice : Entre Davies, Weaver et Coleman, les accromentules possédaient le service le mieux loti de la Justice Magique. D’ailleurs, Angus ne se gênait pas pour chambrer ses ex- collègues de la P.M à ce sujet. Il était justement perdu dans la contemplation des courbes de sa lieutenante lorsqu’une voix le tira de sa rêverie. Celle de Danielle. Ne venait-elle pas de le prendre en flagrant délit?

Peut-être. Le Milicien se redressa légèrement tandis que les deux femmes échangeaient entre elles à propos d’un rapport (encore eux !). Il tirait distraitement sur ses poils de moustache lorsque le regard de la chef de la Milice se posa enfin sur lui, puis sur Avalon.

"Tout va bien ?"

En toute honnêteté, Angus était  peu désireux de s’appesantir sur ses soucis informagiques qui mettaient en lumière ses manquements à ses devoirs de milicien. Il s’apprêtait à répondre une banalité du genre « Au poil, chef ! » lorsque Davies le prit de cour en affirmant qu’il n’avait pas reçu la convocation pour la formation Netflics, ce qui était parfaitement faux, ils le savaient tous les deux. Angus n’en demandait pas tant de la part de sa lieutenante mais il apprécia le geste à sa juste valeur.
La Milice nourrissait un esprit assez corporate et même si certaines individualités cherchaient à se détacher –Coucou Doreen- d’autres s’assuraient d’entretenir  un esprit d’entraide et de cohésion dans le groupe absolument nécessaire surtout lors des interventions musclées.
Angus n’était pas complètement stupide : C ouvrir sciemment son oubli  était aussi une manière de le rendre redevable. Toutefois, cette perspective ne l’inquiétait pas plus que ça. Au pire, Davies lui demanderait de faire des heures sup et il ne pourrait pas refuser. Voilà tout.

« Bonne journée chef ! » répondit-il à Danielle lorsqu’elle s’éclipsa, visiblement satisfaite des explications d’Avalon. Bien. Il allait enfin pouvoir se consacrer à son activité préférée, songea-t-il ironiquement en attrapant le post-it qu’Avalon lui tendait sur lequel était inscrit son nom, son prénom suivi d’une suite de caractères runiques. Il rentra l’ensemble sur le clavier holographique qui était apparut devant lui et fut soumis à une série de test de reconnaissance visant à authentifier sa connexion : Reconnaissance faciale, vocale puis magique. Il paramétra le nouveau sort d’ouverture « Pearo Aperio ! » et, enfin, l’interface de Netflics se matérialisa.
« Miracle ! » lâcha- t-il en se gardant de faire remarquer qu’il  aurait eu le temps de rédiger un rapport durant tout ce processus, Merci ! » dit-il sincèrement en se tournant vers Avalon. Il aurait surement perdu trois fois plus de temps sans son aide.  
"Vous avez presque de la chance que je sois née-moldue, dis donc," révéla-t-elle alors comme pour le narguer.
« Vous ? s‘étonna Angus en la détaillant de bas en haut. D’habitude, il arrivait à reconnaitre les nés-moldus rien qu’en les observant. Ils avaient ce petit côté décalé, cet accoutrement bizarre et ce vocabulaire étrange qui mettait Angus mal à l’aise : magnétoscope, moteur à injection, radiateur électrique,… tant de mots dont il ignorait le sens et la fonction et qui semblaient bien barbares à ses oreilles profanes. C’est simple, à chaque fois qu’il entendait parler des moldus, il avait l’impression qu’il était question de futurs attentats mardoliens ! Avalon Davies cachait particulièrement bien ses origines et Angus ne se gêna pas pour le lui faire remarquer :Vraiment ? Vous faites pas… Il agita frénétiquement sa main devant son visage de haut en bas plusieurs fois et afficha une moue tombante…. J’aurais pas cru. » ponctua-t-il, mi bluffé mi méfiant,  « Enfin, allez pas croire que j’ai quoi que ce soit contre les moldus ! » rectifia-t-il en sentant qu’il s’enlisait quelque peu, C’est juste qu’on est très différents, eux et nous. »

Deux cultures incompatibles, songea-t-il en reportant son attention sur l’interface holographique qui affichait une multitude d’onglets :  Hiboupostage, Parchemins, Plumes à tapote, Registres divers & variés mais surtout variés -abrégé en RDVV-, Duplication Express, Beuglante(s) (clignotant en rouge vif sur son écran holographique) et j’en passe…
Les yeux d’Angus  s’arrondirent et son front se froissa de rides horizontales.
« Et ce truc, c’est censé nous faciliter la vie ? »
"Vous avez besoin d'aide pour prendre en main le logiciel ?"
« Non, je vais y arriver Lieutenant, merci, répondit-il  en tapotant sa baguette sur chaque onglet pour afficher des animations en trois dimensions de tableaux compliqués, de fichiers de suspects représentés en grandeur nature ou encore de boite de réception affichant des enveloppes holographiques épinglées du  portrait animé de certains collègues (D’ailleurs, ce n’était pas le meilleur profil de Galahad Thorne sur cette animation),  J’avais justement  prévu d’arrêter d’avoir une vie sociale pendant approximativement dix ans .» dit-il sans quitter des yeux les hologrammes, Vivre reclus avec mon PearPro comme seul compagnon. » Silence. "Entamer une relation amoureuse totalement exclusive avec lui"  Nouveau silence puis un soupir d’impatience.

Angus leva la tête pour chercher Avalon du regard , Dites moi juste où je dois rédiger ses putains de rapports et après je vous laisse tranquille, promis, » capitula-t-il en la suppliant du regard.

« Ah, Coleman aussi est … » Angus  évita de réitérer son geste et il laissa volontairement mourir sa question. De toute évidence, il avait quelque peu froissé Davies -Ce qu’ils pouvaient être susceptibles ces moldus- aussi il n’insista pas davantage et reporta son attention sur l’écran tandis qu’Avalon s’obstinait à entretenir le sujet en convoquant, dans leur conversation, divers objets moldus inconnus au bataillon. Angus plissa le nez et releva lentement les yeux vers sa supérieure hiérarchique, ses paupières semblables à deux fentes: Aux vues du sourire en coin d’Avalon,  elle se fichait de lui et cherchait uniquement à le tourmenter avec ses mots tordus.

« C’est du harcèlement ce que vous faite là, Lieutenant.  » répliqua-t-il.

Et puis d’abord, il savait très bien ce qu’était un radiateur. Il avait été obligé d’étudier les moldus pour passer le concours d’entrée dans la Police Magique. Il avait suivi une formation accélérée et ses cours servaient maintenant de paillage dans son poulailler. Les moldus utilisaient les radiateurs pour écrire des e-mails, rédiger des textes, faire des tableaux, bref, c’était approximativement une version moldue du PearPro, PearPro qu’Angus peinait encore à prendre en main, ce qui semblait particulièrement amuser Avalon.

Elle retrouva toutefois son rôle de supérieur en lui faisant remarquer la bêtise de sa démarche. Plus il se portait volontaire pour des missions de terrain, plus il avait des rapports à rédiger. Logique. Bien sûr, vu de l’extérieur, cette entreprise  semblait particulièrement stupide mais Angus avait d’autres desseins. Il espérait s’illustrer assez positivement sur les missions de terrain pour qu’on le décharge un peu du côté administratif. Il acceptait même d’être en  binôme avec un geek complètement couard s’il rédigeait tous les rapports pour lui.

Angus se tourna légèrement sur son siège pour s’accouder sur son dossier et faire face à Avalon :

« Chef, faut que vous compreniez que moi je suis un homme de terrain, expliqua-t-il avec fatalité, Je sais que toute cette paperasse à son utilité –il n’était pas idiot au point de le nier- mais franchement je suis sûr qu’on pourrait faciliter la chose. Pourquoi vous ne demanderiez pas à vos ingénieurs de chez Vargas de plancher  sur un projet de camera combinée à une plume à papote qui rédigerait le rapport en direct sur les interventions ? Hein ? C’est une bonne idée ? non ? Hein ? » insista-t-il en cherchant l’approbation d’Avalon d’un mouvement du menton.

Quand il s’agissait de se faciliter la vie, Angus pouvait se montrer particulièrement inventif. Il voulait bien servir de cobaye pour un prototype de ce genre en tout cas!
En guise de réponse, le lieutenant Davies lui montra un voyant rouge qui indiquait  le nombre de rapports qu’il avait en retard, à savoir six. Angus poussa un long soupir et se massa le front par anticipation. Avec un peu de chance il pourrait faire des copier-coller…encore fallait-il qu’il se souvienne de la formule : Jeter des Expeliarmus, aucun problème, convoquer un controleçé, très peu pour lui.

« Adieu monde cruel. » lâcha-t-il en pointant sa baguette sur le premier lien de la liste « Saisie de 30kilos de Mona Lisa au Leoport de Leopoldgrad » Il s’apprêtait à taper son compte-rendu  (du genre « On a saisi 30 kilos de Mona Lisa dans un containers en provenance de la France. Il était 08h30 environ. Voila. Point Final. ») lorsque un vilain spam holographique se matérialisa devant ces yeux.

« Mais ! » gronda-t-il, sourcils froncés et moue tombante. « Dossier 567, Londres, Davies & Rice, briefing à 11h » lut-il à voix haute. Il regarda sa large montre  -10h50- et laissa fleurir un sourire sur ses lèvres, ravi d’avoir une bonne excuse pour remettre la rédaction de ses rapports à plus tard.

« Ah ben j’ai pas le temps ! » s’exclama-t-il, tout joyeux en écartant les bras en croix, sa chemise ajustée s'échappant de son pantalon. Il entrecroisa ses doigts derrière sa nuque épaisse et se balança sur les pieds arrières de son siège. « Une convocation de Coleman, ça ne se refuse pas ! » dit-il, ravi en reportant son attention sur Davies « En plus on va travailler ensemble, vous et moi. Une première ! » Il n’avait jamais eu l’occasion d’être affecté en binôme avec Avalon et il devait avouer qu’il était plutôt content de ce pairing (si l’on faisait abstraction du côté moldu de la chose.Évidemment.)
« Vous êtes familier du dossier sur les réseaux de drogues dans Londres et sa banlieue ? » s’enquit-elle alors en recouvrant son sérieux.
« Vous voulez dire en tant que Milicien ou en tant que consommateur ? demanda-t-il innocemment. Il esquissa un sourire à sa boutade  et se pencha en avant pour poser les quatre pieds de sa chaise au sol et chercher des parchemins dans sa pile de dossiers encore non-numérisés posés en équilibre précaire sur son bureau.

« Le voila, dit-il en tendant une pochette passablement cornée à Avalon, J’ai travaillé neuf mois sur l’organisation et sur l’organigramme de la Peina Nuestra, le principal gang de Londres en matière de drogue. Filatures, écoutes, fournisseurs, clients, spots de deals,… tout est là dedans. Et c’est très complet. –à l’époque, il avait demandé à Doreen de mettre au propre ses notes griffonnées ça et là et elle avait pondu un tableau Mexcell à six entrées et cent trente pages de rapport. Merci Dodo.

« C’est surement pour ça que Coleman veut me mettre sur le coup , dit-il en se levant de son siège. Il attrapa son sac en papier rempli de mini viennoiseries et en fourra deux dans son gosier d’un seul coup. Il le tendit  à Avalon avant de lui demander, la bouche pleine : Bon. On y va ? »

« Qu’on me convoque et je viendrai. » rétorqua-t-il plein de mauvaise foi «  Vous l’avez dit vous-même à Coleman, je n’ai pas reçu le papier à temps… » ajouta-t-il avec son air le plus innocent qui ne trompait personne et sûrement pas Avalon. Il savait bien que la lieutenante lui avait fait une faveur sur ce coup et il entendait bien ne pas rater la prochaine réunion avec les ingénieurs de chez Vargas (ne serait-ce que pour leur proposer son projet de Plume à Papote connectée).

Leur convocation impromptue dans le bureau de Danielle eut au moins le mérite de clore ce sujet et d’ouvrir des perspectives nettement plus réjouissante pour Angus. Exit les rapports à rédiger, bonjour la nouvelle affaire à traiter !

Le milicien frictionna longuement ses mains entre elles, visiblement impatient de découvrir la tâche que sa supérieure allait lui confier. Il était plutôt familier du dossier de départ –puisqu’il l’avait monté de toute pièce du temps où il travaillait à la PM- mais il se demandait pourquoi la Milice était mandatée sur cette affaire. Généralement, c’était la brigade des stupéfiants de la Police Magique qui gérait ce genre de trafic –Brigade où il avait officié quatre ans de sa vie. Les réseaux de drogue londoniens menaçaient-il les intérêts de l’état ? Angus le saurait bien assez tôt, songea-t-il en se levant de son bureau. Adieu paperasse !

« Et en tant que consommateur, du coup ? »  L’interpela Avalon tandis qu’ils se dirigeaient vers le bureau de Danielle.
« Hum… Est-ce que ce que je vais dire va être retenu contre moi? » répondit-il en bottant volontairement en touche, un vague sourire énigmatique aux lèvres.

Certes, Avalon lui avait fait bonne impression (malgré ses origines moldues) mais il préférait confirmer son intuition positive avant de lui faire trop de confidences. Elle restait sa supérieure hiérarchique et il ne tenait pas à se griller en évoquant son passé lointain de consommateur de mandragore! Il ne fumait plus du tout aujourd’hui mais cela lui était arrivé, dans sa jeunesse. Il avait même essayé la Mona Lisa –pour ne pas mourir bête- et la Volubilis –pour les mêmes raisons-mais ses écarts de conduite appartenaient au passé.

Les deux miliciens débouchèrent enfin devant la porte ouverte du bureau de Danielle. Angus toqua deux fois – surtout pour signaler leur présence à leur cheffe qui était plongée dans un dossier- puis il pénétra dans la pièce pour prendre place sur l’un des deux sièges face au bureau imposant de Danielle. Allait-elle le smouicker ? Rien n’était moins sûr, se dit-il pour lui-même en contenant un sourire amusé.
Au lieu de ça, il reporta son attention sur Avalon qui venait de s’asseoir à côté de lui, admettant, face à une Danielle sévère, qu’elle n’avait pas encore prit connaissance du dossier qui les amenait là.

« Je viens de le lui donner à l’instant, cheffe. » abonda Angus dans un esprit de cohésion.

Il s’accouda sur son siège et commença à gratouiller machinalement sa barbe attendant que Danielle développe les raisons de leur convocation. Il était prêt pour le briefing : Confortablement  installé dans une position fort agréable - proche du manspredding moldu, il fallait bien se l’avouer- et impatient d’en savoir davantage sur cette affaire.

Coleman leurs révéla les grandes lignes du dossier qui les concernait, une histoire d’échange de drogue entre les mondes magique et moldu. Bref, largement de quoi inquiéter les hautes sphères de l’état puisque le maintien du secret magique était directement mi en péril par ces transactions illégales. Voila pourquoi la Milice était directement mandatée pour cette affaire…

« J’ai besoin que vous me montiez un dossier sur ça. On a besoin de véritables renseignements. Quels gangs ? Quels produits passent dans le monde moldu ? Quels sorciers sont en relation avec quels moldus ? »

« On peut commencer à creuser du côté de Jonas Steerling  un docker qui achemine la marchandise depuis l’Europe –il est né-moldu.  Angus réfléchit un instant, Agatha Zabini peut aussi avoir un profil intéressant. » ajouta-t-il en désignant d’un geste du menton le dossier posé sur les jambes de sa collègue. C’est une sang pur reniée par sa famille pour « absence de compétences magiques ».  Le milicien haussa légèrement les sourcils. C’est une  cracmol quoi. Merci pour la traduction, Aux dernières nouvelles elle vivait non loin de la Tête de sanglier, du côté moldu. Et si mes souvenirs sont bons, elle occupait une fonction assez haut placée dans la hiérarchie de la Peina Nostra »  Cheffe des dealers ou sous lieutenant.

Angus avait un très bonne mémoire, pour peu que le sujet l’intéresse (encore fallait-il qu’il retienne bien le bon prénom lors de présentation, bien sûr.) Il pouvait vous citer des extraits entiers  d’affaires vieilles de plusieurs années. Il retenait parfois des détails insignifiants qui pouvaient s’avérer fort utiles le moment venu. Toutefois, il était bien incapable de se souvenir de la date d’une obscure réunion inintéressante –dont on ne citera pas le thème histoire de ne froisser personne.

Sélectif Angus? Si peu !

Quoiqu’il en soit, cette affaire le bottait bien et il était impatient de se mettre au travail. La phase d’enquête et d’investigation était largement sa préférée. Il aimait à penser qu’il aurait pu faire Auror si l’aspect administratif du job n’avait pas été aussi important et si la brigade fléro-technique n’avait pas été exclusivement rattachée à la Police Magique initialement.

Contrairement à la plupart de ses collègues qui avaient toujours voulu être Auror pour enquêter sur les histoires les plus sordides d’Angleterre, Angus était venu à l’investigation sur le tard. Il s’était formé sur le terrain, intervenant en tant que simple Maitre-fléreur au départ, puis acceptant davantage de responsabilités dans les affaires au fur et à mesure des années. C’était sûrement pour ce profil multitâche –« touche à tout, spécialiste en rien », dirait les mauvaises langues- qu’il avait été sélectionné pour rejoindre le corps d’élite de la Milice. Il était le parfait complément des jeunes recrues fraichement formées (et formatées) de l’académie.

«Je pense que le mieux c’est que vous y alliez sous couverture – ce sera le meilleur moyen de  ne pas vous faire prendre. »

« Excellente idée Cheffe ! Comme ça, on pourra jouer le petit couple amoureux, hein lieutenant ! » dit-il en coude-coudant Avalon assise à côté de lui, par contre il va me falloir un brief sur la drogue moldue avant de nous larguer là-bas –et sur la culture moldue en générale, cela dit en passant- Cet aspect là de l’enquête n’était pas le plus réjouissant mais il ne pouvait pas y couper,  Vos indics peuvent faire ça pour nous ? » s’enquit-il en reportant son attention sur Danielle.

Une fois cette information confirmée, il se leva et glissa ses mains dans les poches de son uniforme.

« Bon, ben, moi je suis opé. » dit-il avant de se tourner une dernière fois vers la cheffe de la Milice, un sourire tranquille imprimé sur ses lèvres  « J’imagine que vous vouliez ça pour hier ? »

Danielle était impressionnante, assurément.  On ne savait jamais vraiment  comment elle allait réagir aux remarques hors-cadres et aux tentatives d’humour : Vous recadrer sèchement ? Vous jeter un regard indéchiffrable ? (Comme elle venait de le faire)  Ou, plus hypothétiquement, sourire ? (De mémoire d’hommes, on n’avait jamais vu ça.)

Contrairement à d’autres miliciens  qui ne s’aventuraient jamais sur le terrain de l’humour avec elle – plutôt mourir que de se faire humilier par l’un de ses regards froids- , Angus s’amusait à se frotter à sa personnalité glaciale en lâchant quelques petites boutades, de temps à autres. Avec plus ou moins de succès.  Souvent moins. Visiblement, il était bien parti pour faire un nouveau bide avec son histoire de délais pour la veille.

"Tu en avais besoin pour avant-hier ?"

La surenchère d’Avalon tomba à point nommé. Si Danielle hésitait encore entre, remballer Angus vertement en lui faisant remarquer qu’elle attendait certains rapports depuis nettement plus longtemps que la veille, et, laisser couler, elle opta pour la seconde solution.

« Fichez le camp avant que je vous mette aux archives pour les deux prochaines semaines."

Angus  laissa échapper un petit rire et prit la direction de la sortie sans demander son reste. Il connaissait déjà les ultimes recommandations : Pas de vague. Secret magique. Blablabla. La routine habituelle.
Une fois dans le couloir, il s’arrêta toutefois pour faire face à Davies et montra le coin de sa propre bouche  imperceptiblement surélevé :

« Vous avez vu lieutenant ? Il laissa passer un bref silence, Elle a presque souri.  On était à deux doigts de réussir. » ajouta-t-il, le regard rieur, en indiquant un infime écart entre son pouce et son index.

Il se remit en marche, prenant la direction du service des Fausses Identités qui se situait de l’autre côté du département de la Justice Magique.  Angus finit par imiter  sa cheffe en sortant lui aussi son PearPro. Il lui fallut un peu plus de temps qu’à Avalon pour trouver sa boite Mmail (Elle était cachée derrière une petite icône en forme de hibou) mais il parvint finalement à consulter le dossier en question tout en marchant dans les couloirs désencombrés des notes de service volantes- Notes Numériques, oblige.  Il ne comptait pas l’admettre mais l’outil était assez pratique. Plutôt que de feuilleter les pages d’un épais dossier en risquant d’en perdre la moitié en route, il avait juste à scroller son écran pour tomber sur les photos classées secret-défense de moldus décédés par overdose de psychotropes magiques. Il n’y avait pas de doute possible : Les résidus de poudre violette photographiés sous le nez de cette jeune femme à peine sortie de l’adolescence ressemblaient à s’y méprendre à de la Volubilis.

Angus poussa un soupir et rangea son Pear devant les portes battantes du service des Fausses Identités. Une fois à l’intérieur, il s’appuya  d’un coude sur le comptoir haut, l’autre main posée sur sa taille, tandis qu’Avalon expliquait le motif de leurs venues. Il en profita pour détailler le profil complet de la jeune femme –qu’il qualifia mentalement de ferme et harmonieux- avant de reporter son attention sur le sorcier en charge du service qui lui exposait les détails de sa nouvelle identité.

« Né moldu ? grimaça Angus en attrapant la carte d’identité d’Adam Brown. Il allait encore devoir passer des heures à potasser ces appareils électriques et ces véhicules à essence. De longues, très longues soirées en perspective ! Angus poussa un soupir  à cette idée « Vous pouvez me filer votre manuel du parfait moldu ? » s’enquit-il, soucieux de ne rien laisser au hasard. Conscience professionnelle oblige.

« Il est disponible sur l’application Netflics. Avec des exercices de mises en situation en Réalité Virtuelle Magique. Vous allez-voir c’est drôlement bien fait. Très immersif. » assura l’agent avant de se tourner vers Avalon :

"Et pour vous lieutenant : Vous serez Jennifer Brown, 27 ans, sa femme."

Angus retint un éclat de rire et se tourna vers Avalon, cachant difficilement le sourire que cette situation lui inspirait.

« Je crois qu’on va devoir oublier momentanément le vouvoiement, … N’est ce pas, Jen ? Il fit mine de s’inquiéter de son expression et ajouta, T’inquiète bébé, ça va bien se passer ! »

« Vous êtes une sorcière de sang mêlée, sans emploi, consommatrice de drogues dures magiques depuis votre adolescence. Vous êtes la mère d’une fille de neuf ans issue d’une précédente union, Enola, dont vous n’avez pas la garde. Vous ne la voyez qu’en présence d'une assistante sociale. »

L’agent de la P.M passa en revue les éléments du dossier constitué de documents administratifs et de divers effets personnels à glisser dans le portefeuille de Jennifer Brown.

"Permis de transplaner, Photo d’Enola, Votre photo de mariage, l’att… »

Angus interrompit le geste de l’agent en posant son index sur le photomontage les montrant, vêtus de vêtements de mariés un peu cheap, dans les bras l’un de l’autre.

« Attends. Le sorcier responsable du service leva les yeux vers Angus qui avait subitement perdu de sa bonhomie habituelle au profit d’un expression nettement moins engageante, On y va sous notre véritable apparence ? Comment ça se fait qu’on ne soit pas sous Polynectar ?»
C’était la base pour toute mission d’infiltration.
L’agent ouvrit la bouche, observa un instant Angus avant de  reporter son attention sur Avalon.
« Coleman en a fait la demande, évidemment, mais Goldstein a refusé. C’est lui qui a le dernier mot sur tous les dossiers. » En tant que directeur de département, il était le plus haut placé. «  Il a estimé que vous seriez plus souvent en terre moldue qu’en terre magique,  et que, du coup, vous n’en auriez pas vraiment besoin… »
« Pas vraiment besoin ? gronda Angus. Et on va les trouver comment nos contacts moldus, hein ? On va se balader sur Piccadilly Circus avec notre grille-pain en laisse et on attend que les trafiquants viennent nous aborder en disant qu'il est mignon ?  Il écarta les bras et posa ses deux mains épaisses sur le comptoir, Va bien falloir qu’on aille sur l’Allées des Embrumes à un moment donné ! Non ?  Il réfléchit un peu Goldsein ou c’est trop compliqué pour lui ? s’emporta-t-il avec son franc parler légendaire. Il ne supportait pas l’incompétence de son directeur qui resserrait de plus en plus les budgets de fonctionnement pour être bien vu de Leopold Marchebank, Qu’il vienne un peu avec nous découvrir la réalité du terrain. Angus attrapa les dossiers sous son bras et se tourna vers Avalon,  Je te jure, je vais le voir.» Ce n’était pas des paroles, il était vraiment prêt à dire ses quatre vérités à leur directeur tant il se sentait légitime.

Et, dire qu’Angus était de bonne humeur, initialement. Cette journée aurait pu être vraiment sympathique si Goldstein  n’avait pas décidé de tout gâcher avec son incompétence chronique. Comment pouvait-il les envoyer en mission sous leurs véritables apparences sans se soucier des règles élémentaires en matière de protection des agents ? Les yeux rivés au plafond, Angus secoua la tête, agacé, en entendant les arguments de l’employé en charge des fausses identités. Leur « collègue » préférait visiblement ne pas faire de vagues plutôt que de s’opposer frontalement aux décisions stupides et dangereuses du directeur de la Justice Magique.
"…si vous allez le voir maintenant, vous allez seulement aggraver votre cas."
Le sang d’Angus ne fit qu’un tour en entendant cette remarque.
« Comment ça aggraver notre cas ? » gronda-t-il en reportant vivement son attention sur l’agent. «  Qu’est-ce que tu veux dire par là? » insista-t-il, le regard sombre.

Si Angus pouvait être une vraie crème –il l’était d’ailleurs, la plupart du temps- il ne fallait pas trop l’asticoter non plus. Il avait remarqué très jeune que la gentillesse et la docilité  pouvaient être de très vilains défauts et il avait vite appris à contrebalancer son caractère doux et agréable de Poufsouffle avec une bonne dose d’affirmation de soi et une réputation de grande gueule peu commode.

« Rien, je dis juste que… »
« Tu crois qu’on tape un scandale pour le plaisir en fait? « Aggraver notre cas. »Non mais tu te rends compte de ce que tu dis ?  insista-t-il en martelant de la pointe de son index le comptoir, On est pas des petits délinquants qu’il faut recadrer. On se passera de ta leçon de morale, merci bien. »
L’agent finit par botter en touche."Faîtes ce que vous voulez, mais je vous aurais prévenu."
Bien sûr qu’ils allaient faire ce qu’ils voulaient, songea Angus avant de tourner les talons pour rejoindre la sortie. Ils n’avaient pas besoin de l’autorisation d’un employé administratif pour aller à la rencontre de leur directeur. Les deux miliciens quittèrent donc le service des fausses identités l’air passablement irrité. Avalon semblait au moins aussi énervée qu’Angus, si ce n’est plus, et pestait sans discontinuer contre le Chef de la Justice Magique.
« Goldstein est un putain d'abruti."
« Un putain de gros cognard, tu veux dire , surenchérit Angus, la mine sombre,  doublé d’un pingre qui est juste bon à faire des économies sur le dos de ses agents. » Il secoua la tête, dépité d’entendre Avalon confirmer ses craintes. Si Coleman, la cheffe de la Milice en personne,  n’avait pas réussi à faire changer d’avis Goldstein il n’y avait aucune chance pour qu’ils y parviennent.
« Je sais, souffla-t-il en guise de réponse, mais je vais quand même aller gueuler. Il reporta son attention sur la jeune lieutenante et esquissa un léger sourire, complètement radouci à son contact, question de principe : Je veux lui dire personnellement qu’il nous fout dans la merde. »
Contrairement à Doreen par exemple, qui nourrissait ce rêve de pouvoir  depuis plusieurs années,  intégrer la Milice n’avait jamais été un fin en soit pour Angus. Il voyait cette promotion comme une étape dans sa vie, parmi beaucoup d’autres tout aussi intéressantes et enrichissantes que celle ci. Cette philosophie lui permettait d’avoir une certaine liberté de ton et de parole. Là où d’autres craignaient les représailles, il estimait, pour sa part, qu’il devait insister même si sa tentative restait vaine et qu’il se retrouvait catalogué dans la catégorie des casses-couilles.
Cela ne le gênait absolument pas.  
Après, il n’était pas sûr que Davies soit prête à aller aussi loin que lui. Au sein de la Milice, ils étaient très nombreux à pester dans le dos de Goldstein et nettement moins à dire, haut et fort, ce que tout le monde pensait tout bas . Avalon était une jeune lieutenante, ambitieuse, et toute la Milice savait qu’elle était la recrue préférée de Coleman et celle qui avait le plus de chance d’accéder au grade de Capitaine prochainement. Elle avait plus à perdre que lui.
Aussi lorsqu’Angus se manifesta devant la secrétaire du Directeur de la Justice Magique, il ne parla qu’en son nom.
« Bonjour, je souhaiterai une entrevue avec le directeur Goldstein. S’il vous plait. » dit-il en posant ses deux paluches à plat sur le comptoir.
« Qui le demande ? » interrogea la secrétaire.
Dans son dos, la porte du bureau du directeur était close. Son nom y était apposé en lettres dorées.
« Agent Rice, matricule 27 de la Milice. » répondit Angus  en s’efforçant de ne pas tourner la tête vers Avalon pour la contraindre à prendre la parole. Allait-elle se joindre à lui d’elle-même ? se dégonfler ?
La vieille sorcière fouilla ses dossiers.
« C’est à quel sujet ? »
« Une réclamation. »
La sorcière arqua un sourcil.
« M. Goldstein ne peut pas vous recevoir présentement.»
« On peut prendre un rendez-vous ? »
« Vous devez passer par la voie hiérarchique. C’est Mme Coleman qui doit transmettre votre réclamation manuscrite à Monsieur le directeur. »
« Donc on ne peut pas prendre rendez-vous. » déduisit Angus.
« Non, pas vous directement, mais Mme Coleman, elle, oui. »
Quel directeur de département respectueux, proche, et surtout à l’écoute  de ses employés ! Un modèle du genre ce Goldstein !

Angus reporta son air blasé sur Avalon. Dans ces moments là, travailler au contact des animaux lui manquait terriblement : Qu’ils étaient simples et  faciles à vivre comparés aux humains ! Honnêtement, Angus  détestait la paperasse mais s’il n’avait pas d’autre choix pour se faire entendre il allait rédiger sa plus belle lettre et la faire viser par Danielle avant d’avoir la possibilité de  confronter Goldstein au détour d’un couloir dans les locaux de la Milice. Ce qu’il comptait faire dès que l’occasion se présenterait, bien évidemment.

« Très bien merci. » dit-il à l’attention de la secrétaire avant de reprendre son chemin en direction des locaux de la Milice, « Il veut une lettre, il va l’avoir. » dit-il. Une longue missive détaillant à quel point il se montrait inconscient et stupide en les privant de polynectar sur cette mission.
Fort de cette décision, Angus ouvrit le dossier contenant les informations liées à sa fausse identité, Bon, jetons un œil à cette « couverture  transparente », ironisa-t-il en parcourant les différentes pièces du dossier. Même si Goldstein leur faisait prendre des risques énormes, Angus ne comptait pas abandonner l’affaire pour autant. Plutôt mourir que de laisser filer une enquête de terrain.
« Tiens, c’est un vieil indic de la PM qui doit nous introduire auprès d’un réseau de trafiquants du Londres moldu. Apparemment, on cherche quelque chose de plus fort et de plus stimulant que la Volubilis… Tu t’y connais un peu en drogues moldues ? » demanda Angus en reportant son attention sur Avalon.

« Hum, comme toute née-moldue, un peu. »

Angus observa le profil de sa toute nouvelle co-équipière, tachant de deviner si elle était sincère ou pas. Ils avaient tous leur petit jardin secret après tout. Ne lui avait-il pas caché ses écarts de jeunesse un peu plus tôt dans leur conversation ?
Quoiqu’il en soit, ils apprendraient assez vite à se connaitre l’un l’autre : Ce genre de mission longue durée favorisait les rapprochements ou, au contraire, exacerbait les tensions. Angus espérait inscrire cette nouvelle collaboration dans le premier cas de figure, …même si Avalon était née-moldue. Il devait voir le bon côté des choses : Elle était déjà au fait de l’environnement dans lequel ils allaient devoir interagir, contrairement à lui.

Imitant sa collègue, il consulta le dossier pour parcourir les différents éléments du regard :  Cocaïne, héroïne, crack, GHB, Extasy, LSD, méthamphétamine, …autant de drogues moldues avec lesquelles il allait devoir se familiariser ces prochaines semaines avant de se fondre parfaitement dans la peau d’Adam Brown, ce manutentionnaire dans l’usine d’assemblage de chez Vargas. Il était bon pour passer tout son mois de décembre dans les capsules de Réalité Virtuelle Magique développées par Vargas. Ces bulles immersives vous plongeaient dans un monde totalement moldu permettant aux sorciers  d’apprivoiser  cet environnement.
Il quitta momentanément  des yeux son écran pour venir observer celui d’Avalon qui lui montrait une photo de leur principal contact dans cette affaire.  Tout comme sa collègue, il connaissait bien Boris Sonjohn l’un des informateurs les plus fiables de la Milice et de la P.M.

« Faudrait qu’on aille le chercher pour l’interroger sur le réseau où il va nous introduire… T’as quelque chose à faire après ? »

Tout en avançant dans le couloir, Angus releva les yeux vers la lieutenante.

« Tu veux dire, autre chose que de passer du temps avec ma très chère femme , Jennifer ? Avec audace, Il passa un bras autour des épaules de sa supérieure et ajouta, Absolument pas !  Allons donc rendre visite à notre bon vieil ami Boris. »