Pur Feu ! [Amber & Robin]

30 août 2010

Mini short en jeans, débardeur blanc, chapeau de paille vissé sur la tête et larges lunettes de soleil, Robin n’avait clairement pas le look du Veilleur en mission. Avec son cabas de plage et ses tongs élimées par le soleil et l’eau de mer, elle ressemblait davantage à une estivante revenant de la plage qu’à une trafiquante sur le point de remettre à un client un lot de quatre baguettes contrefaites. Elle avait pourtant quitté les Folies une heure plus tôt avec sa cargaison soigneusement camouflée entre sa serviette de plage et son maillot de bain. La danseuse avait rejoint la promenade des Marins par le bord de mer et avait marché dans l’eau vivifiante au milieu des quelques touristes qui avaient choisi la ville mafieuse comme destination de vacances - Merci les prix cassés grâce à la destruction du dôme- puis elle avait regagné la célèbre rue de la soif. Les cafés et les bars avaient sorti leurs terrasses et les serveurs s’affairaient pour contenter la clientèle en quête de rafraichissement en cette fin d’après-midi.

Robin réajusta les brides de son sac sur son épaule et reporta son attention sur  la statue de cheval ailé gardant l’entrée de la Taverne de l’Abraxan bourré un peu plus loin dans la rue. La transaction devait avoir lieu dans l’une des arrière-salles du pub. Nigel, le patron, était arrosé par les Veilleurs depuis plusieurs mois. En retour, les dealers pouvaient utiliser son bar pour leur commerce…et ils restaient généralement prendre un verre au comptoir.
Echange de bons procédés.

Les habitués du lieu avaient déjà élu domicile autour des différents tonneaux posés en extérieur et les employés du coin, cravates desserrées,  profitaient tranquillement de l’happy hour en sirotant leurs bières fraiches. Robin reconnut quelques clients des Folies qu’elle salua d’un sourire chaleureux et se présenta face au physionomiste qui la laissa entrer. Elle s’engouffra dans le pub plongé dans une pénombre qui lui fit ôter ses lunettes de soleil et son chapeau.
Les rais de lumière provenant des petits carreaux donnant sur l’extérieur éclairaient la pièce de faisceau poussiéreux. La fraicheur du lieu et l’odeur de bois ciré contrastait avec la luminosité extérieure et les fumets sucrés de l’été mais Robin se sentait plus à son aise ici que dehors. Elle poussa un léger soupir de contentement et balaya le pub du regard. Ce n’était pas encore l’affluence record des débuts de soirée -où il fallait généralement slalomer entre les clients pour espérer trouver un tabouret de libre- mais il y avait déjà quelques sorciers et sorcières accoudés au comptoir ou attablés dans les différents box du bar à Whisky.

La danseuse se dirigea jusqu’au comptoir  pensant y trouver, comme à l’accoutumé, Nigel occupé à essuyer des verres un torchon posé sur son épaule. Elle  fut donc surprise de découvrir sa jeune serveuse à la place. Un petit brin de fille au visage rond et à la chevelure rouge vif qui dépassait à peine derrière le comptoir. En tant qu’amatrice de Whisky, Robin avait déjà croisé la jeune employée ici même mais elle n’avait jamais vraiment échangé avec elle, si ce n’est pour lui commander un verre de GlennFinnan, son Pur Feu favori.

« Bonjour. » lâcha Robin en s’appuyant des deux mains sur le zinc, Nigel n’est pas là ? » Elle se hissa sur un siège haut et chercha l'homme du regard.
C’était le patron du bar qui lui indiquait si oui, ou non, son client était arrivé et s’il l’attendait déjà dans l’arrière salle. La danseuse avait juste à demander si  un obscur whisky moldu figurait sur la carte et si Nigel répondait par l’affirmative, elle savait que son contact l’avait précédé. Nigel avait-il mi sa serveuse dans la confidence ? Robin n’allait pas tarder à le savoir.

« Excusez-moi mademoiselle, dit-elle après avoir enfilée une chemise à carreaux sur son débardeur, est-ce que servez du Bullsmills en 20 ans d’âge ? »

- Plus tôt dans la journée -

Mon Dieu qu’est-ce qu'Amber détestait l'été, bon bien sûr comme tout le monde elle aimait prendre le soleil en terrasse en sirotant une bonne bière, mais ces petits moments de bonheur n’existaient que lorsqu'elle était en pause. L’été, les clients se faisaient nombreux à la taverne de l'Abraxan et beaucoup d'entre eux aimaient discuter avec la serveuse, c’est sûr que comparer à Nigel c'était plus sympa pour eux d'être servi par la petite Amber. Mais la plupart d'entre eux étaient lourds et difficilement supportables. Amber avait tout de même sa petite clientèle régulière, ceux avec qui elle pouvait discuter sans en avoir réellement marre et qui étaient un peu plus intéressants que les autres.
Heureusement l'été était bientôt fini et en cet après-midi du 30 août le bar avait connu plus peuplé, quelques tables étaient occupées dehors et Amber venait de servir deux whiskys à des jeunes piliers de bar avec qui elles s'entendaient bien, lorsque son patron lui annonça qu’il devait s'absenter quelques heures et qu’il devait lui laisser la boutique. Comme à son habitude Amber ne répondu que par un signe de tête avant de reprendre sa discussion avec les deux hommes. C'est alors que son patron lui tapota sur l'épaule pour ajouter qu'il ne serait probablement par de retour pour la venue de son ami et qu’elle devrait donc s'occuper de son accueil. Oh non ! Elle le détestait, elle était facile celle-là ! Amber avait appris que son patron manigançait avec les veilleurs et qu'il "facilitait" leurs deals en échange d'une clientèle fidèle. Cependant elle s'était juré de ne pas mettre les pieds dans cette histoire et de ne pas l’aider, elle se contenterait de continuer à servir normalement comme ci elle n'était au courant de rien lui avait-elle promis sur un ton sec. Mais ce jour-là Nigel partit avec le sourire et Amber se retrouva bloquée derrière le comptoir, énervée mais sans vraiment avoir le choix.


Amber profita de l’absence de Nigel pour fumer une cigarette devant la taverne en débarrassant une table. D’habitude il exigeait qu’on ne fume pas avec les clients mais plutôt derrière l’arrière-boutique mais bon premièrement il n’était pas là et deuxièmement après le coup qu’il venait de lui faire il lui devait bien une clope. Elle écrasa son mégot dans le cendrier avant de l’empiler lui aussi sur son plateau et de se diriger vers le bar. Cela faisait maintenant 20 minutes qu’Amber dévisageait ses clients en se demandant lequel allait donc lui parler d’un vieux whisky et en redoutant la venue d’une armoire glace qu’elle devrait faire patienter en lui communiquant une réponse négative.

C’est alors qu’une jeune femme en mini short tout droit sorti d’une journée à la plage s’avança jusqu’au bar et prit place sur un des sièges en demandant à la serveuse.

« Bonjour. Nigel n’est pas là ? »

Amber regarda la demoiselle du coin de l’oeil avant de répondre sans lever la tête.

« Bonjour, non il a dû s’absenter pour raisons personnelles, c’est moi qui m’occupe de vous aujourd’hui. Que puis-je vous servir ? »

 « Excusez-moi mademoiselle, est-ce que servez du Bullsmills en 20 ans d’âge ? »  

Amber était loin de se douter que le fameux « ami » de Nigel pouvait être une amie et encore moins habillée comme ça. Au moins c’était clair niveau discrétion elle était au top. Elle respira un bon coup, s’essuya les mains sur le tablier noir qu’elle portait autour de la taille, avant de s’avancer vers la jeune femme.

« Je suis désolée nous n’avons plus de Bullsmills aussi vieux, puis-je vous servir quelque chose d’autre ? »

Amber espérait tout de même qu’elle avait réussit à se faire comprendre et qu’elle n’était pas en train de foutre en l’air les affaires de son patron.

« Votre visage ne me dit rien, vous venez régulièrement ici ? »

Oui elle n’aimait pas faire la discussion mais madame « Bullsmills » allait devoir attendre au bar donc autant voir si elle vaut la peine qu’Amber perde du temps dans une discussion.

Des raisons personnelles. Bon, soit. La petite serveuse allait donc s’occuper d’elle aujourd’hui et faciliter sa rencontre avec son client. Robin n’était pas une grande adepte des changements de programme surtout lorsqu’ils impliquaient de nouvelles personnes dans l’équation. Elle s’était entourée d’un réseau de contacts fiables. Des individus avec qui elle aimait traiter, essentiellement pour leur professionnalisme. Nigel faisait parti de ces gens là et elle espérait qu’il avait tout mi en œuvre pour que cette transaction se déroule au mieux. Cela impliquait que la barmaid soit dans la confidence, bien sûr, et surtout, qu’elle soit une femme de confiance. Lorsque la serveuse répondit par la négative à sa question, Robin sut qu’elle avait été briefé par son patron. Le Bullsmills, un malt irlandais réputé, était le whisky favori de Nigel et une bouteille trainait toujours non loin du tiroir caisse. Restait à savoir si la serveuse savait exactement ce qui se tramait dans l’arrière-boutique. Robin posa ses grands yeux noisettes sur la   rouquine comme pour la sonder du regard. Son Pire Cauchemar pouvait-il se cacher sous cette charmante bouille ronde ? Cet imprévu faisait naitre en elle un sentiment d’anxiété qu’elle n’appréciait guère mais qu’elle se força à dompter. Son agression remontait à plusieurs mois maintenant et le gang était en bonne voie pour retrouver celui qui l’avait maltraitée. Il était traqué, pas elle.

« Oh. » répondit-elle simplement avant d’esquisser un léger sourire poli, Ce n’est pas grave,  je vais prendre un GlennFinnan dans ce cas. Le 18 ans d’âge juste derrière vous. D’un mouvement du menton elle désigna les étagères garnis de Whisky Pur Feu, C’est une valeur sûre. » ajouta-t-elle avant de fouiller dans son sac à la recherche de son Pear Two qu’elle posa distraitement sur le comptoir. Quitte à attendre, autant lire les dernières nouvelles.
Mildred Magpie était dans la tourmente depuis le scandale #BalanceTaPie et les employés des Folies suivaient les avancées de cette affaire avec un intérêt mêlé d’inquiétude. Personne au cabaret n’avait envie que la romancière dépose le bilan, si ce n’est, peut-être (surement même) les jeunes serveurs, pigistes, danseurs et autres machinistes sexys qui subissaient, chaque jour, les assauts lubriques de la directrice des lieux.
Robin était donc  occupée à checker les dernières publications étiquetées sous le célèbre hashtag lorsque la serveuse brisa le silence pour engager la conversation.

« Je viens assez régulièrement mais plutôt en soirée, répondit elle en relevant le nez de twitcher, j’ai plus souvent à faire à Nigel ou à votre collègue, le barman pas très sexy qu’elle avait vu le soir où elle s’était rendu au pub en compagnie de Joséphine et Sofya, mais vous m’avez déjà servie une ou deux fois, ajouta-t-elle avec un maigre sourire en coin, Difficile d’oublier votre chevelure flamboyante ! souffla-t-elle en guise d’explication.

Elle était venue ici avec Gloria, sa collègue aux Folies, et les deux sorcières avaient longtemps discouru sur la chevelure de la barmaid se demandant, l’une et l’autre, si cette couleur était naturelle ou si elle était le fruit d’un sortilège de coloration.

« Hé Amber ! Tu peux nous remettre la même chose s’il te plait ! » s’exclama alors un homme, dans la vingtaine, installé au comptoir.
Son voisin, un sorcier du même âge au visage aquilin donna un bref coup de coude à son ami qui, porté par un soudain élan d’audace, poursuivit un ton plus bas.
« Les étudiants de l’académie du Lycaon organise leur soirée de rentrée demain soir. Si tu es disponible ça nous ferait plaisir que tu viennes… » Il fit apparaitre un petit flyer et le tendit à la jeune femme avec un sourire doux.


Amusée, Robin observa l’échange du coin de l’œil et replongea le regard dans son Pear en attendant sa consommation qui ne tarda pas à arriver.

« Je crois que je ne suis pas la seule à vous avoir remarqué »
Elle afficha une moue mutine,haussa brièvement les sourcils et  déposa quelques mornilles sur le zinc avant de boire une gorgée de whisky, Être barmaid est un formidable accélérateur de lien social, dit-elle en faisant tourner le breuvage dans son verre. Pour travailler dans ce milieu, Robin savait de quoi elle parlait : Certes, elle ne préparait pas les cocktails mais son statut d’hôtesse en salle au sein des Folies lui avait permis de rencontrer bon nombre de personnes, des plus recommandables aux plus louches, …pour le meilleur et parfois pour le pire. » ajouta-t-elle alors, énigmatique.