Vous, ici ? [Pryia et Danielle]

Au ministère, tout le monde savait que Danielle n’avait pas le temps. Pas le temps de discuter à la cafétéria (quand elle trouvait le temps d’y descendre), et pas le temps non plus de discuter de la météo pendant une dizaine de minutes. Danielle vivait sa vie à une vitesse folle, rythme qu’elle s’imposait elle-même par souci de perfection. Amoureuse de son travail, elle enchaînait les heures au ministère sans sourciller. La plupart du temps, elle y arrivait vers 7h30 et ne partait pas avant 21h – dans le meilleur des cas. Parfois, elle ne rentrait chez elle qu’un peu avant minuit ; d’autres fois, elle ne rentrait pas du tout.

Aussi, quand elle avait quitté les bureaux de la milice à 18h, Avalon lui avait demandé si elle était malade. Danielle lui avait renvoyé un regard assassin, visiblement peu ravie d’être obligée de quitter le ministère si tôt et avait marmonné des vagues explications avant de quitter les lieux d’un pas rapide. Elle avait entendu Avalon rire de la situation avant de s’autoproclamer cheffe par intérim. Danielle avait juré, tout bas, et avait prié Merlin pour retrouver ses bureaux en un seul morceau le lendemain.

Elle s’était retrouvée à Londres, observant curieusement le soleil qui brillait encore dans le ciel. Puis, elle s’était mise en marche et, en quelques minutes, avait gagné le quartier où elle habitait. « Habiter »… Le mot était grand. Elle ne se servait que très peu de son appartement – si elle était tout à fait honnête, elle ne se souvenait même plus de la dernière fois où elle avait utilisé la cuisine. La plupart des murs étaient nus – elle possédait deux cadres, tous les deux offerts par Janet, qui agrémentaient les murs du salon. Seule une grande bibliothèque en bois qui débordait de livres offrait une touche personnelle à sa chambre. Il s’agissait du seul meuble qu’elle avait gardé en vidant la maison de ses parents après leur mort ; elle avait aussi conservé les livres de son père – grand neurochirurgien – qu’elle feuilletait toujours aujourd’hui. Il n’y avait aucune photo ; elle avait soigneusement rangé les albums de famille dans un grand coffre qu’elle n’avait jamais ouvert.

Danielle s’était habituée à l’absence, au silence. Parfois, elle avait presque l’impression qu’elle n’avait jamais connu ses parents ; elle avait détaché l’affect du souvenir, elle avait enfermé le souvenir dans une partie de sa mémoire qu’elle ne fouillait jamais et elle avait continué à vivre. Elle en gardait des symptômes. De temps en temps, elle se réveillait avec des maux de ventre qui la clouaient au sol et elle ne pouvait compter que sur son immense volonté pour aller travailler. Elle prenait du temps à comprendre l’origine de ce mal, elle repoussait l’évidence, cherchait une cause physique, passait en revue les aliments qu’elle avait ingéré la veille. Puis se rendait à l’évidence ; un tel symptôme collait toujours avec la date – leur anniversaire, son anniversaire, l’anniversaire de leur mort, noël. Elle avait appris à vivre avec, à réprimer la douleur. Elle avait tenu bon parce que, véritablement, il ne lui restait plus que cela : un mental d’acier, une volonté de fer.

Danielle passa devant son appartement sans s’arrêter – évidemment qu’elle ne quittait pas le ministère aussi tôt seulement pour aller se prélasser dans sa baignoire. Elle fouilla dans son sac à main et en extirpa un avis de passage laissée par la poste. Elle attendait un colis depuis un mois maintenant et, évidemment, elle n’était pas chez elle lorsque le hibou était passé le lui déposer – forcément, s’il passait avant 18h, elle n’était pas encore rentrée, avait-elle songé en levant les yeux au ciel. Mais elle attendait ce paquet depuis trop longtemps pour aller crier scandale, donc elle avait simplement pris sur elle et avait fait l’effort de partir tôt. On lui avait suggéré de se rendre à l’adresse du point-relais le plus proche de chez elle, qu’on lui avait transmis en quelques secondes. Munie de cette adresse, Danielle s’était mise en route. Elle tourna à droite, puis à gauche, marcha pendant une dizaine de minutes, avant de se retrouver nez-à-nez avec une enseigne lumineuse rouge du plus mauvais goût. Elle fronça les sourcils, fit demi-tour pour revenir sur ses pas, observa les numéros de rue, et se planta une nouvelle fois devant la devanture.

Non, c’était bien ici.

Dans un sex-shop.

Son colis avait été déposé dans un sex-shop.

Formidable.

Danielle soupira.

Elle consulta sa montre, jeta un coup d’œil à l’intérieur de la boutique qui lui paraissait vide et poussa la porte. L’ambiance qui y régnait était dérangeante, lourde, presque moite. L’éclairage se faisait uniquement avec des néons rouges, ce qui donnait à la marchandise un aspect tout droit sorti de l’enfer. Son colis n’avait seulement été déposé dans un sex-shop. Il avait été déposé dans un sex-shop de mauvais goût. Sa journée devenait meilleure de minute en minute.

Elle s’améliora encore lorsqu’un sorcier moustachu au fort embonpoint sortit de l’arrière-boutique pour se diriger d’un pas lourd vers le comptoir.

« Vous désirez ? » lança-t-il d’une voix traînante. Un éclat d’intérêt s’alluma dans son regard lorsqu’il avisa Danielle. « Vous avez besoin d’aide pour faire votre choix, peut-être ? »

Oh, Merlin.

« Je viens récupérer un colis. » annonça-t-elle d’une voix si froide qu’elle refroidit immédiatement l’ambiance de la boutique. Elle lui tendit l’avis de passage.

« Un colis ? Hin hin.” ricana le vendeur. ”Je vais voir.” Il disparut dans l’arrière-boutique, d’un pas encore plus lent que lorsqu’il était arrivé.

Quel cognard, songea Danielle en observant les lieux, qui présentait une immense collection de canards vibromagiques de toutes les couleurs. Elle avait hâte de récupérer son précieux colis et de partir – elle avait acquis, quelques mois auparavant, une dizaine d’études absolument fascinantes qui venaient du Moyen-Orient, qui traitait d’un aspect purement médical de la magie sur l’organisme humain.

Elle était plongée dans ses pensées lorsque la porte s’ouvrit. Danielle grimaça en entendant le gémissement qui s’accompagna de cette ouverture – c’était tout ce que le vendeur avait trouvé comme sonnerie pour prévenir de l’arrivée d’un client ? Pathétique.

Accoudée au comptoir, elle coula un regard vers la nouvelle venue.

21 juillet 2010 – Cafétéria de la Vargas Tower

« Priya ? »

Le silence tomba brusquement autour d’elle et Priya referma prestement le clapet de son Pear II, qu’elle avait discrètement ouvert pour consulter ses messages sous la table. Elle redressa la tête et s’aperçut que toutes ses collègues la regardaient, attendant visiblement une réponse de sa part. Elles étaient en train de planifier la soirée d’enterrement de vie de jeune fille de Megan, du service marketing. Priya était consciente de n’avoir été invitée que parce que l'autre ingénieure féminine de Vargas Corp -Cynthia- l’était aussi, et elle avait du mal à s’impliquer dans les préparatifs. Elle ne connaissait même pas Megan si bien que ça ! Elle ne connaissait même pas le prénom de son futur mari !

Incapable de trouver une façon polie de refuser l’invitation, elle s’était retrouvée malgré elle intégrée dans le petit groupe de trentenaire de chez Vargas qui sortaient boire des verres tous les jeudis soirs et déjeunaient ensembles le vendredi midi pour débriefer leurs fins de soirées respectives. Pas vraiment son environnement naturel.

« Hum…oui. » répondit-elle vaguement, guettant les réactions de ses collègues pour savoir si elle avait répondu complètement à côté de la plaque ou non.

Les autres filles parurent satisfaites et Cynthia fit une petite croix à côté d’un des éléments de sa -longue- liste de choses à faire avant le jour J.

« Super, Priya tu t’occupes du vibro !
- Pardon ? Elle avait certainement mal entendu.
- Le canard vibromagique. Pour Megan ! »

Oh Merlin.

Où était-elle censée trouver un canard vibromagique ? Et comment était-elle censée choisir quelque chose d’aussi…personnel pour une collègue de travail ? La jeune femme s’efforça de ne rien laisser paraitre de sa panique intérieure et se replongea dans la lecture de ses messages. L’enterrement de vie de jeune fille de Megan n’était pas avant le mois prochain, elle avait largement le temps de refiler sa mission à une autre fille du groupe !


13 août 2010

« BONNE SOIREE ! »

Apercevant Cynthia, qui semblait lui hurler quelque chose depuis l’autre côté du labo, Priya retira le casque qu’elle avait sur les oreilles et qui diffusait à plein volume un morceau de musique électro -que ses collègues qualifiaient volontiers de « boum boum abrutissant ».

« Oui ?
- J’y vais ! Bonne soirée ! Oublie pas ta « mission canard », on se retrouve au K-Club direct après le boulot demain soir.
- Mission canard ? »

Priya fronça les sourcils et passa en revue tous les noms de projets ridicules qui circulaient en ce moment à Vargas. On ne plaisantait pas avec la confidentialité ici, alors on ne parlait pas de « développement du Pear III » mais du « projet Poireau ». Cela n’avait aucune logique, et Priya avait parfois du mal à s’y retrouver, mais elle était presque certaine qu’aucun projet n’avait été baptisé « canard ».

« Pour Megan, précisa sa collègue. Tu sais le…Cynthia articula distinctement le mot « vi-bro-ma-sseur » pour ne pas être entendus des autres ingénieurs du labo, et les yeux de Priya s’arrondirent d’horreur.
- Oh non ! J’ai complètement oublié !
- Je sais, c’est pour ça que je te le rappelle ! lui répondit Cynthia avec un sourire mi-amusé mi-exaspéré. Tu peux encore l’acheter ce soir, ajouta-t-elle.  
- Je sais pas…Tu veux pas y aller pour moi ? S’il-te-plait ? S’te-plait ! S’te-plait ! S’te-plaaaaait ! »

Elle leva vers sa collègue un regard de chien battu qui fonctionnait plutôt bien d’habitude. Cynthia l’avait prise sous son aile quand elle était arrivée à Vargas et était un peu son mentor au sein de l’entreprise. Priya n’hésitait pas à faire jouer leurs dix ans d’écart pour se faire materner un peu de temps en temps, et aurait bien eu besoin d’un coup de pouce sur sa fameuse « mission canard ».

« On est mercredi bichette, j’ai mon cours de pilate, lui répondit la jeune femme en désignant le sac de sport sur son épaule. Ça te prendra cinq minutes ! Aller, bonne soirée ! »

Priya adressa un vague salut à sa collègue et soupira.  Elle n’avait aucun problème d’emploi du temps, et n’avait pas la moindre crainte quant au fait qu’elle saurait rendre sa session de shopping la plus brève possible, mais elle n’avait jamais mis les pieds dans un sex-shop et n’avait pas très envie d’y remédier tout de suite.

Pourtant, quarante minutes plus tard, elle se retrouva à observer la vitrine d’un sex-shop londonien avec un mélange de dégoût et de curiosité. Après un moment de réflexion, elle finit par réaliser qu’admirer la devanture d’un sex-shop était au moins aussi grotesque que d’entrer à l’intérieur, et se résolut à pousser la porte. Le gémissement qui faisait office de sonnerie manqua de lui faire faire demi-tour mais elle prit sur elle et fit quelques pas hésitants dans la boutique.

Elle ne put s’empêcher de détailler les costumes et divers accessoires exposés, et elle s’interrogea sérieusement sur l’utilité de certains. Elle renonça toutefois à essayer de comprendre comment fonctionnait ce qui ressemblait vaguement à un outil de torture moyenâgeux, et se dirigea vers la caisse. Elle prit une grande inspiration et s’approcha d'une jeune femme qui devait être une vendeuse.

« Bonsoir, commença-t-elle timidement en fixant la pointe de ses chaussures avec intensité. Excusez-moi je…euh…Je cherche un…canard. Elle ne jugea pas utile de préciser quel genre de canard elle venait chercher, c’était assez évident. Qu’est-ce que…hum. Qu’est-ce que vous me conseillez ? »

Elle retint de justesse le « C’est pas pour moi c’est pour une copine ! » qui lui brûlait les lèvres. Elle ne tenait pas à se ridiculiser encore davantage. Elle allait passer pour une pauvre fille qui n’assumait pas d’acheter un sex-toy ! Bon, il était vrai qu’elle n’assumait pas -pas du tout- mais elle considérait malgré tout qu’une femme avait le droit d’acheter ce qui lui faisait envie. Il ne devrait y avoir aucune honte à ça ! Priya aurait voulu avoir l’assurance nécessaire pour pouvoir entrer dans ce genre de boutique sans gêne et revendiquer son droit à une sexualité épanouie, mais elle n’était malheureusement pas assez à l’aise pour ça. Elle se contenta donc de jeter un bref regard embarrassé à son interlocutrice, les joues en feu.

Danielle n’était pas véritablement ravie d’être dans ce sex-shop lugubre. Et encore « pas vraiment ravie » était un bel euphémisme pour ne pas exprimer sa véritable pensée. Pourtant, elle n’avait rien contre le lieu en tant que tel ; et Danielle mentirait si elle affirmait ne pas posséder chez elle de quoi passer d’excellents moments solitaires. Mais elle faisait généralement ces achats dans le monde moldu – la magie n’avait pas que des avantages et avait de grands progrès à faire sur ce terrain, croyez en sa parole. Aussi, se retrouver dans un sex-shop magique ne l’enchantait guère mais elle jeta un coup d’œil curieux à la marchandise qui l’entourait. Elle secoua doucement la tête en avisant les accessoires aux formes et couleurs toujours plus étranges les unes que les autres. Par Merlin.

La sonnette de la porte d’entrée l’arracha de sa contemplation et elle avisa une femme, de toute évidence plutôt jeune, qui entra dans la boutique avec un air presque apeuré. La cheffe de la milice retint de justesse un sourire moqueur et consulta sa montre. Elle soupira en jetant un regard vers l’arrière-boutique, de laquelle le vendeur ne revenait pas.

Une voix lui fit tourner la tête vers la gauche et son regard se posa sur la jeune femme qui venait d’entrer. Elle resta un moment interdite devant sa demande, puis un éclair de compréhension passa dans ses yeux.

« Je ne suis pas vendeuse ici. » lança-t-elle. Elle était presque étonnée que la jeune sorcière ne la reconnaisse pas ; son visage était souvent apparu dans les journaux ces dernières années. « Pour des conseils, vous devriez vous adresser à l’homme bedonnant qui campe derrière ce comptoir, mais, honnêtement, je vous le déconseille. »

L’homme bedonnant, justement, sortait péniblement de l’arrière-boutique, un colis entre les mains.

« J’ai trouvé votre colis. Pas très épais si vous voulez mon avis, m’enfin. »

Danielle le fusilla du regard.

« Et cette jeune demoiselle ? Elle vient pour quoi ? » interrogea-t-il ensuite, son regard passant de Danielle à la nouvelle venue. « Elle veut quelque chose d’un peu stimulant pour amuser ses nuits, hm ? » un éclair d’intérêt passa dans son yeux.

Merlin, elle lui aurait fait ravaler son sourire.

« J’peux vous conseiller des trucs sympas, moi, vous savez. Ca fait des années que j’bosse ici, alors j’commence à connaître la marchandise, si vous voyez c’que j’veux dire, hin hin. » Oui, Danielle voyait parfaitement, il n’avait même pas besoin de rajouter ce petit ricanement à la fin de ses phrases pour qu’elle saisisse la dimension lubrique de ses propos. « Bon, si vous voulez mon avis honnête, ça remplace jamais un homme, un vrai, vos machins là. » de la main, il désigna une rangée de canards vibromagiques.

« A choisir, dans une situation comme celle-ci, je prendrais un canard. Et de loin. » Sa voix était froide, son regard polaire.

Le visage de l’homme vira au rouge, mais il contint l’insulte qui lui brûlait les lèvres.

« Mon colis ? » Sa voix claqua ; Danielle n’avait eu pour habitude de se laisser marcher sur les pieds par les autres ; encore moins par les hommes.

« Signez ici. » Le vendeur lui désigna une case et lui tendit une plume. Elle apposa sa signature, saisit le carton qu’elle glissa dans son sac. Elle s’apprêta à repartir lorsqu’elle croisa le regard de la jeune femme qui était entrée après elle. Elle eut un élan de pitié envers elle – Danielle était assez loyale à la solidarité féminine, surtout dans les situations comme celles-ci.

« Prenez donc n’importe lequel de cette gamme. » lança-t-elle en désignant du menton une rangée de canards. « Je crois qu’il n’y a que la couleur qui diffère. »

« Eh bien, » commença le vendeur d’un ton mauvais. Danielle reporta son regard sur lui. « Vous vous… »

Danielle ne lui laissa même pas le temps de finir sa phrase.

« Une dernière remarque et je vous fous dans la cellule la plus lugubre d’Azkaban. Croyez-moi, même cet endroit vous paraîtra plus sympathique. »

La mention de la « cellule », associé au visage fermé qu’affichait désormais Danielle, dut faire sonner quelque chose dans l’esprit du vendeur car un éclair de compréhension passa sur son visage au fur et à mesure qu’il prenait conscience de qui était son interlocutrice.

Priya adressa une grimace d'excuse à son interlocutrice quand cette dernière lui répondit froidement qu'elle n'était pas vendeuse ici. Ah. Devait-elle s'excuser ? Est-ce que la jeune femme était vexée d'avoir été prise pour une vendeuse dans un sex-shop ? Il n'y avait rien de mal à être employée dans ce genre de boutique, c'était un métier comme un autre ! Priya ne voulait pas s'excuser, et ainsi admettre qu'elle considérait son erreur comme insultante pour la jeune femme, mais elle ne voulait pas non plus paraitre impolie.

Elle était toujours en train d'essayer de trancher cette épineuse question et avait attaqué un tableau mental des "pour" et des "contre" quand son interlocutrice ajouta qu'elle pouvait s'adresser à l'homme bedonnant derrière le comptoir pour ses questions, ce qu'elle lui déconseillait. Un homme bedonnant déconseillé. Parfait. Elle était beaucoup plus à l'aise maintenant.

"Ah, euh...merci ! C'est noté ! Et euh… Désolée !"

C'était sorti tout seul.

Quelqu'un que Priya identifia aussitôt comme "l'homme bedonnant" apparut alors derrière le comptoir, avec ce qui semblait être un colis pour la jeune femme. Tout s'expliquait.

Priya n'eut besoin que de quelques secondes pour décider qu'elle n'avait aucune envie de se faire conseiller un sex-toy par cet individu au ricanement stupide et au regard lubrique. Malheureusement, il reportait déjà son attention sur elle, affirmant qu'il pouvait lui conseiller des "trucs" pour "stimuler ses nuits". Non merci. Elle avait à la fois envie de vomir et de partir en courant, mais elle se contenta de froncer les sourcils avec une moue de dégout quand le vendeur affirma qu'un sex-toy ne remplacerait jamais un homme, "un vrai".

"Euh...d'accord..." répondit-elle vaguement d'une voix à peine audible en promenant ses yeux sur la rangée de canards colorés pour éviter d'avoir à croiser le regard du vendeur.

Elle aurait aimé trouver la réplique parfaite, celle qui lui clouerait le bec et écraserait un peu son égo de gros vieux macho, mais elle savait pertinemment que cette réponse parfaite ne lui viendrait que dans plusieurs heures, probablement quand elle essaierait de noyer sa honte sous la douche.

« A choisir, dans une situation comme celle-ci, je prendrais un canard. Et de loin. »

Il y avait donc des gens qui avaient de la répartie en direct. Quelle chance ! Priya jeta un regard admiratif en direction de la jeune femme, et retint un sourire amusé en observant du coin de l'oeil le visage du vendeur virer au rouge. Il ne l'avait pas volé ! La cliente récupéra son colis et s'apprêtait visiblement à partir, mais s'arrêta pour donner un dernier conseil à Priya, qui la remercia avec un sourire reconnaissant.

"Merci beaucoup ! La jeune femme venait certainement de lui épargner de longs moments très gênants. Bonne journée !"

Priya tendit le bras pour attraper un canard violet -elle était à peu près certaine que c'était la couleur préférée de Megan, ça ou le rouge- quand l'homme crut bon d'intervenir de nouveau. Ou du moins, essaya d'intervenir. La jeune femme au colis ne lui laissa même pas le temps de finir sa phrase.

« Une dernière remarque et je vous fous dans la cellule la plus lugubre d’Azkaban. Croyez-moi, même cet endroit vous paraîtra plus sympathique. »

Priya fronça les sourcils face à cette menace plutôt originale et observa, perplexe, le visage de l'homme se décomposer alors qu'il fixait son interlocutrice avec des yeux ronds.

"Miss Coleman ! s'exclama-t-il brusquement. Je vous avais pas reconnu, sans l'uniforme, tout ça... Je suis désolé, j'ai pas souvent du beau monde par ici ! Je savais pas que vous...enfin... L'homme parut s'apercevoir qu'il s'était engagé sur une pente glissante et changea aussitôt d'orientation. J'ai beaucoup d'respect pour votre travail ! Et pour vous bien sûr !"

Priya dévisagea un instant le vendeur dont elle ne comprenait pas le changement d'attitude, puis son regard glissa sur le visage de Danielle, et elle réalisa alors qu'elle l'avait déjà vu quelque part. En couverture de la Gazette, par exemple. Les dernières paroles échangées entre la jeune femme et l'homme bedonnant lui parurent soudainement beaucoup plus claires. Celle qu'elle avait prise pour une vendeuse de sex-toys n'était autre que Danielle Coleman, la chef de la Milice. Merveilleux.

Elle aurait voulu se cacher dans un trou de souris. C'était la première fois qu'elle rencontrait la chef de la Milice et elle avait probablement ruiné toutes ses chances de nouer la moindre relation professionnelle avec cette dernière. C'était pourtant une personne avec laquelle Priya aurait adoré pouvoir échanger. Ils travaillaient sur plusieurs projets très intéressants pour la Milice chez Vargas Corp et elle aurait apprécié de pouvoir en discuter avec Danielle Coleman en personne. Inutile de dire que c'était plutôt mal parti !

"Je suis désolée je...Je ne vous avais pas reconnu... bafouilla-t-elle à l'intention de la jeune femme. J'ai fais mes études à l'étranger, je n'ai pas encore rattrapé toute l'actualité... Mais qu'est-ce qu'elle était en train de faire ? Danielle Coleman n'en avait rien à faire de ses excuses. Et elle n'avait certainement pas envie qu'elle lui raconte sa vie. Vous devez avoir un métier passionnant ! Tais-toi Priya, tu t'enfonces. Je m'appelle Priya. Personne ne t'a posé la question. Vraiment, tais-toi. Enchantée !"

Elle était en train de tendre une main à la chef de la Milice, sourire aux lèvres, au beau milieu d'un sex-shop, après les présentations les plus lamentables de l'histoire de l'humanité. Elle avait encore espoir de pouvoir rattraper la situation.

Finalement, l'homme bedonnant l'avait reconnu, et se confondait désormais en excuse. Danielle les accueillit, visage fermé, considérant le vendeur avec mépris. Qu'il ait mis du temps à remettre son nom sur son visage ne justifiait en rien l'attitude qu'il avait eu, envers elle ou envers cette jeune femme absolument terrorisée qui se tenait à ses côtés.

Globalement, Danielle n'aimait pas les hommes. Non, globalement, Danielle n'aimait personne, mais étant une femme qui avait dû évoluer dans un métier d'hommes pendant des années, elle avait une dent particulièrement féroce envers les représentants de la classe masculine. Entendons-nous bien : tous n'étaient pas comme ce vendeur lubrique qui lui donnait la nausée et elle entretenait des relations parfaitement cordiales, voire amicales, avec certains hommes ; Constantine, Galahad, Peter, Leopold, pour ne citer qu'eux. Mais elle avait fait face de trop nombreuses fois à des individus qui tentaient de remettre en question ses capacités, si bien qu'elle avait développé un agacement presque instinctif. Aussi aurais-je aimé dire que Danielle se liait d'amitié plus facilement avec les femmes, mais cela n'était même pas vrai non plus, car elle trouvait certaines femmes horripilantes. Pour simplifier, disons qu'elle pouvait créer des liens avec des individus (rares), qui témoignaient d'une attitude qu'elle pouvait définir comme n'étant "pas trop insupportable" ; ce qui n'arrivait pas très souvent.

"Probablement plus de respect que j'en ai pour vous." répliqua-t-elle, acide. L'homme bedonnant s'empourpra de gêne, mais ses sourcils se froncèrent en une expression de colère, si bien qu'elle crut un instant qu'il allait rétorquer. Mais le vendeur n'était pas complètement stupide (première nouvelle) et décida visiblement qu'entrer dans une joute verbale avec la cheffe de la milice n'était décidément une façon sereine d'envisager son avenir.

Danielle allait partir, son paquet sous le bras, lorsque la jeune femme l'arrêta. Elle avait presque oublié sa présence, et tourna un regard surpris vers elle. Dans d'autres circonstances, elle aurait sûrement écourté cette conversation mais, de toute évidence, se retrouver dans un sex-shop lugubre semblait créer des liens, et la cheffe de la milice ressentait une pointe de pitié à planter la jeune femme ici.

"Il n'y a aucun problème." rassura Danielle en adressant à Pryia ce qui ressemblait de plus à un sourire chaleureux chez elle (autant préciser que la réussite n'était pas totale) "Enchantée, Priya." reprit-elle, sans trop savoir comment mener cette conversation avec une quasi-inconnue. Elle fut tentée de s'éclipser - après tout, elle n'avait pas véritablement envie de s'attarder dans un sex-shop. En même temps, Priya semblait véritablement perdue et, si Danielle n'était généralement, pas très compatissante, elle décida de prendre quelques instants pour converser avec la jeune femme. "Qu'avez-vous fait, comme études ?" questionna Danielle, en rangeant son colis dans son sac à main.

Quoi de plus normal que d'entamer une discussion en plein milieu de canards vibromagiques colorés ?

Si elle n'avait pas été mortifiée par la situation, Priya aurait sans doute laisser échapper un éclat de rire à l'entente de la dernière réplique de la chef de la Milice. Elle avait décidément un sacré sens de la répartie ! La jeune ingénieur rêvait de devenir un jour ce genre de femme : sûre d'elle, ambitieuse, et respectée. Elle en remplissait pour le moment qu'un seul de ces trois critères, mais elle travaillait sur les deux autres.

Admirative, la jeune femme ne put s'empêcher de se lancer dans des présentations longues et laborieuses, qu'elle acheva avec un sourire contrit, persuadée que Danielle Coleman allait la planter là. Elle doutait qu'une femme si importante ait la moindre minute à perdre à discuter avec une étrangère dans un sex-shop, et c'était peut-être pour le mieux. Priya ne se sentait pas particulièrement à l'aise dans cet environnement et n'aspirait qu'à se réfugier dans son studio.

Contre toutes attentes, la milicienne lui répondit en acceptant ses excuses, et enchaina en l'interrogeant sur ses études. Elle avait beau avoir entamé la discussion, Priya se retrouva un peu prise au dépourvu face à al tournure des évènements. Elle était toutefois bien plus disposées à parler de son parcours universitaire que de sex-toys.

"De la technomagie, répondit-elle, à l'institut de techno-magie d'Alaska ! Je travaille chez Vargas, comme ingénieure. Si jamais vous avez besoin d'un coup de main avec un Pear, ou quoi que ce soit..."

Priya ponctua sa phrase d'un haussement d'épaules et d'un sourire. Elle n'était pas certaine de pouvoir proposer ses services de cette façon. Elle était même certaine que ce n'était pas le cas. Il y avait tout un protocole, au sein de Vargas, pour traiter les demandes qui venaient de la Milice, et du Ministère en général. Ils avaient des interlocuteurs privilégiés, rodés à la communication, qui répartissaient ensuite les demandes dans les différents services et suivaient scrupuleusement l'avancée de leur traitement.

Priya ne doutait pas du fait que ce système ait été longuement réfléchi, mais elle le trouvait long et un peu fastidieux, aussi s'était-elle permis de proposer plus directement ses services à Danielle Coleman, en cas de besoin. Son supérieur allait probablement désapprouver cette attitude, mais la chef de la milice venait de la tirer d'une situation extrêmement gênante, alors c'était la moindre des choses.

Danielle se demanda brièvement pourquoi elle engageait une conversation avec une jeune femme qu’elle ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam au milieu d’un sex-shop lugubre, sous le regard lubrique d’un vendeur qu’elle hésitait encore à enfermer à double tour pour la nuit. C’était la première fois qu’elle quittait le ministère avant la tombée de la nuit depuis… Eh bien elle ne se rappelait même plus la dernière fois. Elle avait la soirée devant elle, pouvait se commander à dîner et passer la soirée plongée sur ses vieux parchemins qu’elle venait de recevoir, ainsi que dans les vieux livres de neurochirurgie de son père qu’il avait soigneusement annotés de son vivant.

Mais elle était là, plantée au milieu de canards magiques colorés dont l’utilisation était explicitée par des petites notices affichées sur les côtés du présentoir. Certaines attitudes ne s’expliquaient pas rationnellement, mais Danielle avait été notamment piquée de curiosité par la jeune femme qui lui faisait face, parce qu’il était rare qu’elle ne soit pas immédiatement reconnue dans la rue. Et elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une pointe de pitié envers elle, qui semblait avoir vécu une expérience particulièrement désagréable avec le vendeur.

Aussi, la cheffe de la milice l’interrogea sur ses études, qu’elle avait visiblement effectuées hors du territoire anglais. Sa réponse suffit à attiser définitivement sa curiosité et elle posa sur elle un regard pensif, avant d’esquisser un sourire suite à la proposition de Priya.

Danielle n’était absolument pas calée en technomagie, mais elle avait la chance d’être moldue et de ne pas être trop dépaysée par la technologie en général. Ce que les sorciers nommaient « grandes avancées techniques », existaient déjà chez les moldus depuis des années. Téléphones  portables, tablettes, télévisions, ordinateurs… Par Merlin, les moldus envoyaient régulièrement des hommes dans l’espace. Ils étaient peut-être dépourvus de magie, mais ils dépassaient largement les sorciers sur ce genre de découvertes.

« Ça doit être très intéressant. » déclara Danielle avec un intérêt non-feint. « Je suis née-moldue et je suis heureuse de voir que les sorciers se mettent un peu au goût du jour… » Par Merlin, on s’éclairait encore avec des bougies dans la plupart du monde magique. « Ça fait longtemps que vous travaillez sur le développement des Pear ? » interrogea-t-elle avant de justifier sa question : « Cela fait quelques mois que je songe à contacter Vaegas pour développer le partenariat entre leur entreprise et la milice. Il pourrait s’agir d’un véritable atout pour notre lutte contre le terrorisme. » soupira-t-elle en guettant les réactions de Priya.

Priya hocha vivement la tête en signe d'approbation quand Miss Coleman lui expliqua être née-moldue et voir d'un bon oeil les évolutions de la magie pour intégrer de plus en plus de technologie moldues.

Une femme née-moldue à la tête de la Milice, voilà une autre évolution que Priya trouvait toute aussi satisfaisante. Malgré des progrès très importants dans ce domaine, le monde magique -comme le monde moldu d'ailleurs- restait encore un peu misogyne parfois. Elle imaginait sans mal qu'il avait du être difficile pour une jeune femme de réussir à faire une brillante carrière dans les forces de l'ordre. C'était un domaine que l'on réservait volontiers aux hommes, comme les sciences et la technomagie. Dans sa promotion en Alaska elles étaient à peine un tiers de filles. Et même si Vargas se réclamait être une entreprise moderne et inclusive, il n'y avait que deux ingénieurs féminines parmi les dix du labo. On était encore loin de la parité.

Pleine de respect et d'admiration pour cette femme au poste si important, Priya se sentie flattée de l'intérêt que semblait lui porter cette dernière. Elle se doutait bien que la chef de la Milice avait autre chose à faire que de discuter avec une inconnue au milieu d'un sex-shop et s'était préparée à une réponse expéditive, aussi fut-elle un peu surprise par la question de la milicienne.

"J'ai commencé chez Vargas en juillet, après mon diplôme, c'est très récent, avoua-t-elle avec un sourire d'excuse. Danielle Coleman aurait certainement préféré échanger avec un ingénieur plus âgé, songea-t-elle avec un pointe de déception. Mais je suis certaine qu'il y a plein de choses à faire pour la Milice ! ajouta-t-elle avec conviction comme pour se racheter aux yeux de la milicienne. La technomagie peut surement faciliter le travail de vos effectifs, avec des systèmes de géo-localisation ou de mise sur écoute, ce sont des choses qui pourraient tout à fait être développées !"

C'était des systèmes qui n'étaient pas encore parfaitement au point, mais elle était certaine que Logan Vargas serait prêt à consacrer un peu de temps et d'argent au développement de ces technologies, si la demande venait du Ministère. Priya adirait ce qu'elle faisait pour le moment, et le développement des Pear était plein de challenge, mais si elle avait l'occasion de travailler sur des technologies encore plus pointue, et pour aider à arrêter des criminels, elle ne voulait pas manquer cette opportunité.

Danielle ne quittait jamais vraiment le travail. Même lorsqu'elle partait plus tôt que d'ordinaire, ses pensées étaient tournées vers le fonctionnement de la milice et son évolution. Ainsi, devant Priya, son cerveau tournait à toute vitesse alors qu'elle observait la jeune sorcière avec attention. Utiliser la technomagie dans leurs enquêtes était une idée à laquelle en songeait depuis longtemps. L'expansion de Vargas Corp. avait été particulièrement rapide et, désormais, beaucoup de sorciers étaient équipés de Pear - il s'agissait en tout cas d'un équipement essentiel pour la nouvelle génération.

Or, Danielle n'était pas sans savoir comment fonctionner ses petits appareils, qui, sur le modèle des moldus, collectaient toutes les informations qu'ils avaient le malheur d'entrer, probablement pour les revendre par la suite à des publicitaires. Finalement, même lors d'une conversation privée entre deux personnes, il fallait rajouter Vargas à cette équation, puisque tous les messages transitaient par leurs serveurs.

Et, malgré l'aspect résolument peu éthique de la chose - mais Danielle n'était pas, comme vous vous en doutez, la personne à se soucier le plus de l'éthique - cela pouvait s'avérer être une véritable force pour les services de police. Même si elle ne pensait pas les "résistants" suffisamment stupides pour échanger par Mmail des informations essentielles concernant le LEXIT, elle pourrait peut-être parvenir à recouper plusieurs éléments semblables dans différentes conversations et, ainsi, découvrir une sérieuse piste.

Et Priya - au beau milieu d'un sex-shop, certes - venait de lui proposer exactement ce qu'elle avait en tête : un système de géolocalisation (dommage que Jacob Dalhiatus n'avait pas de Pear, soit dit en passant) et de mise sur écoute. D'autant plus qu'on en était encore aux débuts de la technomagie et qu'une grande majorité des sorciers n'avaient pas conscience de tous ces travers...

"Ce serait une véritable aide pour mes agents, c'est certain, et, si cela permet de rendre plus sûre notre communauté, pour l'intégralité du monde magique également." Danielle se tut un instant. "Pryia, vous permettez que vous appelle par votre prénom ? J'aimerais beaucoup que nous puissions collaborer ensemble dans l'avenir. Je sais que vous êtes encore jeune ingénieure chez Vargas, et que, généralement, les sorciers détâchés pour le gouvernement sont des ingénieurs expérimentés de plusieurs années mais qui manquent parfois de..." elle chercha le mot - poli - qui permettait de décrire sa pensée. "De vision." En bref, elle avait souvent à faire à de vieux croutons pas visionnaires pour un sou. "J'aimerais travailler avec vous, directement, si cela est possible. Je sais bien qu'il y a généralement toute une procédure mais, pour être franche, je ne suis pas une grande adepte des dossiers administratifs longs comme le bras. Je peux, en revanche, écrire une demande à votre supérieur pour lui demander de traiter avec vous sur la nouvelle collaboration entre Vargas et la milice." Danielle considéra la jeune femme en face d'elle. "Si cela vous convient, évidemment, je ne veux pas vous priver d'autres projets que vous pourriez avoir envie de mener."

Les yeux de Priya se mirent à pétiller d'excitation alors qu'elle écoutait la proposition de Danielle, le coeur battant. Elle avait presque du mal à y croire. La chef de la Milice venait de lui demander à elle de collaborer directement avec ses services. C'était une opportunité qu'elle n'aurait pas espérer rencontrer avant de nombreuses années. La technomagie avait vocation à se diffuser dans de nombreux aspects de la vie quotidienne : dans les communications, le commerce, les médias, mais les domaines où les développements seraient les plus spectaculaires étaient hors de la portée du sorcier lambda.

Priya se surprenait souvent à rêver de ce que pourrait être la médicomagie dans dix ans, après l'influence de la technomagie, et elle se retrouvait maintenant à avoir les mêmes espoirs pour les sciences criminelles. Les futures innovations de Vargas pourraient être d'une grande utilité aux forces de l'ordre, que ce soit dans les missions de surveillance, de reconnaissance faciale, de recherches d'ADN. Des développements sur lesquels, grâce à Miss Coleman, elle aurait peut-être la chance de travailler.

"Vraiment, vous feriez ça ?" s'étonna-t-elle, impressionnée, quand la Milicienne offrit de contacter directement son supérieur.

Elle n'était pas certaine que Norman -ni même Logan Vargas en personne- ne soit ravi de voir une si jeune recrue décrocher ce genre de partenariat, mais elle espérait qu'ils se plieraient à la demande du Ministère. Le fait que la demande leur soit adressée par la chef de la Milice aiderait surement en ce sens.

Priya nourrissait, secrètement, de grandes ambitions. Elle se fichait d'avoir un titre à rallonge ou dix personnes sous ses ordres, mais elle avait envie d'accomplir des choses, et de travailler sur des sujets qui marqueraient l'histoire de la magie. Elle était pleine d'idées et de projets, mais n'avait jamais trouvé le courage de les partager. Elle n'était pas de ces employés aux dents longues, capables de tout pour se faire bien voir de leur supérieur, quitte à marcher sur leurs collègues au passage. Elle se contentait de s'investir coeur et âme dans son travail en espérant que cela suffirait à la mener là où elle le souhaitait. Mais Danielle Coleman venait de lui proposer un coup de pouce qui ne se refusait pas.

"Bien sûr ! répondit-elle vivement en se retenant de sautiller sur place quand cette dernière lui demanda si sa proposition lui convenait. Je...J'adorerais vraiment, je... Ce serait parfait ! Merci beaucoup ! Elle ne trouvait plus ses mots pour expliquer sons enthousiasme tant tout cela lui paraissait encore un peu irréel. Je peux vous donner mon contact Pear peut-être ? suggéra-t-telle finalement en se forçant à retrouver un ton plus sérieux. Et on pourrait se revoir pour discuter du partenariat dans un endroit moins... Elle balaya les lieux du regard, incapable de penser à un autre qualificatif que "glauque". Enfin, pas ici, si vous voulez ?"

L'idée faisait doucement son chemin dans son esprit et l'excitation des premiers instants céda rapidement sa place à la peur de ne pas être à la hauteur. Et si elle ne parvenait pas à proposer à Miss Coleman des projets suffisamment innovants ? Si elle n'arrivait pas à mettre au point les technologies nécessaires ? Elle sentit son ventre se nouer d'angoisse alors qu'elle s'imaginait, seule face à son échec, mais s'accrocha à son sourire de façade. Elle prit une longue inspiration et se força à se calmer. Elle gérerait ses craintes plus tard. Elle ne tenait pas vraiment à avoir une crise de panique au milieu d'un sex-shop.

« Bien sûr. » répondit Danielle lorsque Priya lui demanda si elle était vraiment prête à contacter directement son supérieur pour la réquisitionner sur la collaboration avec la milice.

L’enthousiasme de la jeune femme faisait plaisir à voir, et Danielle se félicita d’avoir poussé la conversation un peu plus loin avec cette jeune ingénieure qu’elle trouvait prometteuse. Elle était certaine que cette collaboration fonctionnerait à merveille – bien plus qu’avec les vieux ingénieurs de Vargas qu’elle se coltinait une fois sur deux, et qui étaient malheureusement bien trop ancrés dans de vieilles traditions pour avoir une vision novatrice.

« Oui, ce serait une idée. » approuva Danielle, un léger sourire aux lèvres, lorsque Priya lui proposa qu’elles se revoient dans un autre lieu. Ce recrutement aurait au moins le mérite de rester dans les mémoires. « Que diriez-vous de venir me rencontrer dans les locaux de la milice ? On pourrait dire… » elle consulta rapidement son agenda professionnel, synchronisé sur son Pear. « Jeudi prochain ? A 10h45 ? » Une fois que le rendez-vous fut convenu avec la jeune femme, Danielle lui transféra son contact Pear. « Nous pourrons discuter des modalités et des clauses de notre collaboration. N’hésitez pas à m’apporter vos propres requêtes, si elles sont légitimes et réalisables, j’essaierai d’y répondre au mieux. » assura-t-elle.

Elle sentait Priya un peu hésitante, comme si elle n’osait pas prendre la place qui lui était pourtant due. C’était malheureusement commun chez de nombreuses jeunes femmes, qui ne pensaient pas mériter une promotion, ni de pouvoir faire les réclamations, qu’elles pensaient pourtant juste.
« A bientôt, alors ? » interrogea Danielle en poussant la porte de la petite boutique.