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Une place au soleil [Secret Santa 2018 - Dave pour Emma]

Dave Marchebank
Dave MarchebankEmployé de la March Bank
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Profil Académie Waverly
Une place au soleil [Secret Santa 2018 - Dave pour Emma] Icon_minitimeMar 25 Déc 2018 - 3:52
Spoiler:

24 décembre 2010, au Département des Mystères

« Tu viens, Emma ? On va s’échanger les cadeaux.
-J’arrive dans deux minutes, je finis juste mon relevé.
-Mais quelle bonne élève ! Comme tu veux, mais ne tarde pas ou on va commencer sans toi. »

Je répondis en secouant la tête de gauche à droite, pour manifester ma désapprobation mêlée d’amusement, alors que mon collègue se hâtait vers la pièce où on avait installé le sapin de l’Esprit. Non pas que ce sapin eût une quelconque essence philosophique mystérieuse pour mériter ce nom, c’était simplement ainsi qu’on raccourcissait les phrases, ici : tout ce qui appartenait à une salle était rapporté au domaine d’étude de la salle en question. Cela m’avait un peu déstabilisée au départ, parce que cela pouvait donner des phrases franchement déconcertantes parfois. « Je suis passé voir les gars de la Mort, tout à l’heure », par exemple. Rien à voir avec de potentiels soldats de la Grande Faucheuse, c’était simplement pour s’éviter de dire systématiquement « la salle de la Mort ». De la même façon, « le sapin de la salle de l’Esprit » c’était un peu long, et même un peu allitération, alors on disait « le sapin de l’Esprit » comme on pouvait dire « le sapin de la Mort » ou encore « le sapin du Temps » et tous les chercheurs comprenaient.

C’était le premier Noël que je passais au Département des Mystères et je devais avouer que chacune de leurs petites traditions que je découvrais m’emplissait d’un certain émerveillement et d’une envie grandissante d’intégrer parmi l’équipe. Cette histoire de sapin était très sérieuse, par exemple. Chaque salle installait le sien, près de l’entrée et se jouait alors une espèce de compétition très prise au sérieux et à la fois très bon enfant. Il y avait un juge -toujours un chasseur de tête, visiblement, afin d’éviter toute subjectivité, puisqu’ils n’étaient pas affiliés à des salles- qui passait régulièrement voir la progression des décorations et qui était sensé élire le plus beau sapin le soir du réveillon. Cette année, c’était Amy et je devais l’avouer, elle faisait une juge assez amusante. Elle scrutait les décorations de très près avec son petit carnet à la main -j’ignorais si elle y notait vraiment des remarques mais si ce n’était pas le cas, elle faisait vraiment bien semblant- puis lançait régulièrement l’une de ses piques dont elle avait le secret. « Pas mal ces guirlandes jaune vomi ». « Ça manque de vie, votre sapin de la Mort ».

Nous savions qu’elle faisait cela pour faire monter les enchères sur la décoration et il fallait avouer que cela fonctionnait plutôt bien, nous tombions joyeusement dans le panneau. Pour être honnête, je n’avais jamais pris autant plaisir à participer à la décoration d’un sapin. A Poudlard, tout était décoré par les elfes de maison, au moment de Noël, et parfois les professeurs ajoutaient quelques enchantements, mais nous les étudiants n’avions pas vraiment de rôle à jouer. Dans ma nouvelle maison qu’était le département des Mystères, nous faisions un vrai travail d’équipe avec des moments de convivialité très amusants. Nous profitions généralement de la pause déjeuner pour lancer des idées folles avec ceux qui mangeaient dans la salle.

J’aimais ces instants de partage où j’avais eu l’occasion d’apprendre beaucoup plus de détails personnels sur mes collègues. Une conversation en amenant une autre, chacun avait parlé de ses loisirs, de sa famille, de toutes ces choses dont on parlait généralement dès les premières conversations quand on voulait connaître quelqu’un. Mais c’était un peu différent ici, les gens n’étaient pas toujours très doués en relations humaines. « Personne ici ne l’est vraiment ». Je gardais toujours en mémoire cette révélation que Constantine m’avait faite lors de ma première visite au Département. J’avais appris au cours des six derniers mois que c’était surtout que mes collègues n’étaient pas calés sur le mode de sociabilisation habituel. Personne ne m’avait posé de questions bateau en me rencontrant, personne ne m’avait demandé si j’aimais le Quidditch ou si j’avais des frères et soeurs. En revanche, on m’avait abondamment questionnée sur les sujets de recherche qui m’intéressaient, sur ce que je pensais de problématiques assez pointues. J’avais fini par comprendre que c’était leur manière à eux de faire connaissance.

Au départ, je m’étais retrouvée un peu intimidée de me retrouver si vite dans des débats d’idées avec des personnes que je ne connaissais pas. Puis, j’avais commencé à y trouver un aspect profondément libérateur et stimulant. Je n’étais jamais jugée sur mon apparence, ma provenance, mon passé ou mon entourage, personne ne s’y intéressait vraiment. J’étais en compagnie de gens qui voyaient en moi une intelligence qui pouvait potentiellement les aider à creuser des idées et soulever des questions, ce que j’avais à dire les intéressait davantage que ce j’avais l’air d’être et je n’avais jamais connu cette considération auparavant. J’avais la sensation ici de pouvoir créer une nouvelle page, présenter une nouvelle Emma, celle qui n’était pas définie par ce passé pesant dont elle avait voulu se débarrasser, celle qui ne se sentait pas scrutée à tout moment ou jugée à tort, mais plutôt celle qui pouvait faire partie d’un formidable effort collectif pour produire de la connaissance du monde.

J’avais assez rapidement senti que ce cadre me permettrait de m’épanouir alors j’avais tout fait pour me montrer digne de rester au Département. Ma période probatoire avait été particulièrement éprouvante, j’avais plusieurs fois craint de ne pas faire l’affaire. J’avais placé haut ma barre d’exigence envers moi-même, voire trop haut : personne ne pouvait exceller dans douze domaines d’étude. Tout ce que j’avais à faire, c’était de me montrer utile dans deux ou trois d’entre eux. Tant pis si mes maigres compétences en botanique et en astronomie avaient rapidement montré que je n’avais pas grand-chose à faire dans la salle de la Nature ou de l’Espace. Mes connaissances et ma passion des runes, de l’archéologie, de l’histoire, mon envie de comprendre les mécanismes de la mémoire et les origines de la magie m’avaient rendue compétente dans d’autres salles et permis de retenir l’attention de mes recruteurs.

J’avais une telle envie d’apprendre et faire mes preuves que je m’étais faite cette réputation de « bonne élève », mais ce n’était pas bien grave. Ce n’était pas dit avec mesquinerie, on appréciait mon caractère consciencieux. Même maintenant que j’étais officiellement une Langue-de-Plomb, je ne relâchais pas mes efforts. Cela ne m’empêchait pas de profiter de quelques moments de détente, aussi, je fis ce que j'avais annoncé à mon collègue. Après avoir terminé d’étiqueter toutes mes fioles, je quittai le grand espace qui accueillait nos tables de travail et passai dans la pièce à côté qu’on utilisait comme coin détente. Albin, Carmen, Thaddeus, Niall, Fiona, Harold, mes six collègues de salle étaient tous là, réunis sur les fauteuils autour de notre beau sapin. Niall applaudit en me voyant sur le pas de la porte.

« Aaah, la dernière arrivée, on peut commencer !
-Oh je suis désolée, c’est gentil de m’avoir attendue…
-Sache qu’on avait pas vraiment le choix, répliqua Carmen avec malice. La tradition, c’est que le dernier chercheur admis dans la salle fasse le père Noël !
-Ou la mère Noël, en l’occurrence.
-Moi ?  
-C’est toi la dernière recrue ici, aux dernières nouvelles. Allez, on est tous curieux d’ouvrir tous ces cadeaux ! » m’encouragea Albin.

C’était la seconde tradition de Noël du département, le soir du vingt-quatre décembre, les sapins accueillaient un échange de cadeaux secrets entre nous. Nous avions tous tiré au sort le nom d’une personne à qui on devait offrir un cadeau. Mes yeux se posèrent sur les sept paquets au pied du sapin et je m’approchai, avec une certaine timidité.

« Mais dans quel ordre je fais ça ?
-Fais comme tu veux, à toi de choisir ! »

Bien, puisqu’il n’y avait pas de règle, autant commencer au hasard, songeai-je en me penchant pour récupérer un paquet doré. Une petite carte indiquant le nom de Fiona était glissée sous le ruban, alors je me dirigeai vers elle avec un sourire.

« Joyeux Noël, Fiona.
-Merci ma belle ! Voyons voir, cette petite carte, hum, cette écriture illisible, ça doit être toi, Al’…
-Oh, ne me donne pas envie de récupérer mon paquet ! »

Je la regardai ouvrir son paquet avec le même sentiment de curiosité et d’amusement que tout le monde et il en fut ainsi de tous les cadeaux qui suivirent. Les remerciements chaleureux que m’adressa Thaddeus en découvrant le coffret de plumes neuves que je lui offrais me firent rougir. Quant à moi, je reçus une élégante paire de gants émeraude en cuir de dragon, soigneusement choisis par Carmen, que j’essayais aussitôt. Ils étaient si beaux ! Je la remerciai pour la deuxième fois, en m’asseyant à mon tour sur le canapé, puisque le tour des cadeaux était fini :

« Merci beaucoup Carmen, ils sont vraiment jolis.
-Mais de rien, j’ai pensé que c’était une couleur qui allait te plaire, petite Serpentarde.
-Tu as bien pensé » confirmai-je avec un rire.

Je tendis l’oreille vers Harold qui renchérissait sur un sujet plus ou moins relié avec cet échange de présents :

« Dites, quelqu’un a déposé son cadeau pour Constantine, à son bureau ?
-Je crois que Lou et Astrid s’en sont chargé, en même temps qu’elles lui ont ramené des potions pour sa fièvre.
-Ah mince, il est toujours malade ?
-Comme un chien, il garde à peine les yeux ouverts apparemment, mais il tient à rester dans son bureau.
-Je ne sais pas pourquoi, je ne suis pas surpris.
-Oh il ne va pas pouvoir assister aux résultats du concours de sapin ! »

Je me penchai vers Carmen pour lui demander discrètement, car j’avais visiblement manqué quelques informations :  

« Le directeur participe au Secret Santa ? Avec quelle salle ?
-Aucune, en général, les chefs de salle se cotisent pour lui faire un cadeau. C’est un nécessaire complet à balai, cette année. »

Ah, j’avais entendu parler de cette passion qu’avait notre directeur pour les balais et tout ce qui touchait au Quidditch de façon générale. Il avait certainement une collection de balais qui ne demandaient qu’à être bichonnés. Comme toujours, je m’étonnais un peu de cette relation assez étroite qu’il avait avec ses employés. J’avais été assez perturbée de voir que tout le monde au département l’appelait par son prénom, c’était une habitude que j’avais eu du mal à acquérir. Pour être honnête, parfois un « Monsieur Egalité » m’échappait encore, malgré moi. Il restait un homme plutôt impressionnant à mes yeux et je n’osais pas m’adresser à lui comme à n’importe qui.

« En parlant de concours, ça va être l’heure, non ? Qui vient dans la salle de détente avec moi ? »

L’injonction de Thaddeus fut suivie par tout le groupe et je m’y joignis sans trop de scrupules. Il n’était que dix-sept heures, ce n’était pas encore la fin de ma journée de travail, mais le vingt-quatre décembre n’était pas une journée comme les autres, disons. Je me rendis compte que la plupart de mes collègues avaient eu le même raisonnement que nous. C’était la première fois que je voyais autant de monde dans la salle de détente. J’avais rencontré au moins une fois chacune de ces personnes, pendant ma période probatoire, puisque j’avais passé une semaine dans chaque salle. Mais je ne m’étais pas forcément rendu compte du nombre total que nous étions. L’effervescence montait peu à peu dans cette salle qui était la plupart du temps calme. J’observais avec de grands yeux curieux et impressionnés cette scène inhabituelle où tous ces chercheurs à l’allure plutôt sérieuse et studieuse en temps normal se fendaient de sourires et de blagues. L’atmosphère de Noël faisait particulièrement ressortir le lien presque familial qui unissait les membres du Département des Mystères. Je repérai dans la foule une des recrues qui était en période probatoire en même temps que moi et avait atterri dans la salle de l’Amour pour son domaine principal et je me retrouvai rapidement à discuter avec elle comme si nous nous étions quittées hier. En quelques minutes, la salle fut rapidement pleine, si bien qu’Amy fut obligée de monter sur l’une des tables pour avoir l’attention de tout le monde, quand elle estima venu le moment de prendre la parole.

« S’il vous plaît ! »

J’étais proche d’elle alors je la vis sortir sa baguette pour la pointer sur sa gorge. Sa voix devint aussitôt amplifiée alors qu’elle prenait ce ton théâtral dont elle avait le secret :

« Oyez, oyez ! Voici venue l’heure de mettre fin au suspens intenable qui nous tient en haleine depuis quelques semaines de folle compétition d’inventivité. Tout d’abord, sachez que je suis très honorée de changer ce soir ma casquette de chasseuse de tête pour mettre celle de chasseuse de sapins…
-Tu fais la même blague tous les ans, Amy, change de disque !
-Merci de ton intervention, Lionel, voilà qui fera un point en moins pour le sapin du Temps.
-Héééé ! Et la liberté d’expression ? Dictatrice ! »

Comme toujours à chaque fois que Lionel prenait la parole, l’assistance fut partagée entre le rire et l’éloquent lever d’yeux au ciel. Je pouffai légèrement, gagnée par la bonne humeur de tous.

« On dit Juge Suprême, corrigea Amy à l’intention du jeune homme, avec un sourire presque machiavélique. Je ne vais pas vous faire attendre davantage, car je sais que beaucoup d’entre vous ont envie de regagner les foyers chaleureux de leur famille pour fêter dignement ce réveillon. Je vous remercie donc pour toutes vos créations, je dois avouer que vous m’avez une fois de plus confortée dans mes capacités exceptionnelles de recrutement.
-J’ai pas compris, elle dit qu’on est doués ou qu’elle est douée ? » lança Lionel juste assez fort pour que la plupart des personnes l’entendent.

Mais rien ne pouvait perturber Amy dans sa lancée car elle poursuivit avec plus d’emphase encore :

« Ma tâche a été particulièrement ardue, car j’avais douze créations d’une qualité exceptionnelle à départager ! Parmi elles, j’ai été touchée par le message qu’envoyait le sapin de la Nature fait de toutes nos canettes de Gobières récupérées pour nous sensibiliser à notre production de déchets. Promis Astrid, on va mettre un tri de canettes en place au département, ajouta t-elle alors que des rires amusés secouaient l’assistance et qu’une rousse rondouillette se faisait chahuter par ses collègues. J’ai aussi été impressionnée par le sortilège qui permet au sapin du Temps de simuler sa croissance et son dépérissement en quelques heures. Mais la palme de l’inventivité et de la beauté revient… au sapin de l’Esprit ! »

La surprise me fit un coup au coeur et mes yeux s’ouvrirent tout ronds. Juste derrière moi, Niall et Carmen poussèrent de grands cris de victoire mais je ne pouvais pas quitter des yeux Amy qui continuait son discours passionné comme si elle était sur une scène de concert de rock :

« Un sapin qui révèle une nouvelle dimension de lui-même à chaque fois qu’on le touche, telle une infinité de points de vue et de connexions possibles ! Le sapin dans le sapin ! La boule de Noël dans la boule de Noël ! La guirlaaaaaande dans la guirlande ! Un sapin aussi complexe et insaisissable que l’esprit ! MAIS QUELLE POÉSIE MES AMIS, venez ici qu’on vous applaudisse ! »

Je fus à moitié entraînée par mes collègues qui frayèrent un passage pour moi dans la foule. Je n’avais jamais été très à l’aise sous les feux des projecteurs mais quand je me retrouvai face à mes collègues chercheurs qui prenaient leur défaite avec bonhomie et nous applaudissaient joyeusement, un sourire perça mes lèvres et une chaleur envahit mon coeur.

J’avais trouvé une place qui, pour la première fois, me paraissait entièrement faite à ma taille.