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SECRET SANTA - Une solitude à deux } Danielle

Constantine Égalité
Constantine ÉgalitéDirecteur du Département des Mystères
Messages : 382
Profil Académie Waverly
SECRET SANTA - Une solitude à deux } Danielle Icon_minitimeLun 24 Déc 2018 - 19:46
Spoiler:

La majorité du texte a été écrite sur cette petite playlist cheesy comme tout donc si vous voulez renforcer l'ambiance c'est dispo : https://youtu.be/DBToMwdYBME

Avalon avait été la dernière à quitter le Ministère, en passant la tête par la porte et un « joyeux noël ! » au bout des lèvres. Tous étaient partis relativement tôt -comme pour excuser l’année passée, où la Milice avait été très occupée la veille de noël. Durant un pot de quelques heures organisé sur le pouce, Danielle avait distribué les primes. Elle avait apprécié ce moment. Le groupe ressemblait de plus en plus à une petite famille au sein de laquelle les uns prenaient soin des autres avec attention et sincérité. Elle s’était sentie à sa place. Elle avait déposé sur ce groupe hétéroclite un regard bienveillant, presque tendre, que personne n’avait perçu mais qui lui avait fait profiter, un instant, d’un bien-être plein de douceur.

Elle s’était sentie fière.

    A vingt heures, les locaux étaient déserts. Danielle n’en percevait plus que le calme, le silence salvateur, apaisant, l’ambiance qu’elle aimait particulièrement au ministère. Mais l’air charriait ce soir quelque chose de différent, comme un fond de nostalgie étrange et doux, qu’elle acceptait avec un peu de surprise. Elle qui n’était pas sentimentale s’étonnait de se trouver sensible à cette atmosphère particulière que transportent les réveillons. Elle n’avait plus fêté noël depuis la mort de ses parents. Et c’était un scellé posé sur ses souvenirs qui faisait désormais de cette soirée si spéciale pour de si nombreuses familles, une nuit absolument identique aux autres pour Danielle Coleman.

    Elle entrouvrit la porte de son bureau sur le service inhabité. Des résidus de la fête traînaient encore, éparses, entre les dossiers classés et les feuilles abandonnées au profit de l’apéritif. Les réminiscences de ses officiers occupés à échanger des verres remplis d’alcools, ponctués de plaisanteries bienveillantes et d’échanges de cadeaux moqueurs la firent sourire dans la pénombre. Elle réajusta d’un geste la tenue de ses cheveux noués, se prépara un thé d’un coup de baguette. Apaisée, elle s’assit derrière son bureau et ouvrit devant elle le premier dossier que constituait sa pile quotidienne.

    Elle se sentait d’une assurance paisible. Qui sait, peut-être parviendrait-elle à régler ce soir l’une de ses nombreuses enquêtes ?

Elle pensait encore, alors, que rien ne viendrait troubler son calme.

*
*  *

    Vingt-et-une heures avaient sonnées. Danielle observait par la fenêtre factice de son bureau la nuit épaisse qui couvrait un Londres illusoire. Comme elle se focalisait sur l’essentiel, ne pas posséder de véritable vue ne l’avait jamais vraiment dérangé – elle avait trop souvent le nez plongé dans les épais comptes rendus de la police pour avoir le temps d’observer les oiseaux voler-, mais ce soir, elle ignorait pourquoi, elle aurait aimé voir la neige tomber pour de vrai sur les toits de tuiles et les routes éclairées.

    Elle expirait longuement lorsque quelqu’un poussa doucement la porte de son bureau.

    - Danielle ? » Elle pivota sur elle-même pour faire face à la voix inconnue, féminine, presque un murmure mais ferme, qui l’avait interpellé. « Je suis Lou. Lou Losserand. Du Département des mystères. » Danielle haussa un sourcil. Il était rare de voir des langue-de-plomb se balader dans les couloirs du ministère. En général, ils préféraient rester terrer chez eux. Il était encore plus rare d’en croiser en pleine nuit dans les bureaux de la milice, hormis Constantine Égalité, qui ne perdait jamais une occasion de dilapider son temps. Il lui avait déjà évoqué Lou. Ils semblaient se connaître depuis longtemps et Constantine s’était plaint plusieurs fois à son sujet. Le genre de plainte qui rappelle un adolescent insurgé contre sa mère. « J’ai un service à vous demander. » Lou se glissait dans le bureau avec un pas de chat silencieux. Danielle lui désigna un fauteuil qu’elle refusa d’un geste poli. Elle trouva ça incroyable de n’avoir jamais croisé cette femme alors qu’elles travaillaient toutes les deux au ministères depuis plusieurs années. « Voilà, amorça Lou d’un ton directe. Constantine est malade. Évidemment, il a refusé de rentrer chez lui ces derniers jours, prétextant qu’il avait du travail. A présent il a de la fièvre et ne peux pas se lever sans faire un malaise. Comme il n’y a personne chez lui, nous avons décidé de le garder aux Mystères. On a déplacé un lit dans son bureau. Il y est mieux, de toutes façons. » Lou regardait à peine autours d’elle et pourtant Danielle sentait qu’elle était attentive à ses réactions, et à son environnement. Elle était relativement peu surprise de ce qu’elle entendait, cependant. « Nous nous sommes occupés de lui dans la mesure du possible, repris Lou après une courte pause, mais maintenant, il est vingt-et-une heure et nous aimerions pouvoir rejoindre nos familles pour fêter noël. » Elle eut une brève hésitation.
    - Vous avez su que je comptais rester au Ministère ce soir pour travailler et vous me demander de vérifier qu’il ne s’étouffe pas dans son sommeil, conclu Danielle à sa place. Lou hocha la tête.
    - Il vous a indiqué, à vrai dire. Est-ce qu’on peut vous le confier ? Il délire un peu mais il dort la plupart du temps. S’il parle trop, vous pouvez toujours lui donner une dose de somnifère, ça le gardera calme. » Elle inclina la tête. « Ou l’assommer. »

*
*  *

    Danielle descendait rarement au Département des Mystères, mais elle avait de la curiosité pour ce qu’il recelait. Ses coups d’œil étaient discrets, mais des années d’habitudes professionnel notaient scrupuleusement les détails de la pierre noire, l’aspect glacial du hall, les résidus étranges de secrets épais qui en occupaient l’atmosphère silencieuse. Le bureau de Constantine n’avait pas grand-chose en commun avec l’esthétique sombre du reste des couloirs du ministère, ni avec l’ambiance de commissariat qui régnait dans ceux de la milice. C’était une pièce rectangulaire, dont la dimension était difficile à déterminer à cause du désordre omniprésent qui occupait l’espace, se déversait des étagères sur les meubles, des meubles sur le plancher. Danielle découvrit sans surprise la confusion matérielle qu’elle suspectait chez Constantine, avec le sentiment curieux et amusé de la découvrir pour de bon. Il semblait s’être appliqué à constituer des piles, d’abord sur le bureau en hêtre dont on apercevait le bois par intermittence, ensuite au pieds de celui-ci, puis dans les coins de la pièce, près des fauteuils, et sous la haute fenêtre en ogive, unique qui ouvrait le seul mur qui n’était pas couverts d’étagère ou dissimulé derrière une commode. Sur le mur à sa gauche, elle nota avec un sourire retenu une vitrine lambrissée qui exposait une série de bouteilles d’alcool forts et de verres en cristal dépareillés. Elle constata, en passant un regard avertit sur les papiers qui jonchait le sol et ceux qui se complaisaient dans un chaos total, cachant ou révélant divers objets hétéroclites et étranges, que les rapports concernant les recherches avaient été dissimulés soigneusement. La pièce était plongée dans la pénombre, et dégageait quelque chose d’un peu vieux, mais de profondément chaleureux.

Un vague mouvement attira son regard. A sa droite, à l’opposé du bureau et de la fenêtre, une table et un fauteuil près desquels deux piles de documents avaient servi à poser des tasses de cafés abandonnés, dissimulaient un lit de camp assez large. Les luminaires de la pièce faisaient danser sur la forme pelotonnée au fond des draps des ombres noires et elle douta un instant qu’il y eu quelqu’un.

    Lou lui désigna le lit, lui adressa un signe silencieux puis lui indiqua un coin du bureau dont on avait débarrassé l’espace pour y poser quelques potions ainsi que de la nourriture. « Je serai là à huit heures. » Dit Lou. Danielle hocha la tête et entendit la porte se fermer derrière elle.

    La note prêt des médicaments indiquait les doses, d’une écriture soignée et ronde, très éloignée des cursives illisibles de Constantine. Danielle ne toucha à rien. Elle se contenta d’observer. Une figurine d’ours en jade. Une boîte noire étonnante – un taser ?- coincé entre deux volumes sur les répercussions sociales de l’emploie d’ensorcellements sur des animaux au XIIème siècle. Une série de volumes reliés en cuir sur l’assimilation des runes antiques au Moyen-Orient. Une boîte remplie de pierres semi précieuses. Une statuette gravée dans du bois d’ébène. Deux pots d’encre, dont un qui avait séché à l’air. Quatre plumes, dont deux brisées. Des pages de notes couvertes de symboles intraduisibles qui ressemblaient à ceux que Constantine gribouillait consciencieusement dans le carnet qui l’accompagnait partout. Elle avait la sensation d’être entré dans sa chambre et d’en inspecter l’intimité. Cette proximité ne l’intimidait pas. Elle trouvait même un certain intérêt bienveillant à se confronter ainsi aux témoignages du caractère de son ami. Danielle sourit pour elle-même avant de se tourner vers le lit. La forme s’y agitait.

    Elle réajusta les dossiers qu’elle avait emporté avec elle et s’avança jusqu’au lit. Emmitouflé dans un édredon de plume, immergé sous une horde de coussins, Constantine dormait. Il avait la respiration sifflante. Elle le considéra un moment puis d’un geste sur, retira ses chaussures et se glissa prêt de lui. Elle cala un oreiller dans son dos, fit léviter une bougie jusqu’à la table qu’elle rapprocha d’elle d’un coup de baguette, ouvrit un dossier qu’elle posa sur ses genoux pliés, et se remit au travail. Elle sentait près d’elle le corps brûlant de Constantine.

*
*  *

    - Danielle ? » Elle releva la tête en direction de la voix faibles qui émergeait de l’édredon. Les yeux mi-clos,  Constantine la dévisageait avec une vague froncement de sourcils. « …Qu’est-ce que tu fais dans mon lit ? »
    - Je vérifie que tu respires. » Elle remit en place la fiche du dossier qu’elle tenait dans la main. « Il semblait que tu préférais passer noël à travailler mais que la fièvre te force à réveillonner, comme tout le monde. »
    - Je vais probablement mourir. » Danielle leva les yeux aux ciel.
    - Quelle dramaqueen. » Constantine ferma les yeux. Après un instant de silence, il murmura :
    - Et toi. Pourquoi tu n’as pas quitté le ministère ? Tu préfères fêter noël avec Chloé et Jacob Dalhiatus… » Les dernières syllabes moururent entre ses lèvres, terrassés par la fatigue. Danielle posa sur lui un regard sombre en se demandant s’il était acceptable d’administrer à un malade une petite gifle punitive. « Ca va, ça va, marmonna Constantine en sentant, dans sa torpeur, peser sur lui le regard de Danielle. En fait je suis content. » Sa voix était pâteuse, ses mots indistincts.
    - Content de quoi ? » Il y eu un silence. Danielle crut qu’il s’était rendormi mais il eut un tressaillement.
    - Content que tu sois là… D’un geste faible, il se rapprocha d’elle et enroula un bras autours de sa jambe. Il posa son front contre sa cuisse. « Je suis heureux de passer noël avec toi, marmonna-t-il, même si c’est une fête stupide. Elle le dévisagea sans répondre. Il était pâle et tremblait un peu contre elle. Il délirait. Elle savait qu’il ne se souviendrait probablement pas de ses paroles, une fois guérit.

    Elle posa tendrement une main sur sa tête et caressa ses cheveux. Elle le sentit frissonner sous ses doigts, puis se détendre. Il s’endormit.

*
*  *

    Danielle avait entre-ouvert la fenêtre. Un vent factice et doux se dispersait dans la chambre et agitait la flamme des bougies. Assise sur le rebord, elle contemplait en contre-bas les toits artificiels des maisons, les murs illusoires, les fenêtres en mirages. Elle distinguait au travers des vitres des décorations brillantes, des reflets de familles soudées, heureuses, qui s’enlaçaient en s’offrant des présents. Des tables couvertes de mets. Elle fouilla un peu au fond d’elle, par curiosité introspective, avec la manière pragmatique d’un scientifique qui analyse un sujet. Elle ne trouva pas de tristesse, juste un froid persistant. Elle ne trouva aucune jalousie non plus. Sa vie avait changé, c’était un fait. Elle n’avait pas pour ce bonheur qu’elle ne connaissait plus la distance affecté supposée protéger sa vulnérabilité. Elle ne se sentait pas vide non plus, simplement impassible, avec un fond de bienveillance pour une situation qui invoquait tout au fond d’elle quelque chose de doux. Elle s’y arrêtait, prenait garde à ne jamais contempler ce qui se trouvait au-delà de ce sentiment. Elle oubliait avec soin l’absence, elle oubliait avec soin la disparition. Danielle ne ressentait pas la solitude.

Constantine s’assit dans l’embrassure, face à elle. Sa tête dépassait de l’édredon qu’il avait roulé autours de lui. Ses cernes ressortaient brutalement sur la pâleur livide de son teint. Il semblait avoir du mal à garder les yeux ouverts, et dégageait une impression de faiblesse attendrissante. Danielle recula un peu pour lui faire de la place, et constata qu’il grelottait. Elle ne lui fit aucune remarque, et suivit son regard. Il observait la même fenêtre silencieuse à laquelle elle s’était attachée un peu plus tôt.
Il était songeur, et elle crut voir une ombre passer sur son visage.
    - Ce ne sont pas des vraies, dit-il. Il parlait des silhouettes d’êtres qui fêtaient noël et semblait contrarié.
    - Je sais. » Il hocha la tête et resserra autours de lui les pans de sa couverture.
    - Désolé de n’avoir rien de festif à manger. Mais on peut boire, si tu veux. »
    - Avec les potions que tu as prises, je pense que c’est une mauvaise idée. Je ne tiens pas à contrôler que tu vomis correctement. » Elle le vit s’offusquer et ne put s’empêcher de sourire. Ses yeux glissèrent à nouveau. Il ne répondit pas, et il contemplèrent la fenêtre un moment en silence. Elle le rompit doucement : « Ta famille… Vous ne fêtez plus noël ensembles ? » Elle se trouva surprise de sa propre question. Elle réalisa aussi qu’elle s’interrogeait sincèrement. Constantine la dévisagea, puis secoua lentement la tête. Il baissa les yeux. Elle savait qu’il cherchait, l’esprit embrumé, une manière d’aborder un sujet sensible pour lui. Elle reconnaissait désormais cette attitude qu’il adoptait lorsqu’il était confronté à quelque chose qui pouvait lui faire du mal.
    - Ils voudraient. » Fini-t-il par dire, hésitant. « Depuis la mort de mon frère, les choses sont différentes. Ca n’avait pas vraiment de sens, avant. Depuis ça n’en a plus aucun. » Constantine sourit vaguement. « Ma famille, c’est le Département. » Danielle accrocha son regard. Il n’avait pas besoins de lui expliquer, pour elle c’était évident.
    - Je comprends, dit-elle. Constantine affirma son sourire, et elle fut certaine qu’il saisissait à quel point c’était vrai. Elle lui prit la main et la serra doucement. Elle le sentit répondre à son étreinte. A la fenêtre, la flamme de la bougie vacillait toujours.

*
*  *

    Assise sur le lit, Danielle s’était endormie. Son dossier d’enquête ouvert sur les genoux n’avait pas bougé. Elle somnolait avec la conscience lointaine de la présence de Constantine contre elle. Elle ouvrit les yeux.

Le jour filtrait par la fenêtre et caressait de rose le ciel glacé. Elle se passa une main sur le visage et s’étira, puis jeta un coup d’œil à l’horloge qui surplombait un tas de livre, avant de se rappeler qu’elle n’était pas à l’heure. Elle soupira et tourna la tête vers Constantine.

    Il dormait profondément. Sa respiration s’était apaisée, et la fièvre avait baissée pendant son dernier somme. Elle l’avait entendu délirer en français, et n’avait pas cherché à comprendre ce qu’il marmonnait dans l’agitation trouble de son sommeil. Une fois seulement, au cours d’un rêve particulièrement brutal, elle l’avait secoué pour le tirer de son cauchemars. Une autre fois elle l’avait regardé tenter de se remettre au travail, et l’avait aidé à se rallonger cinq minutes à peine après sa tentative.

    Lou pénétra dans le bureau lorsque huit heures pile sonnèrent. Elle s’enquit de l’état de Constantine, et la remercia poliment. Danielle apprécia son tempérament stoïque : elle aurait fait une bonne milicienne. Constantine dormait toujours lorsqu’elle regagna les quartiers de la milice.

Comme la veille, les bureaux étaient presque déserts. La nuit avait été calme. Elle salua les quelques miliciens de garde, qui l’accueillirent avec des sourires fatigués, puis elle s’isola dans son bureau. Elle commençait à ranger les dossiers qu’elle avait emporté jusqu’au Département lorsque son pear vibra dans la poche de sa veste. C’était un message de Constantine.

« Merci d’être resté, disait-il. Je ne supporte plus les réveillons, mais cette nuit, et même si cela n’avait rien d’une fête, j’ai aimé la vivre avec toi. Joyeux Noël, je suppose. Repose toi si tu peux. »
    Elle imagina parfaitement Constantine réécrire le message plusieurs fois, incertains. Elle eut un rire intime.

Cette nuit, finalement, n’avait pas ressemblé à toutes les autres.  


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I've been throwing stones, waiting by the river, I've been on my own, praying like a sinner, and you've been gone too long, I'm waiting out the winter, I've been on my knees, praying like a sinner© by Sun, avatar by hedgekey

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