Le deal à ne pas rater :
Bon plan achat en duo : 2ème robot cuiseur Moulinex Companion ...
600 €
Voir le deal

La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon

Métamorphomage
MétamorphomageMoldu
Messages : 2380
Profil Académie Waverly
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon Icon_minitimeSam 24 Nov 2018 - 16:12
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon SHwU7rf
Afghan North, 35 ans, Millicien
Crédit Rivendell


12 Juillet 2010 - plus tard dans la journée

Afghan voyait le bout de sa vie se profiler alors que la journée touchait à sa fin. Il était épuisé comme rarement il avait pu l'être depuis de nombreux mois. L'effet des drogues aidait, évidemment, à tenir cette sensation éloignée, mais dans les circonstances actuelles, il lui était impossible de réapprovisionner son corps en énergie factice. Il accusait donc la redescente à la fois brutale et si longue de la fin de son trip, en prenant lentement conscience qu'il avait très mal tourné.

Lorsque le Dôme s'était brisé au-dessus de sa tête, sa première réaction instinctive avait été de penser que c'était de sa faute. Il lui avait semblé que s'il ne s'était pas tenu là où il se tenait, mais un peu plus loin dans la rue adjacente, s'il n'avait pas été seul mais accompagné, il aurait pu endiguer la menace, et une fraction de seconde sans bien savoir pourquoi, il se sentit responsable de l'échec global de la mission. L'arrivée d'Avalon l'avait brièvement soulagé, mais trop tard, et il avait nettement sentit la sueur froide dégringoler le long de ses reins lorsque Danielle avait regroupé la milice pour réorienter les directives. Il en était encore à voir trouble, sentait toujours son sang palpiter contre ses tempes, et tout, absolument tout, lui donnait une impression de danger.

Il s'était senti terrible paranoïaque.

Contrôlant avec peine les frissons glacés qui le transperçaient avec une régularité de maladie, Afghan s'était plié aux exigences de Danielle, qui avait constitué des groupes, Avalon à la tête de l'un deux. En ravalant l'irritation teinté de jalousie et le regard suspicieux qu'il posait jusque sur sa propre baguette, Afghan avait tenté d'y voir plus clair en s'efforçant de ne surtout pas ouvrir la bouche. Il ignorait si ses coéquipiers voyaient qu'il marchait moyennement droit, avaient remarqué ses tremblement, où percevait la peur paralysante qui bloquait son système. Toujours est-il qu'il passa le reste de la journée à courir pour pourchasser les derniers Résistants atteignables et certifiés, les boucler, et traquer ceux qui avaient disparu. Par deux fois, il interpella un innocent, convaincu d'avoir affaire avec un ancien terroriste sous couverture. Par deux fois il fallut plusieurs minutes pour lui faire prendre conscience de l'absurdité de sa conviction.

C'est le moment où Afghan commença à réaliser que quelque chose clochait profondément.

Il comprit un peu plus tard, en émergeant péniblement, avec une sensation de soif et de manque croissant, que son cerveau s'extrayait avec peine d'un bad trip.

Il faisait nuit lorsque Danielle les rappela au sein du bureau de la Milice pour faire un point et les libérer pour la soirée. Afghan n'avait absolument aucune notion du temps, oscillent entre la sensation d'avoir vécu cette journée dans l'espace d'un battement de cil, et celui d'y avoir passé une semaine. Une nausée tenace avait remplacé l'asphyxie paniquée qu'il avait subit depuis sa dernière prise, et il clignait des yeux avec une fréquence démesurée pour ne pas laisser son regard se troubler à nouveau. Globalement, il se sentait mal, et à deux doigts de vomir au pieds de sa cheffe. Pâle comme un malade au paroxysme de sa fièvre, il s'était confiné dans un coin du QG en espérant qu'on ne le remarque pas, callé entre le mur et un bureau sur lequel il reposait son poids pour ne pas s'effondrer. La voix de Danielle était perçue par son oreille comme une stridulation effective mais il ne comprenait que moyennement le sens de ses mots et mis quelques secondes avant de suivre le mouvement lorsque les miliciens s'organisèrent lentement pour quitter la pièce. Jonathan, qui lui avait jeté des coups d'œil incertains tout l'après-midi et était l'un de ceux avait dû le convaincre de lâcher une vieille dame, se saisit du manteau qu'il avait abandonné sur la chaise où Afghan rêvait de s'effondrer. " On va manger un truc et boire un coup, tu viens ? " La simple idée d'avaler quelque chose de solide révulsa instantanément Afghan. Il secoua la tête d'un geste lent, craignant de perdre un équilibre précaire ou de déclencher un haut-le-cœur s'il s'agitait trop vite. " Je vous rejoins, un dernier truc à régler. " Lâche-t-il, et il douta que son ton ai été convaincant, mais par bienveillance ou par respect, Jonathan n'insista pas. Il mit du temps toutefois à le lâcher du regard.

Afghan attendit que la salle soit vide pour se laisser glisser contre le mur, une main contre sa cage thoracique agitée des spasmes irréguliers de son cœur. Il sortir péniblement sa baguette et enchanta un verre qu'il remplit d'eau à distance. L'action lui sembla durer une éternité. Une fois le verre dans la main, il but comme un assoiffé, les yeux clos, inconscient de la présence qui s'était glissée dans la pièce.
Métamorphomage
MétamorphomageMoldu
Messages : 2380
Profil Académie Waverly
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon Icon_minitimeSam 24 Nov 2018 - 18:22
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon 1525799784-lindsey9
Avalon Davies

La journée n’avait pas seulement été éprouvante, elle avait été tout simplement atroce. Avec un râle de fatigue, Avalon s’adossa à son bureau, les bras croisés sur la poitrine.

Une fois le dôme tombé, tous les manifestants avaient transplané dans la seconde pour échapper aux miliciens, désormais bien décidés à en découdre. En quelques secondes, l’Allée des Douze Chênes s’était retrouvée déserte et seules quelques pancartes jonchaient le sol. Avalon était revenue sur ses pas à l’appel de Danielle qui, en une poignée de seconde, leur avait donné les directives pour la suite de la journée.

« Trouvez-moi ces salopards. » avait-elle conclu avec force. On pouvait lire sur son visage crispé par la frustration et la colère qu’elle ne dormirait correctement qu’une fois ce problème réglé.

Et Avalon comprenait. Elle avait été nommée à la tête d’un groupe d’intervention et était partie immédiatement avec ses collègues pour ratisser Manchester, où la présence résistante se faisait de plus en plus savoir. Elle avait passé sa journée entière à passer chaque ruelle au peigne fin, à interpeller des visages vaguement familiers, à relâcher quelques innocents et à arrêter en masse des prétendus suspects. Jamais elle n’avait été aussi décidée à accomplir une tâche ; jamais elle n’avait été aussi concentrée sur sa mission ; jamais elle n’avait tant pris conscience de la responsabilité qui allait de pair avec son nouveau statut ; et jamais elle n’avait eu tant à cœur de prouver qu’elle était exactement là où elle devait être.

Elle était rentrée au ministère sur ordre de Danielle, sans prendre conscience du temps qu’elle avait passé dehors. Ce n’était qu’une fois dans les bureaux si familiers de la milice qu’elle avait senti ses jambes lourdes, son dos douloureux et qu’elle avait accusé le coup d’une fatigue intense. Danielle avait parlé, longuement, revenant sur les évènements de la matinée, notant sur un immense tableau tous les éléments qu’ils avaient en leur position et tous ceux qui leur manquaient encore. « Ca ne m’intéresse pas de savoir où on a merdé. » avait-elle expliqué d’emblée. « Parce qu’on a forcément merdé quelque part. Je veux comprendre comment le mouvement s’est étendu à ce point et, surtout, je veux trouver ils se rassemblent pour organiser tout ça. » Surtout, elle voulait pouvoir tous les arrêter, les envoyer à Skye ou à Azkaban ou, mieux, les faire juger pour que l’exécution immédiate soit prononcée dans la demi-heure. Pour l’heure, il s’agissait surtout de comprendre ce mouvement de résistance ; et de trouver un moyen de les arrêter. Avalon avait écouté les explications de sa chef, les yeux fixés sur Afghan, à l’autre bout de la pièce, le corps recroquevillé sur lui-même, l’air chétif et complètement perdu. Elle avait noté ces informations dans un recoin de son esprit, complétant ainsi tout ce qu’elle avait pu remarquer au cours de la journée.

Au bout d’une heure environ, Danielle les avait congédiés. « Merci pour votre travail. » avait-elle ajouté avec un brusque élan de sincérité et de gratitude. « On se retrouve demain à 8h. » avait-elle finalement conclu en rassemblant plusieurs papiers dans un épais dossier floqué à l’emblème de la milice. Danielle était restée debout, seule, à contempler le tableau noir de sa propre écriture. Son visage pâle, ses yeux cernés, tout criait en elle une fatigue intense. Pour autant, Avalon savait que sa supérieure ne rentrerait pas chez elle ce soir et doutait même qu’elle parviendrait à grappiller quelques heures de sommeil.

« Je peux t’aider ? »
Danielle avait tourné son regard vers Avalon et avait secoué la tête avec lassitude. « Rentre chez toi Avalon, tu auras suffisamment à faire demain. »
« Tu es sûre ? Tu as une tête épouvantable. » avait-elle rétorqué avec sa franchise habituelle.
« Ca ira. » L’ombre d’un sourire s’était étiré sur les lèvres de la cheffe de la milice. « Je vais aller me chercher un litre de café, et ça ira. »
« Plutôt deux. » avait commenté Avalon avec un sourire en coin impertinent. Danielle lui avait jeté un coup d’œil amusé.
« Pars de là avant que je décide de t’envoyer aux archives pour la fin de l’année. »

Avalon avait étouffé un petit rire en levant les mains et Danielle, en levant les yeux au ciel, avait quitté les bureaux de la milice d’un pas décidé – sûrement allait-elle braquer la cafétéria pour pouvoir amener directement la machine à café dans son bureau.

Ses collègues, un à un, étaient sortis à leur tour et le silence tomba dans le QG, à peine trahi par le bruit des notes volantes qui voletaient régulièrement jusqu’au bureau de Danielle mais se heurtaient inlassablement contre la porte. Avec un soupir, Avalon avait parcouru les quelques mètres pour ouvrir la porte et permettre aux notes d’aller s’entasser en un tas effrayant par sa hauteur. Puis, d’un pas léger, elle s’était à son tour dirigée par la sortie… Avant de s’arrêter brusquement, face à une silhouette qu’elle connaissait si bien. Elle ne bougea pas d’un pouce, observant simplement Afghan vider son verre d’eau, inconscient qu’il était épié.

Il y avait des signes qui ne trompaient pas, des signes qui ne mentaient pas, des signes même qui hurlaient au monde un problème évident, pour peu qu’on y prête attention. Avalon, elle, n’avait pas besoin d’y prêter attention ; c’était une seconde nature chez elle. Elle connaissait ces tremblements, ces sueurs, ces difficultés à parler, ces cheminements difficiles d’une pensée qui n’était pas claire. Elle les reconnaissait avec l’habitude de celle qui les a déjà trop vus. Enfant des quartiers pauvres d’une banlieue de Londres, Avalon avait vécu des années et des années dans un minuscule appartement – bien trop petit pour abriter ses huit frères et sœurs, ses deux parents moldus et son vieil oncle. Quand, un jour, un professeur de Poudlard était venu lui expliquer qu’elle était inscrite dans une école un peu spéciale, cela n’avait pas été simplement une aubaine ; cela lui avait littéralement sauvé la vie. Sa mère, bien trop heureuse de se débarrasser d’une bouche à nourrir, s’était empressée d’accepter la bourse fournie par l’école pour lui acheter quelques fournitures – et avait gardé les derniers galions pour faire fondre l’or de la pièce et le revendre sur un marché noir.

Quand on était un Davies, on ne faisait pas d’études ; on allait à l’école parce que c’était obligatoire, mais on l’arrêtait dès que la loi l’acceptait – et même plus tôt si possible. On supportait les cours parce qu’il le fallait bien, mais avec l’insolence de celui qui sait qu’il ne s’en servira jamais pour vivre. Ses parents produisaient de la drogue d’une qualité effroyable, et embauchaient leurs enfants pour la distribuer sur différents secteurs : au collège pour Garlan et Viviane, les deux plus jeunes, au lycée pour Yvain et Morgane et ils chargeaient les plus âgés : Néro, Galaad, Célice et Yseut de la revendre dans des secteurs plus difficiles d’accès aux plus jeunes et notamment dans des soirées étudiantes. C’était un véritable commerce, une « affaire de famille » comme l’appelait son père en éclatant d’un rire tonitruant. Une affaire de famille et, de toute évidence, un loisir qu’ils se plaisaient à pratiquer régulièrement. Avalon avait assisté aux convulsions de Néro, aux tremblements de sa mère, aux régulières pertes de conscience de Célice et aux bad trips d’Yseut. Elle savait que, sans la magie, sans cette petite étincelle qui s’était déclarée chez elle, elle aurait connu les mêmes tremblements, les mêmes convulsions ; elle était même déjà passée par là, quelques fois, plus jeune.

Elle s’inquiétait constamment pour Garlan et Viviane – respectivement dix et treize ans – qui connaissaient déjà une vie d’une dureté implacable et y faisaient face, jour après jour, vivant dans un quartier où la violence était reine et où les agressions survenaient si souvent que la police ne s’y déplaçait plus. Elle hésitait souvent à prévenir un juge, à réclamer leur garde – mais cela signifiait trahir ses parents, trahir tous ses frères et sœurs et les envoyer assurément en prison. Elle n’arrivait pas à s’y résoudre.

Personne ne savait ; personne ne connaissait la véritable Avalon Davies, la née-moldue qui avait vécu des années et des années dans une chambre qu’elle avait partagée avec huit autres personnes. Un jour, elle avait croisé un petit Galaad à St Mangouste, qui attendait pour voir un pédiatre. « Mon frère aussi s’appelle Galaad » avait-elle confié à la maman. « Oh, bon choix ! » avait validé la femme avant de l’interroger sur son propre prénom. « Avalon » avait-elle répondu avec un sourire. « Eh bien, vos parents devaient être mordus de la légende arthurienne » avait ri cette jeune mère en caressant avec douceur les cheveux de son bambin. Avalon avait joint son rire avec celui de la mère, le cœur tordu par l’amertume. Les huit fois où sa mère avait accouché, elle s’était rendue dans la même clinique, qui offrait des soins à moindre coût. C’était Edna, une infirmière, qui l’avait accueilli à chaque fois. C’était Edna, la mordue de légende arthurienne. C’était Edna, qui avait choisi les prénoms des huit enfants Davies. « Ça leur portera chance » chantonnait-elle en emmaillotant les bébés.

Avalon, donc, avait remarqué les symptômes d’Afghan probablement alors que ce dernier n’en n’avait même pas encore conscience. Elle avait vu ses hésitations, elle avait observé ses mouvements saccadés, sa respiration filante, la sueur qui perlait sur son front et sa démarche hésitante. Elle avait soupiré, longtemps, trop rompue à cet exercice pour trouver cette attitude profondément scandaleuse, mais d’une tristesse qui la renvoyait à ses pires années.

« Mets du sucre dans ton eau. Ça aide. » intervint-elle finalement, les yeux toujours posés sur la nuque d’Afghan.
Métamorphomage
MétamorphomageMoldu
Messages : 2380
Profil Académie Waverly
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon Icon_minitimeDim 25 Nov 2018 - 18:51
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon SHwU7rf
Afghan North, 35 ans, Millicien
Crédit Rivendell

Afghan ferma les yeux. Il avait un vague vertige et l'eau qui glissait le long de sa gorge, fraîche, lui faisait l'effet d'une brique jetée directement dans son œsophage. Il savait qu'il n'avait pas besoins d'eau. Il lui fallait un rail, tout de suite, s'il voulait voir cesser les tremblements, les battements de cœur, la fièvre, la sensation d'urgence physique et de manque. Un rail ou n'importe quoi d'autre. Il n'avait pas toujours l'argent nécessaire pour investir dans une drogue propre.

Mais il avait peur, pour la première fois, de ce que sa dernière prise avait déclenchée. Il savait qu'il venait de dépasser, aujourd'hui précisément, le stade où son problème devenait visible aux yeux de n'importe lequel de ses collègues.

Or Afghan se sentait terrorisé à l'idée de se faire renvoyer de la milice.

Ce poste, il l'avait voulu avec une passion terrible. Il représentait sa fierté, sa force, la preuve tangible de l'exploit de sa volonté. Afghan n'avait pas une vie facile. Frère aînée d'une famille de six, mère célibataire, père inconnu, il n'avait jamais rien possédé qui fût à lui, se sacrifiant à ses cadets dont il avait la charge constante depuis si longtemps, désormais, qu'il ne se souvenait pas avoir jamais goûté à l'indépendance. Son plus jeune frère sortait à peine de l'école et commençait tout juste à subvenir à ses propres besoins. Afghan joignait depuis toujours son salaire à celui de sa mère pour supporter les dépenses familiales. Il haïssait son père pour son absence et ce rôle qu'il avait dû prendre à sa place.

Afghan se sentait prisonnier. Sa famille était tout. Les baguettes d'élite, puis la Milice, était dans le cercle strictement restreint de son univers le seul lieu où il pouvait exister en tant qu'être complet. Le seul endroit où il pouvait se permettre de suivre des directives au lieu de les imposer. Il ne réalisait pas que les choix inconscient qu'ils faisaient tous au quotidien en s'engageant pour la cause Marchebank s'ajoutait à la pression familiale qu'il supportait avec de plus en plus de difficulté au cours des ans.

Et puis il y avait eu l'incendie. Un incident tragique, une stupidité domestique, une bouilloire oubliée, pour ce qu'ils en avaient su. Le vieil immeuble Bristolien s'était enflammé. Afghan été rentré juste à temps pour assister avec ses frères, ses sœurs, et sa mère qui serrait contre ses flancs le peignoir qu'elle portait lorsqu'elle se reposait près de la fenêtre, à la danse des étincelles rougeoyantes qui créaient comme des feux follets vacillants contre le ciel noir de nuit. Les deux cadettes étaient en pyjama et se tenaient par la main, pieds nus sur l'asphalte. Il y avait neuf mois depuis, et la vie, à partir de là, était devenue vraiment difficile. Pour la première fois il avait été compliqué pour Afghan et sa mère de convenir qu'ils allaient s'en sortir.

Il s'était promis qu'aucun des enfants ne connaîtrait la rue. Cela avait été très difficile pour sa mère d'accepter de laisser ses deux enfants scolarisé demeurer à poudlard pendant les vacances et les week-end. Mais ça avait été nécessaire pour permettre la transition. Sa famille n'était toujours pas relogée et se disputait l'espace d'un appartement à la surface ridicule. Les charges s'étaient allégée avec cette absence prolongée, mais il restait toujours quatre bouches à nourrir, en plus des leurs. Afghan n'en voyait pas le bout.

Il avait commencé à consommer en prétextant chercher un moyens de tenir le rythme. En vérité il se sentait simplement couler à pic.

Ensuite, Juliet Baker était entrée dans sa vie malgré elle...

- Mets du sucre dans ton eau. Ça aide. "

Afghan sursaute brutalement. Vivement il lève les yeux vers Avalon, le cœur battant, en esquissant un geste de recul qui laisse s'échapper l'eau en vague et éclabousser proprement sa chemise.

- Quoi. " Il halète dans l'ombre, tente de se redresser péniblement. " Non. " Il n'est pas certain de ce qu'elle a perçu. Fait-elle référence à son état ? Sait-elle ? Appuyé contre le mur, il se passe une main sur le front, regarde sa main, surpris de suer autant. Son regard va et vient entre sa main et Avalon. " Ça aide à quoi…? " Dit-il, et l'évidence le frappe. Elle sait. Évidemment. Son comportement est si évident. Il baisse les yeux. Il voudrait un rail, ou perdre connaissance pour ne plus ressentir cet effet de manque. Brusquement, il rouvre les yeux et plante dans celui d'Avalon en regard brillant et fiévreux. " Ne lui dis rien. Je te jure de faire tout ce que tu voudras. Je peux pas me faire virer maintenant. Ne lui dis rien. " Il ne sait pas si ses paroles sont cohérentes. Il lui semble que non. Il se sent transi et terrorisé. "S'il te plaît."

Métamorphomage
MétamorphomageMoldu
Messages : 2380
Profil Académie Waverly
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon Icon_minitimeDim 25 Nov 2018 - 23:42
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon 1525799784-lindsey9
Avalon Davies
"Du sucre. Dans ton eau." répéta-t-elle. "Ça aide avec la sensation de manque."

Elle ne chercha même pas à le ménager, préférant lui exposer brutalement une vérité difficile à entendre. Pendant des années, elle avait vu ses frères et ses sœurs tomber dans le cercle infernal de la consommation, devenir complètement accro à des substances qui altéraient leurs capacités réflexives, passer par des phases de manque où ils devenaient capables de tout juste pour avoir accès à une dose, une seule ; une quantité seulement nécessaire pour les replonger dans cet état de béatitude, dans ce réconfort doux-amer ; une quantité seulement nécessaire pour s'arracher à cette sensation de manque, si douloureuse qu'elle leur faisait perdre la tête.

La panique d'Afghan se lisait sur ses traits et frappa Avalon en plein cœur, alors qu'elle fronçait légèrement les sourcils. "Ne rien lui dire". Elle jeta un rapide coup d’œil vers la porte par laquelle Danielle était sortie quelques instants plus tôt. Ne rien lui dire. Cacher une information si capitale, si essentielle, à une personne qu'elle admirait et qu'elle estimait tant. A une personne qui lui avait donné la chance de se faire une place dans le monde magique. A une personne qui lui avait laissé la possibilité de s'élever socialement, de s'arracher de sa banlieue londonienne. Depuis qu'elle avait intégré le monde magique, elle avait eu de nombreux statuts, qu'elle avait chéri. De "Avalon, la petite cinquième des Davies" elle était passée à "Avalon, la Poufsouffle" puis "Avalon, l'Auror" et "Avalon, la milicienne". Mais jamais elle ne s'était sentie aussi emplie de gratitude que lorsqu'elle avait reçu son badge de lieutenant.

Et elle devait ces dernières années à Danielle, qui avait vu en elle un potentiel qu'elle ne soupçonnait pas forcément. Elle lui avait donné les cartes pour s'épanouir et Avalon avait fait ses preuves, gagnant le respect de sa supérieure et sa confiance. Elle ne chérissait rien de plus que cela. Et, cacher la condition d'Afghan à Danielle, ce serait la trahir. Elle ne pouvait pas s'y résoudre.

Mais il y avait Afghan, face à elle, qui la suppliait d'une voix tremblotante. Il y avait Afghan qui ne pouvait pas se faire virer maintenant. Il y avait Afghan qu'elle n'avait jamais vu aussi vulnérable, aussi fragile, et dont la vision la ramenait des années en arrière. Elle déglutit difficile, face à un dilemme qu'elle ne parvenait pas à résoudre.

"Tu te rends compte des risques que tu prends en partant en mission complètement défoncé ?" lâcha-t-elle en se dirigeant vers lui. "Des risques que tu nous fais prendre à nous tous ? Merde, Afghan, on est censés pouvoir compter sur toi dans ces moments-là !"

Ce n'était pas tant pour ça qu'Avalon était aussi agacée, aussi tendue. En entrant dans la vie active, elle avait déménagé. Elle s'était éloignée de cette banlieue maudite, elle avait quitté la chambre partagée à huit ; et, surtout, elle avait quitté cet univers dans lequel elle avait grandi. Voir Afghan dans cet état la mettait dans une situation inconfortable, faisait ressortir chez elle des traumatismes qu'elle s'efforçait d'oublier depuis bien trop longtemps.

La jeune femme soupira, se pencha pour saisir un gobelet dans lequel elle versa une dosette de sucre et qu'elle remplit d'eau d'une coup de baguette magique avant de le fourrer dans les mains de son collègue. Le sucre était une des drogues les plus puissantes au monde ; la moitié de la population y était probablement accro sans s'en rendre compte. Ingérer du sucre, lorsqu'on entrait dans une phase de manque, permettait de tromper l'organisme pendant un temps, rendant les symptômes un peu moins violents et, par conséquent, plus supportable. Toute jeune, sa mère l'envoyait courir à l'épicerie pour acheter un paquet de sucre - parfois à trois heures du matin si besoin était.

"Je ne dirai rien." finit-elle par lâcher du bout des lèvres, après un silence qui avait duré bien trop longtemps.

Elle avait pris sa décision en croisant le regard perdu et affolé de son collègue, qui lui avait rappelé celui de Néro, quand, six mois plus tôt, il avait été arrêté par la police et qu'elle était venue le chercher au poste. Elle se sentait à la fois profondément lasse et étonnamment triste, mais, au-delà de cela, elle comprenait. Elle comprenait sa détresse et sa terreur parce qu'elle elle-même vécue, brièvement, mais surtout parce qu'elle l'avait vu pendant des années, dans les yeux de ses parents, de ses frères, de ses sœurs, de ses amis qui n'avaient pas résisté à la machine infernale et parce qu'elle savait à quel point il était facile d'y tomber mais combien c'était difficile de s'y extirper.

Elle ne dirait rien, parce qu'elle était consciente qu'un simple mot de sa part pouvait lui gâcher toute une vie ; elle ne dirait rien parce que, après tout, elle n'avait jamais été capable de dénoncer ses parents aux autorités. Et, elle ne dirait rien parce qu'elle sentait, chez Afghan, cette fragilité qui la touchait, cette volonté de s'en sortir tapie sous cette drogue qu'il ingérait sûrement quotidiennement. Elle ne dirait rien parce qu'elle avait l'impression qu'il pouvait être sauvé et parce que, Avalon, à défaut de pouvoir sortir sa fratrie de ce monde abominable, avait désespéramment besoin de sauver quelqu'un.

"Tu peux pas continuer comme ça, Afghan." reprit-elle d'une voix douce. "T'as l'impression que ça te fait du bien, que ça t'aide à tenir, que ça te permet d'être plus performant, d'être éveillé plus longtemps... Mais ça finira par te tuer." Elle énonce, une nouvelle fois, une vérité à laquelle elle a bien trop souvent assistée pour la remettre en question.

Un nouveau soupir s'échappe de ses lèvres alors qu'elle observe silencieusement son collègue. "Je peux t'aider." elle ajoute, sans prendre un instant conscience que sa proposition est étrange parce que, finalement, ils ne se connaissent pas si bien que ça. Elle veut juste qu'il accepte, elle veut désespéramment faire quelque chose qui, elle l'espère, lui ôtera cette culpabilité qu'elle ressent envers sa famille. Elle veut rajouter un "si tu veux" mais se ravise parce que, finalement, elle ne lui laisse pas le choix.
Métamorphomage
MétamorphomageMoldu
Messages : 2380
Profil Académie Waverly
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon Icon_minitimeJeu 29 Nov 2018 - 16:05
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon SHwU7rf
Afghan North, 35 ans, Millicien
Crédit Rivendell


- Du sucre. Dans ton eau. Ça aide avec la sensation de manque."

Comme un gamin pris sur le fait, Afghan baissa la tête. Il fuyait le regard d'Avalon, un froncement de sourcils sérieux barré sur un visage fermé, les lèvres pincées et pâles. Il aurait préféré être seul et que personne ne le trouve jamais. Éventuellement, il se serait endormis là, contre le mur. Environné des effluves rassurantes du papiers chaud et du café froid. Il se serait réveillé avec le jour. Tout se serait arrangé dans la nuit.

Afghan ferma les yeux un instant. Il se sentait épuisé et malade, et ne souhaitait que la paix et le silence. La présence d'Avalon était une agression ajoutée à sa rancœur. Il lui était difficile de supporter sa présence, parce qu'elle était là lorsque le dôme de Bristol s'était brisé sous leur nez, qu'elle était là pour assister, toute l'après-midi, à son comportement erratique et stupide, et elle était là désormais, pour constater dans la pénombre de la pièce que les longues stries de fatigue qui zèbraient son visage n'avaient rien des reliquats saint d'une journée difficile. Il n'aimait pas l'acuité de son analyse, ni la manière qu'elle avait de lui jeter négligemment le problème à la figure. Ce n'étaient pas des mots qu'il avait envie d'entendre. Incapable encore d'accepter la justesse de ses propos, qui lui semblaient durs et froids, il estimait qu'il pouvait se débrouiller seul.

Avalon, par ailleurs, était probablement la dernière personne auprès de qui il voulait se sentir redevable. Sa promotion lui laissait un goût amer au fond de la gorge. Il sentait confusément le paradoxe insufflé par une jalousie mal placée. Il savait que dans son état, il n'aurait jamais pu prétendre au poste. Il savait au fond, sans l'admettre, qu'Avalon méritait son poste, et qu'elle ferait du bon travail. Il lui rendait justice dans le secret de son cœur sur la confiance qu'il pouvait lui porter en tant que Lieutenante Milicienne.

Mais une autre part de lui aurait voulu être à sa place, tout en sachant que c'était impossible, et il vivait cette frustration qu'il ne devait qu'à lui-même comme un énième échec. Afghan, pleins d'une colère dirigée contre lui-même, ne supportait plus de se confronter à la réussite des autres. Il ne réalisait pas que son propre bonheur lui échappait par complaisance. Prisonnier, il s'aigrissait lentement.

- Tu te rends compte des risques que tu prends en partant en mission complètement défoncé ?" Afghan gardait obstinément le regard rivé au sol. Il serrait les dents, submergé par les sensations physiques désagréables qui l'étreignaient comme une bordée de vagues épaisses et moites, et le sentiment de honte et de colère qui s'immisçaient dans sa conscience. Une partie de son cerveau embrumé reconnaissait les accusations, mais avec le réflexe protecteur d'un enfant déstabilisé dans son intégrité, il se fermait sur lui-même, en espérant, à force d'efforts, se rendre imperméables à la gravité de son acte. " Des risques que tu nous fais prendre à nous tous ? Merde, Afghan, on est censés pouvoir compter sur toi dans ces moment-là !" Le ton d'Avalon était dur et froid, mais maternel aussi, et pour Afghan, la bienveillance qui y transparaissait vaguement était aussi brûlante qu'une gifle. Il grogna, incapable de formuler une réponse cohérente. L'argumentation n'était pas son fort. Afghan était d'une nature plutôt laconique, et il s'était toujours senti inférieur lorsqu'il s'agissait d'exposer ses idées. Dans son esprit embué de drogue et de douleur, il lui semblait impossible de formuler une pensée cohérente et claire. Cette incapacité à s'exprimer s'ajouta à sa colère. Il trouva seulement les mots pour la supplier de se taire. Il n'avait pas encore conscience de l'aspect pitoyable qu'il renvoyait, aveuglé par la peur.

Il ne s'attendait pas, d'ailleurs, à ce qu'Avalon accepte de garder son secret. Il s'attendait à devoir se battre, à faire valoir ses arguments ou à passer un marché avec elle pour se garantir de son silence. Son dévouement à Danielle Coleman était de notoriété public, et c'était quelque chose qu'Afghan comprenait, du fond de son indépendance. Danielle lui avait laissé une chance, a lui aussi. Elle l'avait introduit dans ce corps d'élite, cette équipe spéciale qui ressemblait vaguement à une famille recomposée, avec des groupes, des drames et de très longues heures passées au coude à coude pour résoudre des situations critiques. Afghan ne voulait pas se montrer indigne de ce que Danielle lui avait accordé. Même s'il considérait le comportement d'Avalon avec une distance qui ressemblait vaguement à la déception de l'enfant le moins aimé. Il jugeait leur intimité avec une acidité envieuse, et manquait rarement une occasion d'en faire un commentaire discret. La vérité, c'est qu'il aurait aimé avoir la place d'Avalon. Il se serait senti rassuré si Danielle avait posé sur lui le regard qu'elle posait su sa collègue.

Il pensait que son animosité discrète s'était sentie. Il ignorait soudain si Avalon avait déjà clairement réalisé qu'il avait pour elle un comportement pleins de froideur et de retenue. Peut-être avait-elle mis cela sur le compte de son attitude générale : Afghan était réputé pour être quelqu'un de calme et de sombre au quotidien. Discret sans être effacé, il tenait le mur en silence et parlait peu par soucis de clarté. Il souriait rarement, et toujours avec timidité.

Pire, peut-être ne l'avait-elle même pas remarqué.

Il lève les yeux vers elle, incertain. Il lui faut la confirmation de son regard pour comprendre qu'elle a choisi de se taire, et de trahir Danielle pour lui. Pourquoi ? De la tête, Afghan esquisse un geste méfiant. Il la dévisage par en dessous comme un animal acculé. Il réalise à retardement qu'elle lui a glissé un gobelet entre les mains. Le sucre tournois en nuage de poudre dans la transparence de l'eau glacée. Afghan soupire lentement. Il boit doucement. Le breuvage lui fait du bien.

- Tu peux pas continuer comme ça, Afghan. Dit Avalon, et la douceur de sa voix lui fit violence. T'as l'impression que ça te fait du bien, que ça t'aide à tenir, que ça te permet d'être plus performant, d'être éveillé plus longtemps... Mais ça finira par te tuer. Je peux t'aider. " Il la scruta en silence, accusant les effets du sucre. Il lui semblait improbable que sa solution puisse fonctionner et pourtant, il sentait confusément les tremblements diminuer, et il lui sembla qu'un voile quittait ses yeux.
- Pourquoi ? " Méfiant, il la dévisagea les yeux plissés. Sa voix raisonna dans un souffle rauque. " Je comprends pas. " Lentement, il tâcha de s'appuyer sur le bureau pour se redresser, et s'y asseoir. Il ne supportait pas de devoir lever les yeux. D'un geste nerveux, il pliait le gobelet entre ses doigts. Il la considéra, grave, cherchant les mots pour expliquer sa pensée. " Si Danielle l'apprend, tu seras probablement grillée. Tu me dois rien. Et puis, peut être que j'ai pas besoins d'aide. Peut-être que je me débrouille. " Rempli de honte, la fierté d'Afghan se débattait pour trouver un chemin où il pourrait retrouver le droit de se respecter lui-même. Comme souvent, il n'avait pas conscience d'avoir choisis le mauvais.
Métamorphomage
MétamorphomageMoldu
Messages : 2380
Profil Académie Waverly
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon Icon_minitimeJeu 29 Nov 2018 - 22:05
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon SGkNVj1L_o
Avalon Davies, Lieutenante Milicienne

Avalon observa Afghan boire l’intégralité de son verre d’eau, une moue satisfaite sur le visage. Ce geste lui paraissait si familier qu’elle avait l’impression de revenir des années en arrière, dans ce petit appartement miteux dont elle connaissait chaque recoin. Elle voyait son frère, Néro, debout en face d’elle dans ce qui leur servait de cuisine, la dévisageant avec un regard vitreux. « Merci Av » disait-il, la voix tremblotante. Intérieurement, elle savait qu’il n’avait qu’une seule idée en tête, celle de trouver la prochaine dose, celle qui lui permettrait d’oublier l’état dans lequel il était.

Souvent, elle avait eu envie de les secouer, de leur hurler toute sa frustration et toutes ses craintes, de leur intimer de regarder ce qu’ils faisaient de leur vie et de leur santé. Elle l’avait fait, un jour, et son père lui avait ri au nez, « t’es une privilégiée, Avalon, c’est tout ce que t’es. Tu crois pas qu’avec ta magie, on réussirait pas tous aussi bien que toi ? » lui avait-il rétorqué. Elle n’avait jamais retenté l’expérience, se contentant d’observer ses parents et de bercer Célice, dont la consommation de drogue causait chez elle des symptômes psychotiques sévères.

C’était vrai ; elle avait été privilégiée. Cette petite étincelle de magie qui s’était déclenchée chez elle lui avait sauvé la vie. Du petit appartement miteux au quatorzième étage d’une tour qui tombait en ruine, elle était passée aux immenses salles de Poudlard où elle ne s’était jamais sentie à l’étroit. Elle avait eu son propre lit, de l’eau chaude à profusion, trois repas par jour et un environnement où elle se sentait en sécurité. A la demande de ses parents elle était revenue chez eux, à chaque vacances – parce que, au moment des vacances scolaires, ils avaient besoin de petites mains pour renforcer leurs ventes. Elle arrivait à King’s Cross et traversait Londres avec sa lourde malle pour rejoindre sa résidence. Sa famille l’accueillait dans une douce euphorie, on riait à gorge déployée, on picorait ce qu’elle avait pu ramener du banquet de Poudlard, on la remerciait puis, doucement, ils sombraient tous. Dès sa première nuit dans cette petite chambre exiguë elle n’avait qu’une seule envie : repartir. Elle voyait les jours s’écouler avec une lenteur infinie, son ventre criait famine, désormais habitué à des rations plus conséquentes, elle subissait chaque déplacement dont ses parents la chargeaient en courbant le dos et parcouraient les rues la tête baissée, évitant chaque regard, chaque geste. Cela n’avait rien empêché.
Et, enfin, elle retournait à Poudlard, à l’abri entre les murs du château. Elle était privilégiée, elle le savait ; elle avait eu la chance d’être sortie de ce monde avant qu’il ne soit trop tard. Ce n’était pas le cas de Néro, d’Yseut, de Célice, de Galaad, ni même de Morgane ou d’Yvain. Bientôt – elle ne se faisait pas trop d’illusion sur le sujet – ce ne serait plus non plus le cas pour Viviane et Garlan. Et elle ne pouvait rien faire, elle se sentait parfaitement impuissante.

Alors Afghan ne comprenait pas, évidemment, mais tout cela faisait sens pour elle. Elle ne le dénoncerait pas à Danielle parce qu’elle savait que cet acte pourrait le détruire complètement. Parce qu’Afghan, contrairement à sa fratrie, avait encore quelque chose auquel se raccrocher, quelque chose auquel il tenait vraiment ; et parce qu’Avalon savait que, si elle lui enlevait, alors plus rien ne l’empêcherait de sombrer. La jeune femme s’agita, mal à l’aise face aux interrogations d’Afghan. Elle n’avait pas envie de lui expliquer ses parents, de lui expliquer sa fratrie, de lui expliquer son « autre vie ». Seule sa dernière réplique lui arracha un rire bref, sans joie.

« Tu te débrouilles ? » répéta-t-elle, incrédule. « Mais t’as eu l’impression de gérer quoi cet après-midi ? T’étais complètement défoncé ! » L’intonation de sa voix augmenta malgré elle ;  elle sentait des années de frustration se déverser lentement dans ses veines. « Mais oui, bien sûr, tu te débrouilles parfaitement. Tout va bien, tu te prends des rails de je ne sais pas quoi en pleine journée, t’es dans un état pitoyable mais ouais, félicitations, tu gères. »

Avalon avait noté la distance qu’avait toujours instaurée Afghan dans leurs échanges mais elle ne s’en était jamais formalisée parce qu’elle avait toujours gardé avec lui une relation très professionnelle. Cette intimité était parfaitement nouvelle et elle avait plongé dedans avec la force du désespoir.

« Va pas me servir le couplet de l’homme fort et viril qui règle ses problèmes tout seul. » renchérit Avalon, narquoise. « Je te propose mon aide parce que t’en a besoin. »

Et que moi aussi, j’en ai besoin.

« Que je sois grillée ou pas, c’est mon problème. » Sa voix s’adoucit instantanément alors qu’elle observe son collègue. « Crois-moi, Afghan, c’est la meilleure chance que t’auras jamais de t’en sortir. » déclara-t-elle avec le ton de celle qui savait. Parce qu’elle savait.
Métamorphomage
MétamorphomageMoldu
Messages : 2380
Profil Académie Waverly
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon Icon_minitimeLun 10 Déc 2018 - 19:28
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon SHwU7rf
Afghan North, 35 ans, Millicien
Crédit Rivendell


Afghan se ferma en même temps que ses doigts se crispaient sur le verre, qu'il rivait son regard au sol, fixe, dur, et qu'il serrait les lèvres. Sourcils foncés, ombres noires dans les yeux, il reçut la réponse d'Avalon avec la même colère renfrognée, la même colère d'enfant pris sur le fait d'une grosse bêtise.

Afghan s'habituait à l'autorité des femmes avec une lenteur nécessaire à sa condition. Élevé par une mère plus proche de son âge que son plus jeune frère, elle n'avait jamais eu sur lui le pouvoir d'une mère mais plutôt celui d'une sœur un peu dépassée. Il avait, presque autant qu'elle, élevé sa fratrie et ne connaissait de la discipline rien d'autre que celle qu'on avait tenté de lui inculquer  alors qu'il traînait dans les rues. Il avait été un élève plutôt problématique, à Poudlard. Il lui avait fallu du temps pour accepter l'injustice profonde et le gouffre de vie qui existait entre l'école grandiose et ce qu'il avait toujours connu. Il avait cherché ardemment des modèles paternels capable de le canaliser et recevoir un ordre de la part d'une femme lui laissait toujours dans la bouche un goût d'incertitude. Afghan s'était construit comme un militaire rempli de manques, incapable de formuler son besoins d'affection, qu'il avait transformé en attitude bravache. Il avait découvert en Danielle un mélange troublant de ce qu'il attendait d'un homme et de ce qu'il aimait chez une femme. Elle était devenue à ses yeux une espèce d'exception, l'une des rares dont il recevait les recommandations impératives avec soumission.

Avalon ne méritait pas autant de considération. Il reçut sa frustration avec la fierté blessée d'un homme qui surestime ses qualités, et l'orgueil du mâle qui ne doit rien à la femelle. Il se sentit affermit dans ce rejet par l'odeur de honte que cette attitude lui faisait parvenir. Et tout en sachant qu'Avalon parlait vrai, il ne sût pas reconnaître ses faiblesses et confesser son mal. Il se sentit au contraire en devoir de relever les yeux et d'adopter une attitude brave, sûr de lui, sur de son droit, comme s'il avait encore le pouvoir d'infirmer ses propos.
- Mais oui, bien sûr, tu te débrouilles parfaitement. Tout va bien, tu te prends des rails de je ne sais pas quoi en pleine journée, t'es dans un état pitoyable mais ouais, félicitations, tu gères. "
- Cris pas. " Avalon ne criait pas vraiment, mais elle avait haussé le ton et cela ressemblait furieusement, de son point de vue, à une tentative moralisatrice de lui mettre le nez dans la merde. Son égo acceptait mal la réprimande. Il l'acceptait d'autant moins qu'elle sortait de la bouche d'une femme qu'il côtoyait au quotidien sans qu'il n'en résulte jamais de réelle proximité, dont il ne savait rien, et surtout, qui n'avait pas son respect. Il se ménagea toutefois, parce qu'elle était sa supérieur. Et le fait qu'il ne l'accepte pas n'y changeait rien. Au travers du trouble créé par la drogue et des réflexes stupides conduit par son machisme inconscient, il percevait encore l'importance de faire comme s'il reconnaissait ce droit à Avalon. Il ne pouvait pas non plus réfuter sa performance ridicule de la journée. Il avait conscience, maintenant que les effets de la drogue commençaient à disparaître, d'avoir été dangereux pour lui, et pour ses collègues. Lui qui s'était battu pour qu'on lui accorde une confiance qu'il ne lui avait jamais semblé recevoir nul part ailleurs, être pris en défaut, risquer de décevoir, le paralysait.
- Va pas me servir le couplet de l'homme fort et viril qui règle ses problèmes tout seul, poursuivit Avalon avec une acidité douloureuse pour Afghan parce qu'il se sentit heurté par une remarque qui le cernait trop parfaitement. Il faillit se récrier, mais se tut, dégoûté de se sentir aussi minable qu'un adolescent réprimandé par sa mère. " Je te propose mon aide parce que t'en as besoins. "

Il ferma les yeux, brièvement excédé. Il ne comprenait pas pourquoi parmi tous, Avalon devait être celle qui lui jetait les arguments, ce soir, en pleins visage. Il avait pressentit, lorsque les choses avaient commencer à déraper et qu'il avait perdu le contrôle -sans admettre qu'il le perdait, évidemment-, qu'il aurait cette discussion, tôt ou tard. Il avait écarté cette fatalité avec l'aisance familière qu'il avait développé pour éviter de s'encombrer l'esprit avec des choses auxquelles il ne pouvait rien. Peut-être aurait-il pris le temps d'y réfléchir, s'il avait connu les circonstances.

Avalon conclu et Afghan s'enferma un long moment dans son mutisme. Il affichait assez visiblement un air profondément contrarié, et toute l'attitude de son corps réclamait la fin de cet échange. Son regard fit un aller-retour bref entre ses pieds et les yeux d'Avalon qui ne cillaient pas. En lui se battaient la culpabilité, la honte, la fierté, l'égocentrisme, sa virilité mise à mal et le besoins vital et personnel de ne pas admettre qu'il était en train de tout foutre en l'air. Afghan dissimulait derrière une dureté brutale un manque de confiance dramatique. Son inconscience lui dictait qu'admettre ses faiblesses profondes face à cette femme qu'il connaissait à peine reviendrait à exposer sa vulnérabilité, et à périr.

Parce qu'il ne survivrait pas à une telle honte.

Afghan ignorait parfaitement comment se livrer. Il ne s'était jamais reposé sur personne, parce que personne n'avait jamais pris la peine de l'y inciter. Avalon surgissait brutalement dans le hall bancal de son architecture interne et y mettait un grand coup de pieds sans concession. Il aurait voulu être seul un moment pour pouvoir réfléchir, et trouver les bons mots, mais elle ne lui laisserait pas l'occasion de le faire, il le sentait. La pression qu'elle lui imposait lui était une violence qui l'incitait au replis. Il fit un effort profond pour se dégager de cette attitude qui ressemblait à celle d'un adolescent. Il se sentit proche de refuser, mais quelque chose dans la formulation d'Avalon le retint. Quelque chose qui lui donnait l'impression qu'elle savait de quoi elle parlait. Il se sentit faible, et détesta ça, mais épuisé aussi, et proche de lâcher prise. Il se battait depuis des mois contre l'envie, puis le désir rampant et enfin l'addiction, il se battait sans résultat, conscient de mettre en danger sa famille, son travail, ses collègues, et lui-même, conscient d'être sur le point de démolir ce qu'il avait mis des années à bâtir : une réputation de professionnalisme réel, des capacités profondes. Il était de nouveau comme ce gamin de huit ans qui volait des cigarettes à sa mère pour les revendre, comme cet adolescent de quinze ans qu'on envoyait en retenu parce qu'il réglait ses différents à coups de poings. Il ne voulait plus être cette personne depuis des années mais ne savait pas comment être quelqu'un d'autre.

- J'ai essayé des trucs, mais ça marche plutôt… pas, admit-il lentement. Il lui était aussi difficile d'invoquer les mots dans son esprit que de les formuler. Je peux pas arrêter de travailler. Et Danielle me virera si elle l'apprend, c'est sûr. " Il leva les yeux vers elle, pleins de défiance. " Dis-moi comment je suis censé faire, dans ces circonstances ? " Il ne lui faisait pas confiance, mais reconnaissait le bon sens de ses paroles. Il avait besoins d'aide, et personne ne pouvait lui en apporter. Personne d'autre, en tous les cas.
Métamorphomage
MétamorphomageMoldu
Messages : 2380
Profil Académie Waverly
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon Icon_minitimeJeu 3 Jan 2019 - 16:37
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon SGkNVj1L_o
Avalon Davies

« Sans blague » faillit lâcher Avalon, acide, lorsqu’Afghan lui avoua avoir déjà essayé d’arrêter son addiction, sans que cela ne fonctionne pour autant. Elle ravala son amertume et se contenta d’hocher la tête.

Elle savait que sa réaction n’avait rien de rationnelle et qu’elle laissait complètement son passé s’exprimer à sa place. Si elle avait pris plus de recul sur la situation, sûrement n’aurait-elle pas proposé son aide à Afghan – du moins, pas en lui promettant de ne pas en parler à Danielle par la même occasion. Peut-être aurait-elle essayé de comprendre, de l’écouter ; peut-être aurait-elle fait preuve de patience, d’empathie, de compassion. Mais Avalon avait laissé ses émotions prendre le dessus et elle était uniquement mue par un besoin inexplicable de sortir son collègue de son addiction. Elle ressentait cette urgence dans ses os, dans ses entrailles, dans chaque parcelle de son corps qui était à vif à la vue si familière du visage décharné d’Afghan.

Afghan aurait pu être Galaad. Afghan aurait pu être Yseut. Ou Néro. Ou Yvain. Ou n’importe quel membre de sa famille qui, un jour, aurait pris conscience des dangers de sa consommation. Mais, dans la famille d’Avalon, on se riait du danger, on le saisissait à pleines mains, on se brûlait avec et on s’en satisfaisait. Et c’était douloureux, si douloureux, d’assister à la descente aux enfers de personnes qui lui étaient si chères et qu’elle aimait profondément, malgré leurs relations conflictuelles.

Afghan arrivait dans sa vie au moment où Avalon perdait pied. Au moment où elle devait accepter qu’elle était dans une impasse et qu’elle ne pouvait pas en sortir. Il arrivait au moment où elle baissait les bras, au moment elle sentait la résignation poindre dans son esprit. Il arrivait avec ses yeux cernés, son teint pâle et ses mains tremblantes. Il arrivait, et renvoyait Avalon dans sa minuscule chambre qu’elle partageait avec sa fratrie. Il ouvrait des blessures qu’elle ne soupçonnait même pas avoir, il versait du sel sur des plaies qu’elle pensait cicatrisées, il lui rappelait le quartier de son enfance, les vols, la vente, la peur, la douleur, les cris. Elle se sentait redevenue petite-fille et, paradoxalement, avoir pris dix ans en quelque secondes.

Elle se força à inspirer et à expirer doucement, gardant son regard posé sur Afghan, toujours en face d’elle. Elle distingua sa faiblesse dans ses derniers propos, sa peur d’être exclu de la milice et, brièvement, son regard se voila de tristesse. Elle comprenait ce sentiment, cette crainte de devoir quitter un emploi qui leur offrait non seulement la possibilité de briller, de se construire mais aussi un groupe qui s’apparentait davantage à une famille. Avalon était terrifiée par la peur de perdre tout ça du jour au lendemain. Elle s’était battue pour construire son futur, pour s’épanouir dans son métier, pour se faire une place dans la société sorcière qui l’avait accueilli lorsque personne ne voulait d’elle. Elle admirait Danielle pour la manière dont elle gérait ses équipes mais, au-delà de ça, elle se sentait emplie de gratitude à son égard pour l’avoir laissé faire ses preuves au sein de la milice. Il était inconcevable pour elle de décevoir ce groupe ou de l’abandonner ; elle aurait suivi Danielle jusqu’au bout du monde les yeux fermés si elle le lui demandait.

« Je sais que ça paraît compliqué, comme ça. » commença-t-elle en s’adossant à un bureau. « Mais tu peux demander de l’aide à quelqu’un, à un médecin, à une association – même moldue, si tu veux pas passer par l’administration sorcière. » expliqua-t-elle en posant sur lui un regard intense. « Ecoute… Danielle est loin d’être dupe. Elle n’a peut-être rien remarqué aujourd’hui parce qu’elle était occupée à gérer le bordel de Bristol, mais ça ne sera pas le cas tous les jours. Au final, tu sais très bien qu’elle va finir par se rendre compte que tu n’es pas dans ton état normal. Elle n’aurait qu’à projeter son esprit contre le tien pour remarquer que tu es sous l’emprise de stupéfiants. » Avalon haussa les épaules. « Tu pourrais prendre les devants et lui expliquer que t’as besoin d’un congé pour aller en réhab… » proposa-t-elle avant d’ajouter rapidement « Ou au moins prendre un congé le temps de te sevrer. » Elle l’observa un instant en silence avant de rajouter : « Je pourrais venir avec toi, si tu veux. »
Métamorphomage
MétamorphomageMoldu
Messages : 2380
Profil Académie Waverly
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon Icon_minitimeSam 30 Mar 2019 - 20:32
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon SHwU7rf
Afghan North, 31 ans, Millicien
Crédit Rivendell


La sensation de manque est affligeante, Afghan se sentirait capable de hurler de frustration. Il meurt de faim, une douleur lancinante tambourine contre ses tempes, stimule son irritabilité, et l'empêche de réfléchir correctement. Il a la nausée, le cœur qui bat fort dans sa cage thoracique, le souffle court, et la sensation prodiguée par le sucre commence à se diluer dans la tension que crée la discussion. Il est fatigué, mais ne peut pas se reposer car lorsqu'il ferme les yeux, il ne s'endort pas, et les miliciens l'attendent au bar. Que vont-ils penser, s'il reste coincé là des heures en compagnie d'Avalon Davis ?

Ils pourraient se douter de quelque chose.

Afghan regarde attentivement le bout de ses chaussures. Il a les mains serrées contre le bureau, sporadiquement lorsqu'une vague de douleur l'assaille, et se demande s'il pourrait s'écrouler. La voix d'Avalon, la peur et la honte le maintiennent dans la réalité brutale de ce qu'elle lui expose avec une sorte de pédagogie étrange, et toute cette situation lui semble d'une raideur et d'une bizarrerie étonnante. Son visage se contracte. Bien sûr, Danielle a dû remarquer. Il le sait, au plus profond de lui, depuis le tout début. Danielle le connaît, peut être mieux que personne dans la milice, lui fait confiance, a perçu ses faiblesses en dix minutes lors de son premier entretient. Il sait qu'il ne peut rien lui cacher et que sous ses dehors froids, la Milicienne est extrêmement attentive. Afghan est pâle. L'idée de décevoir les attentes de cette femme à qui il doit tant l'ébranle si profondément qu'y penser lui donne envie de mourir de honte. Prendre les devants ? Afghan relève la tête, avec un regard fou, pleins de colère et de désespoir. Assumer qu'il a été incapable d'honorer sa charge ? Affirmer en regardant Danielle dans le blanc des yeux qu'il n'est pas fiable ? Afghan ferme les paupières brièvement. Il voudrait pouvoir revenir en arrière, ne jamais toucher à cette drogue délicate et violente. Ne jamais réitérer son usage, ne jamais croire qu'il peut la maîtriser, l'utiliser comme un outil, sporadiquement, pour sortir la tête de l'eau. Il ne comprend pas que la conclusion est inaltérable : il connaît la drogue aussi bien qu'une vieille amie, pour avoir côtoyé des drogués toute sa vie. Il savait par avance comment cela finirait et pourtant, il n'a pas pu s'empêcher de tomber dans l'abime.

Il ne sait pas qu'il a un besoins profond de se faire du mal.

- Je pourrais venir avec toi, si tu veux. " La voix d'Avalon n'est pas particulièrement douce, pas particulièrement empruntée, elle admet un fait, c'est tout. Quelque chose en Afghan cède soudainement. Une barrière en béton armée dont la fissure atteignait déjà le centre de son âme se brise sous la poussée maîtrisée de sa collègue. Il se passe une main sur le visage, se prend la tête dans les yeux en respirant un hoquet d'épuisement. Lorsqu'il dégage ses yeux pour sonder ceux d'Avalon, il est moyennement calme, mais son animosité a disparue.
- J'aimerai sortir de mon corps cinq minutes là, pour être capable de réfléchir, parvient-il à dire. Il esquisse un mouvement de surprise, comme s'il se rendait compte lui-même de ce qu'il venait de formuler, puis baisse le regard à nouveau. Je me sens comme une épave qui ne sait plus prendre de décisions par lui-même, c'est ce qu'il aimerait dire, mais les mots restent bloqués quelque part au fond de sa gorge et ne franchissent jamais ses lèvres. " Je sais pas. Enfin, c'est pas ça… " Sa langue est lourde, collante, il meurt de soif. " T'as raison… " Admet-il, et cette concession lui donne envie de pleurer. " Mais putain, elle va me dérouiller la face. " Il se passe une main nerveuse et tremblante dans les cheveux, cherche sa nuque brûlante. Il n'a pas encore répondu à sa question, et hésite, entre ce que sa peur profonde lui dicte et ce que lui souffle sa fierté. " Je comprends pas pourquoi tu veux rentrer là-dedans : on se connaît pas si bien. Et je crois pas qu'on s'aime vraiment." C'est une affirmation qui sonne comme l'inverse de ce qu'il voudrait dire. Ce qu'il pense, au fond, ce qu'il espère, c'est qu'Avalon va insister un peu parce que seul, il se sent incapable de tout. Il n'ose pas affronter son regard. Il a peur qu'elle lui tourne le dos.


Métamorphomage
MétamorphomageMoldu
Messages : 2380
Profil Académie Waverly
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon Icon_minitimeDim 21 Avr 2019 - 17:21
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon DcGmblf
Avalon Davies

Lorsqu’elle était encore adolescente, Avalon avait consommé la drogue que ses parents produisaient. Elle l’avait fait un peu par habitude, un peu pour imiter ses frères et sœurs, un peu parce que, chez elle, c’était de cette façon qu’on passait de l’enfance à l’âge adulte. Elle avait aspiré des rails de poudre blanche étalés sur une table basse aux tâches douteuses et elle s’était sentie fière, un peu. A Poudlard, il était difficile pour elle de se procurer de quoi satisfaire cette sensation de manque qui lui brûlait les veines, alors, peu à peu, elle parvenait à se sevrer. Puis, elle retournait chez elle, et sa descente aux enfers reprenait exactement là où elle l’avait laissé. Au début, elle consommait par plaisir, presque par fierté. Puis, elle avait commencé à consommer pour se donner le courage de se rendre dans les coins les plus mal famés de Londres et sa banlieue et d’y revendre les quelques sachets de drogue qu’elle cachait dans la doublure de son sweat. Après, elle s’était mise à consommer pour oublier.

Au début, elle avait l’impression d’être dans une bulle, de flotter au-dessus de la réalité. Elle se sentait bien, légère. Mais, très vite, sa consommation de drogue, couplée à l’univers angoissant dans lequel elle évoluait, avait eu des effets néfastes sur son quotidien : elle était devenue paranoïaque, ses angoisses s’étaient intensifiées, elle avait connu des épisodes hallucinatoires dramatiques. Mais le pire, c’était sa pensée. Elle défilait à une vitesse folle dans son esprit sans qu’Avalon puisse en saisir une bribe. Elle ne parvenait pas à se fixer sur aucun mot, aucune sensation, si bien que la jeune femme ne parvenait plus à réfléchir et peinait même parfois à parler. Alors elle comprenait Afghan, elle comprenait cette envie de « sortir de son corps », juste pour pouvoir saisir une pensée cohérente. Elle préféra toutefois ne pas relever cette phrase et se contenta d’hocher la tête.

« Elle va te faire la misère. » acquiesça-t-elle toutefois, non sans noter qu’au moins, Afghan lui avait donné raison.

Elle savait qu’elle avait raison parce qu’elle avait été Afghan, parce que son frère Nero était Afghan, parce que Galaad, Yseut, Yvain, Célice, tous avaient été à sa place et aucun n’avaient réussi à s’en sortir. Encore aujourd’hui, lorsqu’elle regardait en arrière, Avalon avait dû mal à comprendre quand et comment elle avait pris la décision de se sevrer définitivement. Après une énième crise de convulsion de Nero ? Lorsque Morgane, qui avait fait un déni de grossesse, avait perdu son bébé – de toute façon décédé après de trop nombreuses doses consommées par la jeune femme ? Lorsqu’elle était rentrée chez elle, en larmes, les yeux bouffis et le visage défait, parce qu’elle avait été trop faible pour protester, trop faible pour se débattre, trop faible pour dire non ? Elle ne savait pas – plus – quel avait été l’élément déclencheur mais, en repartant à Poudlard un jour, elle s’était faite une promesse qu’elle n’avait jamais trahie depuis : celle de ne plus jamais retoucher aux substances stupéfiantes. Plus tard, elle avait gravé cette promesse dans sa peau, comme si l’avoir marqué sur son corps lui permettrait de ne jamais l’oublier. Elle avait ainsi, à gauche, entre ses côtes et sa poitrine, le symbole « delta » tracé à l’encre noir.
" Je comprends pas pourquoi tu veux rentrer là-dedans : on se connaît pas si bien. Et je crois pas qu'on s'aime vraiment."
« Je… » Avalon se sentit prise de court par la question – pourtant légitime – d’Afghan.

Ce qu’il disait faisait sens : ils ne se connaissaient pas tant que ça et n’étaient pas vraiment proches non plus. Ce n’était pas un ami, seulement un collègue de travail, et elle n’avait jamais poussé suffisamment loin une discussion avec lui pour savoir s’ils avaient des points communs.

Pourquoi faisait-elle ça ?

« Tu me fais penser à moi » aurait été la réponse la plus honnête qu’elle aurait pu lui servir. Evidemment, celle-ci ne lui traversa même pas l’esprit ; Avalon n’avait jamais partagé avec quiconque son histoire familiale, et ce n’était pas aujourd’hui qu’elle allait commencer.

« Je ne sais pas. » mentit-elle alors. Elle se passa une main nerveuse dans les cheveux. « On n’est pas amis, mais j’ai pas l’impression que tu aies beaucoup d’amis, ici. » lança-t-elle alors, de façon peut-être un peu sèche, comme pour protéger son propre secret. « Et j’ai cru que tu avais besoin d’aide. Alors… »

Alors, d’une manière bien trop naturelle pour être justifiée par ce piètre mensonge, elle s’était proposée. Elle haussa les épaules, darda son regard dans celui d’Afghan.
Contenu sponsorisé
Profil Académie Waverly
La mandragor c'est la mort (alors le reste, vous imaginez bien) - Avalon Icon_minitime