Le rapport du soir [Jonah & Adonis]

D’un geste ample des bras, Jonah envoya le cognard en direction du poursuiveur adverse. Douglas Kane dut changer de trajectoire pour esquiver le jet ce qui permit à Andrew Sharp de se saisir du souaffle. Le directeur de département descendit en piqué, fit une passe à sa coéquipière, Irina Calder, qui vola  jusqu’au but pour lober le gardien. La partie était bien engagée et les deux équipes restaient au coude à coude incapable de se départager. Le souaffle repartit d’ailleurs très rapidement dans le camp de l’équipe de Jonah qui du faire demi-tour pour épauler ses coéquipiers. Il jeta un regard en direction de des deux attrapeurs qui volaient en stationnaire au dessus du terrain, visiblement incapable de repérer le vif d’or. La douce lumière du  crépuscule de cette fin de journée ensoleillée n’aidait clairement pas à le retrouver d’ailleurs. Il pouvait voir l’expression de Dean, les sourcils froncés et le visage baigné d’une lumière jaune, scruter les nuages mordorés avec intensité.

Avisant le soleil particulièrement bas dans le ciel, Jonah jeta un coup d’œil à sa montre. Les membres du club amateur avaient loué les équipements jusqu’à 23h et il ne leur restait plus qu’une vingtaine de minutes pour tout ranger et prendre leurs douches aux vestiaires. Jonah attrapa le sifflet accroché à sa cape de quidditch et sonna la fin de la rencontre sur un score scrupuleusement nul.

-Tu siffles la fin du match quand ça t’arrange ! le taquina Douglas en relevant ses lunettes de protection sur son crane. Son ami venait de se saisir du souaffle à quelques mètres du but.

-Il faut bien que j’ai quelques privilèges à être le président de cette association, répondit l’enseignant en piquant lentement vers le sol. Il fit quelques virages pour checker ses coéquipiers et se posa en douceur au centre du terrain, juste à côté de son fils, mauvaise soirée pour les attrapeurs… » souffla-t-il à l’attention de Dean et de la toute nouvelle recrue qui remplaçait Samantha Miller depuis son décès prématuré.

La nouvelle de la mort de la jeune lycanthrope avait particulièrement attristé Jonah et les autres membres de Werewolf Rights. Ils s’étaient associés aux joueurs de quidditch amateur pour acheter une grosse gerbe de fleurs et ils avaient collecté une belle somme d’argent pour une association de lutte contre l'insécurité routière.

Même si les réseaux résistants, et Lauren McGowan, la petite-amie de la jeune femme,  laissaient sous-entendre que la mort de Sam n’avait rien d’accidentelle, Jonah avait mit un point d’honneur à donner un maximum de crédit à la version des faits gouvernementale. On ne luttait pas contre le régime en s’affichant ouvertement contre lui. Jonah en était intimement convaincu et il avait longuement discuté de cette affaire avec Andrew Sharp, le directeur de la justice Magique qui officiait justement en tant que Poursuiveur dans leur équipe amateure. McGowan avait été un temps leur coéquipière avant qu’elle ne soit recrutée en ligue professionnelle.
« Pauvre gamine manipulée par ces terroristes ! » déplorait publiquement Jonah.

Il avait toutefois évoqué cet épisode avec Thelma,  puis Dean, et ils étaient tous les trois convaincus que le Ministère n‘était pas tout blanc dans cette histoire. Son fils semblait d’ailleurs très préoccupé depuis le décès et l’emprisonnement de ses deux camarades de classe et la récente disparition de Nahuel Munoz ne l’aidait clairement pas à affronter ses examens de fin d’année sereinement.

« Des nouvelles de Nahuel ? » demanda d’ailleurs Jonah en posant son balai sur son épaule pour rejoindre lentement les vestiaires.
Dean secoua la tête.
« Non. J’ai essayé de l’appeler et de lui envoyer des patronus mais je n’ai pas obtenu de réponse. »
L’ami de son fils s’était volatilisé. Littéralement. Le patron de la Gorgonne Déchainée, le bar où il travaillait, était sans nouvelle du jeune argentin depuis près d’une semaine et personne ne l’avait vu à Bristol ou ailleurs. Douglas Kane qui marchait à côté d’eux se mêla alors à leur discussion :

« Nahuel est un globe-trotter. Un voyageur. Il a du partir au vert quelques jours ! Voilà tout ! »

Jonah approuva d’un hochement de tête sans y croire vraiment. Par les temps qui courraient, il n’était jamais bon de disparaitre de la sorte. Dean en était surement arrivé à la même conclusion mais il masqua parfaitement son inquiétude en reportant son attention su Doug.

« Tu as sans doute raison… Tu sais de quoi tu parles après tout, souffla-t-il en souriant, D’ailleurs tu repars bientôt en déplacement ? J’ai entendu dire que Medicomages sans frontière projetait d’envoyer des vivres en République Centrafrique… »

Dean et Doug prirent la direction du vestiaire tandis que Jonah s’arrêtait sur le bord du terrain pour boire quelques gorgées d’eau dans sa gourde qu’il avait abandonnée dans l’herbe en début de partie. Il posa son balai et sa batte contre la clôture, attrapa la serviette qu’il laissait sur le bord du terrain pour tamponner son visage et éponger un peu sa sueur lorsqu’un homme l’interpela. L’enseignant leva les yeux sur lui et fronça quelque peu les sourcils pour tenter de remettre un nom sur ce visage familier. Il connaissait cet homme mais impossible de se souvenir d’où ? Il faut dire qu’il faisait fausse route en passant en revue ses contacts dans le milieu associatif du quidditch amateur : Le loueur du terrain ? Le représentant de la fédération ? Lorsqu’il fut question de Nahuel Munoz, la ride du lion de Jonah se creusa quelque peu. Quel lui voulait donc cet homme et, surtout, qui était-il ?

Le visage de l’enseignant s’éclaira subitement lorsque son interlocuteur se présenta enfin.

« Mais bien sûr ! s’exclama-t-il en tendant la main en direction de l’ex-ambassadeur, M. Greengrass ! Mon prédécesseur au poste de Directeur de la Maison Serpentard  –Et l’un des plus fidèle allié du régime dont Thelma lui avait dit qu’il fallait particulièrement se méfier- pardonnez-moi de ne pas vous avoir remis avant. Il faut dire que nous n’avons pas eu le privilège de nous croiser lors de la transmission mais j’ai bien trouvé toutes vos notes dans les dossiers des élèves et je vous en remercie, poursuivit-il d’un air chaleureux avant de reprendre plus posément, Dites-moi, qu’est-ce qui vous amène ? Vous avez évoqué Nahuel Munoz ? J’espère qu’il ne lui ai rien arrivé de grave…» souffla-t-il en posant sa serviette sur son épaule. Il se doutait que si un représentant du régime venait le trouver personnellement ce n’était surement pas pour lui dire que Nahuel coulait des jours heureux sur une ile déserte non loin des Bahamas…

La réponse que lui fit Adonis Greengrass le laissa toutefois abasourdi. Il s’était attendu à ce qu’il soit question du LEXIT mais il n’en fut rien, du moins, pas dans un premier temps.

«  Nahuel ? Extradé vers son pays ? s’étonna Jonah,  De quoi est-il accusé ? » s’enquit-il.

Adonis ne daigna pas lui apporter de réponse immédiate. Peut-être n’avait-il pas le droit de le faire. Quoiqu’il en fut, l’ex-ambassadeur était venu le trouver –hors du cadre de ses fonctions visiblement- pour l’informer de cette situation. C’était prévenant de sa part...et aussi très étrange. Que cherchait-il ? Que voulait-il ?
Méfiance était de rigueur.
Jonah avisa Wolgang, un camarade de Werewolves Right, qui était le dernier à quitter le terrain, son balai et sa batte entre les mains. Il héla son coéquipier et lui jeta les clefs des vestiaires.

« Tu peux ouvrir aux autres s’il te plait? Je vous rejoins. » demanda l’enseignant avant de reporter son attention sur Greengrass qui semblait bien informé. Lorsqu’il qualifia « d’intime » la relation de Dean et Nahuel, le père de famille tiqua légèrement. Certes son ainé s’entendait bien avec son ami argentin mais tout de même…

« Nahuel a sauvé la vie de mon fils lors de l’attentat de la Marchebank. Je n’ose même pas imaginé ce qu’il serait arrivé à Dean sans lui, souffla-t-il en secouant la tête. Jonah se demanda toutefois si c’était exactement ce qu’entendait Adonis par « intime ». Il se faisait peut-être des idées mais il avait l’impression qu’il y avait un sous-entendu dans le ton de l’ambassadeur.

L’enseignant n’eut toutefois pas le temps de réfléchir davantage à cette intuition  puisque ce qu’il craignait le plus arriva finalement. Greengrass révéla que Nahuel était soupçonné d'être allié aux terroristes de ce pays. Bien sûr qu’il l’était ! Comme Dean. Comme lui-même.

« Vraiment ? fit mine de s’étonner l’enseignant, il massa ses tempes entre son pouce et son majeur et reporta son attention sur l’entrée du vestiaire l’air passablement inquiet, ne me dites pas ça, déjà que Lauren McGowan a fait partie de notre équipe brièvement, souffla-t-il.

Merlin, il était désolé d’utiliser la petite McGowan de la sorte mais il n’avait pas d’autre choix que de se prétendre en total accord avec Greengrass. Il ne savait pas qui l’envoyait mais cette visite, sous ses allures courtoise, n’avait rien d’anodine.

« Je n’ai jamais rien remarqué d’inhabituel chez Nahuel. Du moins, rien qui laisserait penser qu’il ait pu être influencé par un quelconque réseau terroriste. Êtes vous certain de cela ? Ça ne lui ressemble tellement pas… » ajouta-t-il, comme si ce scénario lui semblait particulièrement improbable. Les services de police avaient ils des preuves ou de simples soupçons ? Devait-il s’inquiéter pour Dean ? Pour lui ?   Vous savez, il n’est jamais question de politique ici, expliqua-t-il alors en indiquant d’un geste de la main le terrain,  Nous sommes un club de sport qui compte quelques membres ou proches du Gouvernement dans ses rangs– Le mari de Meredith Kane, le directeur de la Justice Magique en personne- comme nous tous, ils veulent se changer les idées après une dure journée de travail alors nous parlons de tout sauf de boulot … »

Jonah disait la stricte vérité pour le coup : Généralement, ils allaient boire un verre tous ensemble après l’entrainement et commentaient les derniers résultats sportifs ou les exploits de chacun avant qu’ils ne regagnent leurs pénates. Rien de plus.

« Pardonnez-moi d’insister mais vous dites que Nahuel a été extradé vers l’Argentine,  reprit-t-il alors, de quoi s’est-il rendu coupable là-bas ? »

Autant Jonah avait deviné les implications de Nahuel dans le LEXIT –Il le soupçonnait même d’avoir quelque peu entrainer Dean dans cette voie- autant il n’avait aucune idée du passé sulfureux de l’argentin dans son pays d’origine…

Une révélation confidentielle ? Jonah ne savait pas ce qui poussait l’ex-ambassadeur à lui divulguer des éléments d’une affaire sensible –il y avait surement une raison qui lui échappait- et il accueillit donc les dires d’Adonis avec un intérêt teinté de méfiance.
D’après Greengrass, Nahuel s’était rendu coupable d’acte terroriste dans son pays d’origine. Il avait fomenté un projet d’attentat contre le chef d’Etat Argentin avant de fuir l’Amérique du Sud pour rejoindre l’Angleterre. Jonah n’était pas sans savoir qu’une dictature  féroce sévissait actuellement en Argentine, il pouvait donc aisément comprendre que les ressortissants de ce pays cherchent à s’opposer au gouvernement en place. Mais de là à planifier une tentative de meurtre il y avait un pas que Jonah se refusait à franchir.  A ces yeux, le recours à la violence n’était pas une forme de lutte, juste un aveu de faiblesse. Il ne cautionnait pas l’usage de la barbarie, même pour anéantir un dictateur. D’autres moyens d’ action existaient et ils n’impliquaient pas d’avoir à ôter la vie d’une personne. Comment Nahuel avait-il pu se résoudre à en arriver à de telles extrémités ?
Jonah ne comprenait pas. Certes, le jeune argentin avait toujours paru être un homme engagé mais il ne semblait pas pour autant aussi extrémiste.
Peut-être que Greengrass bluffait ? Ou qu’il tentait de justifier l’arrestation de Nahuel en inventant une sombre histoire de complot et de tentative d’assassinat. Le gouvernement n’en serait pas à son premier coup d’essai après tout : Les plaques de verglas de l’île de Skye qui avait eues raison de Samantha Miller. Les liaisons dangereuses fatales à Mark et Maria Stevensson. Et maintenant, Nahuel Munoz le meurtrier sans coeur…

«Merlin. C’est terrible. Jonah laissa passer un instant,  Il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international ? » s’enquit-il, bien que la réponse d’Adonis n’eut aucune forme d’importance.

Le sort de Nahuel était scellé dorénavant. Jonah ne se faisait pas d’illusion, il ne pouvait absolument rien pour l’ami de son fils maintenant qu’il était extradé de l’autre côté de la planète. Si les propos de Greengrass se vérifiait, le jeune gardien de leur équipe de quidditch était peut-être même déjà mort. Si la justice argentine était aussi implacable que son homologue anglaise, Nahuel Munoz ne faisait sans doute déjà plus partie de ce monde.

Quel gâchis.

L’enseignant secoua lentement la tête de gauche à droite et reporta machinalement son regard en direction des vestiaires.  Dean allait être anéanti par cette nouvelle. La mort de Samantha et l’exécution de Lauren l’avaient très sévèrement marquées, c’était indéniable, mais ce nouveau coup dur risquait probablement de l’atteindre encore davantage. Dean était très proche de Nahuel. Ils passaient énormément de temps ensemble, à Bristol, et ils semblaient liés par une profonde et sincère amitié.

Jonah sentit son cœur se serrer à la simple idée d’avoir à annoncer cette funeste nouvelle à Dean, même s’il n’imaginait personne d’autre le faire à sa place. C’était à lui de remplir cette mission, et surement pas à Greengrass. L’enseignant releva son regard clair et tranquille sur l’ex-ambassadeur qui le scrutait avec application.  Sans doute analysait-il chacun de ses gestes. Ses postures. Cela aurait put être gênant si Jonah n’avait pas quasiment deux fois l’âge de ce gamin qui tentait, de toute évidence, de savoir si Nahuel avait « gangréné » le club de quidditch. C’était surement ce qu’Adonis cherchait à sous-entendre en affirmant que Munoz avait potentiellement des liens avec des terroristes anglais.
A moins qu’il ne cherche juste à le mettre en garde – ce dont Jonah doutait fortement tant la réputation du jeune ambassadeur n’avait rien de chevaleresque.

« J’apprécie que vous soyez venu me trouver pour m’apprendre cette nouvelle en personne M. Greengrass, souffla-t-il toutefois, je vais devoir annoncer ça au groupe maintenant, et surtout, trouver les bons mots. Je pense que cette révélation va être diversement accueillie –Quelque chose lui soufflait qu’Andrew Sharp allait moyennement apprécier l’idée d’avoir côtoyé un soi-disant terroriste, ce n’est jamais évident d’admettre qu’on a été berné pendant de nombreux mois. » lâcha-t-il en serrant quelque peu la mâchoire.

Jonah n’était pas sincère pour deux sous – il était celui qui bernait Andrew ou encore Doug, par certains aspects- mais il devait donner le change, soucieux qu’il était de conserver sa couverture intacte. Son statut de lycanthrope fraichement promu à un poste à responsabilité au sein d’une institution magique renommée lui donnait clairement l’allure d’un sympathisant du régime et il n’entendait pas laisser croire autre chose le concernant. La sécurité de ses enfants étaient en jeu. Certes il appréhendait les réactions des résistants ignorants qu’ils se battaient pour les mêmes idéaux mais il craignait davantage la fourberie et le sang-froid dont était capable la Milice.

« Attendez-vous quelque chose de particulier de moi ? s’enquit-il alors pour se montrer le plus coopératif possible, du moins en apparence, faut-il que je mette en place un protocole de sécurité sachant que des membres du gouvernement participent au club ? Il laissa passa quelques instants de silence avant de demander, pardonnez-moi mais vous n’avez pas précisé :  Quelles sont vos nouvelles fonctions au juste ? Vous avez dit tout à l’heure ne plus être ambassadeur mais vous ne m’avez pas détaillé votre mission ?»

A qui s’adressait-il ? Un fidèle allié du régime, assurément, mais à quel niveau : Un nouveau directeur de département ? Un haut responsable de la sécurité Magique ? Ou un simple subalterne ?

Jonah attrapa l’avis de recherche que Greengrass lui tendait et reporta son attention sur la photographie de Nahuel :Malgré ce regard féroce et cette mine sombre qu’il ne lui connaissait pas, Jonah reconnut sans mal le bel argentin. Il le détailla quelques secondes, lut rapidement les phrases en espagnol traduites en anglais autour du cliché puis il rendit le document à Adonis en reportant son attention sur son vis-à-vis.  Que cet avis de recherche soit vrai ou une pure création de La Milice pour justifier l’arrestation d’un résistant, l’enseignant se devait d’avoir une petite conversation avec son fils. Rapidement. Si Dean était compromis dans cette histoire, il ne devait pas perdre une minute. Jonah avait plusieurs billets d’avion qui l’attendaient chez lui, dans un coffre. Les passeports moldus des garçons étaient soigneusement rangés avec. Si les membres du gouvernement soupçonnaient son fils –ou lui-même-- de s’être allié à un réseau terroriste, il ne devait pas attendre une confirmation de leur part !

Toutefois enverraient-ils pour cela « un chargé de mission performance de l’administration » ? Jonah en doutait. Il ne tenait pas à être présomptueux mais le poste de Greengrass sentait la rétrogradation à plein nez. Passer de Directeur de la prestigieuse Maison Serpentard et sous-directeur de la seule école de sorcellerie du pays  à un simple emploi de chargé de mission au Ministère…Hum… Comment dire : Le message était on ne peut plus clair.
Jonah pouvait comprendre qu’Adonis veuille boucler son dernier dossier lié à ses fonction d’Ambassadeur mais il semblait évident que Greengrass agissait seul, sans l’appui de la Milice, des Aurors ou de la Police Magique. Si cela avait été le cas, Andrew Sharp, membre de l’équipe de quidditch et surtout Directeur de la Justice Magique, aurait été informé de cette visite impromptue.

Tranquillisé par ce constat, Jonah secoua légèrement la tête de gauche à droite lorsqu’il fut question d’un certain Esteban Cortazar, beau-frère de Nahuel.

« Jamais entendu parler…Avez-vous une photo ? » s’enquit-il, soucieux de donner le change.

L’enseignant avait cru comprendre que Nahuel vivait avec son frère mais peut-être se trompait-il. L’argentin parlait peu de son intimité, du moins pas avec lui. Ensemble, ils évoquaient volontiers le championnat de quidditch mais rarement sa situation personnelle du jeune barman… Peut-être aurait-il dû.

La méfiance de Jonah se réveilla toutefois  lorsqu’Adonis Greengrass émit le souhait de s’entretenir avec Dean. No Way. Pas question. Définitivement non.

Le père de famille refusait tout bonnement l’idée même de cette entrevue. Il savait pourtant que Dean était un jeune responsable. S’il lui était arrivé de laisser trainer des LiberAvon chez lui par le passé, inconscient de cette prise de risque inutile, il se montrait nettement plus prudent depuis que ses deux camarades de promotion étaient mortes –l’une dans de sombres circonstances et l’autre exécutée pour terrorisme. Ces malheurs vous faisaient tristement  grandir d’un seul coup et Jonah avait pu voir Dean gagner en maturité et en gravité depuis ces tragiques événements. Etait-il pour autant infaillible ? Parviendrait-il à garder la distance nécessaire en apprenant que son meilleur ami était tombé au combat, lui-aussi ?

Rien n’était moins sûr et Jonah ne souhaitait pas prendre le risque. Il couvait peut-être trop ses enfants mais s’il pouvait épargner à Dean cette situation délicate il comptait bien faire tout ce qui était en son pouvoir pour réussir et préserver son enfant. Son ainé avait beau être un adulte responsable de ses actes, Jonah n’en restait pas moins un père de famille farouchement protecteur. Il ne supportait pas l’idée que quelqu’un malmène ses fils. Adonis Greengrass ne poserait pas son regard curieux sur Dean au moment de l’annonce de l’emprisonnement et l’extradition supposée de son meilleur ami. Il ne guetterait pas cet instant de faiblesse, de vulnérabilité.

« Je n’y vois aucun inconvénient, répondit toutefois Jonah en parfait Serpentard soucieux de montrer son allégeance à Marchebank, laissez-moi votre carte et je la transmettrai à mon fils pour qu’il vous contacte après avoir fait sa déposition à la Police Magique. Jonah tendit la main, attendant que Greengrass lui transmette son numéro de Cheminette ou celui de son Pear. Il reporta son attention en direction des vestiaires et ajouta, je vais voir quelle est la marche à suivre auprès d’ Andrew… Enfin, M.Sharp, le directeur de la Justice Magique. Il joue avec nous et il a surement dû avoir l’information pendant notre conversation... Il n’est jamais totalement déconnecté de son travail, souffla-t-il en reportant son regard neutre sur Adonis. Jonah allait surtout se donner quelques minutes seul à seul avec Dean pour l’informer et lui laisser le temps d’accuser la nouvelle, je pense qu’Andrew nous mettra en relation avec le service qui gère cette enquête au Ministère, il esquissa un vague sourire qui se voulait reconnaissant avant de conduire cet entretien vers sa fin, vous avez déjà fait beaucoup pour nous, M. Greengrass, et je ne voudrai pas abuser de votre temps. Ne vous en faites pas, nous sommes entre de bonnes mains avec M. Sharp. »

Greengrass n’oserait pas sous-entendre l’inverse. Il n’allait quand même pas imposer sa présence dans les vestiaires et laisser croire, à toute l’équipe, qu’un simple chargé de mission était mieux informé sur une affaire de terrorisme que le directeur de département de la Justice Magique lui-même. Si Adonis ne voulait pas se retrouver à balayer l’Atrium du Ministère, il y avait des egos à ne pas froisser…

« Merci d’être venu m’informer en tout cas. J’apprécie votre geste. » souffla-t-il en tendant une nouvelle fois la main entre eux, pour le saluer cette fois.
Allez, du balai !