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Un déjeûner presque parfait (Abel)

Constantine Égalité
Constantine ÉgalitéDirecteur du Département des Mystères
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Un déjeûner presque parfait (Abel) Icon_minitimeLun 10 Sep 2018 - 0:42
12 février 2010

L'arche qui se dresse bruyamment au centre de la salle de la mort me fascine. Peut-être plus que n'importe quel élément d'étude au sein du Département des Mystères, cette porte me semble entrer en résonnance permanente avec mes pensées les plus profondes. C'est un sentiment très dérangeant, que de se sentir attiré par une porte en pierre ( qu'on est par ailleurs encore incapable de dater,) une porte en pierre peuplée d'innombrables marasmes de gens morts, éventuellement, et qui parlent - bien malgré moi je fais partie de ceux qui les entendent.- Face à cette porte, quand je suis seul et que je ne travaille pas, comme pendant ce quart d'heure d'agonie que je m'autorise uniquement par plaisir soumis de la contemplation, elle m'apparaît comme un vecteur terrifiant dirigé vers quelque chose de brutalement beaucoup plus grand que moi, et dans ces moments-là, tout le reste me semble stupidement vain.

La politique.
L'ambition.
Les secrets.
La mémoire.
La condescendance insupportable de l'hôtesse d'accueil du ministère.

Évidemment cela ne dure jamais longtemps (heureusement pour moi qui serai probablement bon, autrement, à passer le reste de ma vie en phase d'AVC terminal, la bouche ouverte, à baver sur la vacuité de l'existence et sincèrement, je suis bien heureux d'avoir autre chose à faire.- Mais ces moments, aussi court soient-ils, ont la faculté de me remettre à une place qui franchement, me permet de relativiser mon égo.

Dernièrement, et chose intéressante, lorsque je fixe cette porte j'ai tendance à penser à tous les gens assassinés ces derniers mois, et je m'interroge sur leur proximité avec ce voile opaque qui laisse filtrer des visages disparates. Ce voile où j'ai longtemps cherché Camille, et où je le cherche encore lorsque je m'oublie. Avant sa mort, je n'éprouvais pas une telle fascination pour cette salle. Mais depuis, j'envisage un futur où, si nous parvenons à percer les mystères terrifiants qui entourent cette entité primaire, nous parviendront à en exploiter le pouvoir à la source.

Imaginez ce que signifierait exploiter le pouvoir de la mort à la source. Il me faut généralement m'asseoir quelques minutes pour bien en accepter toute l'amplitude. Percer les mystères de cette arche signifierait éventuellement pouvoir ramener les morts à la vie. Et cela ne serait probablement rien d'autre que la plus bête, que la plus mesquine façon d'utiliser son pouvoir.

Il y a des raisons pour lesquelles nos recherches sont confidentielles. Tombées entre de mauvaises mains, leur fruit pourraient…

Avec un soubresaut, je m'arrache à ma contemplation et recule prudemment en réalisant que mon corps frôle presque le mur de visages dansants. Ils me hurlent dans les oreilles, et leurs hurlements me glacent brutalement les os. D'un geste, je m'arrache à leur proximité, descend les marches à reculons sans pouvoir la quitter des yeux, jusqu'à sentir dans mon dos les moulure froide de la porte. D'une traction et avec un effort déplorable, je me soustrait à la vision, enclenche la poignée, et me glisse derrière la porte.

Il me faut quelque longues minutes pour regagner le hall, plongé dans mes pensées. J'ai des objectifs. Des objectifs de réussites, qui doivent être mises en œuvre avant ma mort. Mais les recherches menées au Département sont si longues, si minutieuses, que je me demande parfois par quel moyens nous pourrions parvenir à être la génération qui trouvera les réponses. Mes interrogations se prolongent alors que l'ascenseur dégringole les étages, et s'immobilise au niveau du Hall d'entrée du Ministère. La foule qui s'y presse, l'agitation, le bruit, les odeurs agressives me heurtent et je me rappelle, à peu près comme à chaque fois depuis dix ans, à quel point je hais ce lieu de passage. Les gens disparates s'y comportent comme s'ils établissaient là une promenade digne du chemin de traverse, le nez à moitié levé vers les innombrables occurrences à l'image du FREE (et de Leopold qui ne gâche pas une occasion de se mettre en avant), et me donne l'impression d'avancer prisonnier d'un banc de touristes.

Putain.

Il y a des gens qui travaillent, ici.

Avec une élégante esquive d'un groupe de sorciers dont le grand âge ne me garantisse pas qu'ils soient encore vivants, je m'apprête à engager la conversation avec la très charmante stagiaire " qu'un déjeuner à l'écart de toute cette agitation franchement malvenue " devrait entretenir dans l'illusion que le ministère, c'est franchement trop bien, lorsque du coin de l'œil j'aperçois une silhouette qui loin de m'être inconnue, est même plutôt du genre de celles dont je recherche la compagnie ces derniers jours. Avec un geste de la main qui impose, outre une impolitesse notable, une fin de discussion sans transition, j'abandonne mon apprenti hôtesse et intercepte Abel Laveau, juste avant qu'il ne disparaisse entre deux groupes d'inconnus bruyants.

- Abel ? Abel Laveau ? " Il est possible que nous nous soyons déjà rencontré en profondeur, mais je n'ai pas le temps de consulter mon calepin pour m'en assurer. " Constantine Égalité, Directeur du Département des mystères. On a dû se rencontrer, éventuellement… Splendide, Leopolgrad. Un trésor d'invention, vraiment, et puis alors, les lieux qui changent, c'est d'un pratique ! " Je suis mauvaise langue. En général, c'est plutôt une bonne surprise. Mais les quelques fois où j'ai été mis dans l'incapacité de remettre la main sur mon vendeur favori d'alcools grand crus me sont restés en travers de la gorge.  " Vous auriez un moment ? Il y a quelques questions que j'aimerais aborder avec vous. " Super mauvaise entrée, Constantine, mais ais-je vraiment le temps de passer pour un type aimable ?

Abel Laveau
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Un déjeûner presque parfait (Abel) Icon_minitimeSam 22 Sep 2018 - 22:09
Abel avait l’impression de passer la moitié de la semaine au Ministère ou en compagnie d’employés du Ministère, en ce moment. Les réunions avec leur service de communication et leur service immobilier se multipliaient pour finaliser la validation du projet de reconstruction de Leopoldgrad. C’était infernal, Abel n’avait jamais fait autant de paperasse. Un projet de construction c’était toujours beaucoup de paperasse, ce qui n’était jamais sa partie préférée, mais alors un projet de reconstruction qui faisait suite à un bombardement… Abel avait du faire passer le projet devant tout un tas de commissions pour vérifier la conformité à quelque chose comme un milliard et demi de normes, ce qui était d’autant plus infernal que le gouvernement bougeait beaucoup et faisait modifier quelques lois depuis l’attentat.

Le Ministère était donc dans une période de tension et d’effervescence continue depuis le trente octobre, ce qui avait le don de pomper l’énergie d’Abel quand il venait. Il y avait toujours beaucoup trop de monde qui circulait dans les couloirs, de notes de papier volantes qui vous frôlaient le crâne, d’attente pour parler à la bonne personne, et surtout, beaucoup trop de pierre noire lustrée sur les murs. Il se demandait souvent comment Isobel faisait pour travailler dans un lieu avec des fenêtres uniquement artificielles, dans ce qui semblait être les souterrains secrets de Londres, construits par un architecte en dépression.

Heureusement, cette matinée de l’enfer prenait fin, il put redescendre dans le hall un peu déçu qu’Isobel ne puisse pas l’accompagner déjeuner aujourd’hui à cause de sa surcharge de travail. Mais au moins, il allait bientôt retrouver la lumière -d’un ciel londonien en plein février donc tout était relatif, mais c’était mieux que rien. Il se fraya un passage avec sa pochette de plans sous le bras jusque la fontaine centrale à peu près, et ce fut le moment où quelqu’un l’appela derrière lui. Abel avait une bonne mémoire des visages et il avait déjà rencontré à peu près tous les directeurs de département du Ministère, pendant l’avancement du projet et la soirée d’inauguration de Leopoldgrad. Certains l’avaient marqué plus que d’autres. Constantine Egalité faisait partie de ceux dont il avait retenu parce que… Eh bien, qui d’autre pouvait s’appeler comme ça ?

« Monsieur Egalité, le salua t-il. Nous nous sommes rencontrés effectivement, une fois… »

Il n’eut pas forcément le temps de préciser davantage, l’homme parlait trop vite et trop énergiquement. Venait t-il de lui faire un compliment ou une critique ? Il n’était pas sûr qu’il y avait de l’ironie dans son ton, mais en même temps, cela ne voulait pas dire qu’il ne se moquait pas de lui. Il enchaîna si vite sur la question suivante qu’Abel n’eut pas l’occasion de trancher. Il resta simplement un peu perplexe face à l’entrée en matière légèrement dénuée de tact de son interlocuteur. Comme à peu près tous les directeurs de département, Egalité avait l’air de ne pas avoir le temps dans sa vie, par contre il était un peu moins diplomate que la plupart de ses collègues. Abel hésitait donc entre se montrer dubitatif ou poli et probablement que sa réponse fut dans un mélange des deux :

« Eh bien… Cela dépend de la question, je suppose. C'est-à-dire qu'il était disponible pour avoir un échange utile et rapide mais pas pour perdre son temps. Je m’apprêtais à aller déjeuner. »



Abel Laveau
« We were just kids when we fell in love, not knowing what it was »
Constantine Égalité
Constantine ÉgalitéDirecteur du Département des Mystères
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Un déjeûner presque parfait (Abel) Icon_minitimeJeu 27 Sep 2018 - 17:10
Abel Laveau, donc, descendant des Laveau, qui ne doit connaître en tout et pour tout sur l'île Britannique qu'une triste minorité de personnages capables de prononcer son nom correctement, et qui échoue par le fruit d'un procédé obscur si proche de mademoiselle Lavespère, que quelques questions se posent. Outre le fait qu'il me paraît absolument captivant de découvrir de quelle manière le descendant d'un sang aussi puissant puisse négliger ses propres aptitudes alors que la société occidentale lui offre une belle preuve de ce qu'il faut croire et ne pas croire, je suis subjugué de découvrir tant de coïncidences mises si proches les unes à côté des autres. Évidemment, je garde tout cela pour moi : Abel Laveau n'a pas forcément besoins de savoir qu'un type qu'il ne connaît que de vue s'intéresse de près à ses ancêtres. Pas pour le moment.

- Eh bien… Cela dépend de la question, je suppose. Répond-il avec une sorte de bienséance pressée. Je m'apprêtais à aller déjeuner. " Oblique, je lui sers un demi sourire en forme de rictus. J'ai bien senti dans le creux atone de son ton polie qu'il ne désirait pas spécialement s'encombrer d'une compagnie envahissante, seulement je ne lui laisse pas tellement le choix : ''Je présume que vous ne verrez aucun inconvénient à vous apprêter à déjeuner en ma compagnie, dis-je calmement. Nous pourrons ainsi rentabiliser chacun notre précieux temps. " Je dissimule assez mal le sarcasme qui s'est glissé dans mes derniers mots. Impossible de ne pas sentir l'impatience latente d'Abel Laveau, et il me semble vaguement avoir intercepté un ou deux regards mécaniques jetés en direction de la sortie. Il ne ressemble pas à quelqu'un qui a du temps à perdre, et je suppose assez pragmatiquement qu'avec les nouvelles mesures adoptées par le gouvernement suite au tristement célèbre attentat de Leopolgrad, Abel Laveau doit avoir un nombre dispendieux de papiers à remplir.

Ses papiers peuvent attendre : Constantine Égalité a des questions.

D'un pas rendu naturellement pressé par le désir de m'extraire de l'agitation du Hall, j'ouvre la route jusqu'à l'ascenseur réservé aux visiteurs. A vrai dire, je profite strictement du fait qu'Abel n'est pas un interne du Ministère pour éviter la sortie des travailleurs : m'extraire, même magiquement, d'une cuvette à peine récurée fait vraiment parti des épreuves quotidiennes de ma vie, dans un sens comme dans l'autre. Nous émergeons dans Whitehall sans un mot, et il nous faut deux minutes pour traverser la rue et pénétrer dans un restaurant que personne, hormis les sorciers, ne semble remarquer. " Nous ", du moins il me semble, parce que je ne vérifie la présence d'Abel qu'au moment où la serveuse m'indique une table avec un sourire.

L'établissement est calme, assez chaleureux. L'espace n'est pas grand et paraît un peu old-fashion, mais j'aime le fréquenter. Le personnel y est poli, efficace, discret, l'atmosphère épaisse de la moquette ocre et des murs lambrissés me rassurent et calme généralement mon esprit désordonné. Le silence feutré, parsemé des conversations douces des couples et des groupes venus déjeuner-là, apaise immédiatement mes nerfs tendu par l'agitation du ministère. Avec une attitude d'habitué, je me laisse tomber sur la banquette et indique tranquillement le siège en face de moi à Abel, planté au milieu du passage. " Choisissez ce qui vous convient : je vous invite, en échange de votre temps, dis-je alors que la jeune serveuse dont j'oublie systématiquement le nom, mais qui doit finir par me connaître à force de me voir les jours où je n'oublie pas de déjeuner, glisse deux cartes devant nous. Vous prendrez bien un verre de vin de sureau en attendant ? J'attends à peine sa réponse, il n'a pas le temps. Deux verres de vin de sureau, merci. " Elle opine et s'écarte pour aller préparer nos apéritifs. Je considère longuement Abel, du fond de ma banquette, les bras croisés sur la poitrine. Je cherche vaguement une manière de commencer cet entretien, renonçant à tenter de me rappeler le ressentit de notre première rencontre. J'ai dû le noter quelque part, mais n'ai pas réellement le temps de consulter mon avis sous son nez. Par ailleurs, je fais confiance à cet instinct qui ne m'a jamais fait défaut.

- Je suppose que nous n'avons pas besoins de tourner autour du sujet : loin de moi l'idée de paraître malpoli, mais nous avons tous les deux affaire alors… " Je m'avance lentement sans le quitter des yeux. " Il faut que nous parlions sécurité. Sécurité de Leopolgrad, j'entends. Ca doit vous parler, j'imagine… La Marche Bank est un bel exemple d'échec, après tout. " Oui, j'ai fait exprès. " Alors voilà. J'habite à Leopolgrad. Je compte y rester, éventuellement. Seulement, à ma grande surprise, il me semble que ces question-là n'ont pas été abordées à proprement parler - arrêtez-moi si je me trompe. " Je ne suis pas au courant de tout. " Je me suis demandé, comme ça, à tout hasard, ce que vous proposeriez en terme de circulation, par exemple. " Il n'y a aucun hasard dans le sujet que j'essaie d'amener. Au contraire, beaucoup de questions ruminées, compulsées, et un besoins de réponse sous-jacente qui ne concerne pas que ce que je me permets d'exposer frontalement. J'ignore si Abel perçoit les sous-entendus. Je le jauge. " Je crois qu'il y a beaucoup de choses qui auraient pu être évitées si Leopolgrad avait été pensé avec les menaces auxquelles nous faisons face actuellement. Je crois que beaucoup d'autres choses pourraient être évitées dans le futur si nous y travaillons en gardant cela à l'esprit. Si vous voyez ce que je veux dire." Je laisse quelques secondes de silences entendus, essayant de déterminer le degrés auquel il comprend mes propos. Sur un ton entendu, je conclus : "J'ai besoins de votre expertise. " Rassurez moi, Abel. Et laissez-moi prendre connaissance des plans du gouvernement sur un sujet qui pourrait grandement faciliter le contrôle du peuple. Directeurs de Départements logés à Leopolgrad inclus.

Abel Laveau
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Un déjeûner presque parfait (Abel) Icon_minitimeSam 15 Déc 2018 - 18:24
Abel avait largement eu le plaisir tout relatif de traiter avec des hommes de pouvoir, depuis qu’il avait signé le contrat de Leopoldgrad et il s’était rapidement rendu compte que c’était une toute autre espèce de clientèle que celle dont il avait l’habitude. Constantine Egalité n’était pas le premier directeur de département avec qui il échangeait mais à chaque fois que cela lui arrivait, il y avait un moment dans la conversation où Abel était à demi admiratif de l’aisance et la rapidité avec laquelle ces personnes pouvaient vous faire accepter quelque chose que vous n’aviez ni demandé, ni spécialement voulu. Quelque chose se jouait dans leur rhétorique, quelque chose qu’Abel ne savait pas manier du tout, lui qui avait tendance à être plus franc que manipulateur. En l’occurrence, Constantine était un spécimen intéressant et assez particulier, parce qu’il lui semblait qu’il arrivait à être les deux à la fois. D’un côté, Abel ne pouvait nier son pouvoir de manipulation verbale qui faisait qu’il se retrouvait en à peine quelques minutes à pousser la porte d’un restaurant en sa compagnie. De l’autre, Constantine avait un côté abrupt dans sa façon de parler et d’aborder les gens, qui transparut dans presque chaque point de la suite de leur conversation : la façon qu’il eut de choisir le vin pour eux, pour commencer, puis d’introduire ce qui les amenait là.

Assis sur sa banquette, Abel eut à peine l’occasion de remercier la serveuse qui s’éloignait que Constantine choisit de lui épargner des sujets de conversation inutiles. Abel n’avait rien contre les personnes qui allaient droit au but, bien au contraire, c’était plutôt une qualité à ses yeux. D’un autre côté, il y avait de quoi déstabiliser n’importe qui, même lui, quand la quatrième phrase de leur conversation comportait les mots « sécurité à Leopoldgrad ». Rien que ça, il appuyait pile sur la jugulaire de l’opinion publique, le sujet qui déclenchait toutes les passions depuis les attentats, alors qu’Abel n’avait même pas eu le temps de dire trois mots. Mais ce n’était qu’une mise en bouche, finalement. Abel n’était pas quelqu’un qui se vexait facilement non plus. Pourtant, quand le directeur de département lança sans l’ombre de tact que la Marche Bank était « un bel exemple d’échec », il put presque sentir ses poils se hérisser de déplaisir. Eh bien, en l’espace de quelques phrases, Constantine avait réussi à faire deux choses que beaucoup ne parvenaient jamais à faire, même avec beaucoup d’efforts : le déstabiliser et le contrarier.

Abel referma lentement le menu, décidant qu’il avait choisi -et puis, si ce déjeuner improvisé pouvait être court, cela l’arrangeait- avant de lever son regard métallique sur son interlocuteur. Cet homme avait beau manquer franchement de délicatesse, il soulevait des points qu’il était loin d’être inutile de débattre, surtout après les attentats que le pays avait connu. Sécuriser la banque, sécuriser la ville, c’était des sujets qu’il potassait sérieusement depuis le trente octobre et Constantine n’était pas vraiment le premier à vouloir obtenir des solutions. Mais quelque chose interpela rapidement l’archimage. Après avoir été si direct et si limpide dans ses critiques, n’était-ce pas étrange que Constantine s’embarrasse de formulations comme « si vous voyez ce que je veux dire » ? Il y avait quelque chose qu’il tentait de lui dire, visiblement, et qu’Abel n’était pas certain d’avoir saisi dans toute son ampleur. Mais puisque cette conversation n’avait pas commencé dans la langue de bois, il choisit de préciser ce que le directeur avait en tête -ou du moins ce que lui pensait qu’il avait en tête- en utilisant les bons mots :

« Si vous parlez d’installer des dispositifs magiques qui permettraient de suivre en temps réel la circulation des personnes dans l’espace public, comme le font les caméras moldues dans les villes par exemple, ce sont tout à fait des questions qui sont abordées en ce moment, à proprement parler, répondit t-il en reprenant volontairement les mots du directeur. Mais en l’occurrence, cela relève moins de mon expertise que de celles de technomages aptes à fabriquer ce genre d’objets et du département de la Justice Magique qui peut définir le cadre de leur utilisation. »

Il n’était pas vraiment payé pour définir où placer des caméras et à vrai dire, cela n’intéressait que moyennement l’architecte. Cela ne signifiait pas qu’il n’avait rien à dire sur le sujet et il poursuivit avec un peu plus d’intérêt :

« Mais vous savez, la sécurité est toujours un sujet sous-jacent quand on dessine un espace. » Contrairement à ce qu’il avait l’air de penser, ce qu’Abel n’ajouta pas. « C’est encore plus vrai à l’échelle de la ville que du bâtiment, puisqu’on est constamment en train de prendre des décisions sur où est-ce que les gens peuvent passer, où est-ce qu’ils peuvent s’installer, où est-ce qu’il y aura une clôture, une portique de contrôle, de l’éclairage la nuit… C’est toujours là, la sécurité, fit t-il avec un léger geste de balayage dans l’air, c’est simplement que le mot n’est pas toujours dit et surtout, qu’il y a différentes écoles sur le sujet. Deux grandes, on pourrait dire. Il leva un premier doigt. Une qui pense que l’important c’est de prévenir toute intrusion ou tout acte non désirable en rendant tout l’espace visible, contrôlable, et généralement, très contenu. Une ville fortifiée c’est une bonne illustration de ce principe. Pour l’autre école, déclara t-il en levant son deuxième doigt, l’idée n’est pas tant d’empêcher les actes de malveillance que de permettre aux gens de s’enfuir vite et efficacement quand il y en a. Là, on est plutôt sur des voies larges, des points de contrôle limités voire absents pour ne pas créer de conflits. Dans le premier cas, vous privilégiez la question de la visibilité. Dans le deuxième, vous privilégiez la circulation. »

De quelle école était Constantine Egalité ? Abel l’ignorait mais ce qu’il pouvait voir, c’était que le Ministère lui-même n’était pas vraiment univoque sur le sujet.

« Pour l’instant Leopoldgrad est plutôt dans la deuxième école, on l’a conçue ainsi, en tout cas… Bien sûr, le Ministère pourrait décider d’en faire une forteresse comme ça a été fait à Bristol, dit t-il en se gardant d’exprimer son opinion sur cette décision : ce n’était pas son rôle de concepteur. Mais ça ne rendrait pas service à Leopoldgrad je pense… Ca risque de casser l’attractivité de la ville. »

L’idée première était d’en faire un pôle économique du pays et d’attirer des populations venues de tous les horizons. Or c’était assez rédhibitoire de devoir passer multiples points de contrôle pour se rendre quelque part, mais ce n’était que son humble avis. Abel avisa distraitement la silhouette de la serveuse qui approchait de leur table pour leur apporter leur vin, ce qui le poussa à conclure :

« Je ne sais pas comment vous voyez les choses, mais… Je pense qu’il n’y a rien de moins efficace pour donner un sentiment de sécurité aux gens que de leur faire sentir qu’ils sont surveillés. »


Abel Laveau
« We were just kids when we fell in love, not knowing what it was »
Constantine Égalité
Constantine ÉgalitéDirecteur du Département des Mystères
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Un déjeûner presque parfait (Abel) Icon_minitimeSam 23 Fév 2019 - 13:44
Je sirote mon vin avec componction tout en dévisageant Abel par en-dessous. J'étais curieux de rencontrer cet espèce de génie du mal sous couvert de blouson de cuir et de jean usé. Un type absolument dépourvu de moral débarqué dans les quartiers de Londres avec l'unique but de construire quelque chose à la manière d'un espèce d'artiste commandité qui n'a que peu d'intérêt pour le régime, tant qu'il est autorisé à poser son nom sur la façade d'un bâtiment. Peut-être que je me trompe, peut-être qu'Abel Laveau croit réellement dans le régime Marchebank, mais tout en lui témoigne d'un flegme arbitraire. Il respire le désintérêt politique profond et l'opportunisme traditionnel. Et je trouve ça amusant, parce qu'avec sa tête d'ingénieur bien éduqué et son demi regard doux, croisé dans la rue on ne le penserait pas capable de détruire une nation pour le profit d'un immeuble.

Et pourtant.

Je le sens tendu sur sa banquette, les mains sagement posées sur la table, le regard encore nimbé d'un brun de surprise de se retrouver là. Il dégage quelque chose d'extrêmement sympathique qui grandit dans son irritation. Une espèce de bienséance polie malgré le fait qu'il réalise tardivement que je lui impose totalement cette entrevue. Je ne sais pas encore s'il a compris qu'il s'agit de ma part d'une curiosité abusive, où s'il s'interroge sur la raison de ma semonce, mais je doute qu'il apprécie beaucoup de découvrir que ce n'est qu'un caprice de ma part. Après tout, je lorgne depuis un certain temps sur cette personnalité discrète, à moitié intégrée, origine d'un bon nombre d'emblèmes du régime et donc soldat dévoué à la cause malgré lui, malgré son détachement poussif pour la politique. C'est un genre de personnalité discrète mais intransigeante, dévouée uniquement aux opportunités professionnelles que je comprends parfaitement. Je crois sincèrement qu'Abel et moi avons de très nombreuses raisons de nous entendre et je tiens à en apprendre plus sur lui. Il m'intrigue. S'il n'était pas si drastiquement masculin, il pourrait même m'attirer.

Et j'apprécie sa manière de ne pas perdre de temps. Il pose les mots sur mes sous-entendus avec une brutalité qui révèle un caractère sans détours. J'ai donc trouvé quelqu'un de plus directe que moi, car Abel ne se présente définitivement pas comme un manipulateur aguerrit. Cela lui donne une espèce d'innocence appréciable, qui me fait sourire. Je m'attends à ce qu'il se braque face à mes accusations à peine dissimulés, qu'il interromps la conversation ou tout du moins qu'il réagisse. Il esquisse un début de discours qui ressemble à une reprise et miraculeusement se laisse affecter par sa passion. En dix secondes, Abel se transforme et abandonne son enveloppe de passivité pour devenir un professeur pédagogue disponible pour m'exposer toutes les différences entre les courants architecturaux du monde magique actuel.

Il est charmant.

- Pour l'instant Leopoldgrad est plutôt dans la deuxième école, on l'a conçue ainsi, en tout cas… Bien sûr, le Ministère pourrait décider d'en faire une forteresse comme ça a été fait à Bristol, mais ça ne rendrait pas service à Leopoldgrad je pense… Ca risque de casser l'attractivité de la ville. " Conclu-t-il en abaissant la main d'un air entendu. Je hoche la tête lentement.
- Peut-être que je me méprend sur les mots mais Bristol ressemble plus à un ghetto, de mon point de vue. " Je le jauge avec un fantôme de sourire, très occupé à sonder les terrains qu'Abel me laisse entrevoir. Il me semble assez paradoxale de considérer une ville dans laquelle on a enfermé le danger pour ne pas le laisser déborder comme un bastion. Considérant mon verre vide avec une pointe de tristesse, je hausse négligemment les épaules.
- Je ne sais pas comment vous voyez les choses, mais… Je pense qu'il n'y a rien de moins efficace pour donner un sentiment de sécurité aux gens que de leur faire sentir qu'ils sont surveillés. "

Je redresse la tête. Les mots d'Abel forment un écho bizarre dans mon esprit qui me ramène des années en arrière. Je comprends ses paroles avec une précision terrifiante, comme une évocation de ce qu'été devenu le Département sous l'engeance noire des mangemorts et la pression insupportable du gouvernement sclérosé de Voldemort. Cette certitude que chacun de nos faits et gestes étaient analysés par un œil supérieur, omniprésent, dissimulé, auquel nous n'étions jamais certain de pouvoir échapper. Un présage de mort sous chaque tentative d'émancipation, de torture ou d'asservissement pour toute prise d'indépendance. J'avais lutté contre ça de toutes mes forces et j'ai encore dans la poitrine la peine d'un cœur contracté par l'angoisse et la terreur au fond des entrailles. " Vous parlez en connaissance de cause ? " Demandes-je après un instant de silence méditatif. " Je me demandais, Abel… Qu'est-ce qui vous pousse à vous mettre au service du gouvernement ? Vous me faites l'impression d'un immigré franchement déconnecté de la politique et qui n'agit que par opportunisme. Et en même temps… " Je pose le regard sur lui sans l'étudier. " Vous devez savoir pertinemment que votre expertise et votre domaine sont un poids essentiel dans la manière dont le régime peut asseoir son autorité. Précisément pour ce que vous venez de dire. Vous ne pouvez pas réellement être apolitique dans ces circonstances, n'est-ce pas ? " Je sers les lèvres comme si je cherchais mes mots. " A moins que ce ne soit réellement la passion que vous avez pour votre domaine qui vous guide, dans ce cas je suppose que si je vous donnais demain l'opportunité de fabriquer quelque chose qui vous mettes au défi, mais qui aille à l'encontre des directive de Leopold Marchebank… Vous seriez prêt à le faire ? "


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I've been throwing stones, waiting by the river, I've been on my own, praying like a sinner, and you've been gone too long, I'm waiting out the winter, I've been on my knees, praying like a sinner© by Sun, avatar by hedgekey

Spoiler:
Abel Laveau
Abel LaveauArchimage urbaniste
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Un déjeûner presque parfait (Abel) Icon_minitimeLun 22 Avr 2019 - 16:30
La reprise de Constantine sur Bristol fit légèrement hocher la tête à Abel. Ghetto ou forteresse, les deux qualificatifs pouvaient s’appliquer à cette ville, pour des raisons différentes à ses yeux, qu’il explicita de son ton flegmatique :

« J’ai pris l’image de la forteresse pour décrire un lieu accessible uniquement par quelques points d’accès surveillés, où l’on contrôle les activités en son sein, ce qui est exactement ce qui se passe à Bristol, me semble t-il. Mais je suppose qu’en terme d’image sociale, on est effectivement plus sur un ghetto. »

Il ne détailla pas ce qui était probablement bien connu d’un directeur de Département, quand bien même les phénomènes d’exclusion sociale ne relevaient pas du tout de sa juridiction, il restait parfaitement au courant des politiques adoptées par le gouvernement dont il était le représentant, supposait Abel.

« Vous parlez en connaissance de cause ?
-Pas directement » répondit t-il sans rien ajouter.

L’arrivée de la serveuse pour leur vin installa une pause factice entre les deux hommes dont les neurones travaillaient toujours à se jauger mutuellement. Constantine Egalité était un homme étrange, tel était l’avis d’Abel qui ne l’avait que peu côtoyé jusqu’à présent. Il avait quelques échos de la part d’Isobel -il lui semblait qu’il était particulièrement récalcitrant aux exercices de communication auxquels devaient se plier les hommes de pouvoir et Abel pouvait aisément voir pourquoi, maintenant qu’il faisait l’expérience de la franchise crue du directeur des Mystères. Mais ce n’était pas tout. Abel avait grandi dans un milieu qui lui avait appris à se forger un instinct solide. Il avait été élevé par une mère qui avait une conscience très accrue des auras, et en apprenant à se protéger de ses lectures, il avait lui-même développé une certaine attention à ce que dégageaient ses interlocuteurs. Quelque chose chez Constantine insufflait une méfiance toute viscérale chez Abel, qu’il peinait à s’expliquer rationnellement, quelque chose qui tenait à la manière dont Constantine le regardait. Ce n’était pas de la malveillance. Plutôt une espèce de curiosité insistante qui avait tendance à le mettre mal à l’aise.

Pour autant, Abel étant Abel, il possédait un contrôle plutôt satisfaisant sur les indices qu’il laissait voir sur son visage, si bien que son ressenti et ses pensées restèrent contenus en son for intérieur. Seul subsista un regard assez intense posé sur Constantine qui lui posa le genre de questions qu’on posait rarement à un inconnu dès le premier quart d’heure de conversation. Il le laissa aller au bout de ses pensées sans intervenir, avec la désagréable impression de plus en plus grande au fur et à mesure de ses paroles qu’il était en train de subir une espèce de test de sa part. Sa dernière question, particulièrement, le hérissa. Abel avait beau être un immigré américain, comme le soulignait Constantine, il était parfaitement au fait du climat de méfiance qui régnait dans le pays, particulièrement depuis les attentats, et il avait l'impression d'en faire les frais maintenant. Monsieur Egalité essayait t-il de jauger le degré de loyauté qu’il pouvait porter au gouvernement britannique pour mieux estimer s’ils pouvaient le garder dans leurs projets urbains ?

Il n’y avait pas que cela, pressentait l’archimage. C’était une forme de conscience politique tout court que Constantine était en train d’essayer de mesurer chez lui. Abel était loin d’être inconscient de la portée politique d’une oeuvre tel que Leopoldgrad. Il n’avait pas manqué la forme de mégalomanie du ministre qui s’exprimait dans ce projet -il n’y avait qu’à voir le nom qu’il avait donné à cette ville pour y déceler un certain goût pour la propagande. Evidemment qu’un projet tel que Leopoldgrad servait à asseoir un pouvoir, une autorité et une vision qu’incarnait le Ministère de la Magie, en l’occurrence, plus précisément Leopold lui-même, qui était à deux doigts de se présenter comme le petit père du peuple. Mais ce n’était pas la seule chose qu’Abel avait décelé dans ce projet.

La dernière question du directeur des Mystères fut la secousse suffisante à faire réagir Abel d’un ton étonnamment tranquille, alors même que cette discussion éveillait chez lui une longue liste d’interrogations intérieures :

« Pourquoi ne le serais-je pas ? Le Ministère est un client. Mr Marchebank est un client. Pas mon responsable hiérarchique. »

En aucune manière que ce soit, d’ailleurs. Abel n’était pas un citoyen de ce pays, il n’avait aucunement voté pour l’élection de cet homme, il ne se sentait par conséquent aucun devoir d’obéissance envers sa personne. Il ne se sentait pas non plus l’envie de désobéir. Il lui semblait que la seule relation qu’ils avaient nouée tous les deux était un contrat professionnel en bonne et dûe forme, sujette à une certaine liste de clauses parmi lesquelles ne figurait pas un rapport vertical et encore moins exclusif. Là se trouvait une forme d’opportunisme détaché très américain que Constantine semblait voir chez lui. Toutefois, Abel se sentit obligé d’apporter des nuances qui lui semblaient essentielles :

« Je pense que vous vous méprenez en partie sur ma posture et que vous tracez des limites qui ne sont pas aussi franches que vous les présentez. Je ne crois pas qu’il existe d’architecture, et a fortiori, des architectes, qui soient apolitiques. La discipline même est politique, historiquement, et le sera toujours. Mr Marchebank n’est pas le premier chef d’Etat à vouloir marquer son mandat de grands chantiers de construction, que ce soit Leopoldgrad ou les multiples programmes de logements qu’il lance dans tout le pays. Des gens comme lui ou comme vous et des gens comme moi sommes intimement liés dans l’acte de bâtir une société, vous parce que vous avez une vision de ce qu’elle doit être, et moi parce que j’ai les capacités de lui donner une matérialité. Pour autant, je ne prétends pas ne pas agir avec un certain opportunisme. Un projet comme Leopoldgrad m’est apparu comme une opportunité formidable pour ma carrière, et de fait, elle l’a été. » C’était après tout le projet qui lui avait donné l’élan, le réseau et les ressources nécessaires pour ouvrir sa propre agence, avec son associé. « Mais je n’ai pas signé simplement parce que j’ai vu un gros chiffre en bas du contrat et un défi intellectuel hautement stimulant. Je pense que c’est un projet qui a du sens dans la reconstruction, notamment économique, d’un pays comme celui-ci qui sort d’une guerre monstrueuse et qui a été très protectionniste pendant des années… De ce point de vue, Leopoldgrad n’est pas un échec, me semble t-il » conclut t-il, reprenant tout à fait à escient la petite pique que Constantine lui avait adressé plus tôt.

Abel ne s’amusa toutefois pas à dresser le bilan des entreprises étrangères que la politique Marchebank parvenait à attirer et du nombre de nouvelles entreprises britanniques qui se créaient et fleurissaient dans ce paradis de l’économie capitaliste qui était pour le coup, une idéologique politique qu’Abel partageait totalement. Constantine était déjà certainement bien informé de ce bilan tout à fait positif. L’archimage joignit ses mains posées sur la table, sans quitter du regard son interlocuteur qu’il jaugeait à son tour.

« Je ne suis pas apolitique, monsieur Egalité, j’ai des opinions sur les politiques qui sont lancées dans ce pays, bien qu’elles soient lacunaires sur plein de sujets, puisque, comme vous l’avez souligné, ce n’est pas ma patrie alors je vis cela avec un certain détachement, admit t-il avec une ombre de sourire de convenance. Peu enclin à se laisser interroger sans avoir une vision claire du terrain où son interlocuteur voulait l’emmener, Abel choisit de reprendre la main sur les questions : « Mais qu’est-ce que vous voulez savoir au fond ? Si je suis un fervent partisan de la politique de votre Ministère ? Ou vous avez un projet à me soumettre ? »



Abel Laveau
« We were just kids when we fell in love, not knowing what it was »
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Profil Académie Waverly
Un déjeûner presque parfait (Abel) Icon_minitime