O'Rage O'Désespoir

Lundi 6 février 2006

Chloé soupira en songeant à la soirée qu'elle allait passer. Merveilleux, vraiment, toute une semaine en compagnie de Darren O'Connor. Elle se demandait ce qui lui était passé par la tête quand elle l'avait collé une semaine entière. En fait, elle savait parfaitement. Elle savait ce gamin pourri jusqu'à la moelle, encore plus que son père. Quand elle l'avait entendu menacer la petite Weaver, elle n'avait que deux choix: lui lancer un impardonnable ou sévir de manière professionnelle. Etant donné qu'elle ne tenait pas à aller se réfugier en Finlande pour échapper à Azkaban, elle avait choisi la deuxième. Darren était un baratineur de première classe, aussi n'avait-elle pas voulu confier sa retenue au concierge. Elle le surveillerait elle-même et elle veillerait à ce qu'il fasse bien son travail. Elle avait repoussé la date de la sentance mais elle devait bien finir par l'exécuter.

Chloé n'avait jamais pu encadrer ce petit arrogant prétentieux et haineux. Elle se demandait comment faisait ses collègues, mais elle était bien contente de ne jamais l'avoir eu en cours. A sa décharge, il fallait dire que la professeur de divination avait un passé commun peu réjouissant avec la famille O'Connor. Le père de Darren lui en avait fait voir de belles durant la guerre, sabotant ses projets, la suivant sans arrêt au ministère. Le vieux la soupçonnait d'aider des nés-moldus. Il avait du flair et elle avait plusieurs fois manqué de se faire piéger. En fait, elle s'était fait piéger...

Levant les yeux de son livre, Chloé vit Darren dans l'encadrement de la porte qu'elle avait laissé ouverte.

"Ah, Mr O'Connor. Entrez et asseyez-vous donc. Je vous ai préparé un petit travail dont vous me direz des nouvelles. Voici plusieurs journaux de diverses origines qui traitent de divination, j'attends que vous retrouviez tous les articles dont le titre est entouré et que vous me les répertoriez avec le titre, la date, le nom de l'auteur, le titre, numéro et la date du magasine et la page où ils sont."

Elle ne se leva même pas et lui adressa un regard froid. Parmi les revues, elle avait pris soin d'en glisser quelques uns qui venait du monde moldu. Ainsi que les dernières éditions de journaux favorables au MIM et compagnie...

Chloé écouta Darren faire son show sans bouger d'un pouce. Ce gamin avait une tête qui ne passait pas les portes, elle se demandait vraiment comment son petit corps gringalet pouvait supporter le poids d'autant d'orgueil et de bêtises. Comme à son habitude, Darren se montra rétif à la tâche, et c'était un euphémisme. Chloé ne fut pas étonnée de son comportement lorsqu'il jeta les papiers à la poubelle, s'il croyait l'impressionner, c'était raté. Elle leva cependant la tête et fronça les sourcils lorsqu'il commença vraiment à s'énerver et à la provoquer pour se faire exclure de Poudlard. Ca, elle n'y était pas habituée.

Elle sorti sa baguette magique et, d'un informulé, verrouilla la porte de la salle. Sans toujours se lever, Chloé se tourna vers l'élève, un masque impassible toujours gravé sur le visage.

"Pour répondre à toutes vos questions, Mr O'Connor, oui, je crois que vous allez vous abaisser à travailler comme un moldu. A vrai dire, je n'imagine rien de plus éducatif pour vous. Comme vous venez de le faire remarquer, Poudlard est une école, avec une éthique que vous vous complaisez à piétiner chaque jour. Je crois donc que vous aller ramasser les trois ans de recherche divinatoires que vous venez de jeter à la corbeille et que vous allez faire ce que je vous ai demandé."

Jouant avec sa baguette magique, Chloé s'enfonça confortablement dans son fauteuil et attendit que le Serpentard s'exécute. Elle se doutait qu'il ne le ferait pas facilement et continua donc sur sa lancée:

"Et je crois que vous allez le faire parce que vous ne sortirez pas d'ici tant que vous n'aurez pas obéi. Vous parlez de haine, mais ce n'est pas moi qui déteste le monde entier. Vous vous complaisez à vivre dans un passé définitivement révolu. Vous avez un véritable problème avec l'autorité, monsieur O'Connor, ainsi qu'avec le reste du monde en général. Vous admirez le Seigneur des Ténèbres..." le ton de ces derniers mots était méprisant "... mais vous ne savez rien de lui. Votre manie d'envoyer balader toute personne vous adressant la parole vous aurait coûté très cher sous son règne, vous savez? A vrai dire, je pense que vous n'auriez pas dépassé la barrière des treize ans s'il avait gagné la guerre. Vous seriez mort et enterré depuis longtemps, où vous auriez appris à ramper. Alors considérez-vous chanceux plus que malheureux et pour une fois, obéissez."

Sa tirade terminée, Chloé fixa O'Connor d'un regard polaire, tentant tant bien que mal de maintenir son masque d'impassibilité. En réalité, elle mourrait d'envie d'étriper cet arrogant gamin, ce danger public ambulant. Elle le briserai où ferait en sorte qu'il soit envoyé à Azkaban aussi vite que possible. Les autres enfants de Mangemorts avançaient, mais il était un régressiste né et elle ne croyait pas qu'il puisse changer. Il était de ces personnes trop bornées pour dépasser ses idées, de ceux qui portaient une image erronnée des Serpentard. Chloé lisait en lui comme de l'eau de roche et il n'avait rien d'un Serpentard: il n'était pas rusé, pas futé, pas ambitieux. Son seul but dans la vie semblait être de pourrir l'air de toute personne l'approchant. Il était pire que son père

Bla, bla, bla... Chloé se retint de lever les yeux au ciel devant le tissu d'imbécillités que lui servi Darren. Il croyait vraiment qu'elle allait réagir à ça? Certes, elle ne pouvait pas l'encadrer et elle perdait tout sens de la retenue quand il s'agissait de lui. Son père lui avait fait trop mal, trop peur pendant la guerre et Darren lui ressemblait trop - en pire! - pour qu'elle puisse faire montre de retenue. Déjà qu'en temps normal, elle n'avait pas l'impartialité de Minerva, c'était juste pire avec O'Connor. La seule chose qu'elle souhaitait c'était le voir croupir à Azkaban à la place de son père, qui n'aurait pas dû mourir sur le champ de bataille mais payer pour ses crimes.

Mais Junior n'avait en rien la prestance de son paternel. C'était juste un ado haineux et immature qui se donnait (beaucoup) plus d'importance qu'il n'en avait réellement. Chloé était adulte et bien plus mature - encore que ses amis la traitaient régulièrement de gamine. Et puis, elle était tout de même ex Langue de Plomb et directrice de maison. En arriver à ce stade montrait qu'elle avait un certain contrôle sur elle-même, sans quoi Darren n'aurait pas survécu à sa première année à Poudlard. Aussi, le chantage et la haine - les arguments qu'il utilisaient étaient vraiment risibles - de l'élève ne l'atteignaient pas. S'il comptait sur trois bouts de papier pour la faire expulser de Poudlard, il vivait vraiment dans un univers alternatif.

Aussi, au lieu de trembler comme une feuille comme O'Connor semblait l'espérer (il oubliait qu'il parlait à une Gryffondor), ou de se mettre en rage comme une ado en crise, elle bougea sur sa chaise face à son bureau et retourna à son livre.

"Vous ne sortirez pas d'ici tant que vous n'aurez pas fait votre travail, jeune homme. Mais prenez votre temps, j'ai apporté de quoi tenir la nuit, pour ma part." dit-elle en désignant distraitement une grande théière qui trônait sur son bureau.

Plus O'Connor parlait, plus Chloé s'interrogeait sur on âge mental. Il avait commencé fort mais semblait avoir très rapidement épuisé ses réserves de sarcasme, pour en être réduit à faire des origamis. Sans même jeter un coup d'oeil à l'oeuvre de papier de l'élève, elle donna un coup de baguette qui l'envoya à la corbeille.

"Vous avez déjà un dossier scolaire très chargé, Mr O'Connor. Je suis déjà dans l'obligation d'ajouter "menaces à un professeur" à la liste de vos exploits, voulez-vous que je continue?"

Un petit rappel du pouvoir qu'elle avait sur son avenir ne pouvait pas faire de mal, songea la professeur de divination. Avec un dossier comme le sien, il ne trouverait jamais le moindre emploi. Elle ne savait vraiment pas quoi faire de cet arrogant gamin. Peut-être qu'il était encore trop immature pour songer à l'avenir à proprement parler, après tout. Elle l'imaginait bien vivre au jour le jour, dans l'univers qu'il s'était forgé, celui où il était tout puissant, important, premier partout à décider du sort de chacun. Un univers qui n'existait pas. Chloé songea que la chute serait dure pour lui, lorsqu'il quitterait l'école et ne le plaignait pas. Elle espérait au contraire qu'il s'en prendrait plein la tête et ouvre les yeux sur la réalité. Ou pas. Aigri comme il l'était à son âge, il pouvait très bien devenir très violent à la moindre déception. Bref, la seule solution qu'elle pouvait envisager pour lui était un internement précoce à Azkaban. Et tant pis pour le principe de tolérance sacro-saint de Minerva.

Elle continua sa pseudo-lecture, imperturbable, attendant la prochaine explosion d'O'Connor.

Ah, enfin, songea Chloé avec un sentiment victorieux. Darren avait enfin arrêté de faire l'imbécile et faisait ce qu'il était censé faire. Pas trop tôt. Il était tellement prévisible, comme ces enfants capricieux qui ne le sont que parce qu'on prête attention à leurs caprices. La directrice des Gryffondors retint un soupir. Elle n'était pas payée pour faire du gardiennage, pas plus qu'elle ne l'était pour éduquer les enfants dont les parents abandonnaient.  Le père d'O'Connor était peut-être mort mais il avait bien dû inculquer la disciplne à son fils. La discipline, il n'y avait que ça de vrai pour survivre en rempant au pied du Seigneur des Ténèbres. Et la mère, dans tout ça, que fichait-elle?

"Madame Hellsoft, je suis sincèrement désolé pour mon attitude..."

Heureusement que Chloé n'était pas en train de boire car elle n'aurait pas manqué de s'étouffer avec son thé à l'entente de ces paroles. O'Connor qui était désolé de quelque chose? Et puis quoi encore? La Saint Glin-Glin était arrivée? Il neigeait des Dumbledores en sucre? Elle leva lentement la tête de son livre pour fixer l'élève face à elle. Un sourcil dubitatif s'éleva haut, très haut sur son front comme Darren continuait un mea culpa des plus larmoyants. "Une question qui me ronge", ce gamin devrait écrire des pièces de théatre, même Shakespeare n'en s'aurait où se mettre. Cependant, cette dernière phrase éveilla l'intérêt de Chloé. O'Connor tentait une flatterie maladroite pour obtenir quelque chose, en bon Serpentard. Restait à savoir quoi.

J'ai l'intime conviction que vous me détestez depuis mon arrivée, sans même avoir prit le temps de me connaitre...

Faux. C'était parfaitement faux. Bon, peut-être pas parfaitement, mais du moins en partie. Evidemment que le nom d'O'Connor lui était familier. Un peu trop d'ailleurs. Ca n'était pas que O'Connor Senior s'était feint de quelques doloris à son encontre, mais en fait si. Cependant, ce n'était pas la raison de sa rancoeur envers Junior, qui se tenait présentement devant elle. Bien sûr qu'elle l'avait vu d'un mauvais oeil le jour de la répartition. "Haineux" était plus qu'un superlatif exagéré. Instinctivement, elle ne portait pas le gamin dans son coeur, mais elle s'était promis de lui laisser une chance. Contrairement à ses collègues, elle ne l'avait jamais eu en cours et s'était donc fait son avis sur ce qu'elle en entendait et ce qu'elle voyait. "Gamin à problème", "élève insupportable", "violent, teigneux", "haineux"... Elle n'avait jamais entendu dire du bien de lui. Même Margot s'était laissée aller à le critiquer, ce qui en disait long. Elle l'avait entendu maudire les Sang-de-Bourbe et menacer les autres élèves... Après tout, c'était pour cela qu'il était en retenue aujourd'hui. Au fil du temps, Chloé avait réalisé que Darren ne vaudrait jamais mieux que son père. Il avait construit un mur de haine et d'aveuglement autour de lui et ne comptait pas en sortir. Elle avait l'impression d'être en face de Devlin avec quelques années de moins. Le genre de personne qui n'est que nuisance et qui ne changera jamais. Alors, elle se faisait un plaisir de lui montrer à quel point il avait tort.

Mais que répondre à la question que Darren lui posait ce soir? Certainement pas la vérité. Il ne pensait pas un mot de ce qu'il venait de dire. Lui, évoluer? Ben voyons, c'était contre sa nature, contre ses propres gênes, alors. Elle en reparlerait le jour où il se marierait avec une Sang-Mêlée. Elle pouvait aussi ne pas répondre, mais le rustre avait touché un point sensible en parlant de son père. Chloé avait évité le gros des combats, elle n'avait pas assisté à la bataille de Poudlard, et ce qu'elle avait vécu de plus violent, c'avait été l'ombre de Devlin toujours derrière elle. Elle n'avait pas envie d'esquiver la question, pas plus que d'y répondre. Dilemme. Elle tenta alors une alternative:

"Je vous retourne la question, Monsieur O'Connor," dit-elle d'une voix trainante en basculant au fond de son fauteuil. "Qu'avez-vous à reprocher au monde entier? Pourquoi être aussi haineux envers, disons.... les trois-quart des personnes de cette école?"

Elle se força alors à le fixer d'un regard non pas haineux, mais neutre. C'était difficile, mais nécessaire. Il voulait ouvrir le dialogue? Ils le feraient selon les règles de Chloé. Elle n'avait aucun compte à lui rendre. Pas à quelqu'un qui bénirait Devlin O'Connor de l'avoir torturée.

O'Connor tentait de la tuer d'une autre manière, c'était la seule explication plausible. D'abord il s'excusait, ensuite il était honnête. Il y avait un piège. Forcément. D'un côté... peut-être craquait-il simplement? Après tout, ce n'était qu'un ado à moitié orphelin, quasiment sans amis, qui s'épuisait à rejeter tout le monde. Il devait bien avoir un point de rupture. Oui, enfin, on parlait d'O'Connor, là.

Chloé ne put camoufler sa surprise devant les aveux du jeune garçon assis en face d'elle. Elle se reprit rapidement, cependant, et resta un long moment silencieuse, se demandant comment répondre à cette question. Le comportement de Darren la déstabilisait. Elle avait du mal à accepter qu'il soit honnête, mais le rabrouer serait peut digne d'elle. Enfin, elle finit par se redresser dans son siège et par ouvrir la bouche pour dire d'une voix lente:

"Personne ne vous demande de renier votre père, monsieur O'Connor, pas plus que vos croyances." En fait, si, parce que lesdites croyances étaient une sacrée plaie. Mais ce n'était pas en jouant encore une fois la carte de l'agressivité que la discussion avancerait. "Vouloir rester fidèle à vous-même est tout à votre honneur..." Chloé progressait dans l'art de raconter des bobards, c'était impressionnant. "...mais croyez-vous qu'il soit intelligent de suivre les yeux fermés, sans même une once de réflexion, ce qu'on vous a répété toute votre enfance?"

Darren n'était pas le seul enfant de Mangemort à l'école et il était le seul à canaliser autant de haine autour de lui. Chloé savait qu'il était difficile pour ces jeunes de s'intégrer à l'école, de supporter les regards des autres élèves. Elle ne pouvait pas vraiment reprocher aux orphelins d'en vouloir aux enfants des meurtriers de leurs parents. Le pardon collectif prendrait du temps et certains Sang-Purs seraient longtemps regardés comme des pestiférés. Elle n'y pouvait rien et ne souhaitait pas vraiment que cela change. Il fallait guérir cette plaie une fois pour toute et cela ne se ferait pas sans casse. Après tout, ce n'était qu'un retour de bâton.
Mais le fait était que la plupart des enfants de Mangemorts s'en sortaient mieux qu'O'Connor. Certains résistaient en se regroupant, d'autres prouvaient qu'ils étaient ouverts d'esprits, d'autres se construisaient une carapce solide. Darren ne semblait appartenir à aucune de ces catégories. Peut-être que, somme toute, Darren O'Connor était faible et incapable résister à une telle pression, réalisa Chloé. Peut-être qu'il n'était très loin d'être aussi fort que ce qu'il voulait croire. Elle avait toujours pensé qu'il provoquait volontairement la haine des autres, non par son nom, mais par son comportement. Peut-être n'avait-elle pas été très avisée sur le sujet.

Se rappelant les conseils de Minerva en matière de psychologie à ce sujet, elle tenta de formuler la suite correctement. Elle ne nourrissait pas de bons sentiments envers Darren, mais elle ne ferait pas non plus de faute professionnelle. La directrice avait préparé ses professeurs à accueillir une génération d'élèves marqués par la guerre des deux camps, et avait tenu à ce qu'ils ne condamnent jamais les parents en présence de leurs enfants.

"Quoiqu'il ait fait, votre père reste votre père. Mais votre père était aussi un homme et un homme peut se tromper. Ce n'est pas le trahir que de le reconnaître." Elle fit une pause, incertaine de la manière dont elle pouvait continuer. Ne pas critiquer un Mangemort était difficile, et dire qu'il s'était "trompé", complètement hypocrite. Il s'était carrément fourvoyé et s'en était délecté. Chloé en avait fait les frais et elle serait bien la dernière à prendre la défense de cet assassin. Elle se leva et contourna son bureau pour aller s'apuyer dessus, face à son élève, les bras croisés et le visage fermé.

"J'aimerai savoir de quel droit vous et votre père considérez qu'une personne qui sait manier une baguette n'est pas un sorcier. Si les meilleurs élèves de l'école n'étaient que des Sang-Pur, je vous rejoindrai peut-être, mais c'est très loin d'être le cas. D'ailleurs, nos préfets-en-chef ne sont-ils pas Sang-Mêlés et nés-moldus? Mais ce qui m'intéresse le plus, monsieur O'Connor, c'est pourquoi votre père estimait avoir le droit de vie et de mort sur toute personne qui n'entrait pas dans des critères arbitrairement choisis. Expliquez-moi pourquoi il prenait plaisir à torturer des gens, à leur infliger le Doloris, le Sectusempra, à les ridiculiser. Expliquez-moi ce qu'il y a de distingué et glorieux à mettre à terres des gens plus faibles que vous. Où est l'honneur quand on torture et qu'on assassine des enfants, Darren? Depuis quand des enfants sans pouvoir magique sont un danger pour votre patrimoine? Depuis quand les sauver mérite d'être frappée et lacérée par des sortilèges de Magie Noire?"

Elle fit une pause et vrilla son élève d'un regard sévère.

"C'était ça, la guerre, monsieur O'Connor. Des tortures quotidiennes et des assassinats sans relâche. Et votre père était la main qui tenait la baguette. Il a tué des gens. Il en a torturé d'autres. Ne le niez pas, pas face à une de ses victimes."

Sitôt les mots prononcés, Chloé les regretta et se traita intérieurement d'idiote. Elle s'était laissée emporter par l'étrangeté du moment, elle s'était emportée tout court. Le gamin allait maintenant se gargariser des actions de son paternel sur la directrice des Gryffondor et tout Poudlard allait être au courant. Elle n'en avait vraiment pas besoin. Il fallait qu'elle trouve un moyen de le faire taire, quitte à utiliser l'Oubliette. En attendant sa réaction, elle maintint son regard glacial et son expression fermée pour calmer son coeur qui battait la chamade.

"Alors réfléchissez un peu avant de condamner ceux qui crachent sur votre famille!"

Les propos de Chloé semblaient avoir anéanti l'élève qu'il lui faisait face. La directrice de Gryffondor n'avait jamais vu Darren O'Connor perdre à ce point sa superbe et être aussi misérable. Une partie de son esprit se félicita d'avoir enfin touché un point sensible, d'avoir trouvé chez lui une faiblesse. Il était temps de faire descendre l'arrogant gamin de son nuage de blanc ou de noir. D'un autre côté, la réaction de Darren n'était pas surprenante. Il n'y avait rien de plaisant à entendre dire que l'être que vous chérissiez le plus était un monstre.

Chloé avait peut-être aplati Darren, mais elle ne lui avait pas encore coupé la langue. Il partit dans une explication balbutiante sur l'image qu'il avait de son père. Chloé retint une grimace. Elle avait bien conscience que la plupart des enfants de Mangemorts ne voyaient rien d'autre qu'un parent quand la société voyait un assassin. C'était effrayant quelque part, car cela montrait une double facette de l'être humain bien trop contradictoire. Il était plus facile de condamner quelqu'un qui maltraitait aussi ses enfants, quelqu'un qui n'avait rien de bon en lui. Chloé avait conscience de tout ça. Mais, tout comme Darren avait du mal à accepter que son père puisse être un monstre, il lui était difficile de voir Devlin O'Connor autrement.

"Vous n'avez pas à être désolé" répondit-elle abruptement. "Il est encore heureux que vous ayez une vision... parentale de votre père, sans quoi il n'aurait pas été humain."

Hum, c'était un peu maladroit mais la jeune femme refusait tout autant d'enfoncer l'élève que de glorifier le père. Et ne rien dire aurait été bizarre. Darren lui demanda ensuite de lui raconter ce qu'il s'était passé avec son père, ce qui la fit se raidir. Raconter ça? Ce n'était pas le genre de souvenir qu'on aimait se remémorer, et encore moins partager. C'était difficile, c'était même humiliant. Chloé gardait cette période de sa vie enfouie dans un coin de son cerveau et aimait à l'oublier. Elle avait eu la chance d'avoir une famille autour d'elle pour surmonter cette période noire. Elle avait aussi eu la chance de n'avoir pas subit ce supplice trop souvent. Les récits de guerre des élèves de l'école l'avaient énormément aidée à relativiser, mais on ne passait pas outre ce genre de chose. On n'en parlait pas avec n'importe qui, et sûrement pas avec le fils de son bourreau.

D'autant qu'elle n'avait qu'une confiance limitée (très limitée, à vraie dire) concernant son envie d'en savoir plus. Il s'était comporté comme le pire des imbéciles durant sept ans, elle n'allait pas croire qu'il changeait en moins d'une heure. Il voulait peut-être savoir par curiosité morbide. Cette histoire ne ferait sûrement que de le conforter dans ses idéaux. La professeur décida alors de "monnayer" l'information. De vrais efforts, de ceux qui coûtent. Avec un peu de chance, ca en ferait quelqu'un de... moins mauvais. Après un long soupir, elle leva la tête et fixa son élève droit dans les yeux.

"Ce n'est pas exactement le genre d'histoire qui se raconter volontiers, j'espère que vous en êtes conscient. Prouvez-moi que vous méritez de l'entendre, et alors... nous en reparlerons."