With a little help from my friends [Leopold et Andrew]

20 Septembre 2009

Les préparatifs du mariage n'étaient pas du tout du ressort d'Andrew Sharp, malgré le fait que ce soit tout à fait le sien. Oh, il était impliqué, mais c'était un homme bordélique. Il était plus dangereux de lui laisser organiser ce genre d’événements, il aurait oublié la moitié des invités, ou carrément de prévoir un repas. S'il était à peu près doué et rangé dans son travail, c'était plus par habitude qu'autre chose, pour tout le reste, c'était un peu le chaos. Son appartement à Manchester était à l'image du personnage : des papiers s'accumulaient partout, on trouvait des livres ouverts, posés à l'envers un peu partout, sa basse était enterrée sous des dossiers sur son canapé, la vaisselle était rarement faite. William, qui était un homme d'ordre, était toujours un peu sidéré de voir à quel point le rangement qu'il pouvait faire pouvait disparaître en un clin d’œil, anéanti sans le moindre effort, et sans la moindre espèce de méchanceté par un Andrew qui se révélait tout à fait désolé lorsqu'il lui expliquait qu'il était incorrigible et que jamais il ne lui confierait une maison plus grande. De fait, c'était Will qui avait pris en main l'organisation du mariage. Il se souvenait trop bien d'Andy oubliant ou perdant des tas de choses – ses propres lunettes, posées sur son nez, par exemple,qu'il avait cherché pendant une heure – pour le laisser faire.

Sharp ne le prenait pas mal : d'abord, il n'avait pas forcément le temps pour préparer correctement cette cérémonie, car il avait véritablement un emploi du temps chargé, avec ses multiples responsabilités. Ensuite, il n'avait pas réellement envie que les journalistes se remettent à le suivre pour découvrir ce qu'il fabriquait sur son temps libre, ni qu'on annonce son mariage en première page de Sorcière Hebdo. Les rumeurs allaient déjà bon train sur son compte, entre son divorce et les racontars – parfois moqueurs, comme dans les vieux cercles conservateurs – sur sa relation avec un homme continuaient à persister. Andy avait appris à faire avec, voire à les utiliser, car après tout, effrayer les conservateurs et choquer le bourgeois l'amusait depuis toujours. Cela faisait bien longtemps qu'il était habitué à travailler avec les médias, à les utiliser, à instrumentaliser leur failles et à se servir de ses propres coups de gueule et de sa franchise comme une arme. Les rumeurs étaient le prix à payer lorsqu'on traînait dans le paysage politique depuis plusieurs décennies, qu'on avait une personnalité, et qu'on était un peu populaire ; une sorte de contrepartie, en fin de compte.

Mais William, habitué à une vie plus discrète – il écrivait sur des faits divers, il n'était pas impliqué dans les scandales, c'était l'avantage d'être journaliste, on observait, on ne décidait pas : on était impliqué et influent sans les problèmes de l'implication et de l'influence, en somme -  ne méritait pas toutes les insultes et autres quolibets que Andy était habitué à affronter et auquel il savait répondre, à coup de baffes s'il le fallait, peu lui importait. Par conséquent, ils s'étaient tous deux attachés à ne rien dire, pas avant le mariage, au moins, ce qui en ferait un bon symbole politique. D'ailleurs, Will, ne manqua pas de lui faire remarquer, alors qu'ils s'apprêtaient tous deux à partir au travail  :

« Tu sais que tu n'as toujours pas de témoin ? On ne peut pas mettre Ray, et je n'ai qu'une sœur.
- Oh, oui, c'est vrai. » Le directeur du département de la Justice Magique avait complètement oublié ce détail. « Je suis désolé, je n'y pensais absolument plus. Marcus, peut-être, non ?
- Il ne sait toujours pas s'il est sûr de venir, tu as dit toi-même qu'il devait vérifier parce qu'il avait un déplacement prévu en Irlande pour le ministère. Si ton deuxième frère était normal, on pourrait lui demander, mais il faut qu'il soit plus idiot qu'un scroutt à pétard... »

L'ancien auror n'avait pas spécialement de solution. Thomas était vraiment un abruti de première, aussi buté qu'un cognard enragé. Aussi peu ouvert concernant les sorciers qu'à propos de toute personne « différente ». C'était bien triste, songea-t-il, que ce point de vue rétrograde soit partagé par un aussi grand nombre de sorciers. Heureusement que des gens comme Leopold étaient là pour faire bouger les lignes. Ce fut le flash pour Andrew, qui déclara :

« Je pense que je vais demander à Leopold, ce serait peut-être le plus simple, je suis sur qu'il accepterait.
- Marchebank ? Pourquoi pas, après tout, oui...bon, il faudra revoir la partie sécurité. Tu lui demanderas ? Tu n'oublies pas, Andrew ?
- Non, m'man. » Il leva les yeux au ciel face au comportement mère poule de William et termina son café, avant d'attraper son manteau : « Il faut que j'y aille, je le vois tout à l'heure, d'ailleurs, et je vais être en retard. »

Et sur ces entrefaits, Andrew plia bagage pour se rendre au ministère. A dix heures, comme toutes les semaines, il avait sa reunion hebdomadaire avec le ministre de la Magie. Ils y parlaient en toute liberté, plus entre amis qu'entre collègues, même si les entretiens étaient toujours productifs. Après que le vigile l'aie laissé entré et que la secrétaire l'aie introduit, il put enfin saluer son chef :

« Bonjour Leopold, comment ça va ce matin ? » Il jeta un œil aux dossiers en cours du ministre : « Comme toujours, tu es débordé, je parie. »

Il prit une chaise et étudia un peu la manière dont il allait formuler sa requête. Leopold était au courant de sa relation avec William – peu de gens l'étaient au ministère, ce qui était une marque de confiance envers un homme qu'il respectait et admirait – et devait bien se douter qu'il était possible que Andrew se marie, surtout après qu'il eut fait passé sa loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe. Il était presque sur que Leopold dirait oui : ça ferait un bon symbole pour sa loi, et le message était fort.

«  Hem, avant qu'on commence, j'ai une demande personnelle à te présenter, pas en tant que ministre, mais en tant qu'ami. »

Est-ce qu'il croyait en Leopold Marchebank ? Certainement. Les vieilles idées d'Andrew avaient la vie dure. Il avait toujours trouvé le ministre intelligent et de bonne compagnie. Lorsqu'ils étaient au MIM, ils tombaient souvent d'accord, ce qui rassurait un peu Andy, qui se sentait un peu minoritaire au sein du parti de Fiennes. C'était l'éternel problème de cette grande gueule incapable de se discipliner : il était honnête et ne faisait pas de concessions sur ses idées. Si bien que Sharp s'était bien vite retrouvé mal à l'aise à l'APPEL, et encore plus au MIM. L'ouverture, bien sur, était son créneau : c'était un type pacifiste et profondément hostile à la magie noire, il voulait le bien du monde sorcier, il le disait honnêtement, et était prêt à se battre contre n'importe quel adversaire refusant de s'incliner face à cet état d'esprit, jusqu'au sang s'il le fallait, pour l'honneur, et parce qu'il ne supportait pas qu'on puisse faire du mal aux gens.

Cependant, Andrew savait qu'il était idéaliste : s'il n'avait pas du tout abandonner l'idée de devenir ministre de la magie, il savait aussi qu'il n'était pas un animal politique au sens propre du terme. Il s'emportait, brassait de l'air, enrageait, tapait du pied, était une vraie boule d'énergie, mais il se dispersait vite. Trop d'ennemis appelaient ses foudres ; la Salamandre, le Kraken, avant ça les Mardoliens, et que savait-il encore ? Oh, oui, les réactionnaires, et les sang purs et les nostalgiques des mangemorts. Sharp était un excellent orateur, mais il fallait lui désigner une cible. En ces temps agité, s'il était charismatique et bon meneur, il n'avait pas la capacité de lutter contre tout le monde : il se serait épuisé à la tâche.

Voilà aussi pourquoi il suivait Leopold Marchebanks. Avec un pays réformé et paisible, un jour, il pourrait espérer succéder à son ami. En attendant, sur le plan des idées et sur le terrain du plan de bataille, il préférait laisser, malgré sa longue carrière au ministère, ce type habitué aux petites bassesses du milieu des dirigeants et de l'élite -  et s'en sortant plus honorablement que lui avec elles – tenir le gouvernail. Il fallait des types rusés prêts à faire des sacrifices pour servir leur cause et remporter la victoire. Il croyait en Leopold, et en ses bonnes intentions : trop naïf peut-être pour croire que Marchebank, qu'il connaissait depuis longtemps, s'intéressait surtout au pouvoir, Andrew suivait le nouveau ministre de la magie en fermant les yeux sur ses dérives progressives.  La prison de Skye, les pleins pouvoirs, la propagande...il fallait bien ce qu'il fallait. Tout cela s'apurerait quand la paix serait revenue. Pas vrai ?

Il sourit à l'idée du retourneur du temps : il était vrai qu'il avait parfois l'impression que tous ses loisirs étaient annulés les uns après les autres par la masse de travail qu'il devait effectuer le ministère. Gestion d'affaires avec la Milice, visites sur le terrain, discours, arrestations, propositions de lois, étaient le pain quotidien d'Andrew Sharp. Quant à Leopold lui même, c'était un bourreau de travail acharné. Amusé, il s'installa, et attrapa un dossier au hasard :

« Je t'ai déjà dit que tu devrais déléguer plus, tu as une armada de collaborateurs, je suis sûr qu'ils adoreraient s'occuper de tout ça. » Il ouvrit le dossier et se mit à rire : « Tiens, est-ce que tu as vraiment besoin de t'occuper personnellement de l'organisation de l'arbre de Noël du ministère ? Je suis sûr que le service communication le ferait bien. On pourrait inviter Rosaleen. Les gens seraient contents. Comment va-t-elle d'ailleurs ? »

Le ministre de la magie était de nouveau père depuis quelques temps : les journaux s'en donnaient à cœur joie, à commencer par Multiplettes, qui ne se lassait pas de commenter la vie de famille de Leopold. L'idée de faire la une des journaux parce qu'il se mariait avec William avait un peu découragé Andrew au début, mais finalement, il avait repris son courage à deux mains et il s'était décidé à franchir le pas. Encore fallait-il pour cela trouver un témoin : l'idée de demander à Leopold lui était venue naturellement, et il lui semblait excellente, encore fallait-il que ce dernier veuille participer.

« Voilà. William et moi avons décidé de nous marier. Ce serait pour décembre, ou janvier, on ne sait pas encore. Will a un témoin, sa sœur a accepté, mais moi je ne suis pas sûr que Ray puisse venir. Quant à Tom, tu le connais, c'est impossible de lui demander. » Son moldu de frère n'était pas plus tolérant que les plus conservateurs des sang purs. « Je voulais donc savoir si toi, tu accepterais d'être mon témoin. »

Suspense. Il espérait que son chef dirait oui, car Andy n'avait pas prévu d'autre solution.

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