La cousine de mon cousin est-elle ma cousine? [Esther & Rosaleen]

Vendredi 17 juillet 2009, fin d'après-midi

La pile de dossier qu'elle devait traiter avant le week-end était bientôt terminée - avec un peu de chance, elle partirait à l'heure. Les préparatifs de son déménagement allaient  bon train et Esther avait hâte de quitter son petit appartement d'Oxford pour emménager à Leopoldgrad. Leopoldgrad, la seconde ville uniquement sorcière du pays, flambant neuve, qui ferait bientôt passer Pré-au-Lard pour une vieille ville démodée. Et elle avait la chance, non seulement d'y travailler, mais surtout d'y vivre. Cette pensée suffit à Esther pour retrouver le courage de se pencher sur son dossier.

Il lui restait pour cette semaine à sélectionner trois dossiers potentiels pour l'attribution d'un bail commercial sur l'avenue principale. Le local se trouvait à côté du futur club de fitness de deux jeunettes tout juste sorties de l'école et en fasse d'une agence de voyages internationaux. Elle même habiterait au dessus de cette dernière, ce qui était une catastrophe pour son pauvre moral. Les plages d'Ibizbiz et la Grande Muraille de Chine à dos d'hyppogriffe la nargueraient à chaque fois qu'elle rentrerait chez elle, sachant que personne ne l'accompagnerait dans son périple... Mais il ne fallait pas y penser. Non, il valait mieux se concentrer sur les sélections. Que valait-il mieux? Une nouvelle boutique du Paradis d'Eden - à côté d'un centre de fitness, cela doperait-il les ventes où au contraire freinerait-il le développement de la pâtisserie? Il y avait également la possibilité d'attribuer le local à Elisabeth Bourgeois, la célèbre couturière française qui souhaitait se développer à l'étranger. Mais peut-être valait-il mieux produire local: la chaîne T&T pourrait tirer partie d'une boutique à Leopoldgrad. Cependant, la qualité baissait depuis l'assassinat de la jeune Swann, et les noms des employés lui rappelaient quelques dossiers peu reluisants qu'il ne valait mieux pas inviter en ville.

Esther fermait le dossier T&T, collant un post-it orange "à approfondir" sur le dessus, lorsque l'on frappa à la porte de son bureau. Jetant un oeil à sa pendule, elle maudit intérieurement les visiteurs qui venaient se renseigner où déposer des demandes aussi tard, et claironna un "entrez!" sonore, scotchant un sourire à ses lèvres.

- Josie, commença Rosaleen d'une voix douce, je vous assure, je n'ai besoin de rien.

Assise dans un fauteuil en face du bureau de la secrétaire de son mari, Rose venait de refuser l'offre de cette dernière de lui offrir un thé, après celle de lui apporter de l'eau, quelques petits gâteaux, et de quoi s'éventer. Elle avait accepté de bonne grâce la chaise - à huit mois de grossesse, elle supportait de moins en moins de rester debout longtemps - mais n'avait pas besoin que Josie fasse déplacer le Ministère tout entier pour sa simple présence.

Elle était venue à Londres en cet après-midi de Juillet pour s'occuper de quelques affaires personnelles mais ne pouvait pas passer au niveau un du Ministère de la Magie sans aller voir son mari, qui travaillait toujours beaucoup. Il était néanmoins absent, lui avait assuré Josie avec désolation, et Rose avait dû s'empresser d'assurer que ce n'était pas grave avant qu'on ne l'envoie chercher. Elle n'allait tout de même pas le faire déranger dans l'exercice de ses fonctions juste pour passer quelques minutes avec lui ! Il semblait préoccupé ces derniers temps et elle n'avait pas très envie de lui rajouter des tracas supplémentaires en lui faisant annuler des obligations. Ils se verraient de toute manière le soir même au manoir, elle n'était pas venue jusqu'à Londres pour cela.

Si Rosaleen, au bout d'un an, s'était parfaitement habituée à la vie maritale et à la maison de son mari, ce n'était pas le cas de toute sa famille. Oreste rayonnait chez les Marchebank, s'épanouissant pleinement dans sa vie de petit garçon. Il s'était bien remis du décès de ses grands-parents, au plus grand soulagement de Rose, et appréciait de vivre éloigné du joug assez pesant de ces derniers. Reda, quant à elle, était encore à Poudlard mais les quelques moments qu'elle avait passé au manoir durant les vacances s'étaient bien déroulés. Elle avait toujours été de nature assez discrète mais Rosie avait tout fait pour que tout se passe bien et qu'elle s'y sente à l'aise. Elle avait sa propre chambre, avec les quelques affaires qui avaient pu être sauvées de l'incendie, et appréciait particulièrement la bibliothèque du manoir où elle passait des heures. Elle était très impressionnée par Leopold, s'obstinait à l'appeler Monsieur le Ministre, ainsi que par Griselda mais semblait également apprécier la nouvelle liberté dont elle jouissait, ainsi que son nouveau niveau de vie. Pour la première fois, ses affaires scolaires de l'année n'avaient pas été d'occasion et elle avait été très gâtée pour son anniversaire. Voir sa fratrie s'épanouir ainsi apaisait Rosaleen qui avait l'impression pour la première fois depuis des années de tenir ses promesses et de vraiment veiller sur eux.

Le seul point noir au tableau se trouvait être sa petite sœur Reyna. Cette dernière avait très mal vécu la mort de leurs grands-parents, se renfermant encore plus que d'habitude et poussant par moments des crises de colère monumentale. Elle avait même refusé de rentrer pour Noël, puisqu'elle désapprouvait le mariage de sa sœur avec un Marchebank qui n'avait de cesse, selon elle, de mener campagne contre les sang-purs, tel un "traître". Or l'année à Poudlard venait de se terminer et Reyna était rentrée au manoir des Marchebank, refusant d'adresser la parole à qui que ce soit voire même parfois de dîner avec eux. La situation n'était pas viable au long terme et Rosaleen ne souhaitait pas imposer une adolescente en crise à Leopold et d'ailleurs, elle ne souhaitait pas se l'imposer non plus avec le bébé qui arriverait sous peu. Elle était certaine que prendre son indépendance ferait du bien à Reyna mais cette dernière n'avait pas encore trouvé de travail, n'avait même pas de piste de carrière, alors trouver un logement...

C'était d'ailleurs pour cela que Rose s'était rendue à Londres aujourd'hui : la nouvelle ville de Leopold n'était pas facile d'accès pour le moment puisqu'il fallait passer en commission pour obtenir l'un des premiers logements. Le dossier de Reyna ne passerait sûrement pas seul - malgré le nom de famille des garants - alors que si la Première Dame du Royaume-Uni s'en occupait en personne... Prenant congé de Josie avec un sourire, quelques remerciements pour son attention - elle était vraiment adorable - et un compliment sur son nouveau tailleur, Rosaleen se dirigea vers le service communication, un peu cahin-caha avec son ventre, il fallait l'admettre. Elle allait ouvrir la porte lorsque cette dernière s'ouvrit sur une jeune femme brune à la silhouette élancée qui lui décrocha immédiatement un sourire éblouissant en la reconnaissant.

- Mrs Marchebank, puis-je vous aider ? s'enquit-elle d'un léger accent américain.
- J'aurai voulu rencontrer la personne qui s'occupe de Leopoldgrad, je sais que je n'ai pas rendez-vous mais...
- Ne vous en faites pas pour ça, assura la jeune femme en dissipant ses craintes d'un geste de la main. Je vous accompagne.

Rosaleen la suivit au sein du grand open-space de la communication, remarquant au passage qu'elle avait ralentit le pas pour elle, ce dont elle lui fut reconnaissante, avant de la guider jusqu'à bureau sur les côtés, avec un sourire.

- Si vous avez la moindre question, n'hésitez surtout pas, je suis de l'autre côté.

Les gens étaient tout de même bien plus aimable avec elle depuis qu'elle était mariée que lorsqu'elle s'appelait encore Lestrange, remarqua Rosaleen qui remercia néanmoins sincèrement la jeune femme avant de frapper quelques coups à la porte du bureau, attendant la possibilité d'entrée. Une jeune femme blonde se tenait assise, dont le visage lui était vaguement familier. Les yeux de Rosaleen se posèrent presque immédiatement sur son nom, écrit sur une plaque, et elle releva la tête. Malefoy... Elle connaissait bien la famille pour avoir des liens de parenté assez proches avec eux mais la jeune femme en face ne lui disait pas grand-chose. Elle connaissait pourtant la plupart des membres des familles de sang-pur mais... Esther Malefoy. Une cousine de Drago, elle pensait, des brides lui revenaient mais rien de bien précis. S'armant d'un sourire, Rosie fit quelques pas dans le bureau, les mains sur son ventre très arrondi.

- Excusez-moi de vous déranger en cette heure tardive, j'ai été orientée vers vous au sujet des attributions des logements à Leopoldgrad. Rosaleen Marchebank, se présenta-t-elle doucement. J'aurai un dossier à vous soumettre.

Esther leva les yeux vers la personne qui entrait et ne dut qu'à son éducation de ne pas se lever précipitamment pour arranger sa tenue. Elle était, quoiqu'il en soit, bien mise, comme à l'accoutumée. Ce fut donc une jeune femme souriante qui se leva posément pour accueillir la première dame qu'elle avait reconnu immédiatement. Les deux jeunes femmes se connaissaient un peu, ayant toutes deux des liens de parenté avec la branche principale des Malefoy, mais Esther n'avait jamais fréquenté régulièrement les cercles de Sang-Pur et Rosaleen préférait la compagnie d'hommes modernes comme Marchebank plutôt que celle de son sang.

Inutile de dire qu'Esther désapprouvait, même si, comme elle le disait régulièrement, elle comprenait bien qu'il soit délicat de se serrer les coudes entre anciens Mangemorts - et Rosaleen était plus jeune. Les Lestrange, merci à Bellatrix, avaient une réputation encore pire que celle des Malefoy. Pour ce qu'elle en savait, elle avait été élevée dans la tradition la plus pure et son mariage avec Marchebank ne faisait que confirmer les soupçons d'Esther sur sa personnalité: une jeune fille influençable, bien rangée - enceinte, à 22 ans! - et, quoique brillante, très scolaire. Elle aurait eu son âge qu'Esther en aurait plutôt conclu à une jeune ambitieuse qui voulait se faire un nom avec un minimum d'efforts.

"Mrs Marchebank" dit-elle en contournant le bureau pour lui serrer la main - devait-elle dire "enchantée"? C'était un peu hypocrite étant donné qu'elles s'étaient déjà rencontrées... Non, elle préféra ne rien dire, et tira la chaise des visiteurs. "Asseyez-vous, je vous en prie."

Esther ne connaissait pas les standards des Sang-Pur par coeur, mais la règle de base était que la politesse devait être irréprochable, d'où so. L'assistanat étant cependant condamné parmi ces fiers gens, elle n'en fit pas plus et, dès que Rosaleen fut installée, retourna elle-même s'asseoir à sa place. Elle profita de ce qu'elle lui tournait le dos pour relâcher son sourire une demi-seconde, légèrement vexée que Mrs Maaarchebank ne semble pas se souvenir d'elle. Mais, une fois assise, plus rien ne substitait de cette légère contrariété.

"Vous disiez avoir un dossier pour Leopoldgrad? Je vous écoute."

Plus la jeune femme parlait, plus Rosaleen la replaçait à peu près. Elle était plus âgée qu'elle et devaient déjà s'être croisées bien qu'elle n'ait pas le souvenir de la dernière fois. Décidée à revenir sur ce point plus tard, Rose serra la main d'Esther et s'assit sur la chaise qui avait été tirée pour elle, déposant son sac à main à ses pieds. Promenant un regard discret sur le bureau - il ne s'agissait pas de passer pour une curieuse - elle eut un sourire lorsque son interlocutrice revint s'assoir en face d'elle, abordant le sujet de sa venue.

- En effet, confirma-t-elle avec un sourire. Celui de ma sœur cadette, Reyna Lestrange.

Sortant sa baguette magique de la poche de sa robe, Rosaleen fit venir le dossier soigneusement relié à elle pour le déposer sur le bureau d'Esther. Elle l'avait rempli elle-même afin d'en faire la surprise à Reyna, essayant de trouver par là un moyen de nouer quelque chose de positif avec sa petite sœur. Si cela n'avait pas été pour sa famille, elle n'aurait pas usé de l'influence que pouvait lui conférer son mariage mais elle savait qu'il serait difficile de faire sans dans ce cas précis. Reyna n'aurait pas d'appartement ou bien quelque chose de petit et de miteux, un studio étudiant à moindre prix puisqu'elle ne travaillait pas. Elle refusait officiellement l'aide de sa sœur et surtout, l'argent de son mari, mais si Rosaleen lui présentait un appartement agréable, déjà signé, clés en mains, à son nom, déjà payé et synonyme de liberté... Rose doutait qu'elle refuse : Reyna savait toujours où était son avantage.

- Elle vient d'être diplômée du collège Poudlard et est actuellement à la recherche d'un emploi. Je sais que cela peut poser problème pour l'attribution mais je me porte personnellement garante du payement du loyer ainsi qu'en tant que caution.

Les logements étaient réservés aux gens avec un projet, un bon emploi, ou bien des relations et Rosaleen espérait bien faire passer le dernier cas, même si c'était très délicat. Elle ne savait pas vraiment comment s'y prendre pour que cela ne paraisse pas grossier, ce n'était pas dans ses habitudes.

- Ce dossier me tient vraiment à cœur, ainsi qu'à mon époux - pieux mensonge - pensez-vous possible qu'il soit traité avec le plus d'attention possible ? 

Reyna Lestrange... Oui, Esther se souvenait d'elle. Une enfant qui avait l'air de respirer une odeur nauséabonde en permanence, chose qui n'avait pas du s'arranger en devenant la belle-soeur du Ministre de la Magie! Enfin, certains avaient de la chance, et Reyna Lestrange faisait vraisemblalement partie d'eux. Oh, elle était injuste, se fustigea-t-elle intérieurement. Reyna, tout comme Rosaleen, n'avait pas du avoir une enfance facile avec le nom qu'elle portait, et tout le monde ne réagissait pas de la même manière aux drames.

Rosaleen, en tout cas, semblait avoir développé une gentillesse solaire pour contrebalancer son sombre patronyme. Si Esther conservait quelques doutes sur la taille de l'ambition de la future maman, elle ne pouvait pas s'empêcher de l'apprécier tant elle paraissait simple dans sa façon d'être. Il n'y avait qu'à voir la façon maladroite avec laquelle elle venait de glisser son mari dans la conversation: c'aurait pu être irritant, la formule manquant de subtilité, mais cela trahissait au contraire un manque de pratique dans l'exercice. Visiblement, Mrs Marchebank n'était pas habituée à user de son influence - il fallait dire qu'elle n'avait pas du en avoir beaucoup avant son mariage, la pauvre. Ambitieuse ou pas, elle avait fait ce qu'il fallait pour assurer l'avenir de sa fratrie, décida Esther, et elle le faisait encore. Elle aurait aimé avoir une soeur prête à ce genre de sacrifices pour elle. Elle eu donc un sourire amusé lorsqu'elle ouvrit le dossier.

"Bien sûr, je m'en assurerai personnellement" dit-elle en parcourant rapidement les pièces.

Payer ne serait certes pas un problème vu les ressources de la famille Marchebank. Et même si la jeune Lestrange n'honorait pas ses charges, elle doutait que quiconque se risque à l'expulser! Pour l'instant, la plupart des bâtiments de Leopoldgrad étaient la propriété du Ministère, et certains n'hésitaient pas à affirmer que Leopold Marchebank était le Ministère.

"Je vois que vous avez fourni toutes les pièces, cela vous fera gagner un temps précieux. Cependant, il faut tenir compte de plusieurs facteurs: je ne suis pas la seule responsable de l'attribution des baux, bien sûr, et les premiers bâtiments ne sont pas encore tout à fait habitables... Etant donné que la ville est itinérante, cela peut être assez gênant pendant les passages dans les Highlands. Mais si votre soeur ne craint pas le froid... Savez-vous quand elle souhaite emménager?"

Le sourire d'Esther à son égard détendit Rosaleen qui le lui retourna, soulagée. Elle n'avait pas tellement douté d'obtenir ce logement tant son nouveau statut semblait lui ouvrir toutes les voies mais elle était apaisée de voir que son interlocutrice l'accueillait de manière positive. Elle n'aurait pas tellement su comment répondre à quelqu'un qui n'aurait pas accepté sa demande – si ce n'est insister le plus poliment possible – mais contrairement à d'autres, Rosaleen n'aimait pas particulièrement les passe-droits. Elle s'en servait, certes, aussi devait-elle paraître hypocrite mais c'était dans ce cas-là quelque chose qu'elle estimait nécessaire pour Reyna, son bien-être et l'amélioration de leurs relations, ainsi que de la cellule familiale.

Lors de son adolescence, elle avait pourtant rêvé de pouvoir faire taire critiques, moqueries et regards sombres sur son passage. Elle avait rêvé de redorer le nom de sa famille et l'obstination de ses grands-parents à lui faire faire un bon mariage – puis plus les années passaient, à la marier tout court – et devenir la femme du Ministre de la Magie... Rien n'était plus prestigieux dans le monde magique. Et pourtant, elle n'était pas à l'aise avec cela. Sûrement qu'elle aurait dû en être heureuse, le revendiquer, s'en servir, que ce soit l'instrument de sa revanche sur la vie et sûrement que dans les premiers temps, elle avait eu cette idée en tête. Mais les choses étaient différentes de ce qu'elle avait imaginé : les regards sur son passage n'avaient pas changés, ils s'étaient même intensifiés, elle entendait les murmures sur son chemin à Lycaon. Ils étaient sûrement moins violents qu'avant puisque désormais au courant de son histoire familial, les gens semblaient avoir développé une sorte d'étrange affection pour elle, ses camarades de classe lui posant des questions, une certaine lueur d'avidité derrière le miroir de leurs prunelles. Mais épouser Leopold avait déclenché des réactions politiques à son égard et elle était associée aux actions et idées de son mari, qu'elle ne partageait pourtant pas pour la plupart. Son mari était un libéral, elle était bien plus conservatrice et son nouveau patronyme n'y changeait rien.

Des fois, elle se prenait à espérer que les choses soient différentes. Elle se sentait un peu coupable après puisqu'elle s'épanouissait assez dans sa nouvelle vie, bien plus qu'avant en tout cas. Mais des fois, elle se disait que les choses pourraient être différentes sans que cela ne la dérange. Que Leopold ne soit pas Ministre de la Magie, que leur vie soit plus simple, moins contraignante, qu'il soit plus présent, aussi. Elle se questionnait quant à la vie qu'auraient leurs futurs enfants, elle était bien placée pour savoir qu'un nom de famille pouvait être difficile à porter. Certes, son mari ne serait plus Ministre dans onze ans, lorsque l'entrée à Poudlard viendra, mais il aura forcément laissé sa marque dans l'histoire. Ce n'était pas forcément ce qu'elle avait voulu pour sa famille, Leopold n'était pas Ministre lorsqu'ils s'étaient fiancés mais... Elle ne pouvait tout de même pas se plaindre d'une telle situation, n'est-ce pas ? Elle avait une très bonne situation, une position dans le monde, beaucoup à offrir à ses enfants et à son bébé à naître. Elle n'avait pas le droit de se lamenter ou de regretter quoi que ce soit : c'était une insulte à tout ce qu'elle avait dû endurer pour en arriver là.

Revenant à l'instant présent, Rosie hocha la tête lorsque Esther constata qu'elle avait tous les papiers - elle avait toujours été méticuleuse - et suivit ses explications avec attention. Elle trouvait logique qu'elle ne soit pas seule à s'occuper des dossiers d'une aussi grande ville mais pour être tout à fait honnête, elle doutait qu'on lui refuse le dossier "Marchebank" même dans les plus hautes sphères. Surtout dans les plus hautes sphères surtout. Néanmoins, elle n'avait pas prévu que tous les bâtiments ne seraient pas encore habitables... Il faut dire que lorsqu'elle avait abordé le sujet avec Leopold - sujet politique assez neutre dans leur couple, surtout qu'elle s'intéressait à la magie déployée sur cette nouvelle ville (elle aurait même bien eu un entretien avec l'architecte concerné mais n'avait jamais osé demander), il lui avait affirmé que tout serait prêt dans trois mois, début septembre. Mais peu importait les défauts de la ville, Rosie était certaine que Reyna s'en accommoderait : c'était pour elle le début de l'indépendance, la possibilité de s'éloigner de sa sœur et du manoir, tout ce dont elle avait rêvé. Elle ne se rendait pas compte que c'était ce mariage, qu'elle critiquait si allégrement, qui lui permettait de vivre ainsi. Si leurs grands-parents avaient toujours été de ce monde, jamais ils n'auraient permis à Reyna de quitter la maison sans être mariée. Quant à faire des études... Ils finançaient déjà celles de Rosaleen et c'était bien assez à leur goût. Elle serait restée à la maison toute la journée, acceptant la première proposition possible pour quitter la maison.

- Elle vient d'être diplômée de Poudlard. Je suppose qu'elle aurait aimé emménager maintenant mais pour l'ouverture de la ville, cela sera parfait. C'est le premier désir d'indépendance, vous connaissez sûrement, fit-elle avec un sourire doux.

Même s'il s'exprimait souvent bien moins fort chez les jeunes gens de bonne famille... Ses yeux retombant l'espace d'un instant sur le nom de la jeune femme, Rosaleen prit le parti de sortir du sujet initial de la conversation.

- Si je puis me permettre de vous le demander, vous êtes de la famille de Drago, n'est-ce pas ?

Drago était l'un de ses cousins mais ils n'avaient jamais vraiment eu beaucoup de contacts. Pour parfaire leur image après la guerre, ou du moins la refaire, les Malefoy avaient eu tout intérêt à ne plus fréquenter les familles qui, comme eux, n'avaient pas la chance d'avoir été graciées. Ainsi, les Lestrange se trouvaient rarement sur leurs cartons d'invitation, bien que les deux familles aient beaucoup en commun...