Kill list [Seamus & Mordred]

Dans la nuit du 4 juillet 2009

C'était une petite salle d'interrogatoire, celle dans laquelle il avait "interrogé" Roy, maintenant qu'il y pensait. Mais Roy pouvait aller se faire foutre, lui et ses grands airs, son cabarets et ses relations haut placées ! Roy se prétendait cool, mais en ami, il ne valait pas un clou. De rage, Mordred jeta la première chaise qui lui tomba sous la main contre le mur, peu inquiet du bruit qu'il causerait alors qu'il n'était même pas censé être de garde.

Oh oui, il en voulait à Roy, à ses "amis" et au monde entier. Mais surtout, il s'en voulait à lui. Comment avait-il pu être aussi aveugle? Aussi naïf? Aussi stupide ! Lui aussi ne valait pas un clou comme ami. Mordred n'était pas habitué à ce que les gens comptent sur lui. A vrai dire, il faisait tout pour l'éviter même s'il aimait se rendre utile. Mais à l'heure actuelle, sur qui Klemens pourrait-il compter, sinon lui?

Plus d'un mois qu'il était enfermé dans ce maudit trou à rats et Mordred ne s'était pas inquiété de ne plus avoir de nouvelles. Il n'avait pas vu le temps passer - c'était ce qu'il comptait dire lorsqu'il s'était présenté chez Klemens à la Cité Nimbus, une bouteille de Ragnarov à la main. Mais ses salutations étaient restées coincées dans sa gorge en voyant la porte abîmée, et, quelques sortilèges plus tard, l'appartement saccagé. Il avait vite compris. Quelques vérifications dans les registres de Skye et le nom de son ami était apparu, à côté d'un code qu'il ne connaissait pas, qui n'était pas censé exister... Une seule chose possible: les rumeurs étaient vraies et il n'avait pas voulu y croire. Parce que c'était confortable.

Avec un cri de frustration, il abattit son poing sur la table, grimaçant sous le choc, puis donna un coup de pied sur la seconde chaise. Il était coincé. Il ne pouvait rien faire, et il n'y avait rien que Mordred détestait plus que l'impuissance.

Un cliquetis.
Deux cliquetis.
Trois cliquetis.
Encore, encore et encore.

- Arrête.

Le regard noir de Charlotte rencontra celui tout à fait innocent de Seamus qui cessa de tapoter le rebord de son bureau avec son badge. C'était le cœur de la nuit au Ministère de la Magie et la salle principale du grand QG du BDA était vide. Il y avait trois binômes de garde de ce soir, dont deux qui étaient de sortie. Restés au Ministère pour assurer la permanence, les deux anciens Gryffondor n'avaient pas été très productifs. Ils avaient certes devant eux plusieurs dossiers à traiter, de la paperasse à faire et des rapports à rédiger mais aucun n'avait touché une plume de la soirée. Seamus avait observé avec un certain amusement Charlie plonger doucement dans la somnolence, d'abord toute droite contre le dossier de sa chaise, puis la tête dans les mains sur son bureau, puis finalement endormie, la tête dans les bras. Faire la garde tout seul avait beaucoup moins de charme aussi Seamus lui avait-il consenti un bon quart d'heure de sommeil avant de saisir son badge et d'en faire résonner le métal contre le bois, insidieusement, jusqu'à ce que sa binôme relève son visage vers lui, encore un peu ensommeillée.

- Bah alors lieutenant, on dort en service maintenant ?
- Je suis fatiguée, répliqua Charlie en se passant une main derrière la nuque. Bianca fait ses nuits mais trouve que cinq heures du matin, c'est une super heure pour commencer la journée.

Seamus eut un petit sourire et fit mine de ne pas s'en émouvoir.

- Biberonner ou exercer, faut choi...

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu'un emballage de cookie du Paradis d'Eden lui arrivait à la figure.

- Gère ton irritabilité, jeune fille ! lança-t-il en se débarrassant des miettes qui étaient arrivées sur sa robe de service.
- Je vais aller nous chercher des cafés plutôt, ça m'évitera de t'entendre ! répliqua-t-elle en secouant la tête sans parvenir à dissimuler son amusement. Je vais devoir aller jusque dans le monde moldu, mais je reviens vite, utilise le badge d'urgence en cas de soucis.

Seamus hocha la tête et lui fit un bref signe de la main tandis qu'elle s'éloignait à grand pas, le laissant seul dans le bureau. Il soupira, passa ses mains derrière sa nuque, s'appuya contre son dossier, regarda autour de lui. De la lumière sortait de sous la salle du sous-commandant – y'en a qui aimaient les heures sup' ou qui ne savaient pas éteindre une chandelle – et il savait que des Aspirants devaient rester travailler, peut-être dans une salle de réunion ou quelque part dans l'étage. Il s'apprêtait à ouvrir un dossier pour se mettre au travail quand un grand fracas émergea de l'une des salles d'interrogatoires. Fronçant les sourcils, il se leva, sa baguette à la ceinture et se dirigea à grands pas vers la source du bruit. Sans vraiment grande délicatesse – à moins qu'on ait oublié un suspect là, il ne devrait pas y avoir de problèmes – il ouvrit la porte en grand pour découvrir des chaises renversées et un Lannister visiblement contrarié. Haussant un sourcil circonspect, il s'appuya contre le chambranle de la porte.

- C'est les suspects qu'on frappe en temps normal, pas le matériel, lança-t-il d'un ton égal.

Posant les yeux sur son collègues, il fit un léger signe de tête avant de prendre la parole avec sa délicatesse habituelle.

- T'as un problème ? T'es même pas de garde.

Tout à sa colère, Mordred n'avait pas entendu la porte s'ouvrir et sursaute lorsqu'il entendit qu'on lui adressait la parole. Finnigan, c'était bien sa veine. D'ordinaire, il ne se formalisait pas de son côté grognon et bourru, mais depuis qu'il était dans la Milice, l'ancien héros de guerre semblait l'avoir dans le nez. Et ce soir, Mordred n'avait vraiment pas besoin qu'on vienne lui tenir de grands discours ou lui faire la morale, merci bien.

"C'est délicat de frapper le Ministre" répondit-il cependant.

L'humour, encore et toujours, même lorsqu'il n'en pouvait plus. Ca n'empêcherait sans doute pas Seamus de poser d'autres questions, mais au moins, il aurait essayé. Il lui était délicat d'utiliser son statut de lieutenant en la circonstance: pris en flagrant délit et hors service, comme venait subtilement de lui faire remarquer son collègue, il ne pouvait pas abuser de son autorité. Il était déjà dans une posture suffisamment délicate auprès des Aurors, et bientôt auprès du service de nettoyage, de Coleman et de Peterson si jamais on découvrait que c'était lui qui avait mis la salle d'interrogatoire dans cet état.

Contrôlant tant bien que mal sa mauvaise humeur, Mordred sortit sa baguette et lança un reparo sur la pauvre chaise qui avait fait les frais de sa contrariété.

"Problème réparé" dit-il d'un ton étrange, entre la sécheresse et la lassitude.

Seamus était loin d'avoir la langue dans sa poche, il parlait de manière brutale, sans filtre à ses mots et cela ne s'arrangeait pas avec les années. A Poudlard, cela lui avait attiré des problèmes avec Harry, en cinquième année. Pendant l'Année des Ténèbres, cela avait failli lui coûter la vie face aux Carrow mais à l'époque, il n'en n'avait pas tant conscience que cela. Il était en colère, Dean avait disparu, il voulait juste leur faire payer, faire quelque chose. Cela lui avait attiré des ennuis lorsqu'il était devenu Aspirant Auror, également, face à la hiérarchie, il avait dû apprendre à se taire. Et s'il parlait en ce moment de manière trop brute, cela lui attirerait clairement des ennuis. Il n'était pas rare qu'il croise le regard plein d'avertissements de Charlotte, ou sente l'un de ses coups de pieds contre son tibia. Elle lui intimait de se taire, de faire tête basse devant tout ce qui se passait parce qu'ils savaient très bien les risques qu'ils prenaient à parler ouvertement.

Seamus était au Kraken, il était loin de se laisser abuser par les belles paroles du Ministère. Il sentait très bien qu'il se passait quelque chose d'anormal, il en avait des soupçons, des indices, il fouillait – même si Charlie lui avait dit non – et trouvait des choses anormales. Néanmoins, il faisait très attention à lui, parce qu'il ne voulait pas que cela se sache pour le moment, il ne voulait pas attirer d'ennuis à Lavande, à Dean, à sa mère, à Charlotte ou au Kraken. Il aurait néanmoins été bien trop louche qu'il se taise, lui qui avait le mot si haut, alors ne s'empêchait-il jamais de cracher sur la Milice, ces types incompétents qui leur piquaient leurs dossiers. Il était un stéréotype d'Auror fier – ce n'était même pas si feint que cela – et faisait attention à ce que tout le monde pense qu'il était réduit à cela. Aussi, devant la réplique de Mordred, il retint le flot de toutes les injures qu'il aurait pu sortir et se contenta de froncer les sourcils.

- Tu veux coller le Ministre en salle d'interrogatoire en tant que suspect ? A part être un bon gros politicard, je ne vois pas pourquoi.

Et pourquoi pas jouer les inquisiteurs lui-même, tiens ? La meilleure des défenses, c'était l'attaque et ce n'était pas bien difficile face à Mordred, qui avait rejoint ce gang de Miliciens,  qu'il méprisait au plus haut point. Des collègues qu'il ne pouvait pas sacquer et qu'il avait toujours vu comme des loubards ambitieux, ça passait encore, ils étaient déjà bas dans son estime. Mais des collègues qu'il pu apprécier et estimer – Nasreen ! - cela lui restait en travers de la gorge, qu'ils tournent le dos aux Aurors pour servir de police politique à un Ministre corrompu.

Il observa Mordred réparer la chaise avec un haussement de sourcils peu convaincu – ça ne répondait pas à sa question, ça – il nota son ton un peu sec quand il lui répondit. Allons bon, Lannister, à l'humour lourd à force d'être gras, sûrement plus intéressé par l'orientation de ses cheveux que par ses dossiers – pas surprenant qu'il ait rejoint la Milice – n'était clairement pas du genre à faire la tête. S'appuyant contre le chambranle de la porte, Seamus l'observa un petit temps.

- Tu t'es fais larguer ou tu t'es rendu compte que t'avais rejoint un gang de mecs aux dents qui rayent le parquet ? Ou les deux ?