[JR] Prise de bec [Andrew Dubois]

Andrew n'était pas quelqu'un de violent. Enfin, pas trop violent. Il avait certes quelques bagarres à son actif - mais Ahren Keller le cherchait, aussi ! - il était peut-être parfois un peu turbulent ou vindicatif lorsqu'il était énervé mais rien de bien méchant. Certes, il fallait aussi rajouter le fait qu'il soit batteur et qu'il passe la moitié de ses soirées à taper de toutes ses forces dans des balles en métal avec une batte mais en dehors de ça, vraiment, Andrew n'était pas quelqu'un de violent. Son hibou, en revanche... Croque-Souafle n'était pas méchant avec les humains, même s'il avait tendance à arriver le matin la plume ébouriffée et le bec courroucé. Avec les autres hiboux, c'était autre chose. Il défendait son territoire de manière plutôt agressive et depuis trois ans, on était venu le trouver plusieurs fois pour lui dire de tenir son animal.

Aussi ne fut-il pas surpris, en montant à la Volière porter une lettre pour sa mère, de trouver Croque en train d'attaquer un autre hibou, visiblement celui d'un première année terrifié. Il poussa un soupir et dû siffler à trois reprise pour que l'animal daigne tourner la tête vers son maître, lâchant le hibou dont il était en train d'agripper les plumes. Il tendit le bras pour que Croque vienne s'y poser avant de remonter sur son épaule, labourant son bras de ses serres. Jetant un regard agacé au hibou, Andrew s'approcha du petit, visiblement effrayé.

- Hé... Ça va ? Il t'as fait mal ? Désolé pour Croque, il est aussi aimable que Dérébusor sous anti-dépresseurs. Tu t'appelles comment ? T'es en première année, c'est ça ?

Il n'avait pas très envie d'avoir traumatisé le gamin juste parce que son hibou ne savait pas se tenir en société...

- C'est ça, confirma Andrew avec un sourire lorsque Max lui déclina son identité et son poste dans l'équipe de Quidditch. Et j'aimerais bien être capitaine un jour mais ce n'est un secret pour personne ! ajouta-t-il en riant.

Andrew, suivre les traces de son père ? Jamais voyons. Olivier avait été nommé Capitaine de l'équipe de Gryffondor en cinquième année et Andrew comptait bien reprendre le flambeau un jour. Il avait déjà d'ailleurs plein d'idées et avait une large tendance à bassiner tous ses amis avec, au point que ces derniers avaient déjà manqué de le passer plusieurs fois par la fenêtre de la Tour.

- Oh, t'es chez les Requins ? On se verra bien au tournoi des cadets alors ! lança-t-il avec enthousiasme. J'aime bien, c'est toujours drôle puis ça permet de continuer à s'entraîner !

Comme s'il ne passait pas la moitié de son temps à ça, de toute manière... La demande d'autographe de son père lui fit esquisser un sourire, même si ce n'était pas la première fois.

- Bien sûr que oui il acceptera, je lui demanderai pour toi si tu veux ! Il ne dit jamais non aux jeunes joueurs, je crois que ça lui rappelle des souvenirs ! Tu veux tenter les sélections de ta maison l'année prochaine ? T'as été réparti où d'ailleurs ?

- Oui, il était dans l'équipe de mon père et ils sont amis, répondit Andrew avec fierté. C'est lui qui lui a appris les règles et l'a pris dans l'équipe ! Ils ont gagné la Coupe lors de la septième année de mon père.

Ils auraient pu le faire trois années de suite comme aimait à le raconter Olivier mais Merlin semblait s'être ligué contre l'équipe de Gryffondor puisque Harry avait fini à l'infirmerie au moment de la finale deux années de suite. Mais c'était pour des raisons importantes, il le savait parce qu'il avait lu toutes les biographies de leur héros : les deux fois, il avait défait Voldemort au sein de Poudlard alors qu'il était encore plus jeune que lui ! Andrew, lui, la seule chose qu'il défaisait, c'était son lit.

- Pas de chance, répondit-il avec compassion lorsque Max lui annonça être à Serpentard. C'est Gryffondor la meilleure des maisons !

Et c'était évidemment dit en toute objectivité et sans partialité.

- Yep, confirma-t-il quand Max lui demanda s'il avait des frères et sœurs. Enfin, des demi. Mes parents sont séparés. Mon père a deux filles et ma mère a un fils avec son nouveau mari.

Il détourna le regard, grattouillant la tête de sa chouette. Ce n'était pas le genre de choses dont il aimait parler, lui qui était si volubile et sociable sur tous les sujets.

- Bref. Pourquoi il a arrêté le Quidditch ton frangin ? Il est fou ! On arrête pas le Quidditch !

Le Bloody Sunday... Andrew ne l'avait pas vécu en personne, il ne faisait pas partie des élèves qui étaient sortis de l'école en douce, c'était une infraction au règlement qu'il n'avait pas encore tenté. Il l'avait découvert le soir-même, dans l'édition spéciale de la Gazette du Sorcier et dans les courriers de ses parents qui étaient arrivés dès le lendemain, inquiets. Malgré tout cela, il avait vécu à l'évènement à distance, protégé de tout cela par l'enceinte de l'école - il ne connaissait pas l'ancien élève qui était mort - et par sa famille, qui n'avait pas été touchée par les évènements. Comme toujours, Andrew avait été un privilégié. Pour autant, il ne manquait pas de compassion et savait que beaucoup avaient été profondément marqués par cette tragédie.

- Je suis désolé, répondit-il sincèrement lorsque Max lui dit que sa famille n'était plus la même depuis le Bloody Sunday. Il garda le silence quelques instants tandis que le petit regardait par la fenêtre la pluie qui avait commencé à tomber, reprenant la parole en choisissant précautionneusement ses mots. Tu sais... Je crois que les trucs horribles changent les gens, ils ne sont plus pareil après. Comme après la deuxième guerre des sorciers, ajouta-t-il en songeant aux amis de son père qui semblaient parfois si marqués. Peut-être que... Peut-être que ton frère a réalisé qu'il y avait des choses dans la vie qui... Qui, je ne sais pas, étaient plus importantes que le quotidien. Que toutes les préoccupations qu'on a quand tout va bien, comme le Quidditch, c'est rien à côté de trucs plus graves.

Il haussa les épaules, il n'avait sûrement pas encore assez de recul sur ce genre de choses.

- Mais faut pas que tu t'en veuilles, je suis certain que ton frère n'a pas arrêté le Quidditch à cause de ta blessure. Elle était grave ?

- Ouais, y'a eu des morts, soupira Andrew. Je ne sais plus exactement combien mais... J'ai vu la plaque en allant faire mes achats scolaire sur le Chemin, cet été. On dit que la mère de Kristen White, en cinquième année à Gryffondor, est morte là-bas...

Lui-même ne savait pas ce qu'il ferait s'il venait à perdre l'un de ses parents ou même sa belle-mère. Même Doug, le nouveau mari de sa mère et le père de son petit frère, ça le rendrait triste. Sa famille était un peu compliquée à ses yeux, par rapport à celles de ses amis, mais il y tenait et il aimait son fonctionnement. Il avait la maison de sa mère, la maison de son père et les nouvelles familles qu'ils avaient fondé et cela lui allait très bien comme ça.

- C'est dangereux d'être un sorcier, reprit-il avec un sourire pour alléger l'atmosphère. Regarde toutes les aventures qui arrivent à Harry Potter ! Ou toutes les horribles créatures qui existent ! Cette année, en cours, on a vu les Epouvantard... C'était trooop classe ! On l'a combattu !

- Non, il n'avait pas envie de vivre tout ça mais... Mais c'est arrivé, reprit Andrew en haussant les épaules. Et il s'est battu, il s'en est sorti, il est resté alors qu'il aurait pu essayer de fuir. Et à la fin, il a gagné. Tu sais qu'il a trois enfants ? Ils sont déjà venus dîner chez mon père. Et ils ont l'air heureux alors... C'est ça la victoire, non ? Qu'il ait continué de vivre malgré tout. Et après le Bloody Sunday bah... Les gens continuent de vivre aussi et c'est le plus important.

C'était des questions compliquées mais c'était le point de vue d'Andrew, à force d'observer son père et ses amis qui avaient fait la guerre. La vie avait continué, même après que Vous-savez-qui ait essayé de tout détruire. Les gens s'étaient mariés, avaient fait des enfants et le monde avait continué de tourner malgré tout malgré la tristesse à la fin de la guerre. Et il espérait que c'était ce qui se passerait après cette période compliquée.

- Bien sûr que si, ça sert de lutter face à un Epouvantard, même si ce n'est pas réel. C'est des angoisses mais si tu ne fais rien, elles resteront là. Si tu ne combats pas l'Epouvantard, tu restes là, terrifié, dans un coin de la pièce. Lutter contre ce qui nous peur, même si ce n'est pas concret, c'est un premier pas pour combattre un jour ce qui se passera dans la vraie vie, affirma-t-il.

- Tu luttes en le forçant à changer d'image avec un sort, une image qui ne te fait plus peur. Une image qui te fait rire, en fait, précisa-t-il. Et c'est comme ça que tu combats ta peur : en faisant quelqu'un chose que tu ne crains plus.

Son Épouvantard à lui, c'était le Spectre de la Mort et généralement, il le faisait danser le disco sur Can you Dance like an Hippogriff, ce qui était assez comique.

- J'ai pas dis que l'Epouvantard, c'était la solution magique à tout. J'ai juste dis que ça pouvait t'aider à combattre ta peur, à l'affronter, à ne pas rester comme un Bulbobus devant. Harry Potter a vaincu Voldemort parce qu'il est allé vers lui sans peur, c'est tout. Ça s'apprend, je suis sûr. C'est ça, être courageux. Savoir affronter ses peurs sans les fuir.

Est-ce que Andrew pourrait affronter ses peurs sans les fuir ? La question était difficile et le laissa un instant silencieux, ce qu était assez rare pour être signalé, lui qui était plutôt volubile.

- Je ne sais pas trop, répondit-il honnêtement. J'aimerais bien mais je suppose que tu ne vois qu'en situation. J'ai déjà fais des trucs un peu flippants ! lança-t-il avec une certaine fierté. La Forêt Interdite avec Linnet Sneals. Je te jure, tu trouveras pas grand-chose de plus effrayant.

Même si ce soir-là, celle qui l'avait le plus effrayé, c'était Sasha... Mais il garda ce détail sur sa meilleure amie pour lui. Quant à affronter Voldemort... La question lui tira un sourire.

- Franchement, je pense que s'il avait pu être tué avec du poison, quelqu'un y aurait pensé avant nous, tu sais !

Harry Potter n'avait pas été le seul à vouloir sa fin...

- J'ai lu des livres sur le sujet. Ils sont toujours très vagues mais apparemment, il y avait certaines choses à faire pour que Voldemort puisse mourir, avant, ce n'était pas possible et Harry Potter a fait ces choses avec Hermione Granger et Ron Weasley, guidé par Dumbledore.

Comme beaucoup de petits garçons sorciers nés après la guerre, Andrew avait été bercé par les aventures de Harry Potter et des héros de guerre, à qui il vouait un véritable culte.

- Mais si tu veux, je pourrais essayer de lui demander de me raconter un peu. C'est un ami de mon père ! affirma-t-il avec fierté. Mais les adultes ne veulent jamais qu'on parle de ça...

Ce n'était pas faute d'avoir essayé lors des dîners qui rassemblaient les anciens coéquipiers de son père de l'époque de Gryffondor, quasiment tous des héros de guerre, tout comme Olivier.