Mini hooligans [Steven Harrisson]

"Allons bronzer !" s'écria David en sortant du dortoir des sixièmes années.

Steven sortit à la suite de son camarade de dortoir en souriant. Bonheur, il n'avait qu'une envie depuis qu'il était levé et enfin elle se réalisait. Ils allaient enfin pouvoir profiter du soleil et de l'ambiance estivale qui régnait dans le parc.

"J'ai oublié quelque choooose !"

Le Poufsouffle regagna le dortoir et en ressortit en posant des lunettes de soleil hyper branché sur son nez.

"Alors, j'ai pas le staïle là ?" demanda David en affichant un sourire qui se voulait certainement ravageur.

"Si si, tu es magnifaïque mon cher. Mais ça sert à rien de me sourire comme ça, garde ça pour ta copine !"

Les deux amis passèrent ensuite par la salle commune où régnait une clameur joyeuse et sortirent dans les couloirs. L'air était plus frais entre les murs de pierre mais une fois dehors, Steven frôla le choc thermique. Il plaça sa main en visière le temps qu'ils traversent l'herbe douce et verdoyante et se posent tranquillement sous l'ombre d'un arbre.

"- Alors, t'en es où avec ta chérie ? demanda Steven. En ce moment, David avait du mal à gérer sa relation amoureuse et c'était souvent un sujet tabou dans le dortoir. Mais quand ils étaient uniquement tous les deux, Steven essayait d'aborder le sujet.

- Boarfff, j'sais pas, c'est compliqué, elle me les casse un peu en ce moment, répondit David en regardant au loin.

- Elle est dans sa mauvaise période du mois ?

- Même pas ! Enfin, j'sais pas. Mais j'imagine que les règles durent pas deux semaines quand même !

- Tu sais les filles, c'est bizarre hein.

- Ouais... Bref, j'essaie de pas trop y penser en ce moment," finit David en s'allongeant dans l'herbe, les mains sous la tête.

Steven l'imita en s'empêchant de lui faire remarquer que c'était peut-être cette attitude épicurienne qu'il avait que lui reprochait sa petite amie. Il ferma un instant les yeux et écouta les bruits autour de lui: le frémissement des feuilles au-dessus de sa tête, l'herbe qui lui caressait les joues, les plus jeunes qui chahutaient plus loin, le léger clapotis du lac. Tous ces bruits donnèrent un frisson de bien-être à Steven. David l'arracha de sa torpeur en poussant un juron.

" -J'ai complètement zappé, dit-il en se relavant d'un coup. Il faut que j'apporte un devoir en retard à Londubat. Ça risque de prendre un peu de temps, m'attends pas si tu veux rentrer ! acheva-t-il en s'éloignant déjà.

- Ok, à toute."

Pendant que son ami regagnait le château, le préfet laissa son regard scruter les environs. Que le parc était beau à cette période de l'année... Soudain, il repéra du mouvement un peu plus loin vers sa droite. Ce qui ressemblait à une gamine au loin venait de donner un coup de poing magistral à un autre enfant. Elle a de la force cette petite, commenta intérieurement Steven en remarquant que le petit qui avait reçu le coup vacillait sous le choc. Il sortit de ses pensées subitement en se souvenant qu'en tant que préfet, il se devait d'intervenir.

"Hé !! Héla-t-il aux bagarreurs. Vous trois ! Arrêtez ça !"

Très vite, les enfants roulèrent au sol tandis que Steven pressait le pas. La blondinette se faisait marteler le visage et le corps. Il a pas honte de frapper une fille de la sorte, songea Steven lorsqu'il n'était plus qu'à deux mètres des Serpentards d'après leurs blasons. Il prit conscience de son erreur quand le gamin qu'il avait pris pour une fille se plia de douleur sous le coup de son agresseur. Là, ça fait mal, pensa-t-il en grimaçant.

"Ca suffit vous trois !" gronda-t-il en attrapant d'un bras par la taille le garçon qui se tenait sur l'autre et en repoussant la fille de son bras libre.

Il avait pris de la force semblait-il, il en fut presque étonné. Est-ce l'adrénaline ou bien est-ce que le Quidditch et l'ébullition des hormones de l'adolescence faisaient-ils des miracles ? Sa voix était maintenant plus grave et cela l'aidait bien lorsqu'il voulait se faire entendre des plus récalcitrants.
Il éloigna les deux serpentards, qui semblaient de la même famille, du petit blondinet et aida ce-dernier à se relever.

"Je peux savoir ce qu'il vous prend ? Quelle mouche vous a piqué pour que vous vous battiez comme ça au milieu de tout le monde ?!"

C'était fou comme ces gamins pouvaient être bizarres de temps en temps.

Tandis que les trois gamins se balançaient des insultes, Steven analysa la situation. Les deux garçons étaient légèrement blessés, le blondinet étant celui qui était le plus mal en point. Visiblement, c'était le jeune sorcier qui était en compagnie de la fille qui avait attaqué en premier en jetant un sort à ce Jack que le blondinet venait de mentionner. Si c'était lui qui avait commencé, il n'avait pas de quoi se plaindre, selon Steven, il avait eu ce qu'il méritait. Mais le blondinet n'aurait pas dû riposter de la sorte. Maintenant, ils étaient tous les deux fautifs.
Le préfet fronça les sourcils lorsqu'il entendit la suite de la discussion, ces gamins parlaient de coming-out et d'homosexualité où il rêvait ?

" -Attendez, vous vous entendez parler ? Mais vous êtes que des enfants," dit-il, complètement surpris.

Il ne comprenait pas ces gamins qui étaient de plus en plus en avance pour leur temps. A leur âge, jamais il n'avait entendu parler de coming-out et jamais il aurait accusé quelqu'un d'être homosexuel sous prétexte qu'il restait avec un garçon en particulier. C'était fou comme les mentalités évoluaient. A ce qu'il paraît, à l'époque de ses grands-parents, les enfants croyaient qu'on faisait des enfants en s'embrassant sur la bouche. Aujourd'hui, à 3 ans les enfants ne croyaient plus au Père Noël, à 10 ans les filles parlaient de leur vie de couple et à 12 ans la question de la sexualité occupait toutes les bouches. Dans 30 ans ce sera quoi, on donnera un smartphone à un nourrisson comme cadeau de naissance ? Et chez les sorciers se sera une baguette ? Le Poufsouffle émergea de ses pensées lorsque le petit blond fit volte face pour se diriger vers un autre première année, visiblement, qui vomissait des limaces. Steven ne le rappela pas en comprenant qu'il voulait aider son ami. Sûrement était-ce ce Jack en question. Le jeune homme écouta donc ce qu'avaient à dire les deux autres. Il haussa les sourcils à la première phrase du dénommé Walter que la dénommée Kelly venait de présenter.

" -Les gens de Bristol, des crapules tu dis ? Il redressa la tête et toisa Walter. Mon père habite à Bristol. Et c'est loin d'être une crapule, c'est un homme honnête et jamais il ne commettrait des méfaits de n'importe quel genre. -ça, c'est ce qu'il croyait- Maintenant si tu as un problème avec les gens de Bristol, tu n'as qu'à aller le leur dire en face. Et si tu connaissais un peu mieux cette ville, tu saurais qu'on y rencontre des gens formidables et qu'il y fait très bon vivre. Peut-être pas en ce moment mais il était inutile de le préciser. Le sorcier marqua une pause avant de reprendre. Ensuite je ne vois pas pourquoi tu te permettrais de donner des recommandations de la sorte à ton camarade, tant qu'il n'exprime pas outrageusement son point de vue, tu n'as rien à lui dire. Et puis ce n'est pas de ton ressort, donc quoi qu'il en soit, tu n'auras jamais rien à lui dire. Et puis, il ne risque pas grand chose ici. Du moins on l'espère. Vous vous sentez pas en sécurité ici ? Je pense que la dernière chose que ferait la milice est de venir moissonner les résistants de première année ici à Poudlard. Ensuite, on n'a pas le droit de tabasser quelqu'un comme vous l'avez fait parce que vous ne le trouvez pas normal comme vous le dites. Des points seront enlevés à Serpentard pour votre comportement. Cela va de même pour votre camarade," rajouta-t-il lorsque ce dernier s'écroula à ses pieds avec son ami Jack et adressa des gestes obscènes aux deux autres suite à leurs ricanements.

Il écouta attentivement ce qu'avait à lui dire le petit blond qui, lui semblait-t-il de mémoire, s'appelait Max. Il ne manquait pas de culot dis-donc. Etait-il vraiment à Serpentards ou à Gryffondor ? Il jaugea les deux jumeaux lorsque Max évoqua le fait qu'ils "emmerdaient" les Poufsouffles. Il fouilla dans sa mémoire mais ne se souvenait pas de plaintes particulières concernant ces deux-là. Il y avait des Serpentards plus âgés qui étaient bien plus embêtants, comme Lindsay par exemple.

" -C'est parfaitement stupide de votre part d'embêter uniquement les Poufsouffles, et je ne dis pas ça parce que j'en suis un, dit-il sur un ton égal. Et merci de cette information, je me renseignerai," rajouta-t-il à l'intention de Max.

Bien, maintenant restaient les questions de qui avait tort et qui avait raison, et comment aider ce pauvre Jack qui vomissait des limaces.

" -Pour Jack, je ne peux rien faire et j'en suis désolé, il faut le laisser se vider. C'était assez grossier de dire ça mais c'était vrai. Par contre je peux faire quelque chose pour vous deux," dit-il en scrutant les blessures et le sang qu'avaient les deux garçons. Il sortit sa baguette finement taillée et utilisa la formule Episkey sur le visage des bagarreurs. Il adorait cette formule, que ce soit le bruit de fouet qu'elle produisait ou encore l'air surpris qu'affichaient ceux sur qui il l'utilisait lorsqu'ils s'apercevaient que leurs nez étaient remis en place. Et puis, elle était très utile au quotidien. Il voyait souvent sa mère l'utiliser sur les petits bobos de sa sœur. Et puisqu'il sera majeur dans même pas 24 heures, il pourra lui aussi soigner sa sœur lorsqu'elle se fera mal en l'absence de sa mère. Plus besoin de pansements et d'antiseptiques ! Il rangea sa baguette et reprit.
" -Bien, maintenant, j'aimerai tout savoir dans les détails. Est-ce toi qui a lancé un sort à Jack, demanda-t-il à Walter. Ou est-ce toi qui a raté ton sort destiné à Walter, demanda-t-il ensuite à Max. Et qu'as-tu dit de si révoltant concernant le gouvernement ?"

Les réponses à ces questions lui permettront d'établir le plus justement possible la punition et aussi de savoir comment les élèves de Poudlard voyaient le gouvernement. Mine de rien, cela lui permettrait de se forger un avis sur la question.

Steven écouta Max attentivement. Bien entendu, il se disait innocent, cela l'aurait étonné qu'il dise le contraire. L'argument qu'il avançait était convaincant. Effectivement, s'il était si doué que ça en sortilèges il n'aurait pas attaqué son propre ami, même en ne le faisant pas exprès. Ensuite, il répliqua qu'il ne s'intéressait pas à la politique et qu'il ne risquait pas de critiquer le gouvernement puisque son parrain y était. Steven leva les yeux au ciel, que c'était pénible de chercher à savoir qui avait tort et qui avait raison. Il n'aurait jamais dû poser ces questions. Le préfet haussa les sourcils quand le blondinet changea complètement de sujet. C'était vrai que Bristol était super cool et Steven défendait l'équipe de Quidditch locale mais il ne voyait pas ce que cela venait faire là-dedans. Il remarqua l'air gêné du gamin et décida d'arrêter l'interrogatoire pour le moment. Max avait raison sur un point: ils étaient tous coupables.
Il leva une main en l'air lorsque Kelly commença à répliquer.

" -Je ne veux pas vous entendre, ça suffit comme ça."

Il se pencha vers Jack qui vomissait moins mais qui restait tout de même pâle à faire peur et l'aida à se lever.

" -Qui t'as lancé ce sort ?" lui demanda-t-il d'une voix douce. Il fut guère surpris de voir le gamin lever un doigt un peu tremblant vers Walter.

Le Poufsouffle laissa Jack s'appuyer sur l'épaule de Max et soupira. Il ne restait plus qu'à enlever des points à ces bagarreurs. Il n'aimait pas faire ça mais cela restait son rôle de préfet.

" -C'est triste d'en arriver là mais 30 points chacun seront enlevés à Serpentard. Ce qui fait 90 points en tout.

- 90 ?!?

- Oui, il fallait y réfléchir à deux fois avant de passer à l'acte.

- Mais c'est lui qui m'a frappé en premier ! s'offusqua Walter.

- Vous êtes tous coupables, coupa Steven d'un ton catégorique. Maintenant, vous pouvez disposer. Sauf toi," dit-il en attrapant l'épaule de Max quand Walter et Kelly se furent éloignés en bougonnant.

C'est à cet instant que revint David. Il s'approcha en fronçant des sourcils.

" -Qu'est ce qu'il s'est passé ?

- Oh rien, la routine, répondit Steven. Il jeta un œil à Jack qui chancelait légèrement sur ses jambes affaiblies. Est-ce que tu peux l'emmener à l'infirmerie s'il te plaît ? Il a reçu un sort de crache-limace.

- Beurk. Ouais, pas de soucis, déclara son camarade en se baissant pour porter Jack.

- Ne le secoue pas trop, il pourrait encore vomir un peu," lui lança-t-il tandis qu'il s'éloignait vers le château, Jack pendu mollement dans ses bras comme un bébé endormi.

Steven entraîna alors Max un peu plus loin, sous l'arbre où il s'était allongé tout à l'heure. Il s'assit et invita le serpentard à faire de même.

"- C'était très culotté de ta part de frapper ton camarade ainsi juste pour défendre Bristol. Assez courageux aussi. J'aime beaucoup la ville de mon père mais je ne me battrai pas pour ça. Cette ville doit vraiment t'être chère et doit être symbolique à tes yeux. Il s'arrêta un instant pour regarder autour de lui histoire de vérifier qu'il n'y avait pas d'autres bagarres et reprit. Pourquoi tu as d'ailleurs été si gêné de parler de Brsitol ?"

C'était peut-être pas le bon sujet à aborder avec le garçon mais c'était trop tard.

HRP:

Une légère brise soufflait autour du chêne sous lequel étaient assis les deux sorciers, soulevant ainsi par intervalles réguliers les boucles blondes de Max. Avec ses traits fins et innocents, il ne donnait pas l'impression de s'être battu il y a quelques minutes. Les questions que lui posa Steven sembla pourtant le mettre assez mal à l'aise. Soit le souvenir de sa bagarre lui faisait serrer les points, soit il avait envie de frapper Steven, soit il se mettait sur la défensive. Il y avait des moments où Steven aimerait bien pouvoir lire dans les pensées des autres. Il hochait la tête au fur et à mesure que Max évoquait les différents lieux et activités qu'il y avait à Brsitol. Il connaissait tout ça et c'était vrai que c'était cool. Mais il trouvait que Max s'égarait trop. C'était louche. Soudain, le Poufsouffle se demanda si Max n'essayait pas de cacher quelque chose. En y réfléchissant bien, peut-être que le Poufsouffle était contre le gouvernement ou alors il n'était pas tout à fait d'accord. Parce que ceux qui étaient contre le pouvoir ne le montraient pas et essayaient de relever que les côtés positifs du gouvernement face aux autres afin de ne pas s'attirer trop d'ennuis, alors que ceux qui étaient pour s'en vantaient presque et affichaient leur point de vue à tout bout de champ, ce qui n'était pas le cas de Max visiblement. Le jeune homme arracha nerveusement quelques brins d'herbe en inspectant les environs. C'était difficile d'aborder le sujet avec un enfant. Max n'avait plus 10 ans mais il était tout de même encore très jeune aux yeux de Steven et ce-dernier voulait utiliser les bons mots avec lui.

"- Tu dois sans doute savoir qu'en ce moment, le pays va pas fort. Tu es très jeune pour tout ça et tu dois te sentir perdu. Même moi je le suis alors toi, je ne l'imagine même pas. D'un côté on a les anti-gouvernements et de l'autre les pro-gouvernements. Je ne sais pas qui a raison, qui a tort, alors toi, sûrement encore moins. Il fit une pause et regarda Max dans les yeux. Comment est-ce que tu le vis toi ? Tu n'es pas trop perdu ? Je te demande ça juste dans le but d'en apprendre plus sur l'avis des élèves afin de changer mon attitude de préfet en conséquence. Surtout envers les plus jeunes."

Steven fut satisfait de voir que Max lui faisait assez confiance pour se confier à lui. Il aimait bien être le confident des autres et depuis toujours on lui confiait des secrets que, le plus souvent, il oubliait au bout de quelques jours – comme ça, il ne les révélait pas – et le Poufsouffle savait écouter les autres et les consoler s'il fallait. Le jeune Serpentard, après avoir hésité, se lança dans une tirade où il exposa son avis sur le gouvernement actuel tout en comparant la vie sorcière d'aujourd'hui avec des faits passés de l'Histoire moldue. Steven avait bien sûr déjà entendu cette histoire avec Hitler, sa haine envers les juifs et bien d'autres peuples ainsi que sa dictature, les camps de concentration, les chambres à gaz et plusieurs génocides… Tout le monde en savait un minimum, même en étant sorcier, après tout, la seconde guerre mondiale moldue avait bien touché l'Angleterre et tous ses citoyens, sorciers ou non. Le préfet trouvait ça admirable qu'un élève comme Max s'intéresse ainsi à l'histoire du monde et en parle de la sorte. Malgré son jeune âge, et bien qu'il ne relate uniquement ce qu'il avait appris, il semblait avoir un avis sur la question et faisait un juste rapprochement entre les faits passés et actuels. Steven arracha un brin d'herbe qu'il tordit entre ses doigts avant de répondre.

« -T'as l'air d'avoir un avis sur la question et pas mal de connaissances sur ce genre de choses, c'est super pour ton âge. Il lui sourit et poursuivit. Je ne pense pas qu'il y a des raisons de s'inquiéter pour la tournure des événements. Je veux dire par là qu'on ne devrait pas retomber dans une page de l'histoire comme celle du nazisme, j'espère qu'il n'y aura pas de camps de concentration ou autre – il ignora volontairement les jeunesses hitlériennes car les jeunesses ministérielles de Poudlard ressemblaient beaucoup à cela -. Généralement, le présent ne commet pas les mêmes erreurs que le passé et si le gouvernement sait en tenir compte de ce passé, et bah on ne devrait pas revivre tout ça. Car après avoir vécu ce qu'ils ont vécu dans le passé, que ce soit pendant la guerre moldue ou pendant la guerre sorcière, les gens savent ensuite quoi faire si jamais ils revivent la même chose. Tu ne crois pas que, si le gouvernement se transforme en dictature comme celle qu'il y a eu avec Hitler, ceux qui veulent résister sauront comment résister ? Du coup, la dictature tombera vite et ce n'est pas ce que veulent ceux qui l'instaurent. Les hommes politiques le savent ça, et chercheront à faire quelque chose de nouveau, quelque chose que personne n'a connu, quelque chose qui mettra tout le monde dans le doute. En tout cas, s'il faut qu'on s'attende à quelque chose, je pense qu'il faut s'attendre à quelque chose de tout nouveau, que l'on n'aura jamais vu auparavant et qui se fera dans le silence. »

Il s'interrompit un instant et regarda vers le lac où des élèves se baignaient. L'eau scintillait et les arbres sur les berges projetaient leurs ombres dansantes.

« Ne t'en fais pas Max, reprit le jeune homme. Si jamais le monde sorcier s'apprête vraiment à changer, tu seras toujours bien entouré et aimé par tes proches. Ta famille et tes amis sauront te conseiller quoi qu'il arrive. Je ne sais pas comment j'étais et comment étaient mes proches lors de la guerre, je l'ai connu oui mais je n'ai que de vagues souvenirs. Tout ce que je sais, c'est que j'en suis sorti indemne ! Les jeunes enfants sont rarement la cible des malfaiteurs je pense… Comme je l'ai dit tout à l'heure, si le gouvernement se transforme en dictature, ça se fera dans le silence et personne ne s'en rendra compte… »

Steven ne voulait pas affoler Max avec ses scénarios dramatiques mais c'était peut-être bien la chose qui était en train de se produire dans leur dos...

Max accueillit le compliment du préfet en souriant. C'était rare qu'on le complimente ainsi. Il est vrai qu'il aimait l'histoire et suivait fortement l'actualité. L'actualité n'était-elle donc pas vouée à devenir la future histoire ? En attendant le poufsouffle était assez rassurant, estimant que le présent ne commettrait pas les mêmes erreurs que précédemment. Max espérait sincèrement que c'était la vérité et que rien ne déraperait, mais même le préfet n'avait pas l'air certain de ses propres propos et ça c'était pas super rassurant... Parce que bon si on parlait de résistance... Il y en avait déjà sur Bristol... alors que devaient-ils penser de tout ça ?

Le reste des propos du préfet eurent l'effet d'une bombe sur le petit serpentard. Quelque chose de nouveau qui se ferait dans le silence ? ... C'était pas rassurant du tout ça. Qu'est-ce que ça pourrait être ? Est-ce que sa famille pourrait vraiment le protéger d'un truc ainsi ? Quant au fait que les jeunes enfants étaient rarement la cible des malfaiteurs c'était complètement faux : suffisait de voir les actualités moldues pour le savoir.

« Super... Maintenant je suis parfaitement rassuré... »

Le ton était narquois. Max se demanda un instant pourquoi Steven lui avait dit tout cela. Pour le rassurer ? Cela avait plutôt eut l'effet contraire ... Pour le prévenir ? Possible mais qu'est-ce qu'un gosse de onze ans aurait pu faire ? Soutenir son frère dans la résistance alors qu'on ignorait tout du mal que le gouvernement pourrait faire ? Puis...Est-ce qu'il était si mauvais le gouvernement ? Sérieusement, qui pourrait penser que ce dernier puisse faire pire que le nazisme ? Ou alors "autre chose de nouveau" dans le plus grand secret ? Et si c'était le cas, comment ils pourraient l'empêcher ? C'était sans issue.

« Bon... admettons... Y a des gens qui résistent, on sait bien tout ça... à Bristol le Multiplette les qualifie de gangster en général... mais en gros ces gens résistent contre le gouvernement on est d'accord ?  »

Arrachant à son tour des brins d'herbes, Max marqua une courte pause comme pour laisser le temps à son interlocuteur de "digérer l'information".

« Dans ce cas on pourrait dire qu'il faut qu'on résiste. Mais toi tu dis que le gouvernement est malin et ferait quelque chose qu'on penserait pas et BAM on pourrait rien faire contre ça ! ... Ben moi j'trouve ça stupide... Pas'que bon j't'explique, ça fait genre quelques millénaires que les hommes y sont sur terre et tout ça... et les gens ont eu le temps d'inventer pleins de trucs etc... Tu vas me faire croire qu'ils ont encore des trucs à inventer en politique alors que ça tourne en rond depuis genre des siècles ? »

Marquant une pause, le gamin dégaina ses doigts afin de compter au fur et à mesure qu'il énumérait.

« Donc on a eu des esclaves au Moyen-âge et des seigneurs et rois très puissants, pis la religion qu'il fallait pas contredire sinon couic t'y passais, puis y a eu des moments de paix avec les démocratie, mais y a aussi des dictatures alors soit le peuple on lui dit rien et il croit tout soit il sait la dictature mais s'il râle bam l'est mort... On a eu de l'en..en..bref les gens qui ont fini par avaler toutes les bêtises d'Hitler par exemple, qu'ils le croyaient... mais on a aussi eu des mensonges que les gens croyaient ... Pis des fois ils montent les gens les uns contre les autres... C'est toujours pareil... Regarde avant y a longtemps les pas bien c'était les gens hérétiques puis les juifs puis maintenant les musulmans... Chez les sorciers ça a été contre les moldus, contre les autres créatures etc... J'vois pas ce que tu pourrais faire d'autre.»

Steven s'en voulait un peu d'avoir été aussi direct et franc avec Max, il ne voulait pas l'affoler mais visiblement c'est ce qu'il avait fait. Oh et puis zut, Max était assez grand et intelligent pour le comprendre, prendre des pincettes avec lui et lui masquer la vérité ne serviraient à rien. Au contraire, la meilleure solution était d'en parler et de ne pas laisser le jeune sorcier à l'écart, il pourrait se sentir seul et impuissant alors que beaucoup d'élèves se trouvaient dans le même cas que lui. Il fallait partager et en parler et non rester dans son coin à ruminer. Au moins Max semblait savoir se servir de son cerveau. Il reprenait ses paroles et les analysait. En grandissant, il deviendra un grand sorcier, Steven en était convaincu.
Son cœur se serra lorsque le Serpentard évoqua les troubles de Bristol. Le préfet avait peur pour la sécurité de son père et bien que Mr Harrisson soit un honnête citoyen qui ne coure pas de danger – le Poufsouffle était bien loin d'imaginer que son propre père avait des liens avec le Kraken – il craignait le pire pour lui.
Il laissa Max énumérer les différents troubles de l'Histoire avant de soupirer en signe d'impuissance.

« Franchement, je ne sais pas Max… On est tous un peu perdus… On ne sait pas qui ou quoi croire. Entre les journaux qui disent quelque chose – encore tout dépend du journal – et nos proches qui disent autre chose… On ne sait pas où on en est et c'est très dur de savoir quoi penser, surtout à ton âge… »

Il marqua une pause et songea qu'au même âge, lorsqu'il était en première année, il était loin d'avoir la mentalité qu'avait Max. Il avait été tout innocent et il ne s'était quasiment pas intéressé à l'actualité, trop fermé dans son monde d'enfant. Parfois, le jeune homme regrettait cette tendre époque où presque rien ne l'avait préoccupé.

« Certes, tu as raison, les politiques tournent en rond et on retrouve souvent les mêmes choses. Tu as aussi raison en disant que l'Homme a inventé de nombreux moyens pour arriver à ses fins, aussi bien du côté moldu que sorcier, et qu'aujourd'hui on estime vivre dans un monde stable et en paix mais toutes les bonnes choses ont une fin non ? De nouvelles menaces se préparent sûrement. Regarde, ya eu les mardoliens avec les attentats, ya eu aussi des attentats du côté moldu... et maintenant ? J'en sais rien, une nouvelle dictature ? Des attentats ? De la propagande ? Des expériences scientifiques qui auront un impact sur toute la société comme avec l'affaire Chaudrillon… Des meurtres en masse ? Je ne veux pas te faire peur, je suis désolé si c'est le cas mais la société sorcière de l'Angleterre s'apprête vraiment à changer. On va vers une ère sombre, pas aussi sombre que celle de la deuxième guerre mais d'une manière différente. On va évoluer dans le doute et l'incompréhension... »

Steven prit soudainement conscience que ce qu'il disait était probablement vrai et que leurs vies s'engageaient vraiment à changer. Une chose était sûre, c'est qu'il serait en tout cas personnellement touché par ce qui allait se produire, quoi que ce soit, et lui, tout comme les autres élèves, en seraient changés à jamais.
Il repéra David qui sortait du château en sifflotant.

« David est revenu. Ton ami doit être à l'infirmerie maintenant. Tu devrais aller le voir pour t'assurer qu'il va bien. » Il se leva et tendit une main à Max pour l'aider à se redresser à son tour. Ensemble, ils s'éloignèrent vers l'entrée du château. Steven laissa Max se diriger vers l'infirmerie tandis qu'il restait sur les marches de pierre en compagnie de David. Avant que le Serpentard ne pénètre dans le Hall il lui lança avec un sourire : « Si jamais tu éprouves à nouveau le besoin de parler, viens me trouver ou envoie moi un message, je serai content de pouvoir t'être utile. »

FIN POUR STEVEN