Qui es-tu, doux renard ? [PV Abigail]

Dimanche 11 Janvier 2009

Il était encore tôt quand Sasha poussa la porte de la bibliothèque ce matin-là. Elle passait souvent une petite heure ici avant le début de ses cours, et après aussi, et à la pause de midi. La plupart de ses camarades semblaient penser qu'elle passait beaucoup trop de temps entre les rayonnages de la bibliothèque, mais elle ne les écoutait pas. Ils ne comprenaient pas et s'imaginaient sans doute qu'ils s'en sortiraient très bien avec leurs notes moyennes et leur culture générale proche du néant. C'était sans doute vrai d'ailleurs, si on rêvait de devenir ouvrier chez Cosmos. Elle avait un peu plus d'ambition, beaucoup même, et elle se donnait les moyens de réussir, elle ne voyait pas comment ils pouvaient se moquer de ça. Bande d'idiots.

En général Sasha s'accordait tout de même un peu de repos le dimanche matin, et rejoignait plutôt la bibliothèque en début d'après-midi pour décortiquer la Gazette du jour, essayer d'apprendre un peu de français, faire ses devoirs ou s'avancer sur le programme scolaire. Mais c'était une raison bien différente qui l'amenait à la bibliothèque ce matin. En cherchant une boucle d'oreille plus tôt dans la matinée, la jeune fille était retombée sur la fiole d'essence de Fenneldeg qu'elle gardait au fond de sa boite à bijoux et qu'elle avait presque oubliée.

Avec la libération d'Ana, Sasha s'était plutôt préoccupée d'accomplir la tâche que l'arithmancienne lui avait confié, et attendait depuis des nouvelles qui n'arrivaient pas. Elle avait lu chacun des articles de la Gazette et de Multiplettes qui mentionnaient la sorcière de Salem, visiblement en fuite. Elle était recherchée par tout le pays, et ne lui avait pas fait parvenir le moindre message. Sasha commençait à se faire à l'idée qu'Ana Sorden ne lui serait plus d'aucune aide à présent et qu'elle pouvait définitivement faire une croix sur leur soi-disant avenir glorieux, encore une fois. Elle s'était fait avoir comme une débutante, encore. La fillette soupira et laissa tomber son sac sur une table isolée dans un coin.

Maintenant que son esprit n'était plus occupé par des préoccupations liées à Sorden et à son évasion, Sasha avait décidé de se pencher sérieusement sur un problème qui n'avait rien à voir, à savoir cette fiole mystérieuse qu'Emma lui avait donné. Elle avait regardé dans son manuel de soins aux créatures magiques mais n'avait rien trouvé sur le Fenneldeg ou les propriétés de son essence. A vrai dire elle ne savait même pas si elle devait chercher dans la section "créatures magiques" pour en apprendre plus sur l'animal ou directement dans la section "Potions" pour découvrir l'utilité de l'essence de Fenneldeg.

Prenant son courage à deux mains, la Serpentard parcourut rapidement les deux rayons qui l'intéressaient et en ressorti les bras chargés d'épais ouvrages très prometteurs. Mais elle eut beau tourner des pages et des pages, parcourir des dizaines d'index, elle ne trouvait rien. C'était tout juste si le Fenneldeg était rapidement mentionné dans quelques encyclopédies comme une "créature magique ressemblant un peu à un renard dont l'essence est connue pour son odeur désagréable". Rien qu'elle ne sache déjà.

La jeune fille laissa échapper un profond soupir en refermant ce qui devait être le douzième ouvrage qu'elle consultait, et qui s'était révélé aussi décevant que les onze premiers. Les sorciers devraient vraiment se mettre à internet, songea-t-elle en jetant un regard découragé en direction des dizaines de livres qui l'attendaient encore sur les rayonnages. Elle ne s'en sortirait jamais ! Son regard se posa alors sur la nouvelle bibliothécaire, miss O'Brien et elle se demanda si elle n'aurait pas plus vite faite d'aller lui poser la question. Elle ne lui avait jamais vraiment parlé, mais elle la saluait tous les jours et avait souvent eu à faire à elle pour emprunter ou rendre des livres. La jeune femme semblait bien plus aimable que Madame Pince et accepterait très certainement de l'aider.

Déterminée, Sasha abandonna donc sa chaise pour se diriger vers la bibliothécaire qu'elle salua d'un sourire.

"Miss O'Brien ? l'appela-t-elle timidement. Je suis désolée de vous déranger, poursuivit-elle en chuchotant pour ne pas déranger les autres élèves. Enfin, pour peu qu'il y ait quelqu'un d'autre à la bibliothèque un dimanche matin. J'aurais voulu savoir si vous pouviez m'aider à trouver un renseignement, je cherche des informations sur l'essence de Fenneldeg."

Dimanche matin. On était dimanche matin, et j’étais à mon poste, comme tous les jours de la semaine. Et je m’apprêtais à passer une longue journée. Le dimanche, la bibliothèque était généralement désertée, les élèves préférant en profiter pour se détendre. Seuls quelques gros bosseurs venaient parfois. Mais ils étaient tellement peu nombreux que j’avais tendance à oublier qu’ils étaient là avant qu’ils ne me saluent avant de quitter les lieux. Mais ne croyez pas pour autant que je m’ennuyais ! Oh que non, je prenais un livre et je me perdais dedans, des heures durant, ne relevant le nez que le soir, lorsque la nuit commençais à tomber. Oui, je ne m’arrêtais même pas pour manger. En fait, je n’avais pas conscience du temps qui passait lorsque j’étais plongée dans un livre passionnant.

Ce matin-là, j’avais descendu mon livre préféré en venant m’installer derrière mon bureau tout de suite après le petit déjeuner. J’étais donc plongée dans Jane Eyre. Oui, je sais, c’est de la littérature moldue, mais, étant à moitié moldue, j’avais été bercée par cette culture autant que par celle des sorciers. J’avais appris à apprécier les romans moldus autant, même plus que les romans sorciers. Les romans moldus sont très variés, il y a des histoires totalement dépourvues de magie telle que nous la connaissons ici, mais qui présente une autre magie, celle qui se trouve dans le cœur des gens. Il y a également des histoires dans lesquelles la magie occupe une place très importante et j’avais toujours trouvé ça marrant de voir comment les moldus pouvaient imaginer et décrire un monde qui m’était si familier. Ce n’était donc pas étonnant si mes livres préférés étaient des ouvrages écrits par des moldus. J’affectionnais tout particulièrement la littérature du 19ème siècle.

Jane Eyre donc. Et l’incroyablement séduisant Mr Rochester. Leur histoire me prenait aux tripes, à tel point que je n’avais pas vu Sasha rentrer dans la bibliothèque en début d’après-midi. A tel point que je sursautai lorsque la jeune fille m’interpella. Je relevai les yeux sur elle. Sasha Benson, troisième année à Serpentard, si je ne me trompais pas. Elle venait régulièrement à la bibliothèque. Elle faisait d’ailleurs partie des « bosseurs » qui venaient même le dimanche.

- Oh, bonjour Sasha. Excuse-moi, je ne t’avais pas vue. Le pouvoir des livres…

Je haussai les épaules, comme pour expliquer que j’étais incapable de lutter contre l’attrait que les livres avaient sur moi. Oui, au fait, je sais ce que vous vous dites, je l’ai appelée par son prénom et je l’ai tutoyée. Ce n’était pas une habitude du corps professoral, c’était juste moi. J’estimai que ces jeunes n’étaient pas beaucoup plus jeunes que moi. Et puis, je trouvais ça plus agréable, ça instaurait une sorte de familiarité. Les vouvoyer me donnait l’impression de les prendre de haut, ce qui  n’était absolument pas le cas. Alors j’avais vite laisser tomber les « monsieur », « miss » et le « vous ».

- Vas-y, dis-moi. Qu’est ce que je peux faire pour toi ?

Je lui adressai un sourire tandis qu’elle exposait sa requête et fronçai les sourcils quand elle eut terminé. Cela ne voulait pas dire que la demande me dérangeait, c’était en fait le signe chez moi que je réfléchissais.

- L’essence de Fenneldeg tu dis ?

Ca ne me disait rien du tout. J’avais pourtant suivi les cours comme tous les étudiants de Poudlard et je n’avais pas souvenir qu’on ait parlé de ça ne serait-ce qu’une fois. J’avais pourtant une bonne mémoire et, à l’époque où je n’étais encore qu’une jeune Serdaigle, j’accordais beaucoup d’importance à mes études (comprenez par là que je faisais partie des bosseurs qui venaient à la bibliothèque même le dimanche). Bon, ok, je savais aussi m’amuser avec mes amis, mais ce que je veux dire, c’est que si j’en avais entendu parler, je m’en serais rappelé. Enfin, je pense. Cela dit, quelques années avaient passé depuis ce temps-là, et j’étais comme tout le monde, je pouvais oublier des choses moi aussi.

- C’est pour tes cours ?

L’explication que me fournit Sasha m’était amplement suffisante .De mon point de vue, il s’agissait d’une jeune fille qui étudiait beaucoup, qui lisait, et qui approfondissait ses lectures lorsqu’elle tombait sur quelque chose qui lui posait question. Une bonne élève quoi, intéressée, curieuse. Les professeurs devaient être ravis de l’avoir en classe. Je hochai la tête et lui adressai un franc sourire.

- Je comprends, je suis exactement pareille !

Oui, je sais ce que vous vous dites, que j’étais incroyablement naïve et qu’il était facile de me berner. Vous n’avez, malheureusement, pas tout à fait tort. Dans ce genre de situation, je tombais toujours facilement dans le panneau. Il suffisait d’un peu de gentillesse, d’un sourire, pour qu’on me fasse faire tout ce qu’on voulait. Enfin, presque hein, il ne fallait pas non plus exagérer !

Le souci, c’est que moi, je ne voyais pas du tout ce que pouvais être le Fenneldeg… Le souci, quand on passe son temps dans la fiction moldue, c’est qu’on croise rarement des mots comme Fenneldeg dans ce genre d’ouvrage. Or, pour pouvoir renseigner correctement Sasha, il fallait que je sache d’abord ce qu’elle me demandait vraiment. J’agitais ma baguette et un énorme livre, titré « Dictionnaire », s’envola d’une étagère derrière moi pour venir se poser sur mon bureau. C’est ainsi que je pu y découvrir que le Fenneldeg était une créature magique qui ressemblait à un renard.

Je n’en savais pas beaucoup plus, mais au moins, je savais où chercher. J’agitai à nouveau ma baguette et le dictionnaire s’envola pour rejoindre sa place tandis qu’un autre livre venait le remplacer sur le comptoir.

Tous les livres que nous possédions dans cette bibliothèque (excepté la fiction) avaient été épluchés en détail par Mme Pince avant mon arrivée, puis par moi-même pour ce dont la bibliothèque avait fait l’acquisition depuis que je la gérais. Le livre que j’avais fait venir jusqu’à moi était un répertoire qui contenait tous les sujets et tous les titres qui se rapportaient à ces sujets. Le fruit d’un travail colossal qui devait permettre aux élèves et aux bibliothécaires de trouver plus facilement l’objet de leurs recherches. Je le feuilletai un moment jusqu’à trouver le sujet qui m’intéressait : Fenneldeg. Sous ce mot était inscrite une liste de titres. Chacun de ces livres parlaient du Fenneldeg.

- Ah, j’ai trouvé. Nous avons des livres qui en parlent. Attends.

Je recopiai la liste de titre sur un morceau de papier et le tendis à Sasha.

- Je te laisse aller voir ? Tous ces livres sont dans la section « créatures magiques ». Tu ne devrais avoir aucune difficulté à les retrouver.

Pour la suite:

Sasha observa avec un mélange de fascination et d'impatience la bibliothécaire faire venir à elle un dictionnaire, puis l'énorme ouvrage qui semblait être un répertoire de tous les livres disponibles au sein de l'école. La Serpentard avait déjà vu Madame Pince s'en servir à quelques reprises et était toujours émerveillée par le contenu inestimable qui se trouvait entre ces pages. Tous les livres de la bibliothèque, répertoriés par sujet, le rêve ! Fébrile, elle pria intérieurement pour que Miss O'Brien trouve quelque chose à propos du Fenneldeg, de préférence quelque chose qu'elle n'ait pas déjà lu. Elle retint difficilement un cri de joie quand la bibliothécaire lui annonça qu'elle avait trouvé des livres sur le sujet.

"Merci ! Merci beaucoup !"

La jeune fille accorda son plus beau sourire à sa sauveuse et se saisit du petit bout de papier sur lequel cette dernière avait inscrit les noms des ouvrages qui lui seraient utile pour sa recherche. Elle parcouru rapidement la liste du regard, notant mentalement ceux qu'elle avait déjà écumé, et se dirigea vers le rayon consacré aux créatures magiques pour se procurer les autres. Enfin elle touchait au but ! Elle avait hâte de découvrir ce qu'était cette mystérieuse essence de Fenneldeg pour pouvoir laisser toute cette sombre histoire derrière elle.

Elle n'avait eu aucune nouvelle d'Ana, et n'en aurait probablement jamais. Elle s'était résignée, et la situation lui convenait ainsi, finalement. Plus de mystère, plus de sombres secrets. Elle allait pouvoir tourner la page, se concentrer sur autre choses, sur des projets concrets. Et elle pourrait bientôt faire de même avec cette histoire de Fenneldeg.

Impatiente, la jeune fille manqua d'assommer un pauvre Serdaigle en s'emparant d'un épais manuel avec un peu trop de conviction et dut ensuite lui demander de l'aide pour attraper les livres situés plus en hauteur, mais elle revint finalement à sa table les bras chargés d'ouvrages plein de promesses. Elle avait réussi à trouver tous ceux de la liste de Miss O'Brien, excepté un. Mais elle espérait qu'elle n'aurait pas besoin de ce dernier livre pour trouver la réponse à ses questions.

Optimiste, Sasha ouvrit le premier manuel et en fit rapidement tourner les pages jusqu'à arriver à la section consacrée au Fenneldeg. Quoique, "section" était un mot un peu généreux étant donné qu'il devait y avoir à peu près une douzaine de lignes consacrée à la créature. Rien qu'elle ne sache déjà. Avec un soupir, elle poussa le livre sur le coté et en attrappa un deuxième. Mais encore une fois, rien. Une vague description d'un renard et une estimation hasardeuses des meilleurs moyens d'en attraper un. Sasha parcouru tous les ouvrages, les uns après les autres, et ne fit qu'enchainer les déceptions.

Alors qu'elle refermait le dernier livre, amère, la jeune fille songea sérieusement à abandonner. Elle avait fait tout ce qu'elle pouvait, elle ne trouvait rien. C'était comme s'il s'agissait d'une créature qui n'existait pas ! Elle avait écumé tous les livres sur le sujet, que pouvait-elle faire de plus ?

Pas tous...songea-t-elle en posant les yeux sur le titre du manuel qu'elle n'avait pas réussi à trouver. Il y avait peu de chance que celui-ci se révèle plus utile que les autres, mais c'était son dernier espoir. Sasha attrappa la liste et s'approcha de nouveau de la bibliothécaire.

"Miss O'Brien, désolée de vous déranger à nouveau mais je...Je n'arrive pas à trouver ce livre, commença-t-elle en pointant le titre en question. Peut-être que quelqu'un l'a emprunté, ou qu'il est dans la réserve ?" suggéra-t-elle, pleine d'espoir.

Elle devait mettre la main sur ce livre.

Après avoir donné la liste des ouvrages à Sasha, je m’étais replongée dans mon livre et j’en avais oublié la jeune fille. J’étais arrivée au passage le plus intense, le plus beau, le plus… bref, mon passage préféré. Quand Jane croit que Mr Rochester va se marier avec Mademoiselle Ingram et que, dans son discours, il lui fait penser que c’est bien le cas pendant quelques minutes, pour finalement… Un moment particulièrement intense donc, émotionnellement chargé, et tellement beau. J’en étais rendue à la tirade de Jane, cette tirade tellement puissante, tellement vraie : « Il faut que je parte, vous dis-je ! Croyez vous que je consente  jamais à rester ici pour n’être rien à vos yeux ? Vous me prenez donc pour une marionnette, une automate privée de sentiments ? Qui se verra arracher sans protester son morceau de pain et son verre d’eau ? Vous pensez que parce que je suis pauvre, humble, petite et sans beauté, je suis sans cœur et sans âme ? Vous vous trompez !... J’ai comme vous une âme, et tout autant de cœur ! Et si Dieu m’avait donné la beauté et la fortune, j’aurais su vous rendre la séparation aussi cruelle qu’elle l’est aujourd’hui pour moi. Je vous parle maintenant en faisant abstraction des usages, des conventions, et même de cette chair périssable : c’est mon âme qui parle à votre âme ; comme si, de l’autre côté du tombeau, nous étions déjà devant Dieu, égaux !... Car nous le sommes ! »…

Et c’est là, juste là, que la voix de Sasha se fit entendre. J’étais terriblement déçue d’être interrompue de la sorte au beau milieu de ce passage si magnifique. Mais je le connaissais déjà par cœur, ce livre. Je l’avais lu une bonne dizaine de fois. Je relevai la tête vers la jeune fille et esquissai un sourire tout en posant mon livre à l’envers de façon à ne pas perdre ma page.

- Ce livre ?

Je me penchai sur la liste que j’avais griffonnée tout à l’heure pour lire le titre que la jeune fille m’indiquait du doigt. « Bestiaire du Sahara Magique ». Hum… à première vue, cela ne me disait rien.

- Attends, ne bouge pas. Je vais voir en réserve.

Je notai la cote dans un coin de ma tête et disparus dans la réserve durant quelques minutes. Il me fallu un certain temps pour arriver au rayon sur lequel devait se trouver le livre. La réserve était grande, et remplie de livre inaccessible aux élèves sauf s’ils avaient une autorisation écrite de la part d’un professeur. D’ailleurs, en y pensant, quand bien même le livre se trouverait ici, je ne pourrais pas le prêter à Sasha tant qu’elle ne m’aurait pas apporté un mot de la part de l’un de ses professeurs l’autorisant à consulter ledit livre.

Il me fallut un certain temps pour parcourir le rayonnage sur lequel ce livre aurait dû se trouver (enfin, si sa place était bien en réserve). Et pendant que je cherchais, je ne pus m’empêcher de penser que la vie serait bien plus simple si je pouvais disposer d’un ordinateur avec un logiciel de gestion de bibliothèque. Pour savoir si j’avais un livre, je n’aurais qu’à taper le titre, et hop, le logiciel me dirait aussitôt si nous le possédions, où il était rangé et s’il était emprunté ou non. Là, je devais me contenter du répertoire manuscrit qui pesait une tonne et n’était pas des plus simples à manipuler. Et qui, de toute façon, ne disait pas où trouver les livres, ni s’ils étaient disponibles. Au bout d’un moment, cependant, il me fallu me rendre à l’évidence. Il n’était pas en réserve.

Je revins à mon bureau, dans la pièce principal et me penchai vers Sasha.

- Je suis désolée, il n’est pas en réserve. Je vais regarder s’il est emprunté si tu veux.

Je me déplaçai pour aller chercher le fichier des prêts quand mon regard se posa sur le chariot des retours. Il y avait plusieurs livres que j’avais posés là, en attendant de les ranger. Ils étaient revenus depuis plusieurs jours déjà, mais je les avais laissés sur le chariot parce qu’ils avaient besoin d’un petit peu de réparation.

- Ah mais oui !

Je me souvenais maintenant. « Bestiaire du Sahara magique ».

- Emma Blackbonnes l’a rapporté la semaine dernière. Il faut que je refasse la reliure, c’est pour ça que je l’ai gardé ici.

J’attrapai le livre et le portai jusqu’au comptoir.

- Tiens, mais fais y bien attention, les pages se détachent. Essaie de ne pas en perdre et de ne pas les mélanger !

Spoiler:

Sasha remercia poliment la bibliothécaire quand celle-ci lui annonça qu'elle allait vérifier si l'ouvrage manquant ne se trouvait pas en réserve. La jeune fille savait toutefois que, même s'il s'y trouvait, elle n'y aurait pas accès à moins d'avoir une autorisation écrite d'un professeur. Elle était à peu près certaine de réussir à convaincre Greengrass de lui accorder ce privilège -on ne pouvait pas blâmer un élève pour s'intéresser aux créatures du Sahara après tout- mais cela lui prendrait peut-être plusieurs jours et elle n'était pas sûre d'avoir la patience nécessaire.

Elle commençait à en avoir assez de tout ce mystère et de ces recherches qui ne menaient à rien, elle avait la désagréable sensation qu'on se moquait d'elle, qu'elle était victime d'une mauvaise blague, et elle détestait ça. La petite Serpentard soupira de découragement et attendit que Miss O'Brien revienne de la bibliothèque, sans savoir exactement quelle réponse elle espérait. Elle ne fut donc pas déçue quand la jeune femme revint en lui expliquant que le livre ne se trouvait pas en réserve, et haussa simplement les épaules.

"C'est pas grave, répondit-elle. Oh non, ne vous dérangez pas, ce n'est pas la peine..." commença-t-elle quand la bibliothécaire se propose de vérifier s'il n'avait pas été emprunté.

Mais la jeune femme se dirigeait déjà vers le chariot des prêts, et s'arrêta brusquement en chemin, comme si elle se rappelait soudainement de quelque chose. Sasha sentit une lueur d'espoir renaitre en elle et attendit, suspendue aux lèvres de Miss O'Brien, que celle-ci ne lui fasse part de sa découverte. La fillette eut du mal à masquer sa surprise quand elle apprit l'identité de la dernière personne a avoir emprunté ce livre.

"Emma Blackbonnes ? répéta-t-elle bêtement avant de se morigéner intérieurement pour sa question stupide. Je croyais qu'elle avait arrêté les soins aux créatures magiques, ajouta-t-elle pour expliquer sa surprise. C'est une bonne amie."

Consciente qu'elle s'était bien assez justifiée comme ça, Sasha attrappa précautionneusement le livre que Miss O'Brien lui tendait, s'efforçant de ne rien laisser paraitre du trouble qui agitait son esprit. Pourquoi Emma avait-elle emprunté ce livre, surtout maintenant, des mois après lui avoir remis la fiole d'essence de Fenneldeg ? A moins qu'elle n'ait conservé le livre durant tout ce temps ? Contenait-il les réponses à ses questions ?

"Merci beaucoup !"

Sasha adressa un sourire reconnaissant à la bibliothécaire et retourna à sa table, le précieux ouvrage entre les mains. Fébrile, elle le feuilleta rapidement en faisant toutefois attention aux pages détachées. Elle finit par trouver celle consacrée au Fenneldeg et, un sourire satisfait sur les lèvres, se plongea dans sa lecture. Son sourire disparut bien vite pour laisser place à une mine un peu déçue.

Tout ça pour ça ? songea-t-elle en refermant le livre avec un soupir. Elle était en possession d'une fiole d'essence de Fenneldeg, une lotion interdite qui pouvait soit lui servir à confectionner des boules puantes soit lui brûler les yeux. Oh bien sûr, cela pouvait toujours servir, et elle comptait bien garder cette fiole sur elle au cas où elle aurait des ennuis un jour, mais elle était un peu déçue. Étrangement, la seule chose qu'elle avait été ravie d'apprendre était que l'essence de Fenneldeg était interdite, et rare. Elle aimait l'idée d'être en possession de quelque chose de précieux, même si cette chose n'était bonne qu'à fabriquer des farces et attrapes. Ou a rendre quelqu'un aveugle, ce qui pouvait s'avérer un peu plus utile.

Refermant soigneusement le livre, Sasha rangea toutes ses affaires et, après avoir rangé en rayon les livres qu'elle avait empruntés, s'approcha de nouveau du bureau de Miss O'Brien.

"Merci beaucoup, lança-t-elle chaleureusement en lui tendant l'ouvrage sur les créatures du Sahara. J'ai trouvé ce qu'il me fallait. Bonne journée."

Sasha adressa un sourire poli à la bibliothécaire et s'éloigna tranquillement, glissant la main dans sa poche pour faire tourner la fiole d'essence de Fenneldeg entre ses doigts. Fiole qui, désormais, ne la quitterait plus. Elle n'avait pas les propriétés extraordinaires que la fillette lui avait rêvées, mais elle pourrait toujours lui être utile.

Je déposai précautionneusement le livre entre les mains de Sasha tout en m’étonnant de sa réaction. Mais mon étonnement ne dura qu’une minute. Sasha était une bonne élève, je n’avais pas de raison de me méfier de quoique ce soit.

- Il faut croire que finalement, elle a continué. Ou peut-être, tout simplement, qu’elle a croisé le mot comme toi et qu’elle a, elle aussi, voulu en savoir plus.

Je portai ma main à mon menton et réfléchis quelques instants.

- D’ailleurs, je ne me souviens plus quand elle est venue chercher ce livre. Elle m’a sûrement demandé de l’aider dans ses recherches, comme toi…

Je secouai la tête et retrouvai mon sourire.

- Mais peut-être qu’elle ne s’intéressait pas du tout au Fenneldeg. Il y a des tas d’autres créatures magiques dans ce livre !

Je la laissai s’éloigner avec le livre, non sans lui rappeler une dernière fois de faire attention. Quoi j’étais un peu trop lourde ? Hey, j’étais bibliothécaire, c’était mon boulot d’insister pour qu’on prenne soin des livres. Une reliure comme celle-ci, même pour une sorcière, ce n’est pas toujours évident à restaurer. Et j’aimais travailler à la façon moldue. Pour moi, la reliure était un art qu’on ne pouvait savourer qu’en le pratiquant réellement, et pas seulement avec un geste de baguette et une formule magique.

Je me replongeai dans mon livre, laissant Jane Eyre et Mr Rochester m’emmener à Thornfield. Mon passage préféré. Théoriquement, j’aurais dû être en train de travailler plutôt que de lire. J’avais des piles d’ouvrages qui attendaient d’être catalogués, réparés ou tout simplement rangés. Mais je m’octroyais une petite pause. De temps en temps, ça ne peut pas faire de mal. Et puis, mince, j’étais dans cette bibliothèque à longueur de journée, je ne comptais mes heures, alors j’avais bien le droit de prendre un moment pour lire un peu non ?

Et Sasha me tira une nouvelle fois de mon livre lorsqu’elle rapporta celui qu’elle venait d’étudier. Je le récupérai soigneusement et allai le remettre directement sur l’étagère des livres à réparer.

- Mais je t’en prie, je suis là pour ça. Je suis contente que tu aies pu trouver les réponses aux questions que tu te posais. A bientôt !

Sasha s’éloigna et moi, je décidai que ma pause avait assez duré.