Against all odds [James]

11 Novembre 2008 - salle de classe du couloir des sortilèges.

L'hiver n'avait pas commencé officiellement mais le froid avait déjà envahi Poudlard et ses couloirs qui n'avaient alors de cesse d'être parcourus de brises glacées. L'infirmerie était surchargée et on assistait à une véritable hécatombe parmi l'équipe préfectorale, plus de la moitié étant soi-disant incapable d'effectuer les rondes qui leur étaient demandées. Aux yeux de Marlene, il s'agissait plus de flemmardise ou de contestation contre leur nouveau sous-directeur qu'autre chose mais... Elle n'avait pas le choix, elle n'allait pas les trainer dans les couloirs pour qu'ils fassent leur travail. Il fallait donc réorganiser tout le planning des rondes pour les deux semaines à venir - puisque ceux qui assuraient des rondes supplémentaires en seraient dispensés la semaine suivante - et honnêtement, c'est un véritable casse-tête. Tout ce qu'elle avait soigneusement organisé cet été était chamboulé et cela avait le don de l'agacer sérieusement surtout quand James et elle planchaient sur ce fichu planning depuis bien deux heures sans arriver à un résultat concluant. Relevant les yeux sur ce dernier, elle constata qu'il semblait avoir abandonné toute idée de concentration vu qu'il était plongé dans la construction d'un Nimbus en papier. Contrariée, Marlene se pencha par dessus le bureau pour lui prendre des mains brusquement.

- Ça te dérangerait pas de travailler sérieusement deux minutes, Carter ?

Etre préfet-en-chef avait de très bons côtés, et des côtés parfaitement ennuyeux. Depuis deux heures, James travaillait en compagnie de Marlene sur le planning des rondes, et il devait dire qu'il avait connu des activités plus réjouissantes et plus amusantes. Ce planning était un véritable casse-tête - pourquoi tous les préfets étaient obligés de tomber malade au même moment ? Pourquoi ne pouvaient-ils pas se contenter de prendre une potion et de revenir faire leurs rondes, leur épargnant ainsi cette tâche ardue ?

Il fallait dire qu'au bout de deux heures, la concentration de James était relativement basse - si elle n'était pas inexistante. Pour s'occuper, il s'était donc lancé dans la réalisation d'un Nimbus en papier - plutôt réussi, il devait bien l'avouer. Il était en train de le perfectionner lorsque Marlene lui arracha des mains. Lançant un regard noir à la jeune fille, James haussa les épaules.

"Je réfléchissais." répondit-il en attrapant sa baguette. D'un informulé, il fit s'envoler son petit balai des mains de Marlene pour l'envoyer virevolter dans la salle. "Ça fait deux heures qu'on y est Barclay, tu vois bien qu'on ne pourra pas satisfaire tout le monde, quoiqu'il arrive. Donc soit on oblige ceux qui sont malades à venir faire leurs rondes, soit on ne met qu'un seul préfet par ronde au lieu de deux, soit on prend toutes les rondes restantes, toi et moi." annonça James en jetant un coup d'oeil au planning qui n'avait pas avancé depuis qu'ils étaient arrivés.

Marlene haussa les sourcils lorsque James affirma qu'il réfléchissait - ben voyons - et observa le petit balai quitter ses mains pour s'envoler dans la salle pour faire le tour du lustre à toute vitesse. Son homologue n'avait néanmoins pas tort sur un point : elle avait beau essayer toutes les combinaisons possibles, il y avait toujours quelque chose qui coinçait, une absence ou un entrainement de Quidditch qui venaient bloquer le bon déroulement du planning. Poussant un soupir Marlene reposa son stylo (en bonne née-moldus elle avait toujours eu un peu de mal avec les plumes et s'en passait au maximum en dehors des cours) et jeta un coup d’œil à sa montre. Vingt-trois heures. Heureusement que les préfets-en-chef n'avaient pas à se soucier du couvre-feu...

- Ils n'accepteront jamais de venir alors qu'ils sont "malades", ils vont dire que nous sommes tyranniques. Et si les gens patrouillent seuls, ils vont râler parce qu'ils vont faire une ronde en plus que leur binôme et on aura plein de plaintes, ça sera pire.

Certains préfets étaient très impliqués, comme la studieuse Amely Anderson, mais certains ne supportaient pas de faire des heures supplémentaires.

- Et il est hors de question que toi et moi fassions une ronde tous les soirs pour compenser, déclara-t-elle en se penchant vers lui.

James approuva d'un hochement de tête lorsque Marlene affirma que certains préfets seraient capables de se plaindre s'ils faisaient une ronde de plus que leur binôme : elle avait raison, et c'était désolant. Être préfet était un rôle important, un privilège que leur donnait les professeurs ! Certes ils avaient peut-être un peu plus de travail que les autres mais il était de leur devoir de le faire - et sans se plaindre de préférence ! Mais tout le monde ne pensait pas comme lui, malheureusement, et c'était bien pour ça qu'ils étaient là, à vingt-trois heures, à s'arracher les cheveux sur un planning.

Le jeune homme esquissa un petit sourire lorsque Marlene déclara qu'il était hors de question qu'ils fassent une ronde par soir ensemble... James se pencha également vers elle et saisit une de ses mèches de cheveux qu'il enroula délicatement autour de son doigt.

"Tu es sûre que ça te dérangerais tant que ça ? Je suis certain qu'on pourrait utiliser ce temps ensemble... lâcha-t-il.

Depuis près d'un mois et demi, Marlene et lui continuaient à se fréquenter ponctuellement : lors de leurs rondes, lors de certaines sorties à pré-au-lard... Évidemment, devant le reste du monde, ils se haïssaient cordialement. Mais James devait bien avouer qu'il commençait à apprécier la jeune femme - même si elle restait toujours aussi agaçante...

Marlene dû se faire violence pour retenir le sourire en coin qui menaçait de naître sur ses lèvres lorsque James se pencha vers elle pour saisir une mèche de ses boucles brunes entre ses doigts.

- Comme si on ne passait pas déjà trop de temps ensemble, répliqua-t-elle d'un ton narquois.

Elle aurait menti en disant qu'elle n'appréciait pas ses instants, voire même qu'elle ne les recherchait pas mais cela restait un sujet délicat pour elle. Elle n'est pas sûre d'elle, n'avait pas confiance en elle alors l'idée de se laisser aller... Elle préférait la fuite. Évidemment, elle ne parlait pas de tout cela - elle rougissait rien que d'y penser - et se réfugiait comme toujours derrière une pointe d’agressivité si ce n'était de moquerie.

- Vu notre efficacité, Poudlard pourrait prendre feu qu'on ne le saurait même pas.

"Certes..." concéda James lorsque Marlene lui rétorqua qu'ils passaient déjà trop de temps ensemble.

C'était vrai, en soit, ils étaient effectivement souvent tous les deux. Mais ils étaient tous les deux préfets-en-chef, ils avaient forcément des choses à mettre au point entre eux, voilà tout... Du moins, c'était ce que James aimait se dire - parce qu'il n'avouerait pour rien au monde qu'il aimait de plus en plus la compagnie de Marlene.

"Enfin, Marlene, tu ne vas pas renoncer à tes obligations de préfète-en-chef, sous prétexte que tu ne veux pas passer du temps avec moi, ce n'est pas sérieux..." la provoqua James en imitant son sourire narquois.

Parce qu'il savait bien, au fond, que ça ne la dérangeait pas plus que ça, d'être avec lui. Du moins, il le supposait - sinon, elle aurait mit un terme à cette relation depuis longtemps, n'est-ce pas ?

"Et pour ta gouverne, je suis toujours attentif. Même dans ces moments là. !" répondit le jeune homme. "Ce serait bien dommage de finir brûlés..." plaisanta-t-il en relâchant la mèche brune de la jeune fille avec laquelle il jouait depuis tout à l'heure.

- Moi je ne suis pas sérieuse ? C'est toujours moi qui veut qu'on patrouille sérieusement, au début ! Et c'est toujours toi qui nous en empêche ! répliqua Marlene avec toute la mauvaise foi du monde (d'ailleurs, s'il y avait bien un domaine dans lequel elle était doué, c'était bien la mauvaise foi et l'art de se voiler la face.)

Elle lança à James un regard sceptique - encore un domaine dans lequel elle était doué, tiens - lorsqu'il affirma qu'il était toujours attentif même lorsqu'ils se laissaient un peu aller à s'embrasser dans des recoins de couloirs. Elle-même devait reconnaître, en son for intérieur évidemment, qu'elle perdait un peu la notion du temps et de la concentration lors des moments qu'ils passaient tous les deux et qu'elle appréciait un peu trop. Ce n'était pas raisonnable, elle le savait et lorsqu'elle s'était lancée dans cette drôle de relation, elle s'était promis que c'était l'histoire d'une fois ou deux puis les jours avaient passés et les semaines aussi... Elle savait que ce n'était pas raisonnable et se sentait souvent mal à ce sujet mais en même temps, elle n'arrivait pas à s'en passer.

- Ah oui ?

Prenant appui sur ses coudes, elle se pencha par dessus le bureau pour l'embrasser longuement, glissant derrière son oreille une mèche de cheveux qui s'était échappée. Elle finit par se rassoir correctement sur sa chaise, jetant au passage un coup d’œil à la porte de la salle de classe pour vérifier qu'elle était toujours bien fermée.

- Tu ne m'as pas semblé très concentré, là, James.

Un sourire satisfait s'étira sur les lèvres de James lorsque Marlene se pencha vers lui. Il savait qu'elle allait réagir comme ça - et cela avait été si tentant de lui tendre la perche. Le jeune homme glissa une main dans les cheveux de la Serpentard et répondit à son baiser sans se faire prier. Sans parvenir à se l'avouer véritablement, James attendait réellement ces moments-là, qu'ils passaient tous les deux. Il aimait la compagnie de Marlene - autant pour ses baisers et que pour sa verve. C'était étrange, confus. Mais infiniment plaisant.

Lorsqu'elle se recula, le Poufsouffle l'observa longuement, un sourire en coin sur les lèvres. Il laissa distraitement un doigt courir sur le dos de la main de la jeune fille.

"Je suis toujours très concentré." rétorqua-t-il - c'était faux bien, évidemment, lui aussi perdait complètement la notion du temps lorsqu'il était avec Marlene.

C'était d'ailleurs comme ça qu'ils se retrouvaient à rentrer à des heures impossibles dans leur dortoir respectif, alors qu'ils avaient cours le lendemain...

"Je suis un homme parfaitement respectable, miss Barclay ! " affirma James en portant la main de la jeune fille à ses lèvres pour y déposer un léger baiser.

- Puisque tu es si concentré, ça serait comme bien qu'on arrive à la résolution de ce planning, je n'ai pas très envie d'y passer la nuit, affirma Marlene en poussant la feuille vers lui.

Parce qu'elle avait beau passer les trois quarts de son temps de préfète à batifoler avec son homologue, elle gardait tout de même certaines priorités à l'esprit... Ce planning, elle devait le communiquer au Professeur Greengrass sous peu et n'avait pas très envie d'expliquer pourquoi il n'était pas fait alors qu'elle et James avaient passé la soirée dessus tous les deux. Elle ne put retenir un rire, presque - et elle tient à insister sur le presque - attendrie lorsqu'il saisit sa main pour y déposer un léger baiser.

- Ne joue pas les jolis cœurs avec moi, James Carter, tu sais très bien que cela n'a jamais fonctionné.

Reprenant sa main, mais avec douceur, Marlene saisit l'élastique à son poignet pour remonter ses cheveux en queue de cheval avant de défaire le premier bouton de son col de chemise, reprenant son stylo pour le faire tourner entre ses doigts. Elle releva ses yeux sombres sur James tandis que le Nimbus passait au dessus d'eux, ayant un peu perdu de la vitesse.

- Tu ne te dis jamais que ce qu'on fait, c'est une bêtise ? lança-t-elle après un court silence.

"Bien sûr que si, ça fonctionne." répliqua James avec un léger sourire.

Disons que Marlene et lui, depuis qu'ils entretenaient cette étrange relation, ne se lançaient plus autant de piques. Du moins, pas aussi violentes que les premières. Il y en avait - évidemment, leur relation était basée sur leur animosité - mais c'était... différent. Et ce n'était pas forcément moins plaisant, James devait bien l'avouer. Il esquissa un petit sourire lorsque la main de Marlene vint défaire un des boutons de sa chemise, et se força à relever les yeux - il était bien élevé, tout de même. Bien que...

Il s'apprêtait à reprendre la parole, lorsqu'elle le prit de court avec une question à laquelle il réfléchissait déjà suffisamment de son côté. Parfois, quand James songeait à cette étrange relation qui le liait à Marlene, il était persuadé qu'ils faisaient une erreur, et qu'ils feraient mieux de s'intéresser à des personnes qui leur plaisaient vraiment. Pourtant, lorsqu'il regardait la jeune fille, il n'arrivait pas à qualifier tout cela de bêtise. Il se demandait s'il n'avait pas développé une sorte d'affection pour elle.

"Non, je ne pense pas. Je veux dire, nous sommes tous les deux assez grands pour gérer cette relation, et pour lui poser des limites. Et puis... Je ne sais pas, mais tant qu'on apprécie ce qu'on fait, ça ne peut pas réellement être une bêtise. C'est juste comme ça, tu sais ?" lui demanda-t-il, en reprenant ses mots. "Qu'est-ce que tu en penses ?"

Marlene retint un sourire lorsque James affirma que si, cela fonctionnait. Elle n'avait pas envie de lui donner raison mais en même temps, il n'avait peut-être pas complètement tort. Hypothétiquement dans un monde parallèle, peut-être même qu'il aurait pu avoir raison. C'était des choses qu'elle détestait reconnaître et c'était aussi pour cela qu'elle prenait sur elle, même lorsqu'elle était amusée, quand ils étaient ensemble. Durant six ans, ils avaient passé leur temps à se disputer dès qu'il se croisait et ce changement, même s'il était relatif vu que des conflits éclataient encore, était perturbant. Marlene n'aimait pas les changements. Et Marlene n'aimait pas être perturbée ou confuse ce qui était plutôt embêtant ces derniers temps...

Elle fixa James lorsqu'il répondit à sa question, haussa les épaules lorsqu'il la lui retourna. Elle ne savait pas vraiment même si elle passait parfois des heures à y réfléchir avant de s'endormir. Le fait étant qu'elle n'avait pas tant envie que ça de trouver une réponse claire, sûrement parce qu'elle ne voulait pas en tirer les conséquences quelles qu'elles puissent être.

- Je ne sais pas, répondit-elle sincèrement J'essaye de ne pas y penser. C'est juste que... Parfois je me dis que ce n'est pas vraiment à ça quand j'avais pensé quand j'avais imaginé fréquenter quelqu'un.

A vrai dire, l'idée d'une relation chez Marlene se rapprochait plus des aventures de Peggy Black, l'héroïne de Mildred Magpie qu'autre chose, et il suffisait de voir ses lectures - elle ne s'en cachait pas et la suite des Hauts de Hurlelune était justement posée sur la table - pour s'en rendre compte.

Marlene avait raison : ce n'était pas exactement le genre de relation qu'il s'attendait à avoir. Et pourtant... Pourtant, ce n'était pas si mal. Ils se disputaient, certes, mais ils avaient aussi de grands moments de complicité, d'intimité. C'était étrange, cette envie de passer du temps avec la jeune fille, alors qu'il était persuadé de ne pas la supporter. C'était étrange, mais, il avait fini par s'y accoutumer. C'était loin de la relation qu'il avait pu avoir avec Kessy, il devait bien l'avouer. Mais c'était bien.

Simplement, il savait que Marlene était une romantique dans l'âme - il suffisait de voir ses lectures pour le savoir. Et, effectivement, il pouvait concevoir que c'était perturbant, de passer une partie de son temps à embrasser un garçon, sans avoir envie de sortir avec lui. Quand il le pensait ainsi, cela faisait très Kelsey Lorgan et Killian Gray. Et pourtant, c'était différent. Il ne pourrait pas expliquer en quoi, mais ça l'était.

"C'est mieux ?" lança-t-il avec un sourire impertinent en se levant de sa chaise pour contourner la table et rejoindre la préfète-en-chef.

Il fit glisser ses mains dans ses cheveux et se pencha vers elle pour l'embrasser longuement, avant de faire glisser ses lèvres dans son cou pour y déposer quelques baisers.

"C'est beaucoup mieux ?" plaisanta-t-il lorsqu'il se recula, toujours souriant.

Parce qu'il préférait nettement embrasser Marlene plutôt que de tenter d'analyser ce qu'il ressentait.

Marlene ferma les yeux lorsque James l'embrassa et parcourut son cou de baisers et ne put cette fois-ci retenir un rire tandis qu'il se reculait, impertinent. Croisant ses bras sur sa poitrine, elle s'appuya contre le dossier de sa chaise sans quitter son camarade du regard.

- Je ne vois pas ce que ça change, répliqua-t-elle simplement, un sourire au coin des lèvres. Après tout, on fait ça depuis des semaines et des semaines.

Les choses s'étaient un peu égarées parfois mais elle avait toujours renoncé au dernier moment, un peu à contrecœur mais surtout effrayée. Elle avait encore des idées préconçues sur ces choses-là dans la tête et des grands idéaux romantiques auxquels elle peinait à renoncer, même s'ils vacillaient parfois... Saisissant les Hauts de Hurlelune, elle l'ouvrit à un passage soigneusement sauvegardé grâce à un marque-page hibou. A ce moment de l'histoire, Peggy et son beau Feodor avançaient main dans la main pour s'en aller pourfendre la terrible malédiction des Black sous une douce et romantique nuit étoilée.

- Mais crois-moi, cela n'égale pas les vraies histoires d'amour.

James esquissa un sourire suggestif à la remarque de Marlene, sans en dire plus. Leur relation avait plusieurs fois failli... évoluer mais la jeune fille avait toujours renoncé au dernier moment. C'était excessivement frustrant, mais il comprenait qu'elle ait besoin de temps pour se sentir prête - si jamais un jour elle se sentirait "prête" avec lui, évidemment. Pourtant, tout ce mythe autour de la "première fois" agaçait James plus qu'autre chose - Marlene le traiterait probablement de goujat si elle le savait d'ailleurs - mais il respectait.

"Les vraies histoires d'amour ?" répéta James en haussant les sourcils, un brin moqueur.

Il avait beau respecter le choix de Marlene, il ne pouvait pas s'empêcher de la taquiner sur son pseudo romantisme tiré des livres, qui ne manquait pas de le faire rire à chaque fois.

"Tu as bien conscience que ce que tu lis dans les livres, ce n'est pas la vérité ?" interrogea-t-il en souriant. "Que l'histoire d'amour entre Peggy Sue et... Feodor déclara James après avoir jeté un coup d'oeil au livre n'est absolument pas crédible ?"

Tellement pas que, de ce que James en savait, cela en était risible - et il voulait bien le croire.

Voir l'air amusé de James ne fit que braquer Marlene qui le fusilla du regard. Peggy Black était son héroïne préférée - elle était belle, courageuse, intelligente et aimée de tout le monde - et Mildred Magpie était assurément son écrivaine favorite. Elle savait que les livres étaient souvent moqués mais elle, elle les adorait. Heureusement qu'elle pouvait partager sa passion avec Emma qui la comprenait !

- Et pourquoi est-ce que cela ne serait pas crédible ? interrogea-t-elle d'un ton impérieux. De toute manière, je suis certaine que tu n'as jamais lu les livres, tu ne peux pas juger !

Non mais. Peggy et Feodor vivaient une très belle histoire, pleine de passion et de rebondissements et il ferait assurément tout pour elle, même combattre l'immonde sorcier Guacamole ! James Carter avait assurément le romantisme d'un Strangulot des vases et ce n'est sûrement pas lui qui allait lui donner des leçons sur les relations sentimentales. Non mais sérieusement, sortir avec Kessy Brooks ?

- Puisque tu te crois si malin, c'est quoi selon toi une histoire crédible ?

"Qu'est-ce que tu en sais ?" rétorqua James lorsque Marlene affirma qu'il n'avait jamais lu de livres. Bien sûr qu'il lisait, pour qui se prenait-elle, à le juger comme ça ? D'ailleurs, comment pouvait-il être ami avec Amely s'il n'avait jamais touché un livre de sa vie ? Elle le renierait. Alors, évidemment que James était sûrement moins porté sur les livres que d'autres personnes, mais il n'était pas un inculte macho et stupide pour autant !

"Une histoire crédible, c'est déjà une histoire où l'héroïne est crédible. Et excuse-moi mais Peggy Black... Comment une fille peut être tout ça à la fois ? Fragile et forte ? Elle est pratiquement indestructible, elle n'a aucun défaut !" déclara-t-il en levant les yeux au ciel.

"Et puis, ce n'est pas crédible comme histoire d'amour ! C'est juste... Pleins de clichés. Le romantisme, ce n'est pas ce ramassis d'idées préconçues, et de nuits d'amour au clair lune ! Qu'on se le dise, l'idée était ridicule. "Pour moi c'est... Hum, disons, connaître l'autre si bien que tu peux avoir à son égard des attentions toutes particulières, qui lui tiennent à cœur. Des petites attentions quotidiennes, qui lui font plaisir, même si elles sont parfois insensées." lança James, un peu hésitant - depuis quand dissertait-il sur le romantisme avec Marlene, lui ? "Puis, je ne sais pas, le romantisme, c'est surtout être présent pour l'autre personne, et l'accepter entièrement, non ?" Évidemment qu'un bouquet de fleurs faisait plaisir, mais ce n'était pas le principal !

- Parce que tu n'es pas du genre à lire les Hauts de Hurlelune, pas besoin d'être à Serdaigle pour le savoir ! De toute manière, vous les garçons vous ne comprenez jamais rien.

Les explications de James sur Peggy Black ne la convainquirent pas vraiment : bien sûr que si une fille pouvait être tout cela à la fois ! C'était bien pour cela qu'elle était une héroïne : elle était hors du commun et vendait du rêve et c'est bien ce qu'on attendait d'elle et des histoires de Mildred Magpie. Marlene n'avait pas besoin de lire des histoires sur les gens que l'on croisait tous les jours, c'était son quotidien. Elle, ce qu'elle voulait, c'était s'évader en lisant. Par contre, sur le romantisme... Peut-être qu'il n'avait pas entièrement tort. Sur un ou deux points. Mais plutôt que de le reconnaître, elle préférait se taire. Depuis quand était-elle d'accord sur la définition du romantisme avec James Carter ?

- De toute manière, ce n'est pas la question, répliqua-t-elle abruptement en reposant les Hauts de Hurlelune sur la table dans un claquement sourd. Je ne vois même pas pourquoi on en parle, ça ne nous concerne même pas. N'est-ce pas ?

C'était lorsque Marlene devenait insupportable - dans ces moments là, où elle refusait d'admettre qu'il avait complètement raison - qu'il la trouvait réellement belle. Elle avait quelque chose de différent, d'intense, qui lui plaisait réellement. Et pourtant, il ne parvint pas à s'empêcher de soupirer lorsqu'elle reposa son livre dans un bruit sourd. Ils étaient en conflit sur tout, sur absolument tout. C'était épuisant, et particulièrement délicieux, de s'opposer à Marlene.

"Non." répondit James d'un ton un peu abrupt. "Ça ne nous concerne pas." répéta-t-il, en vrillant son regard dans celui de la jeune fille.

Effectivement, il n'avait pas à jouer les petits-amis romantiques avec Marlene, qui, visiblement ne le désirait pas - et bien heureusement ! James allait reprendre la parole, puis se ravisa. Il ne cessait pas de se chamailler avec Marlene, et commençait - légèrement - à saturer. Et s'il y avait bien un sujet sur lequel ils s'entendaient...
Attrapant les mains de la jeune femme pour l'inciter à se lever, James glissa ses mains sur sa taille. Il captura ses lèvres en un baiser passionné - au moins, lorsqu'ils s'embrassaient, ils ne parlaient pas. Il finit par reculer légèrement pour venir poser son front contre celui de Marlene, le souffle court.

Le silence était ce qui leur convenait songea Marlene en entendant James lui répondre sèchement. Ils étaient incapables de trouver une entente : cela finissait toujours en dispute. Elle avait l'impression que James l'exaspérait en permanence et pourtant elle ne pouvait pas s'empêcher de le revoir. Tout couper aurait pu être une solution, se limiter aux contacts imposés par leurs fonctions mais même si elle avait plusieurs fois eu l'intention de le faire, elle n'avait jamais pu s'y résoudre.

Lorsque James glissa ses mains dans les siennes pour qu'elle se lève avant de l'embrasser, Marlene songea une nouvelle fois que c'était définitivement le silence qui leur convenait le mieux. Laissant derrière elle ses idées belliqueuses, elle remonta sa main dans la nuque de James pour l'attirer un peu plus contre elle jusqu'à leur séparation. S'appuyant contre le bureau, elle ne reprit pas la parole, concentrée sur le vertige que lui avait donné l'étreinte. C'était toujours dans ces moments-là qu'elle était partagée entre ce qu'elle avait appris et ce désir d'aller plus loin. Les mots qu'il avait prononcé tout à l'heure sur le fait que ce qui se passait entre eux n'était pas mal s'ils le voulait tous les deux lui restaient en tête... Elle pouvait toujours espérer vivre comme dans un conte de fées mais elle n'était pas Peggy Black et ne le serait jamais. La réalité c'était ça, pour le moment, c'était James. Elle pouvait toujours attendre le moment parfait, le garçon parfait, l'endroit parfait mais... Le moment parfait n'était-il pas après tout celui qu'elle décidait ?

Sans relever les yeux, elle entremêla leurs mains avant de se redresser pour embrasser James de nouveau, le cœur battant à la fois d'envie et d'appréhension, d'un long baiser qui en disait beaucoup.

James posa son front contre celui de Marlene, le souffle court et les yeux fermés, essayant de toutes ses forces de réprimer cette nouvelle envie de l'embrasser, encore et encore. Elle n'était pas prête s'asséna-t-il, et elle le lui avait bien fait comprendre, les quelques fois où elle l'avait laissé seul - c'était réellement frustrant, mais il comprenait.

Il allait se reculer avec une petite plaisanterie, lorsque la jeune fille entremêla leurs mains et se redressa pour l'embrasser. James répondit au baiser, à la fois surpris et heureux. Il glissa ses mains dans le dos de Marlene pour la rapprocher de lui, et profita pleinement de l'étreinte qu'elle lui offrait.

James finit par se reculer légèrement, posant une main sur la joue de la préfète-en-chef, l'obligeant à le regarder. Il lui adressa un petit sourire, tandis que son regard accrochait le sien. Défaisant les deux premiers boutons du haut de la chemise de Marlene, James se pencha vers elle pour déposer des baisers au creux de son cou, tandis qu'il laissait ses mains courir dans le dos de la Serpentard. Toutefois, il était prêt à s'éloigner au moindre refus de la jeune fille, n'ayant aucune envie de la braquer.

Car, à bien y réfléchir, ce n'était pas exactement la vision de l'amour de Marlene Barclay, d'embrasser son homologue masculin dans une salle de classe vide à une heure indécente de la nuit... Cela n'avait rien de parfait, James le concevait : et pourtant, cela en avait l'aspect, étonnement.

Est-ce que Marlene était sûre de ce qu'elle faisait et de ce qu'elle voulait ? Pas le moins du monde. Elle qui était d'habitude si prudente au point parfois d'en être lâche n'avait pas l'habitude de prendre des décisions sur un coup de tête, surtout pas celles qui semblaient aussi importantes à ses yeux. Et pourtant à cet instant précis, il lui était difficile de penser à autre chose que les mains de James dans son dos et ses lèvres contre les siennes. Le souffle un peu court, Marlene croisa le regard de ce dernier l'espace d'un instant sans reculer.

Est-ce qu'elle regretterait ? Elle n'en savait rien et avait éloigné toutes ces questions de son esprit pour le moment, sûrement à tort. Mais pour une fois, une seule fois, faire quelque chose parce qu'elle en avait envie sans se soucier de tout le reste, quelque chose juste pour elle, elle qui vivait pour le regard des autres. Alors elle glissa ses bras autour du cou de James et ferma les yeux, remettant tout le reste au lendemain.

Juste pour une fois.

FIN DU RP