Scandale et Communication [PV Isobel]

27 septembre 2008


C'est d'un pas décidé que la rédactrice en chef de Multiplettes s'était engouffrée dans les allées du Ministère, et au vue de son regard empreint de détermination, rien ne semblait pouvoir entraver sa marche en avant. L'outrancière journaliste en avait marre de jouer au chat et à la souris avec Leopold Marchebank, se demandant même si ce dernier ne cherchait point à l'esquiver plutôt que d'avoir la volonté de bâtir des liens indéfectibles avec Multiplettes. Pourtant Merlin en était témoin, le journal à scandale avait joué un rôle clef dans l'élection de ce dernier; Mildred Magpie n'hésitant point à user de ses talents de romancière pour glorifier chacune de ses actions, et faire de ce candidat le sauveur tant espéré de tout un peuple! Depuis les évènements tragique du Bloody Sunday, le Monde Magique avait besoin d'une figure de proue qui puisse redonner l'espoir et l'envie de croire en des lendemains enchanteurs; Par ses articles élogieux, Mildred s'était chargée de tisser la légende du candidat Marchebank et du FREE!

A vrai dire, la sorcière rousse n'avait point de véritable conscience politique; De son point de vue, tout n'était qu'une question d'intérêt et de savoir miser sur le bon cheval au moment opportun. En effet, si Voldemort avait triomphé, la journaliste n'aurait pas hésité une seconde à s'arracher le nez s'il fallait en passer par là pour entrer dans son cercle. Que voulez-vous, en agissant de la sorte, elle ne cherchait qu'à survivre et conserver ses privilèges dans un monde parsemé de violence. Ne point se retrouver du mauvais coté de l'équation, voila son cheval de bataille! L'important pour cela, étant de toujours retourner sa veste de tailleur channel du bon coté, c'est à dire celui des puissants...

Sombrer dans l'anonymat et perdre toute influence, voilà l'une des pires craintes de la native de Bristol! Cette dernière avait un besoin presque viscérale de reconnaissance, et cela se reflétait dans son travail. Elle cherchait de manière presque maladive à entretenir sa célébrité, ses lecteurs, ses clients! Au point d'en oublier de vivre parfois. A vrai dire, sans le savoir, Mildred n'existait qu'au travers du regard des autres. Que laisserait-elle de son passage sur terre? Des ragots, des scandales? A l'instar de Multiplettes, qui ne subsistait que tant qu'il y aurait des lecteurs voyeuristes à la recherche d'informations racoleuses; La vie de Mildred Magpie était d'une pauvreté affligeante et ne reposait concrètement que sur sa notoriété médiatique. C'est pourquoi, elle cherchait à défendre cette dernière avec tant d'acharnement! Elle qui ne pouvait que vivre dans la lumière, redoutait le moment où on finirait par la ranger définitivement dans la catégorie Ô combien redoutée des "Has Been". Nul doute que cela serait le début d'une longue et affreuse agonie, pour cette femme qui ne cherchait en vérité qu'une chose : Être adulée...

Ce rêve d'influence se reflétait bel et bien dans ses nombreuses tentatives infructueuses pour obtenir un rendez-vous avec Leopold Marchebank. Depuis des mois, elle envoyait hiboux, invitations et patronus au Ministère. Mais celui-ci demeurait aussi muet qu'une carpe morte. Mais pourquoi se priver de ses talents de journaliste? D'une simple interview? Mildred Magpie ne voulait qu'une chose, être prise régulièrement en photo auprès du ministre de la magie, de manière à accroitre sa notoriété. En effet, apparaitre auprès d'une personne aussi influente et respecté que le ministre de la magie actuel lui donnerait le crédit qui lui faisait encore défaut. Ainsi Multiplettes deviendrait un média de référence qui s'imposerait comme étant la seule source d'information crédible du Monde Magique. Quel camouflet se serait pour ses détracteurs! Mildred Magpie avait bien réussit a écrasé Sorcière Hebdo et Rita Skeeter, son modèle d'antan et sa source d'inspiration. Elle en ferait de même avec "La Gazette des Sorciers" ou "Gringotts Times". Quel plaisir se sera alors, que de pouvoir enfin écraser sous son talon, l'infâme et prétentieux William Scavo!

C'est pourquoi, cette rencontre avec le ministre Marchebank revêtait une importance capitale, et qu'elle vivait particulièrement mal le fait se sentir snobée par le politicien. Mais même pour un ministre de la magie, il n'était guère aisé de réchapper à la plume à papote de Mildred Magpie, surtout lorsque celle-ci vous avait dans le collimateur. Notamment depuis la violente guerre des gangs qui avait embrasé le centre de Bristol, où la journaliste à scandale s'inquiétait de ne point voir le Ministre rétablir l'ordre public. Depuis les émeutes, sa clientèle apeurée ne venait plus en masse se divertir dans son cabaret des "Folies Sorcières", et cette perte effective en galions commençait à l'affecter davantage que le décès tragique de sa belle-sœur. C'est dire comme le situation devenait critique sur Bristol et qu'il fallait y remédier d'urgence! Mildred Magpie avait de nombreuses requêtes à soumettre au ministre, et elle comptait bien jouer de son influence pour se voir octroyer de nombreux privilèges.

En vérité, elle espérait pouvoir organiser au sein de son club privé des Folies Sorcières, une rencontre secrète entre le Ministre et son petit protégé Roy Calder, dans le but de nettoyer les rues de Bristol de la vermine qui s'y propageait.  Ses nombreux courriers étant restés sans réponses, il ne lui fallut guère de temps pour couvrir le chemin qui reliait Bristol à la capitale londonienne. Elle avait obtenu de Jacob, un laisser-passer lui permettant d'accéder à l'étage où tous ses espoirs de grandeurs reposaient. Depuis la mort de Swann, son demi-frère n'était plus qu'un torrent de haine qui voulait emporter jusqu'au dernier malfrat de la voie des Miracles, et il n'avait pas été très compliqué pour Mildred de lui faire comprendre qu'il pouvait y parvenir par le biais d'une rencontre secrète sur Bristol. Jacob aurait sa purge, mais Mildred tenait à protéger son Caldounet de celle-ci. Car son beau gangster au teint hâlé, lui avait faite doubler ses gains en diversifiant ses activités, et elle ne voulait point affecté le commerce des Folies Sorcières. Bref le Ministre de la Magie était la clef qui solutionnerait le problème, et qui rendrait possible cette entrevue capitale!

Malheureusement, Mildred ne se doutait point encore de la difficulté de pouvoir s'adresser en personne à un homme aussi demandé que Leopold Marchebank. Surtout lorsque aucun rendez-vous n'était établit. Mais que voulez-vous, à trop vouloir jouer la sourde oreille avec elle; Mildred Magpie était bien obligée de se déplacer! A occasion unique, tenue unique, Mildred Magpie avait revêtu son tailleur rose préféré pour se présenter au ministre de la magie, et c'est pleine de confiance qu'elle toqua à la porte du bureau de Leopold Marchebank. Lorsque la porte pivota, le sourire de la journaliste se fana quelque peu alors qu'elle constatait que ce n'était pas Leopold Marchebank qui venait de lui ouvrir, mais une sorte de secrétaire personnelle du ministre. La jeune potiche qui se tenait en face d'elle, avait beau avoir la silhouette parfaite d'une meneuse de revue au sein de son cabaret, mais elle n'était pas la personne que souhaitait rencontrer Mildred Magpie. Après l'avoir examinée de la tête au pied, et jetée un bref coup d'œil à ce qui semblait être l'antichambre du bureau du Ministre, Mildred adressa son plus beau sourire à la secrétaire de direction.


"Bonjour jeune demoiselle! Je souhaiterai m'adresser au Ministre Marchebank. Vous n'avez qu'à lui dire que Mildred Magpie le demande. Il se trouve que je lui ai envoyé un hibou, le prévenant de ma venue de Bristol... "

La rédactrice en chef appuya alors un sourire forcé à la secrétaire, de manière à lui faire comprendre poliment qu'elle était pressée et ne voulait point perdre son temps avec une simple employée du ministre...

Le sourire de Mildred se volatilisa, quand la jeune femme effrontée lui signifia qu'elle ne pouvait espérer rencontrer le ministre sans l'ombre d'un rendez-vous. Rien que l'idée de devoir poireauter une journée entière dans l'attente d'un éventuel entretien qui ne viendrait jamais, avait de quoi lui soulever le cœur. Par la barbe de Merlin! Cela faisait des lustres qu'elle le réclamait ce maudit rendez-vous! Cette jeune pimbêche qui se trouvait ne pas être la secrétaire personnelle de Leopold Marchebank, osait mettre des bâtons dans les roues de son carrosse doré d'ambition. Mais pour qui se prenait-elle? Elle n'avait point trois têtes, ni même la carrure du chien des enfers, et pourtant elle jouait à la perfection son rôle de Cerbèrine! Mildred lui adressa un regard piquant, alors qu'elle refermait la porte derrière elle. Il y avait quelque chose chez cette maudite sentinelle du ministre qu'elle n'aimait pas. Peut-être cette assurance décomplexée dont faisait preuve trop souvent les belles jeunes femmes, consciente de leur beauté et du pouvoir de leur féminité. Derrière le sourire qui se voulait professionnel se cachait sans doute une personne exécrable, à qui la vie et les hommes n'avaient jamais rien osé refuser. L'espace d'une seconde, Mildred vit le fantôme de cette voleuse de rêve de Marlene McKinnon, venir se cacher derrière le visage pétrit de confiance de cette peste du Ministère. Si la rédactrice en chef de Multiplettes écoutait ses émotions plus que sa raison, elle lui aurait volontiers arrachée une mèche de sa tignasse à cette jeune effrontée; Mais voila, Mildred avait une mission à accomplir, et elle ne gâcherait pas cette chance formidable qui s'offrait à elle. Un nouveau sourire mielleux de la sorcière rousse témoigna qu'elle ne lâchait pas l'affaire, bien au contraire.

"Vous ne me raccompagnerez nulle part, jeune demoiselle. Je me suis déplacée en personne de Bristol pour rencontrer le ministre, et je ne suis pas prête à lui tourner les talons! Avec ou sans votre aide, je parviendrai à mes fins! Cela fait des jours, que dis-je, des mois que je réclame en vain un rendez-vous avec monsieur Marchebank, alors vous comprendrez que je commence sérieusement à perdre patience... "

Quitte à provoquer un scandale, Mildred Magpie ne reculerait point devant l'adversité! Aussi déterminée qu'une hyène voulant rogner son os, la journaliste ne craignait point d'avoir à affronter le service d'ordre du ministère, sachant que ce genre d'intervention musclée faisait désordre et alimenterait forcément les gros titres de son quotidien adoré. Quel comble cela serait alors pour un ministre qui se la jouait à l'écoute de se retrouver mêlé à une mesure d'expulsion! Mildred Magpie braqua alors un regard empreint de sous-entendus sur la jeune femme, pour bien lui faire comprendre tous le poids de sa responsabilité. D'une voix faussement aimable, Mildred engagea les hostilités.

" Ne vous méprenez point sur mes intentions, jeune demoiselle, je ne cherche nullement à créer l'esclandre. Je veux simplement m'entretenir avec le Ministre sur les évènements tragiques qui ont secoué dernièrement Bristol. J'ignore qui vous êtes, et quelle fonction vous occupez au sein de ce ministère, mais si j'étais vous : J'irai de ce pas avertir de ma venue ce cher Ministre Marchebank. J'imagine que vous ne voulez pas vous retrouver à l'épicentre d'un scandale, n'est-ce pas? "

Cherchant un point faible à sa Cerbèrine, le regard de pie de Mildred Magpie examina de plus près le physique avantageux de celle-ci. Rapidement, la rédactrice de Multiplettes dénota une singularité, quant à sa couleur de peau, qui trahissait un métissage et des origines plus exotiques. Si cette caractéristique physique lui plaisait carrément quand il s'agissait du beau teint hâlé de son Caldounet, ou d'autres beaux jeunes hommes, il n'en était pas de même pour cette employée du ministère. Dans son for intérieur, elle se défendait d'être raciste, car elle ne nourrissait aucune forme de haine à l'égard des étrangers. Mais elle nourrissait une pensée politique profondément protectionniste, et un ressentiment à l'égard de ceux qui venaient dérober le travail des honnêtes citoyens anglais. Cette pensée simpliste et au combien racoleuse, avait sans doute germée durant la période où elle s'était retrouvée dans le besoin et en panne d'inspiration littéraire. En effet, au cours de cette époque sombre de sa vie, la romancière brisée avait ressentit le besoin de trouver des coupables à son malheur. Bien vite, les discussions de comptoir des tavernes malfamées de Bristol lui fournirent bien plus de boucs émissaires qu'il ne lui en fallait pour oublier ses propres déconvenues. Mildred était ainsi, elle suivait le sens du vent, quitte à devoir sombrer dans les égouts les plus putrides du genre humain.

Bien que désireuse de poursuivre son examen et de connaitre la provenance du sublime ensemble moldu de la jeune femme, Mildred Magpie cessa son observation minutieuse. Elle lança alors une formule qui devait faire mouche et lui ouvrir rapidement les portes du bureau du ministre Marchebank.

" Vous devez savoir que vous commettez une grave erreur, jeune femme. Car en vous obstinant à ne pas répondre à ma requête, vous envoyez un message déplorable au peuple du monde magique : Celui qu'il n'est pas entendu! Car détrompez-vous, ce n'est pas seulement à ma modeste personne que vous vous adressez, mais c'est bel et bien l'ensemble de mes lecteurs désireux d'obtenir des réponses! Imaginer un peu leur déception demain matin, quand ils découvriront en une de Multiplettes, que leur ministre de la magie se montre insensible à leur détresse! Par Merlin! Quel déficit d'image cela serait pour monsieur Marchebank, je n'ose l'imaginer... Je crains malheureusement que vous n'ayez guère le choix..." Mildred marqua une courte pause avant d'ajouter : "Alors? Vous m'ouvrez cette porte? "

Mildred Magpie lança alors à la jeune femme, le même genre de sourire qu'elle aurait rêvé d'afficher jadis à la face de Marlene McKinnon. Un sourire de victoire, et une revanche sur l'adversité! Mildred Magpie se félicitait d'ores et déjà intérieurement de pouvoir rencontrer le Ministre de la Magie en personne. Cela paraissait inéluctable! Personne ne lui enlèverait son instant de gloire...

Le sourire de Mildred se crispa le temps d'un battement de cils lorsqu'elle découvrit enfin la véritable fonction de la chienne de garde de Leopold Marchebank, qui n'avait décidemment plus rien d'une simple secrétaire! Non, pire que cela! Cette Isobel Lavespère était une chargée en communication! Autant dire qu'il s'agissait du genre de personne dont la volonté première était aux antipodes de celle de la journaliste à scandale. Une adepte du politiquement correct qui arrondissait les angles au lieux de les effriter! Tout en sourires affables et phrases convenues, elle pouvait faire passer un génocide pour un simple bal de promo. Bref le genre de fonctionnaire qui avait l'art de plomber les scoops les plus croustillants, et d'éteindre le feu du scandale par des déclaration de presse ou chaque mot était savamment pesé. C'était devenue une nécessité pour les politiciens que celle de cacher leurs viles combines derrière les sourires enjôleurs de belles jeunes femmes. Leopold Marchebank ne manquait assurément pas de goût en matière de beauté féminine. Aussi rafraichissante que élégante, cette chargée en communication avait tout d'une jolie fleur, qui par le simple éclat de ses pétales serait en mesure de rendre agréable la plus triste des tombes. Mildred comprit immédiatement que cette Isobel Lavespère représenterait un obstacle récurrent à sa quête d'information. L'aplomb dont elle faisait preuve, et cette volonté mesquine de l'écarter du bureau du Ministre de la magie, tout cela devenait si limpide à présent. L'employée répondait sans doute à des consignes strictes de la part de son supérieur, comme celle d'écarter la rédactrice en chef de Multiplettes des étages du pouvoir. Voilà que Mildred était  "persona non grata". Une distinction que la reine du scandale acceptait sans peine, tant il s'agissait presque d'une seconde peau dans l'exercice de son métier...

Tandis que la chargée en communication la faisait dévier doucement de sa trajectoire en lui récitant sa petite sérénade diplomatique, Mildred saisit cette opportunité qui lui était offerte. La sorcière rousse fit mine de s'extasier, dissimulant à la perfection sa déception de devoir s'éloigner du bureau du ministre. Son regard fasciné se posa sur l'adepte de la langue de bois.

"Mais pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt! Vous êtes la nouvelle chargée en communication de monsieur Marchebank! Je vous adresse mes félicitations! C'est une noble et rude fonction que vous avez là! Nous serons donc souvent amener à nous rencontrer au détour de communiqué de presse! N'est-ce point merveilleux? "

Sans même se soucier de la distance, et toujours aussi tactile, Mildred administra une accolade chaleureuse à celle qui s'évertuerait sans doute à lui mettre des bâtons dans les roues. Conservant son sourire mielleux, la journaliste finit par se retirer et entama un échange qui se voulait cordial.

"Je vous remercie de bien vouloir m'accorder de votre temps, mademoiselle Lavespère. Mais vous voyez, c'est justement mon implication dans la politique de mon pays et ma conscience citoyenne qui m'ont poussé à franchir les portes du ministère, afin de rencontrer monsieur Marchebank... Mais malheureusement je ne peux pas me permettre de divulguer l'information dont je dispose à une autre personne que le Ministre. Vous comprenez, il s'agit d'une véritable bombe qui va occuper toute l'actualité, et qui ne doit en aucun cas être remise entre n'importes quelles mains innocentes. J'espère que vous m'excuserez... "

Baissant les yeux tristement sur le sol du Ministère, le sourire de Mildred s'évapora alors en un clin d'œil. Elle afficha alors sa mine des mauvais jours, et parut très concernée par la teneur de ses propos.


"J'avoue me sentir tiraillée entre mon devoir d'information, et ma conscience d'honnête citoyenne du monde magique. Car je dispose d'un témoignage qui pourrait totalement décrédibiliser les institutions politiques par lesquelles notre pays est régit, et soulever un climat de révolte dont il sera difficile de se soustraire. Je ne vais pas vous cacher que cette information fera la une de Multiplettes demain matin, et que je ne peux guère attendre plus longtemps pour la délivrer, de peur de perdre son exclusivité. Vous devez me comprendre, c'est mon travail... "

Mildred poussa un long et triste soupir, avant d'ajouter une sentence au combien redoutable pour l'avenir de la chargée en communication.

"Je pense que vous ne saisissez pas encore toutes les conséquences de votre décision. Vous êtes sur le point de commettre une faute professionnelle de tout premier ordre en m'empêchant de rencontrer le Ministre. J'avoue que je vous trouve sympathique, et qu'il me serait franchement désagréable de vous nuire d'une manière ou d'une autre. Alors je vous en prie, pliez-vous à ma demande et faite venir monsieur Marchebank. Ainsi demain matin, vous aurez la encore la chance inestimable d'occuper la fonction de chargée en communication du ministre, plutôt que devoir vous charger de l'archivage magique dans les bas fonds du Ministère. Je crains que vous n'ayez guère d'autre choix malheureusement... "

Un sourire de compassion s'inscrivit cette fois-ci sur le visage au combien conciliant de Mildred Magpie...

Le visage empreint d'une froideur solennelle, Mildred Magpie releva le menton avec fierté tandis que la chargée en communication soulignait l'utilité publique de Multiplettes, et les qualités louables de ce journal dit d'information. Voilà qu'elle la complimentait sur son travail, sa création, son bébé! La journaliste à scandale sonda un instant la jeune employée, à la recherche du moindre indice qui trahirait un sarcasme déguisé ou une intention hypocrite; En tout cas, elle donnait une impression de sincérité. Mildred releva un sourcil inquisiteur et méfiant. Les politiques commenceraient-ils à s'intéresser à son travail? Il faut dire que depuis le Bloody Sunday, son journal écrasait la concurrence! Jadis raillé et conspué par les élites journalistiques du Monde Magique, l'aspect populaire et sans concession de Multiplettes avait attiré un très large public, au point d'être en passe de supplanter la légendaire et intouchable Gazette des Sorciers! Mais voilà, si le journal touchait massivement les masses populaires, avides de ragots fumant et de vérités trashs; Il n'en était malheureusement pas de même avec les élites bien pensantes et le milieu des soi-disant intellectuels. Dans ce monde consensuel, avide du politiquement correct, ou chacun semblait avoir un balai enfoncé dans le fondement; Il était de bon ton de déplier l'infâme Gringotts Times, tout en lâchant des critiques acerbes sur ce torchon de Multiplettes. Nul doute que Mildred aurait besoin d'un soutien haut placé pour s'attirer les faveurs de cette frange de la population, de manière à dé-diaboliser son périodique et rendre populaire à l'ensemble du monde magique. Car Mildred Magpie n'était vraiment pas du genre à se contenter d'une deuxième marche sur le podium, l'essentiel n'étant pas de participer, mais de vaincre!

Mildred sentit d'ailleurs le vent de l'échec souffler un peu trop sur elle, tandis que la chargée en communication se répétait sur l'impossibilité de pouvoir rencontrer le Ministre Marchebank. Mais sa déception fut atténuée par une remarque croustillante de la part de la jeune employée : Celle qu'une grande réforme se préparait au niveau du Département des Jeux et Sports magiques. Sa curiosité fut piquée au vif, et elle comprit bien vite que cette chargée en communication pouvait lui délivrer bon nombre d'informations. Après tout n'était-elle pas la voix du FREE? Celle qui connaissait avant tout le monde les sales petits secrets du Ministère? Pourquoi ne pas s'entretenir avec elle, après tout? Assurément, elle finirait par chuchoter le message qu'elle voulait transmettre à l'oreille du Ministre. Un regain d'intérêt finit par rejaillir des échanges, Mildred se montrant beaucoup moins obtuse et menaçante. Celle que l'on surnommait la "Méduse médiatique" se déraidit même complètement quand cette Isobel Lavespère, alpagua une employée de passage pour la mandater d'aller prendre contact directement avec la secrétaire personnelle du ministre. Mildred se dit alors qu'elle avait enfin réussit à attirer l'attention du ministère sur sa personne, sans avoir à en passer par le scandale. C'était une bonne chose, tant elle rêvait de tisser des liens étroits avec les hautes instances du pouvoir. D'une voix radoucit, Mildred se décida enfin à écarter pour l'heure le vent du scandale, afin d'établir une passerelle de communication entre elle et Isobel Lavespère.

"Pourquoi pas après tout... Nous serons fréquemment amenées à nous rencontrer, et je ne suis pas opposée à l'idée de faire votre connaissance. Par contre, je ne prendrai pas de café, en bonne anglaise et fière de l'être, je ne bois que du thé! "

Bien plus qu'une volonté de suivre les conventions de la bonne société britannique, Mildred ne prenait pas de café, car celui-ci lui donnait d'affreux ballonnement et des maux d'estomac douloureux. A presque cinquante ans, elle surveillait étroitement sa santé, au point d'en devenir parfois presque de nature hypocondriaque. La pointilleuse journaliste surveillait tout, sa seule défaillance en matière de santé étant sa gloutonnerie pâtissière. Mais qui pouvait honnêtement résister à un délice du paradis d'Eden? Mais nul doute, que cette Isobel Lavespère n’était pas là pour discourir sur les sucreries ou autre chou à la crème; Elle ne voulait pas parler cuisine, mais plutôt la cuisiner. Mildred était assez intelligente pour lire clairement dans son jeu, et que les compliments cachent bien souvent des intentions bien plus malveillantes. Mais au bal des hypocrites, la sorcière rousse était une excellente cavalière. C'est pourquoi elle accepta l'invitation et se décida à s'asseoir à une petite table située au centre de ce qui semblait être une salle de réunion. Mildred releva alors un regard aiguisé sur la jeune employée qui venait de se joindre à elle.

"Je veux bien m'entretenir avec vous, Miss Lavespère. Mais à une seule condition! Celle que l'on se parle franchement et sans détours mensongers! Car je veux que vous sachiez, que je ne suis pas née de la dernière pluie, et qu'il est temps que vous stoppiez ce petit numéro hypocrite et quelque peu puéril avec moi! C'est un affront à mon expérience. Je sais très bien que le Ministère, et vous-même, vous me détestez, autant que vous abhorrez mon journal Multiplettes. Et ce, pour la bonne et simple raison que nous sommes une source de scandale, qui colporte certaine vérité que vous voudriez absolument étouffer! Inutile de le nier, Miss Lavespère... "

Mildred Magpie poussa un bref soupir, son regard clair se perdant quelque peu dans le vague.

"Je ne suis peut-être à vos yeux qu'une vulgaire journaliste à scandale, dont il faut se méfier comme on le ferait avec une bête nuisible. Je sais pertinemment que vous persistez à me voir ainsi, comme une sombre menace, alors que j'aspire sincèrement à endosser un tout autre rôle. Car, vous devez savoir une chose à mon sujet... Ma carrière et l'avenir de Multiplettes l'emportent sur toutes autres considérations... "

Au fond d'elle, Mildred Magpie avait toujours nourrie une noble ambition, celle de devenir adulée par le Monde Magique, et de se sentir aimée. Elle rêvait de gloire, de grandeur, de devenir une icône médiatique! C'est pourquoi, elle n'acceptait guère les critiques à son encontre. Car la journaliste cherchait dans son travail une forme de reconnaissance qui la fuyait dans sa vie affective. Mildred voulait devenir une célébrité aimée de tout, et rien ne l'arrêterait. Quel que soit les sacrifices, elle était prête à en payer le prix!

En rédactrice soucieuse de marquer son opposition, Mildred Magpie tiqua quelque peu lorsque la chargée en communication mentionna le nom de son principal concurrent. La Gazette des Sorciers résonnait comme une insulte, qui venait que trop souvent égratigner ses tympans de journaliste à scandale. Quotidien installé depuis des siècles dans le Monde Magique, l'infâme périodique jouissait d'une légitimité et d'une crédibilité qui faisait parfois défaut à Multiplettes. Même si la sorcière rousse ne pouvait réfuter le fait d'avoir affuté ses ongles de journaliste à scandale auprès de certaine figures emblématiques du quotidien historique de l'Angleterre magique, comme son ancien modèle Rita Skeeter; Elle n'éprouvait désormais plus que du dégout et de la rancœur pour la ligne éditoriale. Si Leopold Marchebank et sa clique souhaitait véritablement incarner le changement et le renouveau, en s'appuyant sur un vieux journal séculaire, c'est qu'il se fourrait la main entière dans l'œil. Autant se protéger de la pluie dans un château de sable! Pour Mildred Magpie, il ne fallait point prendre le peuple pour des idiots, du moins tout faire pour qu'il suppose ne pas l'être. Car aussi mouton soit-il, le citoyen magique lambda avait bonne mémoire, et apprit à se méfier sur la véracité des articles de la presse dudit journal. N'est-ce point la Gazette des Sorciers qui avait traité la légende Harry Potter de menteur, pour empêcher de croire à un véritable retour de celui dont on ne prononçait pas le nom? N'est-ce point celui-là même qui traitait Dumbledore de vieux fou? Même pour le dernier des visionnaires du Monde Magique, il aurait été aisé de constater que la Gazette des Sorciers était sur la pente descendante. C'est de la nouveauté que réclamait à grands cris le peuple! Leopold Marchebank ne pouvait point ignorer cette supplique dans laquelle Multiplettes s'inscrivait pleinement. Mildred conserva sa mine empreinte d'un certain dégout, avant d'exprimer celui-ci au travers de ses propos.

"La Gazette des Sorciers? Vraiment? C'est donc en s'appuyant sur un vieux quotidien démodé qui empeste la naphtaline que monsieur Marchebank souhaite incarner ce renouveau tant attendu. Je suis désolée de vous le dire, mais si je devais effectuer un pari dans une course Hippogriffique, je ne miserai point sur un hippogriffe vieillissant, chétif et malade. Peu importe sa notoriété du passé, j'opterai pour celui qui offre le plus de garantie de franchir la ligne en premier. Car seul le présent est gage d'avenir, vous ne trouvez pas? "

Avec une distinction "So British", Mildred saupoudra son thé d'une pluie de cristaux de sucre. Puis elle darda de nouveau son regard sur la chargée en communication, qui pouvait s'avérer une excellent intermédiaire entre elle et le ministre Marchebank.

"Opter pour la Gazette des Sorciers, et vous aurez faux sur toute la ligne! Je peux vous certifier, que le FREE n'obtiendra aucune forme de crédibilité médiatique auprès du peuple magique! Vous pouvez me croire, j'ai le flair pour cerner les attentes des lecteurs, et je peux vous certifier qu’ils ne vont pas accorder le moindre crédit à un journal sur le déclin, qui a toujours fonctionné en faisant des courbettes aux différents pouvoirs en place. Oui, clairement, vous misez sur le mauvais hippogriffe... "

Mildred souleva sa tasse pour en boire quelques gorgées, avant de la reposer aussitôt. Se tamponnant ses fines lèvres avec un brocard en soie, elle finit par ajouter :

"Par contre, si vous misez sur un journal irrévérencieux, célébrissime pour ses déclarations tapageuses et qui ose provoquer l'esclandre pour débusquer la vérité, alors vous bénéficierez d'un crédit sans pareil. Monsieur Marchebank est un politicien habile, et il comprendra qu'il y a plus de mérite à caresser dans le sens du poil une panthère belliqueuse, que de combler d'une énième caresse un chien docile et vieillissant. Ce que j'essaie de vous dire c'est que Multiplettes, aussi scandaleux soit-il, offre aujourd'hui d'avantage de crédibilité que le ton convenu et insipide de la Gazette elle-même. Si vous voulez que l'opinion tourne en votre faveur et celui du renouveau, il vous faudra non seulement veiller à ne point faire d'erreur de casting, mais également que nos lecteurs du Monde Magique osent encore croire en la liberté de la presse. Et ce, même si ce n'est plus le cas... "

Mildred Magpie se pencha en avant et enserra de ses mains blanches celles de la chargée en communication.

"Car vous pouvez me croire... Même pour une grande romancière et rédactrice comme moi, les temps sont terriblement durs, et les fins de mois si difficiles... "

Le regard soudain implorant de la co-gérante des Folies Sorcières sembla tout à coup vaciller, comme celui d'un petit mendiant manchot qui réclamait des galions en guise de coup de main salvateur...

Baissant les yeux vers sa tasse de Thé, Mildred Magpie afficha l'un de ses petits sourires de façade dont elle avait le secret. Stratagème dont elle abusait bien souvent pour s'accorder bien un bref répit et le temps de la réflexion, alors qu'un dilemme s'imposait à elle; Ce dernier reposait sur le fait de choisir entre son objectivité de journaliste, ou au contraire se laisser corrompre aux sirènes du Ministère. Certes, la liberté n'avait pas de prix, mais Mildred était bien placée pour savoir que être libre sans un Galion en poche, n'avait au final rien de très réjouissant. Ce "partenariat" secret pouvait assurer à Multiplettes une place sur la plus hautes marches du podium, et de jouir d'une certaine protection et d'un confort financier non négligeable. Nul doute qu'elle perdrait de sa liberté de ton, mais quel mal y avait-il à choisir pour une fois la simplicité? Se laisser corrompre n'avait rien d'un délit, et cela la récompenserait pour ses trop nombreuses années à ramer à contre-courant du politiquement correct. Que ce soit la Gazette ou Gringotts, ces pseudos journaux ne faisaient que brosser dans le sens du poil les dirigeants qui se succédaient au sein du Ministère, alors que Multiplettes enchainait les procès pour diffamation. Etait-ce un mal que de vouloir un peu de reconnaissance?

Isobel Lavespère n'avait point tort quand elle assurait que les hautes sphères politiques finissaient toujours par retomber sur leurs pattes. Les polémiques pouvaient certes destituer et faire chuter des hommes, mais inévitablement le système demeurait. Mildred Magpie avait conscience que ses recettes étaient profondément amputées par la multitude de procès à l'encontre de son journal à scandale. Faire du "sensationnel" se payait au prix fort, et cela ralentissait indubitablement ses projets de carrière. La rédactrice pouvait tourner le problème dans tous les sens, elle en arrivait toujours au même constat : Elle devait s'assurer une certaine impunité, et cela passait forcément par un compromis et une alliance politique. A défaut d'être incorruptible, elle deviendrait immensément riche et une haute figure du journalisme magique! La question étant de savoir si elle misait sur le bon cheval...

Leopold Marchebank et le FREE avait pour l'heure le vent en poupe, mais rien ne laissait désormais présager des lendemains enchanteurs. Tout allait si vite en politique. Mildred savait qu'elle devait se montrer extrêmement prudente et rusée dans son choix. Car une fois que la ligne de ce partenariat serait franchie, elle n'aurait plus moyen de faire machine arrière. C'était un pacte dangereux, mais qui pouvait lui rapporter gloire et fortune. Mildred Magpie se mordilla la lèvre inférieure d'envie quand elle pensait à cette perche dorée que lui tendait la chargée en communication. La rédactrice poussa un long soupir avant de formuler les multiples pensées qui se bousculaient dans son cerveau.

"Mademoiselle Lavespère... Je suis persuadée que vous et moi ne sommes pas si différentes, nous aspirons toutes deux à nous élever dans un monde profondément machiste et corruptible à souhait. Je ne suis pas le genre de femme qui peut se complaire à jouer des seconds rôles, et à laisser glisser les opportunités quand celles-ci sont à portée de main. Oui, j'aspire à plus de reconnaissance médiatique et à ce que Multiplettes devienne LA source d'information du Monde Magique! Si cela passe par une loyauté indéfectible et à compromettre quelque peu mon objectivité de journaliste, alors soit, je me plierai à vos exigences et celles de monsieur Marchebank. Vous savez, les lecteurs sont des moutons bien dociles. Il suffit de les persuader de l'objectivité de Multiplettes, et ils suivront le troupeau et mes écrits. Mon journal deviendra alors votre meilleur outil de communication. Mais naturellement, cela à un prix... "

Mildred Magpie se releva pour faire face à la chargée de communication, et planter son regard dans le sien. L'heure du pacte et de ses compromis était venue.

"Vous devez savoir que je suis une femme honnête, et ce que vous me proposez va à l'inverse de mes principes. J'exige donc certains dédommagements... "

La rédactrice Multiplette excellait dans l'art de la mauvaise foi, comme si se laisser corrompre pour accroitre son prestige se révélait un affreux crève-cœur. A vrai dire, ce partenariat et ce qu'elle pouvait en retirer la poussait dans la jubilation intense mais contenue.

"Mes exigences sont au nombre de trois! Primo, pour saluer mon investissement à la cause du FREE, je veux percevoir un acompte mensuel, que vous me verserez directement dans mon coffre à Gringotts. Je vous ferai parvenir sous peu le montant de cette rétribution. J'imagine que vous n'aurez aucune difficulté à en dissimuler l'origine. Secundo, en contrepartie d'un échange d'information et de transparence entre nous, je veux bénéficier de l'exclusivité! Multiplettes doit s'imposer comme la source principale d'information! Tertio, dans un futur plus ou moins proche, j'exige d'être enfin reconnue enfin à ma juste valeur; C'est pourquoi, je veux être décorée du Grand-Ordre de Merlin, troisième classe, pour mon talent de romancière. Si vous répondez à toutes mes exigences, alors vous aurez ma loyauté éternelle... "

Mildred Magpie tendit la main pour saluer une dernière fois la chargée de communication, signe que l'échange touchait à sa fin.

"Tenez-moi au courant de la réponse du Ministre. Dans l'espoir de nous revoir en tant que collaboratrices, je vous souhaite une agréable journée, mademoiselle Lavespère. Ce fut un plaisir que de m'entretenir avec vous... "

La sorcière rousse rejoignit le couloir pour se fondre dans la masse informe qui quittait le Ministère. Une seule question l'obsédait : Est-ce que Leopold Marchebank se plierait à ses exigences afin d'obtenir sa loyauté absolue?