Cosmopolis [Irving / Tristan / Mordred]

"Une école. Bon. Ça c'est bien..." souffla Tara en montrant du doigt une ligne dans l'article qui présentait les nouvelles mesures concernant la Cité Nimbus. Enfin la Cité Cosmos, devrait-elle dire, songea Irving en se renfrognant.
Il se pencha par dessus l'épaule de sa sœur afin de poursuivre sa lecture en même temps qu'elle. Ils attendaient Sue et Judy sur la terrasse du café du Vivet  pour commenter ces dernières nouvelles qui avaient fait l'effet d'une bombe dans la petite ville ouvrière.

Irving repéra d'ailleurs un nouveau passage scandalisant qu'il cita à voix haute:

"... En effet, le gouvernement souhaite que la Cité soit désormais plus qu'une ville dortoir... Mais allez vous faire foutre putain ! s'exclama-t-il  en s'appuyant brusquement sur son siège, C'est pas une ville dortoir ! y'z ont jamais mi les pieds ici ces cognards... s'emporta-t-il en passant une main dans ses cheveux.

Au même moment, un ami de sa sœur, Mordred Lannister passa sur la place et les qualifia de Cosmopolitains. Irving leva les yeux au ciel :

"Merveilleuse idée d'nous faire changer d'nom ! lança-t-il, ironique, C'est vrai qu'on oublie toutes nos épreuves comme ça. D'ailleurs pour oublier l'Bloody Sunday, on va renommer le Chemin de Traverse, la Rue Toute Droite ? Pas mal hein ?" grogna-t-il en croisant les bras sur son torse.


"Tu trouves pas qu'tu dramatises un peu trop ? souffla Tara à l'adresse de son frère, Dred, tu bois un café avec nous ?" proposa-t-elle enfin en décalant son siège pour faire de la place à son ami.

Quand on était natif de Nimbus, rester chez soi n'était une option considérée quand quelque chose arrivait, les moldus allaient chez le coiffeur, les nimbusiens allaient dehors. C'est ainsi qu'il avait fini près de la terrasse et, quitte à être là, avait décidé de s'y asseoir en prenant un café. Le sujet de conversation qui revenait le plus souvent était celui du nom de la ville, les gens auraient bien le temps de réagir sur les nouvelles infrastructures, les changements, de comprendre ce qu'ils pouvaient bien impliquer, mais ce qu'ils remarquaient tous rapidement c'était ça. Bien que prompt à se plaindre quand il désapprouvait le Ministère, Tristan avait tendance à avoir un à priori positif sur les mesures d'un nouveau gouvernement, mais avec cette idée étrange, on ne lui facilitait pas la tâche.

Il ne put retenir un rire en entendant le jeune Whitaker, il n'aimait pas le chemin de traverse -une vieille histoire de compétition nord sud-, mais il était contre l'idée de la rue toute droite aussi certainement qu'il était contre le fait d'être un cosmopolitain. "De toute façon ils n'arriveront pas à changer le nom, ouvrir une école peut-être, mais ça non." Il était de toute façon naïf de penser que l'on puisse imposer quoi que ce soit à la cité, à Londres peut-être, même à Bristol, les citadins n'avaient pas la même mentalité que les ouvriers d'ici. "Sans vouloir nier le pouvoir du ministère bien entendu", ajouta-t-il avec un sourire, qui résumait bien ce qu'il venait de penser.

La mine toujours renfrognée, Irving accueillit toutefois l'arrivée de M.Sanders avec un bref "Salut." Tristan étaient de la génération de sa sœur mais  l'ex-gryffondor l'avait côtoyé plusieurs fois au locaux de la F.O.S.S.E et il savait que l'ingénieur avait été de ceux qui s'étaient battus pour faire entendre la voix des ouvriers de l'Usine l'hiver dernier.

"Marchebank puisse vous entendre !" grogna-t-il lorsque Mordred et Tristan affirmèrent que le Ministre ne pouvait pas renommer la Cité sans susciter un tollé général.

Cette proposition était si méprisante qu'Irving peinait à décolérer. Il avait l'impression qu'on tentait de lui arracher une partie de son identité et il n'appréciait pas que les Nimbusiens n'aient pas été associés à cette réforme.
Il posa un regard perplexe sur les deux amis de sa sœur et consentit à faire une concession avant d'avancer d'autres arguments:

" Ok. L'école c'est bien. J'dis pas l'contraire mais...faut savoir lire entre les lignes !"
Il se pencha de nouveau sur l'article de la Gazette qui présentait les mesures et lu à haute voix:"...et surtout de nombreux programmes de constructions de lotissements."

Il pointa du doigt la ligne en question et regarda tour à tour les trois trentenaires:

"La Cité touche déjà le Sheffield moldu, j'vois pas où ils vont les caler leurs lotissements, à moins qu'ils récupèrent la propriété des De Pompadour et qu'il la rase," souffla-t-il en s'adossant sur son siège.

Il croisa les bras sur son torse et poursuivit d'un air dubitatif: "... mais j'parie qu'c'est pas c'qu'ils ont en tête..."

HRP:

Irving était décidément bien un enfant d'ici et son séjour en France, pays souvent cité en exemple dès qu'il s'agissait de protestation, n'avait pas du arranger les choses. Il avait décidé que la réforme serait mauvais et il ne semblait pas près d'en démordre. Pourtant, sur le papier, Marchebank avait eu des idées plus mauvaises, il n'avait juste pas pris en compte l'attachement des Nimbusien à leur ville, à leur histoire, à leurs rues, bien sûr, ils se plaignaient toujours, mais avec un peu plus d'amour qu'il n'y paraissait.

"Ça me dérangerait pas qu'ils utilisent un peu de la place qu'ils ont là-haut, on s'entasse ici, grogna-t-il sans grande conviction, de toute façon s'ils veulent construire un machin ils trouveront de la place, c'est un des rares trucs sur lequel je leur fait confiance."

Il avala machinalement une autre gorgée de café, il n'avait jamais apprécié l'amertume de cette boisson, mais c'était un rituel à l'usine et il ne faisait même plus attention au goût qu'il avait.

"J'attends quand même de voir, ce serait pas la première fois qu'on nous raconte des trucs, là ça parle de nous et dans deux semaines les politiques seront passés à autre chose, ils sont rarement très concentrés à moins qu'on leur crie dans les oreilles."

Mordred n'avait pas complétement tord. La Cité s'était vidée ces derniers mois mais justement ! Pourquoi ne pas se contenter de réhabiliter les logements inoccupés plutôt que de vouloir créer une ville nouvelle et impersonnelle ! Au moment des élections,  Marchebank avait affirmé avoir un plan de soutien pour les Nimbusiens et Irving s'attendait à tout, sauf à ça.

"Le problème c'est pas qu'ils respectent  pas le style architectural, franchement c'est un détail, En fait c'qui m'énerve c'est qu'on nous a pas demandé notre avis. On a pas été consulté. Sérieusement, z'avez vu des conseils de quartier, des réunions de consultation pour savoir c'que nous on attendait vraiment de ces mesures?"

Il regarda tour à tour Mordred et Tristan et poursuivit:

"C'est toujours l'même problème. Personne nous écoute. Ils veulent rameuter du monde à la Cité mais ils nient complétement les habitants qui  vivent ici depuis des générations. Les décisions sont prises à Londres par des gars qui ont jamais mis les pieds ici et qui nous voient juste comme une bande de bouseux."

Irving marqua un petit silence et reporta son attention sur la Grand Place en secouant la tête lentement. Il s’apprêtait à reprendre son argumentation lorsque ses yeux se posèrent sur une silhouette familière un peu plus loin. Irving coinça deux doigts dans sa bouche pour émettre un sifflement qui fit grimacer Tara assise à côté de lui.

"Hé Klem !" s'exclama-t-il avant de se tourner vers ses compagnons: "On va pouvoir avoir l'avis d'un tout nouveau Nimbusien sur la question !"

Klem venait de terminer de faire le ménage dans son appart. Chose assez rare pour être soulevé. Quelques sorts de nettoyage et le tour était joué. Pourtant l'effort selon lui valait bien du réconfort. Il était donc sorti pour prendre l'air et pourquoi pas boire un verre au bar du coin. Il avait parcouru la moitié du chemin lorsqu'un sifflement lui fit tourner la tête. Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'il reconnut Irving. Il se dirigea vers lui alors qu'il l'interpellait et fut surpris de trouver Mordred à sa table.

"Salut Irving ! Salut Mordred ! Bonjour, lança-t-il plus prudemment à la jeune femme et à l'homme qui étaient installés avec eux. Je savais pas que vous vous connaissiez."

Il s'installa sur la chaise restante et esquissa un sourire un peu gêné. Il se sentait un peu de trop finalement avec tous ses Nimbusiens. Ou fallait-il parler de Cosmosien maintenant ? Il ne savait plus trop. Et ne savait pas quoi en penser en réalité. Quel intérêt de changer de nom ?

"Vous habitez tous la cité depuis votre enfance alors ?"

Tristan acquiesça aux paroles de Mordred et ne put s’empêcher de sourire en entendant le plus jeune s’exprimer, tous les enfants de la cité parlaient comme ça, ce devait être le milieu ouvrier qui faisait que tous parlaient comme des syndicalistes, la diplomatie en moins. Elle finirait par venir, Irving était tout à fait le genre de garçon qui n’arrêterait pas de défendre la ville durant toute sa vie, le genre de garçon dont Nimbus avait besoin pour ne pas ressembler à une ville de vieux travailleurs aigris. Il n’eut pas le temps de rebondir qu’une nouvelle personne les rejoignit, maintenant qu’il y faisait attention il lui semblait qu’il l’avait déjà croisé… une fois, ou deux, ou qu’il essayait de se dire qu’elle lui était familière juste pour sa fierté d’homme prétendant connaitre tout le monde dans la cité. «[color:057d=#salmon] Bonjour. » L’inconnu n’avait pas l’air très à l’aise, mais il ne vint pas à l’esprit de Tristan de se présenter, c’était quelque chose qu’il faisait rarement dans un quartier aussi clos. « Tout juste. C’est pas Bristol ici, quand on y nait, on y reste. » S’il fallait une autre preuve que leur ville était meilleure, il voulait bien en entendre parler. « Ce sont des politiques Irving, ils peuvent pas se permettre de s’enliser dans des négociations, sinon ils sont trop mous » il se recula dans son siège « Puis là on va dire qu’ils sont trop stricts… faut juger sur les résultats, pas sur la façon de faire, sinon on s’en sort jamais. »

"Tara/ Klem, Klem/Tara." marmonna Irving en guise de présentation, "mon voisin, ma soeur." précisa-t-il en les désignant tour à tour. Il aurait bien introduit M. Sanders et Mordred mais il ne connaissait pas assez le premier quand au second il comptait déjà Klemens dans ces contacts. L'auror semblait d'ailleurs s'étonner que le polonais figure parmi les connaissances d'Irving. La promiscuité des appartements et la vétusté des cages d'escaliers des immeubles des Pentes avaient du bon finalement, sans quoi, Irving et Klem ne se seraient peut-être jamais parlés !

Cette amitié était née grâce à la configuration actuelle de la Cité Nimbus ! songea-t-il plein de mauvaise foi avant d'écouter l'intervention de Tristan:

" J'vois pas en quoi s'est s'enliser que d'mener une étude auprès d'la population, répondit-il, j'veux dire, on sait très bien qu'ils vont pas s'lancer dans un projet aussi expérimental à Londres ou à Bristol. T'as les commerçants les plus influents du monde sorcier installés là-bas. Le tourisme, l'industrie. Y a pt'être pas des réunions d'quartier mais t'as des tractations, des trucs qu'on voit pas qui s'déroulent dans leurs soirées mondaines et leurs galas d'charité..."

Il chercha l'appui de Tristan qui devait surement être mieux au fait que lui sur les lobbyistes sorciers.

"Y a des trucs bien dans c'plan, c'est vrai, consentit-il en soupirant, mais j'continue à croire qu'on est pas traité comme les autres villes, poursuivit-il en secouant la tête, on tient pas compte de s'qu'on pense. On est juste un faire-valoir pour l'gouvernement. Et si on a l'maheur d'émettre des réserves, j'uis sûr qu'on nous traitera d'ingrats."

Klem esquissa un sourire légèrement enjôleur à Tara lorsque Irving la lui présenta comme sa soeur. Son regard s'attarda un instant sur elle avant que son attention ne soit détournée par Mordred.

"Ouep, c'est mon voisin du dessus."

Il esquissa un clin d'oeil en direction d'Irving. Il était heureux d'avoir un tel voisin. Il ne s'était pas franchement attendu à ça lorsqu'il avait aménagé. Il savait que tout aller changer et c'était ce qu'il recherchait au fond, du changement. Mais le fait d'avoir quelqu'un de nouveau avec qui il pouvait plaisanter et s'amuser autant était vraiment agréable. Il s'était plutôt attendu à vivre une relation polie avec ses nouveaux voisins. Polie mais sans plus. Alors, il devait bien admettre qu'il avait beaucoup de chance et qu'ils s'étaient bien trouvés avec Irving.

Il essaya ensuite de se raccrocher à la conversation qui avait lieu. Il compris plus ou moins qu'ils devaient discuter du nouveau projet pour la Cité. Lui même ni habitait pas depuis suffisamment longtemps pour avoir une réelle opinion. Tout ce qu'il souhaitait, c'était que la ville ne perde pas son âme et son identité en même temps que son nom. Mais il n'était pas totalement d'accord avec le fait qu'il faille regarder sans rien faire. Tous les moyens n'étaient pas forcément bons. Peu importaient les résultats. La fin ne justifiait pas toujours les moyens.

Irving devait se sentir bien seul à tenter de débattre avec les deux "adultes" et s'il avait cherché du soutien auprès de ce Klemens, il paraissait trop gêné pour prendre part à la conversation. C'était compréhensible, il n'était pas là depuis assez longtemps pour comprendre les enjeux de ce qui était en train de se passer. Au vu de son accent il n'était pas britannique, que savait-il vraiment de la cité ? C'était une question à laquelle Tristan était bien incapable de répondre.
Bien que ne se plaçant pas du côté d'Irving il devait admettre qu'il y avait un fond de vérité dans ce qu'il disait, c'était un point qu'il se devait de lui concéder, ainsi c'est en hochant légèrement la tête qu'il reprit la parole. "Bien sûr qu'il se passe plein de choses en coulisses à Bristol et à Londres... mais ici aussi c'est évident. C'est juste que les gens importants de la cité, ben on n'est pas dedans. Et en ce moment même il y a sûrement de simples habitants comme nous à Bristol qui ronchonnent parce qu'on s'occupe de nous et qu'à eux on leur demande jamais leur avis" avança-t-il avec un sourire.

Irving écouta attentivement  les arguments de Tristan. Son ainé avait sans doute un peu raison. Il suffisait de prendre en exemple le cas Janet Skinner, la nouvelle dirigeante de la ville et chouchou du Ministre. Elle avait très certainement œuvré dans l'ombre pour mettre en place le plan de réhabilitation. Mais dans quel but ?
Irving était prêt à parier que ses intentions n'étaient pas louables et qu'elle avait soutenue ce projet uniquement pour être sûre d'obtenir les rênes de la ville sans se soucier de l'avis du Nimbusien moyen. De toute manière les habitants qui avaient grandit dans les vastes manoirs du Mont n'étaient généralement pas les plus représentatifs de la Cité...

Irving se tourna alors vers Mordred qui lui demandait quelle serait sa position s'il avait un pouvoir décisionnaire:

"Si on m'demandait mon avis ? s'enquit-il ravi de pouvoir s'exprimer sur ce point, On met en stand-by ce plan d'réhabilitation à la con, proposa-t-il en posant sa main à plat sur le journal. On vire cette Janet Skinner de la tête de la Cité et on fait une élection pour élire les véritables représentants de notre ville. Après, on envoie ces gens là renégocier le plan auprès du Ministre. Peut-être qu'ils souhaiteront garder certains aspects de ce qui a déjà été énoncé, j'dis pas l'contraire, mais au moins, on aura eu notre mot à dire."

Il s'appuya sur son siège et croisa ses bras sur son torse. Voila ce qu'il ferait s'il n'était pas qu'un simple habitant lambda...

Klem porta sa tasse de café à ses lèvres alors que Tristan prenait la parole. Il esquissa un sourire lorsque Mordred demanda à Irving ce qu'il souhaitait avant de jeter un léger coup d'oeil à Tara, la sœur de son ami, restée silencieuse depuis son arrivé. Klem écouta attentivement les revendication d'Irving avant de poser sa tasse sur la table.

"D'une certaine manière, tu as déjà fait tout ça. Le jour de l'élection du nouveau ministre, les citoyens de ce pays ont déjà donné leur avis en votant pour Marchebank. Ils lui ont accordé leur confiance en votant pour lui. Et dans un sens les habitants de le Cité ont donné leur consentement pour la nomination de Skinner et les changements dans la cité. Tout comme pour le reste d'ailleurs. Le bouclage de Bristol, les nouvelles super réformes sociales et tout le tintouin. Autrement, il n'aurait jamais été élu."

C'était souvent comme cela que ça se déroulait, on leur demandait leur avis une fois le jour des élections et puis après c'était fini. Et encore, les anglais avaient de la chance, leurs élections n'étaient pas truquées. Du moins pas encore.

"Sinon fait comme les français. Va défiler dans les rues avec des banderoles. Manifeste."

Il esquissa un léger sourire avant de laisser son regard parcourir la grand'place.