Aux antipodes [Kathrina&Andrew]

11 Mai 2008

Bon, le Professeur Londubat l'avait répété plusieurs fois mais Gowan et Andrew n'avaient pas pu s'en empêcher. Elles étaient trop mignonnes ces petites fleurs bleues avec leurs dents immenses et pointues ! Mignonnes selon une définition de garçons de douze ans, certes. Il ne fallait pas leur donner à manger mais elles avaient l'air d'avoir trop faim ! Elles n'arrêtaient pas de grignoter leurs blouses, vu que leur table de travail se situait juste à coté. Les deux amis n'avaient pas pu résister à l'appel de ces petites plantes et avaient fouillé dans leurs sacs à la recherche de quelque chose de comestible. Heureusement, Andrew se baladait tout le temps avec des bonbons, qu'ils soient moldus ou sorciers, et Gowan et lui avaient donné des crocodiles gélifiés de toutes les couleurs aux fleurs, qui avaient eut l'air de plutôt bien apprécier !

Enfin, jusqu'à ce qu'elles recrachent tout sur leur terreau. Et Gowan et Andrew avaient beau avoir arboré leurs airs les plus innocents, le Professeur Londubat n'avait pas eu l'air ravi et leur avait demandé de venir à la fin du cours pour s'expliquer. C'est donc avec l'expression la plus penaude possible que les deux Gryffondor s'étaient avancés vers le bureau de leur enseignant tandis que leurs camarades quittaient les serres dans un joyeux tintamarre typique de la fin de journée.  

- Donnez-moi une seule bonne raison de ne pas vous mettre une retenue, Messieurs.

Gowan et Andrew avaient échangé un regard avant que ce dernier ne se racle la gorge, armé de son expression "Je suis un enfant modèle, je suis sage et innocent, ne me punissez pas" et prenne la parole, tentant le tout pour le tout. Après tout, c'était le Professeur Londubat, pas cette peau de Strangulot d'Harris.

- Parce que vous êtes un prof' génial ?

Londubat avait scruté Andrew qui lui souriait de toutes ses dents afin d'amadouer leur professeur de Botanique. Ce dernier avait fini par soupirer avant de leur adresser un regard qui se voulait sévère même si on distinguait une ombre de sourire sur son visage.

- Allez, dehors ! Mais c'est la dernière fois que je me montre aussi clément !

Ravis de l'opportunité qui leur était offerte, les deux garçons ne s'étaient pas faits prier pour décamper de la serre à grands renforts de remerciement, courant pour rattraper leurs camarades qui remontaient vers le château. Leurs compagnons de chambrée étaient en train de parler à une partie des Poufsouffle qui venaient de partager leur cours et Andrew en profita pour saluer Gillian - sans évidemment manquer de mentionner l'écrasante victoire de Flaquemare sur les Harpies la veille - et Paul, ainsi que Kathrina à qui il adressa un sourire. Ils ne s'étaient pas beaucoup parlé l'année dernière mais depuis qu'ils s'étaient retrouvés en binôme sur un boulot d’Étude des Moldus, leurs contacts étaient bien plus réguliers et il appréciait vraiment sa camarade. Et si leurs échanges avaient vite dépassé le strict cadre de leur travail scolaire, leur binôme avait assez bien fonctionné pour qu'ils remettent ça plusieurs fois, notamment en Sortilèges comme aujourd'hui, où le Professeur Harris avait fait des groupes pour traiter un cas pratique de sortilège de réparation. Ils avaient une dizaines d'objets cassés différents par groupe et devaient les ramener comme neufs pour le cours de la semaine suivante.

- Hé, Kat, ça te dit si on commence le devoir de sortilèges ce soir ? Il est encore tôt puis il fait beau, on peut travailler dehors ! proposa-t-il en désignant le reste du parc du regard.

C'était plus délicat de bosser sa pratique à la bibliothèque alors que l'environnement était très studieux. Et puis il faisait doux pour une fin d'après-midi de mai et le soleil était encore là. Il y avait presque un air de vacances dans l'air, même, avec le week-end qui arrivait ! Bref, des conditions sympas pour travailler, c'était toujours plus motivant !

La vie reprenait son cours, Kathrina était forcée de le constater. Le monde ne s’était pas arrêté de tourner pour elle. Elle avait du se contraindre à reprendre sa vie d’élève à la réputation sérieuse et appliquée, à ceci près que ses notes n’étaient plus aussi excellentes qu’avant. Dès qu’un moment d’inactivité s’installait, son regard divergeait vers le vide, et Kathrina perdait tout à fait l’éclat qui la caractérisait tant auparavant, dont elle n’avait gardé qu’une pâle lueur. Ses amis avaient adopté la tactique de l’occuper autant qu’ils le pouvaient pour qu’elle ne pense plus à la mort de son frère, dont elle refusait de parler. Assurant que tout allait bien, refusant catégoriquement d’entendre la moindre mention de psychomage. Elle allait bien, elle était forte, elle allait se redresser. Elle trouverait de quoi se reconstruire, quelqu’un sur qui elle pourrait s’appuyer et qui la protégerait… Quelqu’un comme Ulrich, en somme. Elle savait au fond d’elle que ce n’était pas une solution, qu’il valait mieux pour elle de cesser de dépendre à ce point des autres, mais le trou qu’avait laissé la disparition d’Ulrich était trop béant pour qu’elle réagisse autrement. Et ce n’était ni chez Ahren, ni chez sa mère qu’elle trouverait l’appui nécessaire.

Elle avait eu un maigre espoir pourtant, en rentrant au manoir pendant les vacances d’avril. Naïvement, elle avait cru que leur mère se montrerait plus présente pour eux, maintenant qu’Ulrich ne tenait plus le rôle d’adulte responsable dans leur famille. En vérité, son état de santé n’avait fait qu’empirer, Kathrina l’avait quittée avec inquiétude et beaucoup de recommandations à leur elfe de maison –de toute manière bien plus habitué qu’elle à s’occuper de leur mère.
Depuis son retour à Poudlard, elle tentait de ne pas laisser paraître ses nouvelles inquiétudes sur leur situation dont elle n’avait pas pris la pleine mesure jusqu’alors. L’été approchait à grand pas, et elle serait forcée de retourner au manoir, où personne ne s’occuperait d’eux. Elle ne savait pas ce qu’Ahren en pensait. Son jumeau semblait décidé à s’enfermer dans son mutisme, mais Kathrina sentait que les mêmes préoccupations l’agitaient.

Au final, il n’y avait que quelques rares personnes qui parvenaient à redonner le sourire à la jeune Poufsouffle, à lui faire oublier ses soucis pendant le temps qu’elle passait avec eux. Gillian, bien évidemment, en faisait partie, et de façon plus étonnante, Andrew aussi. Plusieurs circonstances les avaient rapprochés, leurs travaux en binôme, la fois où il s’était employé à la consoler alors qu’elle fondait en larmes dans un recoin de l’école… Ou tout simplement, le constat qu’ils s’entendaient très bien. Aussi lorsqu’il l’aborda à la sortie de leur dernier cours de botanique de la journée, Kathrina lui adressa un sourire.

« Oh c’est une bonne idée, ça, concéda t-elle. Autant profiter du beau temps ! »

Gillian et Paul déclarèrent qu’ils préféraient profiter de la belle journée qui s’offrait à eux pour s’amuser, plutôt que se lancer dans leurs devoirs, ce à quoi Kathrina répondit pour les taquiner qu’ils étaient peu dignes de la réputation studieuse des Poufsouffle. Les laissant s’éloigner, elle se tourna de nouveau vers Andrew.

« On se trouve un coin tranquille dans le parc ? »

Ils n’eurent pas à marcher longtemps pour trouver un lieu propice à une séance de travaux pratiques, protégé par l'ombre d'un grand arbre. Kathrina s’agenouilla sur le sol, sortit consciencieusement de son sac contenait les objets confiés par leur professeur de Sortilèges dans la matinée, et sensés revenir neufs à leur prochain cours. Un amas de bibelots abîmés, en somme, un miroir brisé, une montre à gousset fendue, une plume cassée… Ce genre de bricoles sans grand intérêt qu’elle étalait entre elle et Andrew, tout en discutant.

« Au fait, c’était drôle, tout à l’heure, avec les bonbons. Londubat ne vous a pas trop grondés ? » demanda t-elle en riant, sachant pertinemment que leur professeur de botanique était de toute façon bien trop gentil.

Andrew tenait plutôt bien ses bonnes résolutions studieuses jusqu'à présent : il travaillait un peu plus régulièrement pour s'assurer de meilleures notes et rassurer ses parents. Ce n'était pas très marrant mais il avait rapidement vu le résultat et il obtenait bien plus régulièrement des A voire même un chouette E en Défense Contre les Forces du Mal l'autre jour ! Et puis Sasha lui avait assuré que cela serait plus facile pour les examens de fin d'année et il voulait bien la croire. Il ne visait pas les excellents résultats de son amie mais atteindre la moyenne lui suffisait tant que cela lu permettait de satisfaire ses parents et de passer dans les années supérieures. Il n'avait pas vraiment très envie de rester en arrière tandis que tous ses amis passeraient. Et puis il n'était pas bête et avait de bonnes notes quand il s'y mettait mais tout le souci résidait justement dans le fait de trouver la motivation pour travailler sérieusement et plus à la dernière minute par dessus la jambe comme il l'avait fait pendant plus d'un an.

Ce qu'il préférait, c'était travailler avec quelqu'un qu'il appréciait. Cela rendait les choses bien plus faciles et le temps passer plus vite. Il avait beau adorer Gowan, il avait bien vu qu'ensemble, ils étaient loin d'être efficaces puisque la discussion dérivait bien vite sur des choses bien plus amusantes que l'école. Le Quidditch par exemple. Mais comme ils avaient été tous les deux réprimandés par leurs parents respectifs, ils avaient pris la difficile décision de ne plus travailler ensemble leurs devoirs. En revanche, ils continuaient de s'assoir ensemble en classe, il ne fallait pas pousser. Quoi qu'il en soit, Andrew avait dû trouver des personnes plus sérieuses que lui pour le motiver à travailler et il avait découvert que c'était plus que chouette de bosser avec Kathrina. Elle était super-gentille, drôle et en plus elle restait sérieuse. C'était un concept qu'Andrew essayait également d'apprendre, la concentration. Il observa d'ailleurs la jeune fille sortir les objets confiés par Harris de son sac et Andrew s'empara de la vieille montre au mécanisme cassé pour l'observer de plus près.

- Il nous a juste dit de ne pas recommencer, répondit-il en redressant la tête lorsque Kathrina mentionna Londubat. Mais avec Gowan, on ne pensait pas qu'elles vomiraient, elles avaient vraiment l'air d'avoir faim ! Enfin, je pense qu'elles préfèrent les mouches et les araignées aux Dragées surprises !

Enfin, ils avaient essayé quand même : les plantes magiques étaient assez étranges parfois alors pourquoi pas friandes de bonbons ?

- Au moins je saurais ce qu'il ne faut surtout pas faire aux examens de fin d'année, ajouta-t-il en riant. Surtout que cette année, je vais réviser sérieusement, précisa-t-il en prenant son expression la plus sage. Si, si, il en avait une.

Il sortit sa baguette magique de son sac ainsi que son livre de sortilèges comme pour appuyer ses propos et l'ouvrit à la page du Reparo.

- Mais comment ça va sinon ?

Le frère de Kathrina était mort il y a voilà cinq mois mas Andrew savait très bien que son amie était encore très triste à cette idée et il prenait soin d'essayer de lui remonter le moral et de l'écouter quand cela n'allait pas. Il n'avait jamais perdu personne dans sa famille et n'imaginait pas ce que cela pouvait être mais il s'était promis de ne pas laisser Kathrina, peu importe le temps qui passerait : tant qu'elle serait triste, il l'aiderait, ou du moins essayerait de l'aider, à aller mieux.

Kathrina esquissait un sourire en écoutant Andrew se défendre, tout en tournant consciencieusement les pages de leur manuel de sortilèges. Bien sûr, elle ne doutait pas des bonnes intentions d’Andrew et Gowan concernant l’estomac de ces plantes. Ils voulaient simplement tenter une expérience, stupide certes, mais qui avait eu le mérite de divertir la classe. Kathrina ne faisait jamais aucune vague en cours, elle était une élève sage… qui se réjouissait toutefois qu’il y ait quelques personnes pour apporter un peu d’ambiance.

« Bah… Les cours seraient mortellement ennuyeux sans ce genre de distraction, tu ne penses pas ? »

Le ton était tout à fait innocent, et c’était parfaitement voulu. Kathrina connaissait la réputation d’élève modèle qu’on lui imputait. C’était normal, elle en donnait naturellement l’apparence, tant elle se montrait mesurée dans tous ses gestes. Elle aimait avoir le contrôle sur l’image qu’elle pouvait donner d’elle-même. Mais parfois, l’envie lui prenait de prouver qu’elle pouvait être autre chose que ce qu’elle voulait bien montrer. Peu connaissaient toutes les facettes de sa personnalité, elle les délivrait presque au compte-gouttes, à quelques privilégiés. Pour la plupart, Kathrina Keller restait cette gentille petite Poufsouffle, sereine et serviable, qui ne ferait pas de mal à une mouche. Et c’était ce qu’elle montrait encore à Andrew.

« Sage résolution ! commenta t-elle, lorsque le garçon promit de réviser sérieusement ses examens. D’ailleurs, si jamais tu as besoin d’aide, n’hésite pas, on peut travailler certaines matières ensemble si tu veux. »

Prononcer ses paroles la ramena à l’objectif de leur après-midi, à savoir terminer leur devoir à deux. Elle essayait justement un Reparo sur quelques bouts de miroir, quand Andrew reprit la parole. Sa question était on ne pouvait plus banale, et pourtant, sur le coup, elle déstabilisa Kathrina au point de s’en ressentir sur sa magie. Le sortilège sortit comme un crachotement qui ne fit qu’éparpiller un peu plus les morceaux de miroir, égratignant son genou au passage. Elle avait du crisper un peu trop fort sa baguette, ou perdre sa concentration, ou peut-être les deux à la fois.

« Ca va ! s’empressa t-elle de dire, posant sa main sur sa légère éraflure. C’est rien, ça saigne même pas, je… Je suis désolée, je ne t’ai pas fait mal aussi ? »

Kathrina se mordit la lèvre, confuse. Elle ne pouvait pas se sentir plus stupide et maladroite qu’à cet instant-là. C’était incroyable comme un rien pouvait la faire sursauter, ou faire basculer ses émotions d’un extrême à un autre, ces derniers temps. Andrew n’y était pour rien, elle savait pertinemment qu’il ne faisait que s’inquiéter et prendre de ses nouvelles, car elle ne s'y trompait pas au ton de sa question, il pensait à son deuil. Comme tous ceux qui lui demandaient comment elle allait. C’était plus fort qu’elle, elle commençait sérieusement à détester cette question. Le simple fait qu'on lui demande si elle allait bien la rendait paranoïaque.

Pourtant, se composer un masque était une chose qu’elle exécutait bien auparavant, à force de devoir dissimuler des secrets. C’était avant qu’Ulrich ne décède. Depuis, elle avait l’impression d’être constamment dans un équilibre précaire sur la ligne rouge de ses limites. Combien de fois s’était-elle sentie « sur le point de » ? Sur le point d’exploser, de fondre en larmes, de piquer une crise de nerfs… Sa retenue naturelle, ô combien entêtante, l’empêchait de franchir cette ligne rouge. Ses propres sentiments l’effrayaient au point qu’elle préférait tout contenir, plutôt que de se laisser emporter par quelque chose qu’elle ne contrôlerait pas. Elle avait bien trop peur de devenir quelqu’un d’autre, de se laisser aliéner. Entre son envie de lâcher prise, et sa crainte de paraître trop différente, il en ressortait un étrange mélange, oscillant du prudent silence à des réactions parfois incompréhensibles… C’était en bref un échec désastreux : elle devenait déjà folle.

Sauver les apparences était encore la seule chose qu’elle pouvait faire. Mais que pouvait-elle répondre à Andrew, à présent ? Soutenir que tout allait bien, comme elle le faisait trop souvent, n’aurait aucune crédibilité. Kathrina desserra son emprise sur sa baguette, qu’elle s’était mise à tortiller nerveusement sans s’en rendre compte. Elle vrilla un regard hésitant dans celui du Gryffondor. Répondre sincèrement ? Après tout, pourquoi pas ? Andrew était en quelque sorte la personne idéale : il était plus ou moins au courant de ce qu’il s’était passé dans sa famille, et il était son ami, mais pas le plus proche. En comparaison, avec Gillian, elle n’avait aucune prise de distance possible, au moindre mot qu’elle pourrait lui confier, elle aurait peur de la perdre.

Kathrina ne se laissa pas envahir par toutes ces réflexions plus de quelques secondes. Il lui fallait rebondir vite, si elle voulait montrer qu’elle maîtrisait à peu près la situation. Ce fut avec résignation qu’elle finit par soupirer :

« Excuse-moi, je dois te paraître tellement empotée… En fait, ça va un peu mieux, mais… Elle haussa les épaules, faible geste pour démontrer son impuissance. C’est pas encore ça. Il ne me reste pas grand-chose comme option, finalement, à part attendre. Espérer que le temps fera les choses. Pour l’instant, je n’y crois pas tellement mais c’est toujours mieux que d’aller voir un psychomage, hein. Ca serait vraiment trop étrange, ça sonne comme si j’étais folle ou… C’est peut-être un peu le cas d’ailleurs, parce que je… Je ne sais plus du tout quoi faire. »

Elle détourna le regard, piteuse. Finalement, elle aurait mieux fait de se taire, elle n’avait réussi à qu’à s’enfoncer un peu plus avec son discours décousu. Un maigre sourire désolé se tortilla sur ses lèvres.

« Je t’avoue que je préfèrerais qu’on parle d’autre chose. »

Finalement, c’était quand elle trouvait de quoi s’occuper l’esprit qu’elle pouvait laisser de côté ses démons intérieurs pour redevenir la Kathrina joyeuse. Andrew était un garçon drôle et toujours prêt à faire les quatre cents coups. C’était de son talent pour divertir les autres dont elle avait besoin, à cet instant… Elle ne savait simplement pas comment le lui dire.

- Oh que si, je le pense !

La plupart des cours étaient plus qu'ennuyants ! Andrew était un garçon qui aimait bouger et rester assis des heures dans une salle de classe avait vite tendance à l'ennuyer. Il préférait largement les matières où il pouvait se défouler un peu, ou du moins les matières plus manuelles comme la Botanique - même s'il s'y livrait à des expériences désapprouvées par le Professeur Londubat - mais il appréciait de toute manières les matières en extérieur, au point qu'il savait déjà qu'il prendrait Soin aux Créatures Magiques l'année prochaine. Il hésitait un peu plus pour son autre option. Il était intéressé par la divination qui avait l'air super fun - voir l'avenir quoi ! - mais ses parents voulaient le voir faire des études sérieuses et studieuses et sérieuses et la divination ne rentrait pas - selon eux - dans ces critères. Il allait devoir prendre Arithmétique à coup sûr, il le voyait venir gros comme l'estime de lui-même d'Ahren Keller.

- Mais mes parents ne sont pas vraiment du même avis sur mes bulletins, ajouta-t-il avec malice.

Olivier Dubois et Sarah Cavill avaient beau être séparés depuis près de douze ans et demi, ils communiquaient encore plus que lorsqu'ils étaient ensemble, leur fils unique étant évidemment leur principal sujet de conversation. A l'époque, beaucoup disaient qu'ils faisaient la plus grosse erreur de leur vie. Ils étaient jeunes, à peine sortis de Poudlard, ils venaient à peine de quitter la maison de leurs parents respectifs pour se lancer dans le monde du travail. Olivier était l'un des espoirs du Quidditch et il se concentrait énormément sur sa carrière de remplaçant au sein de Flaquemare tandis que Sarah s'était lancée dans son rêve d'ouvrir une librairie. La grossesse avait été bien évidemment surprise et le jeune couple avait longtemps hésité sur la marche à suivre. Tout leur entourage leur disait qu'ils gâchaient leur jeunesse, leur avenir, leur vie, qu'ils le regretteraient, qu'ils ne resteraient pas ensemble, qu'ils n'étaient que des enfants immatures. Et pourtant, envers et contre-tout, ils avaient fait le choix de mettre cet enfant au monde. Cela n'avait peut-être pas été facile et non, leur amour de jeunesse n'avait pas supporté cette épreuve puisque leur couple avait éclaté six mois après la naissance. Mais leur décision d'être parents n'en n'avait pas été altérée, au contraire : Andrew avait été aimé, choyé, élevé conjointement par ses deux parents et ces derniers avaient beau avoir reconstruit leur vie chacun de leur coté, ils n'avaient jamais cessé d’œuvrer main dans la main pour l'avenir de leur fils.

Évidemment, Andrew ne voyait pas tout cela et ne le verrait pas avant de longues années. A ses yeux, ses parents étaient deux adultes bien trop sérieux qui voulaient le forcer à travailler dur et à prendre des matières ennuyeuses alors qu'il ne choisirait son métier que dans très longtemps ! Et puis il vivait encore mal le remariage de sa mère et encore plus mal la naissance de son petit frère, lui qui avait pris l'habitude d'être enfant unique lorsqu'il était chez elle. Il avait la désagréable impression que sa mère le remplaçait par un autre enfant maintenant qu'il était à Poudlard - un enfant qui ne serait pas issu d'une relation échouée - et cette idée le rendait véritablement triste. Il n'en parlait à personne - son père ne comprendrait pas, ses amis avaient rarement des parents divorcés et il ne voulait pas embêter Sasha avec ses problèmes - aussi gardait-il tout cela pour lui, en le reléguant dans un coin de sa tête avec tous les trucs désagréables qui le tracassait. Il commençait à y en avoir de plus en plus d'ailleurs, entre sa mère, Sasha, Aby ses notes qui l'inquiétaient malgré tout... Mais il essayait de faire bonne figure et y arrivait la plupart du temps assez sincèrement : c'est lorsqu'il essayait de dormir, que tout revenait.

- Avec plaisir ! Avec l'aide d'une élève aussi brillante que toi, je serai major de promo ! s'exclama-t-il avec un sourire en coin, tout en songeant que Sasha l'aurait bien assommé si elle l'avait entendu dire qu'une autre personne à part elle était la meilleure élève de leur année.

Kathrina n'était pas la seule à lui avoir proposé son aide : Sasha et Henry étaient également volontaires, ce qui lui permettrait sûrement d'avoir de bien meilleures notes que l'année dernière où il n'avait vraiment rien fichu. Ses bonnes résolutions de l'année étaient un peu tardives, mais valait mieux tard que jamais, non ? Un peu plus de travail serait toujours mieux que rien et cette séance de sortilèges en était le parfait exemple : Harris n'aurait rien à lui reprocher au prochain cours, étant donné qu'il allait s'entrainer sérieusement ! Néanmoins, les étincelles qui sortirent de la baguette de Kathrina lorsqu'il s’enquérir de son état lui firent renoncer à son envie de s'entrainer : son boulot ne passerait pas avant une amie. Ses yeux inquiets se posèrent sur éraflure et il s'empressa de fouiller dans son sac pour en ressortir un mouchoir.

- Ça va, ça te fait pas mal ? Tu veux pas que Mrs Silverster te le désinfecte ?  

Il fallait dire qu'à force de jouer les casse-cous, Andrew commençait à bien connaitre l'infirmerie du collège. L'infirmière était gentille et il était persuadée qu'elle se ferait un plaisir d'aider Kat, même si la blessure n'était que superficielle. Malheureusement, il lui apparut très vite que l’éraflure n'était rien par rapport au chagrin que ressentait encore son amie, malgré les mois qui passaient. Il n'avait jamais connu de deuil et se trouvait alors bien en peine de trouver comme l'aider et la consoler, en dehors des phrases bateaux que tout le monde prononçait aux gens qui étaient malheureux. Il aurait voulu aider Kat, la faire rire, la faire sourire et qu'elle se sente véritablement mieux sans avoir à supporter des mois de souffrance.

Mais c'était difficile de savoir quoi faire face à une tristesse si grande, surtout qu'il avait à cœur de ne jamais être envahissant pour ne pas qu'elle se sente encore plus mal, alors que tout le monde devait lui en parler. Il avait fait une erreur en abordant le sujet et pourtant, il s'inquiétait sincèrement de l'état de son amie. Il aurait aimé pouvoir transmettre tout cela en mots, mais Andrew n'avait jamais été doué pour les grands discours. Alors à défaut de savoir manier la rhétorique, il se pencha vers Kathrina pour la serrer dans ses bras. Généralement, il évitait les câlins mais à ce moment précis, c'est tout ce qui lui était passé par la tête pour essayer de la consoler un tant soit peu.

- Vos désirs sont des ordres, Ma Dame ! lança-t-il dans l'espoir de la faire sourire, lorsqu'elle lui demanda de changer de sujet.

Il n'avait pas envie qu'elle ressasse son chagrin et s'il manquait peut-être de talent pour la consoler, il pouvait lui changer les idées sans problèmes. Sans hésiter, il se mit debout et tendit la main à Kathrina afin de l'aider à se relever.

- Tu sais quoi ? Il fait trop beau pour juste travailler sagement. Ça te dit de te promener ?

« Oh tu me flattes ! répondit t-elle avec un petit rire, au compliment d’Andrew. Je peux t’aider pour ce que tu veux, mais je ne te garantis rien pour les potions, par contre. »

Cette matière avait toujours été sa faiblesse, elle préférait largement se servir d’une baguette, plutôt que d’ustensiles et de recettes complexes. Elle s’en sortait honorablement, toutefois, mais pas autant qu’en Sortilèges ou en cours de Défense. Il n’empêchait qu’Andrew la surestimait, elle n’était pas la meilleure élève de leur promotion, il y avait des personnes qui se débrouillaient mieux qu’elle, Sasha Benson, pour ne citer qu’elle. Sans compter qu’elle avait moins la tête à ses cours, ces derniers temps, avec tout ce qu’il lui arrivait. Ses notes en avaient pâti, un peu, mais aucun de ses professeurs ne lui avaient fait la moindre remarque, sans doute par crainte de manquer de délicatesse. Tous prenaient des pincettes, en ce moment, dès qu’il s’agissait de lui parler, c’était parfois un peu agaçant. Ce n’était pas étonnant que les gens changent d’attitude avec elle, quand elle-même ne parvenait pas à se contrôler… Elle se sentit pitoyable de perdre ses moyens, à la simple question d’Andrew. Elle hocha négativement la tête à sa proposition, estimant qu’elle avait assez rendu visite à Mrs Silvester pour l’année.

« Non ça va aller, ce n’est vraiment rien » assura t-elle, tout en prenant toutefois le mouchoir qu’il lui tendait pour l’appliquer sur sa coupure superficielle.

Kathrina s’en voulait, elle s’était laissée déstabiliser bêtement. Son genou n’était pas ce qui la chagrinait le plus à cet instant, c’était plutôt d’avoir à faire face aux questions d’Andrew. Elle qui n’aimait pas inquiéter ses amis le faisait quand même, malgré sa volonté, à force d’échouer à prétendre que tout allait bien. Andrew n’était pas stupide, c’était inutile d’essayer de mentir. Et puis, elle lui devait bien quelques explications pour supporter ses lamentations. Peut-être que cela lui ferait du bien d’être sincère sur son état, pour une fois.

Alors elle s’expliqua maladroitement à un Andrew silencieux. Kathrina ne s’attendait pas à ce qu’il trouve des mots magiques pour la réconforter, il n’y en avait pas. Ce n’était pas faute d’avoir essayé, Gillian était même particulièrement douée lorsqu’il s’agissait de trouver les mots pour ses amis, mais Kathrina savait que seul le temps pourrait l’aider. La vie continuait, elle devait continuer, se répétait-elle inlassablement. Elle n’était pas aussi fragile que ce qu’elle laissait paraître, elle ne comptait pas se laisser abattre.

Pour la jeune fille aussi, c’était difficile de trouver les mots, quand ses camarades se montraient aussi attentionnés avec elle. Elle accueillit l’étreinte d’Andrew avec reconnaissance, autant qu’avec gêne. Elle n’était pas insensible à leurs tentatives pour la réconforter. Ces derniers temps, elle se répétait souvent qu’elle avait beaucoup de chance d’avoir des amis aussi adorables et présents pour elle. Leur soutien la touchait tant qu’elle ne trouvait pas les mots pour les remercier. Elle tenta de mettre de côté sa retenue qui la rendait mal à l’aise avec les marques d’affection, et serra le garçon dans ses bras à son tour pour lui exprimer sa gratitude.

Il mit fin à leur étreinte en se mettant debout, avec une joyeuse invitation pour aller se promener. Kathrina n’hésita que quelques secondes. Ils avaient encore pas mal de temps pour cet exercice, ils pouvaient se permettre de le reporter. La Poufsouffle n’avait de toute manière plus le cœur de le poursuivre. Elle remit rapidement leurs objets dans son sac, avant de saisir la main tendue de son ami pour se relever.

« Avec plaisir ! » répondit-elle avec sincérité.

Si elle ne profitait pas de moments de plaisir simples comme celui que lui proposait Andrew, elle ne parviendrait jamais à se sortir son frère de l’esprit, et passerait son temps à broyer du noir. Elle savait qu’elle pouvait compter sur le Gryffondor pour lui redonner le sourire, il l’avait déjà fait, plusieurs fois.

Assez vite, tandis qu’ils marchaient, un sujet de discussion qu’elle connaissait pour être l’un des sujets de prédilection d’Andrew lui vint en tête. Ce n’était pas très compliqué, c’était un sujet qui était sur toutes les bouches de ses camarades de maison, ces derniers jours. Elle s’enquit donc, un sourire curieux aux lèvres :

« Alors, quels sont tes pronostics pour le prochain match de la Coupe ? Moi je n’y connais pas grand-chose, mais Gillian affirme qu’ils vont écraser les Serpentard, je veux bien la croire, plaisanta t-elle. Tu supporteras Poufsouffle, j’espère ! »

C’était le dernier match de l’année, programmé dans six jours, pas étonnant que ça soit l’effervescence dans leur salle commune. Celle des Gryffondor devaient être moins joyeuse, même si Kathrina supposait qu’ils avaient eu le temps de digérer leur dernière défaite… Ils pouvaient compter sur eux pour faire du bruit pour les blaireaux, en général, leurs camarades rouge et or étaient toujours au rendez-vous.