Le duo d'or un peu rouillé [Clara & James]

7 avril 2008

Les cours n’avaient repris que depuis hier, et James aspirait déjà passer un jour entier à dormir. Pourtant ces vacances n’avaient pas été des plus fatigantes – loin de là ! Il était retourné chez lui, chez les moldus, et avait passé deux semaines à traîner dehors avec ses amis, profitant des premiers rayons de soleil. Il avait été employé comme babysitteur également pour garder sa nièce qui avait désormais un an et qui était aussi adorable qu’épuisante – d’ailleurs, il aimerait bien qu’on lui explique comment une aussi petite chose pouvait avoir autant de voix ; ce n’était physiquement pas possible. Il avait retrouvé le temps de quinze jours son environnement familier, et était reparti un peu à contrecœur à Poudlard.  Pas qu’il n’aimait pas son école, non ! Mais il avait l’impression que parfois, les choses étaient bien plus simples chez les moldus. Ashley était maussade depuis sa rupture avec Sean, et James était bien désolé de voir son ami ainsi, se retrouvant impuissant face à sa tristesse. Amely passait son temps libre à la bibliothèque, et il devait pratiquement la tirer dehors pour qu’elle voit la lumière du jour. Sa relation avec Kessy – même s’il continuait d’apprécier la jeune fille – ne lui faisait pas le même effet qu’avant, et il devait avouer qu’il était triste que ses conversations avec Clara soient de plus en plus irrégulières et impersonnelles. C’était en majeur partie de sa faute, mais il ne parvenait pas à agir normalement face à la jeune fille, tiraillé entre l’envie de s’excuser pour avoir été un tel goujat (même inconsciemment) et celle de continuer à ne rien dire, de peur de donner une raison à Clara de s’énerver contre lui. En plus de ça, il avait eu un D en sortilèges suite à une interrogation surprise du Professeur Harris. Définitivement, sa vie craignait un peu en ce moment. Il n’y avait que Grady, en fait, qui filait le parfait amour avec sa Nora.

Et cela donnait envie à James de monter dans son dortoir et de s’affaler sur son lit. Ou de faire un truc absolument pas constructif. En fait, il voulait  bien tout faire, tant que cela ne comprenait pas les mots « devoirs de potions/métamorphose/sortilèges. » James jeta un coup d’œil en direction de la bibliothèque, se demandant si Amy s’y trouvait. Peut-être pas maintenant… La tour des Poufsouffle étant trop éloignée de l’endroit où il était, il préféra se diriger d’un pas tranquille vers le parc. Un tour dehors ne lui ferait sans doute pas de mal après tout ! Et puis, il était quasiment certain d’y retrouver un de ses amis de son année. Depuis que le soleil était revenu – timide, mais bien là – les élèves de Poudlard avaient déserté leurs salles communes pour envahir le parc, profitant de ces quelques moments ensoleillés avant que la pluie ne revienne.

L’air était toutefois encore frais, mais vivifiant, et James descendit les marches en pierre jusqu’au parc, cherchant du regard un visage familier. Son copain Daniel, un peu plus loin, nota-t-il en se dirigeant vers lui, avant qu’une chevelure blonde qu’il connaissait bien attire son attention. Daniel d’un côté, Clara de l’autre. Prenant son courage de Poufsouffle bienheureux à deux mains, James dévia finalement sa trajectoire et se retrouva à marcher derrière la jeune fille. Ils étaient meilleurs amis, à la base, et leur relation lui manquait réellement. Personne ne pouvait remplacer Clara, il en était conscient. Allez… Il n’était pas trop tard pour changer les choses, si ?

« Clara ! Hé, Clara, attend ! » s’exclama le jeune homme en accélérant le pas pour la rattraper. « Salut ! » lui lança-t-il avec un sourire sincère, en s’arrêtant à sa hauteur. « Je ne te dérange pas ? Tu vas bien ? T’as passé de bonnes vacances ? » l’interrogea-t-il en fourrant ses mains dans ses poches.

Clara était assise au bord du lac, songeuse. Ces vacances de Pâques avaient été particulièrement mouvementées. Outre sa rupture avec Victor, qui l'avait intensément soulagée et avait rendu leur séjour à Milan encore meilleur qu'il n'aurait pu l'être, elle avait appris une nouvelle déconcertante à son retour. Un nouveau séisme chez les Guipure, qu'elle ne pourrait cacher longtemps à personne, puisque sa mère avait subitement disparu de la boutique. Elisabeth et Erik divorçaient. Lorsque son père, ému, lui avait annoncé la nouvelle, Clara avait eu du mal à le croire. Il avait fallu de longues conversations avec Elijah, Stefan et Phil pour la convaincre que leur mère partait - à Bristol, probablement - mise à la porte par leur père et leur grand-mère.

Clara frisonna au souvenir de l'entrevue avec Elisabeth - elle n'arrivait plus à penser à elle comme sa mère, et repoussa ce souvenir loin au fond de son cerveau. Les changements qui s'annonçaient la soulageaient autant qu'ils l'effrayaient. Stefan avait annoncé à Sheba Twilfit qu'il quittait T&T pour retourner à l'enseigne familiale - apparemment la gérante n'en avait pas été surprise et lui avait même souhaité bonne chance. Clara était touchée que sa famille se manifeste autant pour elle, surtout son père qui n'avait jamais rien fait pour s'occuper de ses enfants. Que sa grand-mère lui pardonne son comportement, la libère de son obligation... C'était presque trop beau pour être vrai.

Et bien qu'elle soit encore incertaine sur toute cette histoire, une pensée la tourmentait: elle allait être obligée d'expliquer rapidement à ses amis le fin mot de l'histoire. James savait tout ce qu'il s'était passé cet été, bien sûr. Pour les autres, elle avait prétendu qu'elle avait passé seulement quelques jours chez Elijah, et feint une joie innocente à l'idée d'être choyée par son aîné entre deux longs repas familiaux. Mais elle ne pourrait pas leur cacher plus longtemps la vérité lorsque celle-ci apparaîtrait sur les pages de sorcière hebdo. Et s'il y avait une chose qu'elle ne voulait pas, c'était qu'ils l'apprennent ainsi. Elle réfléchissait donc à une manière de leur annoncer la nouvelle sans contredire les faits précédents lorsque James l'aborda.

"Salut James!" dit-elle avait son plus parfait sourire de façade.

Depuis qu'il sortait avec Kessy, elle l'évitait au maximum. Un rapide coup d'oeil la rassura cependant sur l'absence de la poulette caquetante dans les parages. Clara était surprise qu'il vienne lui parler, tant ils s'étaient éloignés au cour des derniers mois. Il lui manquait, cependant, et un peu de compagnie la tirerait de ses pensées moroses.

"Non, assied-toi." Elle lui désigna l'herbe à côté d'elle. "J'ai passé de très bonnes vacances, Milan, c'était génial!"

Au moins, son enthousiasme n'était pas feint. Elle ne dit rien au sujet de Victor et elle. Qu'il soit incertain, si tant est que ça l'intéressait, ce serait bien fait pour lui et son ingratitude.

"Et toi?"

James connaissait Clara depuis longtemps. Il connaissait ses expressions, ses différents sourires, le ton qu’elle prenait lorsqu’elle était fâchée, triste, ou heureuse. Il avait perçu les mensonges de la jeune fille l’année dernière, et avait tenu depuis à ce qu’elle soit honnête avec lui. Pourtant, ne lui mentait-il pas à son tour, en se gardant bien de lui avouer qu’il avait tout simplement oublié le baiser qu’ils avaient échangé à la soirée de fin d’année ? Sûrement, songea James, en sentait la culpabilité poindre en lui. Ah Merlin, si seulement il s’en était souvenu, de ce moment ! Alors, tout aurait différent. Mais ce n’était pas comme s’il pouvait retourner en arrière, malheureusement. Non, il devait simplement continuer d’avancer – et cela commençait par se réconcilier avec sa meilleure amie.

James prit donc place à ses côtés, l’observant à la dérobée. Ils s’étaient éloignés, ces derniers mois – beaucoup éloignés. C’était étonnant, eux qui étaient si proches, si complices depuis des années ! Leur relation était donc condamnée à être ainsi ? Une conversation un peu maladroite, des gestes peu assurés, des silences gênants ? Non, James se le refusait. Avec Amely, Clara avait toujours été une personne en qui il avait parfaitement confiance, et avec qui il pouvait parler de n’importe quoi, sans tabou. Et ce n’était pas maintenant que ça allait changer, n’est-ce pas ? Ce serait bien trop dommage…

Aussi, le jeune homme l’écouta parler de ses vacances, un léger sourire aux lèvres. Amy lui avait dit que Clara partait à Milan avec Victor, pour assister à un défilé de mode – ou quelque chose dans le genre. Tant mieux si cela s’était bien passé, pensa-t-il, témoin de l’enthousiasme de la jeune fille. Et puis, elle avait pu comme ça s’éloigner un peu de sa famille – elle lui avait raconté, en début d’année, que sa relation avec sa mère était très tendue.

« Tant mieux si ça t’a plu ! » lança-t-il avec un sourire. « C’est sympa comme ville, Milan ? On m’a toujours dit que c’était une ville magnifique. »

Un beau lieu pour passer des vacances en amoureux, songea-t-il avec une légère pointe d’amertume, qui se dissipa bien rapidement.

« Mes vacances se sont bien passées, oui ! J’ai pas fait grand-chose, à vrai dire, je suis rentré chez mes parents ! Du coup, j’ai revu ma sœur, son mari et ma nièce. Ils sont mignons, on dirait une petite famille parfaite. » ricana-t-il en repensant à la réunion de famille à laquelle ils s’étaient tous rendus. « Et puis, mes parents me mettent un peu la pression pour que je trouve mon orientation pour après Poudlard… Rien de bien nouveau ! »

Et il fallait d’ailleurs qu’il la trouve, cette fichue orientation. La vérité était qu’il n’avait absolument aucune idée de ce qu’il voulait faire plus tard – il était dans le flou le plus total. Et, évidemment, cela ne plaisait pas à ses parents qui le poussaient à entreprendre des études pas réellement en raccord avec ce qu’il lui plaisait. Son père – ancien militaire – le voyait bien dans « l’équivalent de la police moldue » les Aurors, donc. Quelle douce blague. James sortit de ses pensées en secouant doucement la tête, et reporta son attention sur Clara, l’observant longuement.

« Ecoute, Clara… » commença-t-il, sans vraiment savoir ce qu’il allait dire par la suite.

Il hésita quelques secondes, puis se lança.

« Je suis désolé, pour cette année. J’ai agi… J’ai mal agi envers toi. Je n’aurais jamais dû faire ça, je suis vraiment désolé. Ça fait longtemps que je veux te dire ça, mais on s’est éloignés et… »

Il s’interrompit – il était toujours mal à l’aise avec les grands discours. A vrai dire, il ne savait jamais comment s’y prendre.

« Tu me manques, Clara. » lança-t-il finalement, en posant sur la jeune fille un regard sincère.

"Oh oui, c'est très beau! Tu verrais la cathédrale, une pure merveille!"

Ah, les badinages. La joie de pouvoir avoir une conversation simple, non truffée de pièges, sans bombe à éviter, sans mots à ne pas prononcer. Clara était habituée à cela et n'avait même pas besoin de réfléchir pour répondre. James lui raconta à son tour ses vacances, qui restaient très traditionnelles. La famille, la morale sur les cours… le quotidien d'une famille normale. En d'autres termes, pas de la sienne. Elle songea qu'elle aussi allait devoir trouver une orientation, désormais, et son ventre se serra d'angoisse. Pourtant, comme d'habitude, elle fit comme s'il ne s'agissait que d'un détail.

"On a encore le temps, on n'a même pas passé nos BUSEs, encore. Certains choisissent deux semaines avant les ASPICs, alors ne te tracasse pas, va."

Il y eu ensuite un silence que Clara ne s'empressa pas de briser. Elle savait l'art de paraître détachée alors qu'elle aurait aimé se dandiner de gêne. Elle voulait se réconcilier avec James, vraiment. Mais il y avait ce fameux baiser, son couple avec Kessy, sa propre histoire avec Victor, leur éloignement plein de non dits… Et sa rupture avec Victor, qui avait fait sortir le venin de la plaie, ne lui donnait pourtant pas envie de faire de même avec James. Sa confiance en lui était émoussée.

Finalement, ce fut James qui pris la parole. Pour s'excuser. Un fol espoir naquit en Clara, qu'elle réprima aussitôt. Les excuses étaient sybillines, elle ne savait pas trop pourquoi il disait cela. Pour le baiser? Pour Kessy? Son orgueil lui interdisait de demander. James lui manquait aussi, certes. Mais seraient-ils à nouveau capables d'être proches dans la configuration actuelle? Elle en doutait. Aussi chassa-t-elle ses excuses de la main.

"T'excuser pour quoi, tu n'as rien fait! Ca arrive, de s'éloigner. On a eu une année chargée tous les deux: les BUSEs, nos couples respectifs… Ca ira mieux l'année prochaine."

Elle ne lui répondit pas qu'il lui manquait aussi. Parfois, elle pouvait être un peu rancunière.

James avait été ami avec Clara dès la première année de cette dernière. Il l’avait rencontré en même temps qu’il avait rencontré Amely, et le trio ne s’était pas quitté depuis. Aussi, le Poufsouffle considérait qu’il connaissait relativement bien ses deux amies – très bien même. Il avait appris à décrypter leurs expressions, et notamment celle de Clara – on lisait Amely comme un livre ouvert. Oh, évidemment, il n’était pas non plus un expert en la matière – loin de là. Mais alors que Clara parlait, il avait l’impression qu’elle n’était pas tout à fait honnête. Et c’était une impression plutôt désagréable puisqu’il venait de s’excuser platement auprès d’elle.

Certes, James avait beaucoup de torts dans cette histoire – en réalité, il avait tous les torts. C’était lui qui avait embrassé Clara, lui qui avait oublié ce baiser, lui qui était sorti avec Kessy, et lui qui n’avait pas eu le courage d’aller voir sa meilleure amie pour se confesser. Mais il fallait dire que ce n’était pas exactement le genre de choses que l’on disait au détour d’une conversation banale. Et puis, il devait bien l’avouer, il avait toujours un peu peur de la réaction de Clara. Mais il lui dirait un jour, c’était certain !

Il hocha doucement la tête à la suite des paroles de son amie et haussa les épaules, un peu blessé par sa réaction. Tant pis, songea-t-il, au moins, il s’était excusé. Et, en soit, elle avait accepté ses excuses ! Même si, évidemment, ce serait plus compliqué que ça. Décidemment, les filles n’étaient jamais simples. James l’avait bien dit à Grady : ils auraient mieux fait de sortir ensemble !

« Tu as sans doute raison. » répondit-il d’une voix monotone en baissant les yeux.

Il se trouva quelque peu stupide, mais était assez blessé dans son ego. Il préféra embrayer sur un autre sujet.

« Bon alors, comment ça va toi ? Prête pour l’année prochaine ? Ca se passe bien avec Victor ? » l’interrogea-t-il.

James n’avait pas été très surpris en apprenant que Clara sortait avec Victor. Après tout, n’était-ce pas avec lui qu’elle lui avait fait croire qu’elle était en couple, l’année précédente ? Son vœux s’était tout simplement exaucé !

Clara était habituée à décerner les pensées de son entourage, et James était un Poufsouffle plus transparent que la moyenne. Elle repéra tout de suite la déception dans son ton, et se sentit à la fois coupable et satisfaite. Il fallait bien qu'il paye le prix de son comportement inexusable. L'embrasser puir sortir avec Kessy Brooks faisait partie des pires vexations qu'elle avait eu à subir depuis son entrée à l'école. Elle avait hésité à le confronter, mais elle n'était pas une courageuse Gryffondor. Elle n'était pas prête à admettre qu'il l'avait blessé, pas prête à donner une arme à quelqu'un qui avait si honteusement trahi une confiance qu'elle avait eu beaucoup de mal à donner.

Mais elle était coupable, aussi. Coupable d'être rancunière alors qu'elle était sortie avec Victor, coupable de maintenir une distance si volontaire entre eux alors qu'il était sans doute celui qui pourrait le mieux la soutenir dans les mois à venir. Emma et Amely n'étaient pas vraiment au courant pour sa famille et auraient sans doute du mal à appréhender la situation. Mais Clara n'était pas certaine de vouloir de James. Elle était amoureuse, hélas. Elle ressentait pour lui une multitude de sentiments contradictoires qu'elle n'arrivait pas à trier. Il était plus prudent de conserver une distance sous jacente le temps qu'elle décide de la conduite à adopter.

"Oh, on n'est plus ensemble!" dit-elle d'un ton badin, comme si l'information n'avait aucune importance. "Mais on reste en très bons termes."

Elle n'en dirait pas plus. James n'avait pas besoin de savoir pourquoi, et qu'il se triture donc les méninges pour savoir comment des exs pouvaient préférer être amis, voilà. Clara enchaîna rapidement pour éviter les questions délicates. Et l'explication suivante était tellement énorme que James y prêterait forcément attention… s'il était un bon ami.

"Mais… en fait, il y a autre chose que je voulais te dire. Mes parents divorcent."

« Oh, je suis désolé… » fit James lorsque Clara lui annonça qu’elle s’était séparée de Victor. L’information qui suivit après lui rendit le sourire. « Ah tant mieux alors ! » s’exclama-t-il. « C’est bien ça, de rester en bons termes. Et puis, Victor est un chouette gars. »

C’était dommage qu’ils se soient séparés, songea le Poufsouffle en observant la jeune fille. Il appréciait Victor, c’était quelqu’un de réellement gentil. Evidemment, il fallait passer la première impression, mais les quelques fois où James avait parlé avec lui, il avait trouvé que c’était quelqu’un de bien plus intelligent qu’il ne le laissait parfois paraître. Enfin, si tout allait bien quand même, tant mieux ! Il s’était peut-être éloigné de Clara cette année mais, évidemment, il ne souhaitait que son bonheur.

Ce fut l’annonce de son amie qui le tira de ses pensées, et il posa sur elle un nouveau regard désolé. Il posa sa main sur son avant bras, inquiet.

« Oh, je suis navré de l’apprendre Clara… Ça s’est passé pendant les vacances ? »

Le jeune homme était au courant des tensions qu’il y avait déjà entre la mère de Clara et sa fille, mais n’avait jamais compris la situation entre ses deux parents. Il avait déjà rencontré la mère de son amie une fois et l’avait trouvé gentille, bien qu’un peu sévère. Mais Clara ne parlait quasiment pas de son père, si bien que James avait presque fini par omettre son existence.

« Il s’est passé… quelque chose ? » demanda James, sans détourner le regard.

L’annonce d’un divorce ne devait jamais être une chose facile pour les enfants, il en était bien conscient. Si ses propres parents en venaient à se séparer, il ne savait absolument pas comment il réagirait  -  mal, sans aucun doute.

« Et comment tu prends la nouvelle, toi ? Ça va aller ? » s’enquit-il.

Les Guipure étaient une famille nombreuse, et James se doutait bien qu’en cas de situation difficile, Clara pouvait compter sur ses frères. Mais toutefois il tenait à lui faire comprendre qu’elle pouvait compter sur lui si elle en avait besoin : après tout, ne restait-elle pas sa meilleure amie ? Après des années d’amitié, ce n’était pas un petit éloignement qui allait venir briser tout ça !

Clara s'était préparée aux paroles compatissantes de James sur sa rupture et encaissa sans rien dire, avec un sourire de remerciement. Elle savait qu'il essayait d'être gentil, mais avait plutôt l'impression de se retrouver face à un mur d'indifférence qui la blessait plus que ne la réconfortait. Le changement de sujet était donc plus que le bienvenu. Ce n'était pas encore quelque chose de très joyeux, mais Clara était plus à l'aise avec le divorce de ses parents qu'avec ses histoires de coeur.

"Je ne sais pas" avoua-t-elle pourtant d'une voix tremblante, sans rompre le contact entre James et elle. Parce que c'était quelque chose qu'elle appréciait, quelque soit son ressentiment à l'encontre du Poufsouffle. Il était son ami, il aurait pu être plus, il s'était comporté comme un goujat, mais son coeur s'affolait encore malgré tout. "Je crois que c'est à cause de... moi."

Clara le pensait effectivement. Elle n'avait pas osé demander directement à Erik, mais les discussions avec le reste de sa famille avaient forgé son opinion sur le sujet. Avoir un avis sur la situation était difficile. Elle se sentait coupable d'être la cause du divorce de ses parents, de la destruction de sa famille et de la mise en danger de l'entreprise familiale. Phil avait encore besoin d'une mère, même aussi absente que la leur. Mais d'un autre côté, le départ de sa mère la soulageait immensément. Les manfiestations de soutien des autres Guipure étaient supérieures à tout ce qu'elle avait jamais osé imaginer. Elle se sentait enfin choyée et aimée, et n'aurait renoncé à ça pour rien au monde. C'était donc un étrange mélange de sentiments positifs et négatifs qui l'habitaient. Elle n'arrivait pas à faire le tri, alternant entre des périodes de félicité et d'angoisse.

"Ca va me faire du bien, je crois. Elle va partir habiter à Bristol et comme on ne s'entendait plus... Mais Emma et Amely vont trouver ça bizarre."

"Mais non, Clara..." commença James en passant un bras autour des épaules de la jeune fille. "Ce n'est pas à cause de toi que tes parents divorcent." lui assura-t-il. "Et si tu peux être sûre de quelque chose, c'est bien de ça. Si tes parents divorcent, c'est que quelque chose n'allaient pas entre eux, mais seulement entre eux deux. Tu n'as rien à voir avec ça." affirma le jeune homme.

Ses parents à lui étaient toujours ensemble, après plusieurs années de mariage. Les choses n'avaient pas toujours été facile, et les deux adultes le reconnaissaient. La carrière de militaire de M. Carter, notamment, et ses nombreux déplacement à l'étranger avaient fini par lasser Mrs. Carter, qui avait finalement émis le désir de s'installer définitivement quelque part, dans un endroit où ils resteraient plusieurs années. La requête avait été difficile à accepter pour son mari, qui se plaisait à changer d'endroit régulièrement. Mais, quelques années après la naissance de James, la petite famille était revenue en Angleterre, et s'était établie durablement dans une jolie maison en banlieue londonienne. Si les choses s'étaient un peu apaisées depuis, les caractères forts des deux parents de James finissaient toujours par s'affronter. En tout cas, James était sûr de quelque chose : si les enfants pouvaient être la cause du divorce des parents, les siens auraient divorcé depuis longtemps (et plutôt deux fois qu'une !)

"Oui, au moins, tu n'auras plus à redouter les moments où tu rentreras chez toi !" confirma James, lorsque Clara avoua que cela lui ferait du bien. "Mais non, pourquoi elles trouveraient ça bizarre ?" s'étonna-t-il. "Elles te soutiendront, ce sont tes amies ! Et moi aussi, je serais là." promit-il. Il se releva, et tendit à la main à Clara pour l'aider à faire de même. "Allez, viens, on va chercher les filles, justement ! Je devais absolument parler à Emma du dernier livre qu'elle a voulu me faire lire !" s'exclama-t-il.

Parfois, il était bien simple de faire comme si tout allait bien - parce que tout allait vraiment, bien, n'est-ce pas ?