Les dévergondées [Séphy & Roxanne]

19 février 2008 - Couloirs

Roxanne marchait dans les couloirs de Poudlard, sans vraiment faire attention à l'endroit où elle allait. Elle revenait de la bibliothèque - où elle avait passé plusieurs heures à travailler avec acharnement - et elle n'avait absolument aucune envie de retourner dans son dortoir pour entendre Kelly affirmer à quel point Eliott Warlock - le remplaçant du professeur Mason - était absolument craquant. Non, définitivement, ses nerfs ne supporteraient pas. Aussi, elle errait dans le château, afin de retarder l'échéance.

Il fallait dire que Roxanne était relativement fatiguée, ces temps-ci. La septième année ne lui permettait pas de se reposer sur ses capacités, et elle devait fournir une quantité importante de travail pour rester au niveau. Oh, elle ne s'en plaignait pas souvent : elle aimait être la meilleure, et elle adorait voir que ses efforts payaient. Mais elle se sentait presque lassée, ce soir. Tout irait sûrement mieux demain, se raisonna-t-elle en tournant à l'angle d'un couloir. Elle eut alors la surprise de tomber sur Perséphone Harrington, et elle s'approcha d'elle pour la saluer.

"Bonsoir Séphy !" lança-t-elle avec un sourire sincère. "Comment vas-tu ?"

Perséphone salua le préfet de Gryffondor d'un signe de la tête avant de jeter un dernier coup d’œil sévère aux deux Gryffondor de septième année qu'elle avait attrapé dans les escaliers de la Tour d'Astronomie en train d'ouvrir deux bouteilles de Whisky moldu, sûrement ramené des dernières vacances. C'était son tour de ronde ce soir et elle avait pris le parti de se détacher de son binôme et de son bavardage incessant.

Cela faisait quelques mois désormais que Séphy avait appris pour Justin et la pilule était toujours amère à avaler. Elle avait vaguement daigné répondre à ses lettres, par politesse plus qu'autre chose, mais quelque chose était irrémédiablement brisé et son moral était au plus bas depuis Novembre, rien ne semblait y faire. Rien ne la rendait heureuse ou juste contente, elle passait son temps à broyer du noir et à déprimer dans un coin et elle avait fini par comprendre que ce qui s'était passé avec Justin n'était qu'une excuse pour quelque chose de plus profond même si elle n'arrivait pas à savoir quoi : Séphy était plus faible que ce qu'il n'y paraissait derrière son assurance.

Elle s'apprêtait à rentrer à son dortoir - les deux buveurs allaient être présentés à leur directrice de maison par leur préfet - quand elle fit face à Roxanne au détour d'un couloir.

- Bonsoir Roxanne, lança-t-elle aimablement. Je... Infime cillement. Je vais bien. Je reviens d'une ronde. Et toi ? s'enquit-elle avec un sourire un peu forcé.

Pas qu'elle ne fut pas sincère mais elle avait un peu perdu l'habitude, ces derniers temps.

Roxanne fronça les sourcils devant la réponse de Perséphone, peu convaincue. Il n'était pas bien difficile de voir que la jeune fille n'était pas dans son assiette, depuis quelques temps. Derrière son assurance, la Serpentard croyait voir une certaine fragilité, qu'elle ne lui connaissait pas alors. Mais il était un peu présomptueux de dire que Séphy et elle étaient amies. Elles se côtoyaient, se parlaient, mais ne se confiaient pas l'une à l'autre. A vrai dire, Roxanne ne se confiait qu'à très peu de monde. Elle intériorisait beaucoup, et préférait adopter un sourire de façade, pour s'adapter à toutes les situations, pour rester humble, quoiqu'il arrive. C'était pour ça qu'elle n'aimait pas boire, songea-t-elle en avisant les bouteilles d'alcool que Perséphone avait probablement confisquées. Elle n'aimait pas perdre ses moyens, sa maîtrise.

"Je vais bien, aussi." répondit-elle. Un demi-mensonge. "Oui, je vois ça !" lança-t-elle en désignant les deux bouteilles du menton. "Le respect du règlement se perd." constata-t-elle en pinçant les lèvres. "Des Gryffondor, j'imagine ?"

Ce n'était pas qu'elle avait des préjugés - du tout. Mais Les Gryffondor ne faisaient pas particulièrement preuve de discrétion, dans ce genre de situation.

- Le respect du règlement n'est clairement pas l'objectif des jeunes génération, déclara Perséphone d'un ton un peu plus assuré, celui qu'elle utilisait en tant que préfète et pour assoir son autorité. Oui, des garçons de ton année.

Elle n'allait évidemment pas citer leur nom - un peu d'éthique tout de même - mais Roxanne trouverait sûrement facilement qui était du genre à faire cela dans son année. Et puis, ce n'était pas comme si les coupables ne l'assumaient pas : ils avaient été déçus de se faire prendre mais assumaient complètement leur geste ce que Séphy désapprouvait avec force.

- Je ne comprends pas l'intérêt qu'ils peuvent trouver dans cela, ajouta-t-elle en levant les yeux au ciel, bougeant légèrement la main pour désigner les bouteilles. Il faut dire que je n'ai jamais essayé non plus, je n'ai jamais été ivre, cela doit être absolument désagréable.

Selon les dires de certaines personnes, cela avait le mérite de faire oublier les malheurs mais Perséphone - même si elle n'aurait rien dit contre un peu d'oubli - n'arrivait pas à imaginer la sensation.

"Ils trouvent de l'intérêt dans absolument tout ce qui est formellement interdit par le règlement." avança-t-elle, les sourcils froncés.

Visiblement, faire quelque chose de répréhensible était ce qu'il y avait de plus amusant à faire au château. Roxanne ne comprenait pas vraiment cette logique. Quel plaisir pouvait-on trouver dans le fait de faire perdre des points à sa maison et de se mettre dans un état déplorable ?

"Je pense que ce n'est même pas le fait de boire pour boire qui les intéresse - tant mieux, en soit - mais celui de boire pour faire quelque chose d'interdit. Pour transgresser les règles, pour s'opposer à l'autorité, quelque chose dans ce genre."

Elle haussa les épaules avec un léger sourire en coin, en avisant les bouteilles que Perséphone tenait dans sa main du coin de l'oeil.

"Je n'ai jamais été ivre non plus, je n'arrive pas à croire qu'on puisse tirer un certain plaisir de ne plus être maître des ses actes." pourtant, cela devait être reposant, parfois. "Et je crois à vrai dire que je n'ai jamais fait quoique ce soit que le règlement interdise de faire."

- C'est pour l'adrénaline, sûrement, répondit Perséphone en soulevant légèrement les bouteilles qu'elle tenait entre ses doigts. Tu sais, lâcher prise. On dit que l'alcool fait oublier les soucis et te sentir plus léger, c'est sûrement ça qu'ils doivent rechercher.

Quand Roxanne lui confie qu'elle n'a jamais transgressé les règles de l'école, Séphy réfléchit. Elle-même a toujours été une élève modèle, depuis sa plus tendre enfance, mais a-t-elle vraiment fait tout ce qu'on attendait d'elle toute sa vie ? Et elle a beau fouiller sa mémoire, elle ne trouve rien. Aucune réprimande de professeur, aucune retenue, aucune remarque. Que des félicitations pour l'élève parfaite qu'elle a toujours été. A croire qu'elle n'a jamais vraiment été animée, rien fait qui sorte un tant soit peu de la morne perfection qu'elle s'est imposée durant des années. Et c'est triste, réalisa-t-elle soudain. C'est malheureux, c'est même profondément déprimant de réaliser qu'elle n'a jamais fait quelque chose qui ne soit pas dicté par les autres.

- Je n'ai jamais rien fait d'interdit non plus. En fait, je crois que je n'ai jamais vraiment rien fait dans ma vie à part travailler et obéir au règlement. Et penser à Justin. Mais elle chasse vite cette pensée de son esprit. Ça aussi, elle voudrait l'oublier. C'est... c'est juste à la fois triste et ridicule.

Triste et ridicule... Pendant un instant, Roxanne réfléchit à ces deux mots, que Perséphone vient de prononcer. Elle a toujours fait ce qu'on attendait d'elle, toute sa vie. Elle a appris scrupuleusement l'étiquette, elle s'est appliquée à respecter à la lettre le règlement de Poudlard. Elle avait dix-huit ans, aujourd'hui, et se rendait enfin compte qu'elle n'avait pas vécu. Elle avait travaillé, oui, elle avait obtenu d'excellentes notes. Elle était une des élèves préférée des professeurs, une Serpentard sans la moindre tache à son dossier, une élève méritante, une fille modèle. Elle n'avait rien fait, rien expérimenté, rien tenté. Cette vérité lui fut crachée en pleine figure, alors qu'elle prenait réellement conscience du côté absurde de sa vie d'adolescente, de jeune femme.

"Triste et ridicule, oui." répéta-t-elle lentement, en croisant les bras sur son ventre.

Elle esquissa un sourire amer, en observant les deux bouteilles que Perséphone tient toujours dans ses mains.

"J'en aurais des choses à oublier." lâcha-t-elle en vrillant son regard dans celui de la préfète, pour voir si elle suit ses pensées. C'est risqué. Tant pis. Roxanne Prewett ne prend jamais de risques, d'ordinaire ; il faut bien commencer un jour.

Lorsque Perséphone relève les yeux et croise le regard de Roxanne, elle a l'impression de partager le même ressenti que sa camarade. Après tout, elles sont très semblables, elles s'en sont rendues compte en bavardant cet été lorsqu'elles se sont croisées à la parfumerie magique. Cette époque lui semble si loin alors que ce n'est que l'été dernier ! Mais elle ne savait pas encore pour le mariage de Justin et tout semblait alors si facile.

- J'en ai beaucoup aussi, soupire-t-elle.

Si elle le pouvait, elle se jetterait un sort d'Oubliettes mais elle n'est pas si déraisonnée. Ou peut-être que si, finalement, lorsqu'elle se rend compte de la portée de l'idée qu'elle caresse et qu'elle ne l'abandonne pas pour autant. Elle prend le risque, de toute manière, elle n'a plus vraiment grand chose à perdre et sans savoir pourquoi, elle a confiance en Roxanne. Elles sont un peu les même, après tout.

- On pourrait essayer de voir ce que ça fait, souffle-t-elle en soulevant les bouteilles.

Roxanne hocha doucement la tête à l'entente de la proposition de la préfète. Elles pourraient essayer aussi, oui. Qu'auraient-elles à perdre ? Elles étaient toutes les deux responsables, et jamais personne n'en saurait rien. Elles avaient des choses à oublier, toutes les deux, et étonnement, l'alcool lui semblait être le meilleure moyen d'y parvenir. Et puis, il y avait aussi - surtout - cette sensation de faire enfin quelque chose d'interdit. Cette adrénaline qu'elle ne ressentait jamais, trop habituée à vivre dans son monde confortable où ses désirs devenaient réalité quand elle les exprimait.

"Oui, on pourrait essayer." répéta-t-elle avec un léger sourire.

Tout cela restera entre elles, évidemment. Une simple expérience partagée, entre deux amies.

"Tu connais un endroit pour qu'on essaie sans se faire prendre comme les deux Gryffondor à qui tu as récupéré ça ?" demanda-t-elle enfin, en désignant de la main les bouteilles.

Le cœur de Perséphone manqua un battement lorsqu'elle vit le sourire de Roxanne et qu'elle entendit son accord. Elle avait proposé ça sans vraiment réfléchir, incertaine de la réaction de son amie. Mais tout comme elle, ce soir Roxanne voulait sortir des sentiers battus et l'idée qu'elles allaient réellement faire quelque chose d'interdit lui donnait une montée d'adrénaline comme elle n'en n'avait jamais vraiment eu dans sa vie.

- Je connais un coin qui se verrouille du coté de l'aile est !

L'avantage du poste de préfète était que l'on pouvait se déplacer dans le château la nuit avec l'excellente excuse d'être en pleine ronde et si un professeur passait, elles pourraient bien trouver une excuse pour expliquer la présence de Roxanne. Mais les deux amies ne croisèrent personne et elles arrivèrent dans l'aile est sans dommage. Traversant les couloirs sans hésiter, Séphy entraina Roxanne vers un petit escalier et grimpa les marches jusqu'à mi-hauteur où une sobre tapisserie était suspendue. Elle l'écarta d'une main, révélant ainsi une petite porte en bois qu'elle ouvrit d'un coup de baguette sur la serrure.

Elle avait découvert cette petite pièce en trébuchant dans ce même escalier quelques années auparavant, lorsqu'elle s'était raccrochée à la tapisserie pour ne pas tomber. La pièce était circulaire, aveugle et garnie de quelques coussins un peu poussiéreux. Séphy aurait pu parier que de nombreux couples s'y retrouvaient pour être tranquilles mais elle ne préférait pas penser à cette donnée. Elle métamorphosa son bracelet et sa bague en deux verres de cristal - autant faire les choses bien - et lança un Collaporta sur la porte avant de verser l'alcool dans les verres et d'en tendre un à Roxanne.

- A la tienne ?

Roxanne suivit Perséphone, jetant parfois un coup d'oeil par-dessus son épaule pour vérifier qu'elles étaient bien seules. Elle préférait ne pas se faire surprendre par un professeur, même si elle pouvait toujours trouver une excuse pour expliquer sa présence dans les couloirs. Mais fort heureusement, les deux jeunes filles ne croisèrent personne, et se retrouvèrent rapidement dans une petite salle dissimulée par une tapisserie. Roxanne examina rapidement les lieux, avant de tourner la tête vers Perséphone, qui lui tendait un verre de cristal, remplit.

"A la notre." répondit Roxanne, en faisant tinter délicatement son verre contre celui de son amie.

Elle lui adressa un dernier coup d'oeil, avant de reporter son attention sur le verre qu'elle tenait entre ses mains. Elle pouvait encore tout arrêter, et rentrer bien tranquillement dans son dortoir... Non, décida-t-elle, en levant le verre en cristal d'un geste déterminé pour le porter à ses lèvres. Elle en avala une gorgée, et grimaça un peu lorsque le liquide lui brûla la gorge. Fronçant légèrement les sourcils, elle recommença une nouvelle fois.

"Ce n'est pas une sensation si désagréable que ça." déclara-t-elle, avant de s'asseoir par terre, sur les coussins poussiéreux.

Fixant son verre comme si le liquide qu'il contenait allait bondir et l'attaquer, Perséphone hésitait. C'était son idée à la base et elle ne le regrettait pas, du moins pas vraiment, mais elle avait cette perfide petite voix qui persifflait à son oreille et lui donnait envie de tout abandonner. Allons bon ! se secoua-t-elle en voyant Roxanne sauter le pas. Pour une fois, elle pouvait bien faire quelque chose d'interdit et arrêter de vouloir tout contrôler, non ? Parce que c'était cela qui la bloquait en permanence : l'idée de perdre la main-mise qu'elle avait sur sa vie. C'était pour cela que tout était si bien réglé et planifié, parce que Perséphone ne supportait pas l'idée que les choses lui échappe et l'alcool était fait pour lâcher prise.

Mais c'est ce qu'elle voulait, se morigéna-t-elle. Alors pour une fois dans ta vie, Séphy, aies un peu de courage !

Elle avala la totalité de son verre cul-sec avant de le reposer au sol, un peu étourdie par ce qu'elle venait de faire. Le liquide lui avait brûlé la gorge et elle avait encore le goût de l'alcool sur la langue, mais elle était fière d'elle.

- Ce n'est pas mauvais, ajouta-t-elle en haussant les épaules. Pas foncièrement bon non plus, mais on s'y fait.

Elle se resservit un verre, avalant cette fois-ci une seule gorgée.

- Je crois qu'on est censées poser des questions, dans ce genre de situation. Enfin, ils font ça dans les films. C'est des images moldues qui bougent, expliqua Séphy, devançant tout éventuelle question de la Sang-Pure qu'était Roxanne.

"Non, ça va." approuva Roxanne, en vidant son verre d'une traite, avant de s'en resservir un nouveau.

Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle appréciait ce qu'elle était en train de boire. Mais la sensation de chaleur qui se diffusait doucement en elle et qui était due à l'alcool n'était pas foncièrement désagréable non plus. Elle reprit une gorgée, avant de lever un regard curieux sur Perséphone. Elles étaient censées se poser des questions ? Roxanne n'était déjà pas très encline à suivre les traditions moldues, et encore moins à se confier. Elle n'aimait pas réellement s'ouvrir aux autres, préférant garder ses envies et ses secrets tout au fond d'elle, les enfermant dans son cœur pour qu'ils ne soient jamais étalés aux yeux de tous.

"Des questions ?" répéta-t-elle. "Mais, quel genre de question ?"

Elle n'était pas certaine de bien vouloir imiter le genre de soirée sur Kelly et ses amies organisaient... Toutefois, elle pouvait bien se laisser tenter le temps de quelques minutes, juste pour voir comment cela faisait, de se comporter comme si ses actes et ses paroles n'avaient pas de conséquences.

"Des questions... personnelles ?" demanda-t-elle, n'ayant jamais regardé un seul film moldu de sa vie.

Perséphone n'aurait jamais pu soupçonner que l'alcool se buvait aussi vite : le verre qu'elle venait tout juste de se servir était déjà vide à plus de la moitié. Elle le considéra un instant avant de relever les yeux sur la bouteille. Elle n'allait quand même pas rester avec un verre presque vide alors qu'elle était venue ici justement pour tester l'ivresse, non ? Alors elle avala les quelques gorgées qui lui restaient et se resservit encore une fois. Elle avait chaud et la tête qui tournait un peu mais ce n'était pas désagréable, elle se sentait légère pour la première fois depuis des mois.

- Oui, je suppose, répondit-elle en fronçant les sourcils. J'ai entendu des filles de Poufsouffle qui en parlaient. Bon, la maison n'est pas une référence mais on va dire qu'elles doivent justement s'y connaître !

Elle n'était pas aussi acide, d'habitude. Mais passer des mois à broyer du noir n'aidait pas à être très sympathique envers les éternels optimistes qu'étaient les Poufsouffle.

- Mes parents ne me laissaient jamais regarder ce genre de films, confia-t-elle avec une certaine amertume. Nous n'avions - et n'avons d'ailleurs - pas la télévision, la boite moldue avec les images. Je n'avais le droit qu'à des livres religieux ou très contrôlés par mes parents et donc avec un message religieux.

Elle avait grandi avec la Bible, des livres sur la vie des différents Saints et Les Chroniques de Narnia, une vieille édition qui avait trôné des années sur sa table de nuit.

- Ma famille est très anglicane. Je crois en Dieu aussi mais mes parents, c'est pire. Alors une sorcière maléfique dans la famille... On ne se parle plus vraiment, conclut-elle en haussant les épaules.

Elle ne savait même pas si Roxanne savait ce qu'était une religion mais les mots étaient sortis tout seuls.

Roxanne se taisait, assise sur des coussins poussiéreux, son verre d'alcool à la main. Elle écoutait attentivement les confessions de Perséphone, n'osant l'interrompre. Elle était surprise d'être le témoin de toutes ses confidences, bien que touchée également. Elle parvenait à saisir l'idée générale du discours de son amie, malgré ses lacunes en culture moldue. Depuis que l'étude des moldus avait été rendue obligatoire, Roxanne se forçait à travailler soigneusement dans cette matière, pour ne pas qu'elle fasse tâche sur son bulletin.

"Mes parents placent tout leurs espoirs en moi." lâcha alors Roxanne, sans savoir pourquoi. "Ma soeur est trop... Poufsouffle. Elle déteste la Haute Société, elle déteste bien se comporter en public. Alors c'est sur moi que mes parents comptent. Pour avoir d'excellentes notes, pour trouver un bon mari, pour toujours bien me tenir. Et je crois que je suis fatiguée de tout ça." avoua-t-elle, avant de lever les yeux vers Perséphone.

"Je suis désolée pour ce qu'il se passe avec tes parents. Malheureusement, quand ils croient à quelque chose, ou lorsqu'ils veulent quelque chose, ce n'est pas aisé de les faire changer d'état d'esprit. Tes frères et soeurs sont tous croyants, eux aussi ?"

Perséphone n'était pas particulièrement bavarde d'habitude mais cette soirée était si particulière que finalement, les habitudes ne comptaient plus tant que cela. Et visiblement, elle n'était pas la seule à se laisser aller aux confidences puisque Roxanne était également volubile. Séphy posa sur sa camarade un regard désolé, tandis que la similitude de leurs situations, pourtant assez opposées dans les faits, résonnaient en elle. Elle-même avait été l'enfant sur qui on pouvait compter. Désormais, elle était celle qu'on tenait éloignée le plus possible. Elle haussa les épaules avec peu d'élégance lorsque Roxanne affirma qu'elle était désolée.

- Je m'y suis faite, c'est comme cela depuis des années. Mes frères et sœurs sont également croyants, mais de toute manière, nous ne nous voyons que l'été, nous ne sommes pas proches. Des voisins, un peu.

Une gorgée d'alcool pour faire passer le goût amer dans sa bouche et elle reporta son attention sur Roxanne.

- Je suis également désolée pour ta famille, j'espère que ça passera avec les années, une fois qu'ils seront tranquillisés. Tu feras des choses bien de toute manière, ajouta-t-elle avec un sourire.

- Parfois, soupira Séphy s'en s'allongeant, coinçant un coussin sous sa tête, j'aimerais avoir la vie de Katy Scott. Tu sais, s'amuser, passer son temps avec ses copines, sortir avec des garçons...

Roxanne hocha doucement la tête lorsque Perséphone affirma qu’elle ferait les choses « bien » de toute façon. Oui, mais si elle n’avait pas envie de faire les choses bien ? Si elle voulait vivre comme toutes les jeunes filles de Poudlard ? S’amuser, profiter de sa dernière année ? Sortir tard, faire des rencontres, boire plus que de raison ? Les paroles que Perséphone prononça ensuite résonnèrent en elle. Elle voulait la vie d’une Katy Scott. Elle voulait la vie d’une fille qu’elle avait passé son temps à mépriser. Douce ironie.

« Je pensais la même chose, à vrai dire. J’aimerais faire tout ce dont j’ai envie, sans me préoccuper de ce que mes parents pourraient bien penser de moi. J’aimerais vivre pour moi, parfois. »

Vivre pour elle et non pour les autres. Un sourire s’étira sur ses lèvres, et elle songea à tout ce qu’elle pourrait faire, si c’était vraiment le cas. Sortir avec des garçons, comme le suggérait d’ailleurs Perséphone, qui venait de s’allonger. Roxanne s’appuya sur un coude et se retourna pour l’observer.

« Tu es déjà sortie avec un garçon ? » la questionna-t-elle. L’alcool l’avait visiblement rendue plus bavarde. A cette pensée, elle saisit son verre, qu’elle vida d’une traite

- On aurait dû devenir amies plus tôt ! s'exclama Séphy sans réfléchir mais pourtant avec une douce sincérité.

Les deux filles se ressemblaient beaucoup, dans le fond, et elles auraient sûrement pu commencer à se voir bien plus tôt tout en s'entendant aussi bien tant leurs caractères étaient semblables. Mais il n'était jamais trop tard après tout, elles avaient toute la vie devant elles. Certes, Roxanne quittait Poudlard à la fin de l'année mais rien ne les empêchait d'entretenir une correspondance régulière. Justin et elle l'avaient bien fait pendant des années... Séphy chassa brusquement Justin de son esprit tandis que son cœur se serrait à cette idée et elle descendit son verre cul-sec pour brouiller ses pensées.

- J'ai embrassé Aloysius Selwyn, révéla-t-elle avec un sourire mutin qu'on ne lui connaissait pas. Dans la salle des arts.

A ce souvenir, ses joues blanches se colorèrent tandis qu'elle se rappelait de la sensation des lèvres d'Aloïs contre les siennes.

- Je crois que je l'ai traumatisé, lança-t-elle en riant, débridée par l'alcool.

Roxanne observa Perséphone avec un sourire en coin lorsqu'elle lui avoua avoir embrassé Aloysius. Voilà une chose dont elle ne se serait jamais doutée ! Elle était probablement cousine avec le jeune homme - elle ne savait plus bien, l'alcool lui embrouillait l'esprit - mais elle n'avait jamais pensé qu'il serait du genre à embrasser une fille dans le plus grand secret. Ou à embrasser une fille tout court, d'ailleurs !

"Traumatisé ?" reprit toutefois Roxanne en fronçant les sourcils. "Qu'est-ce que tu veux dire par là ?"

Aloysius avait beau être un garçon discret - un peu timide, peut-être - elle savait bien qu'il ne se laissait pas traumatiser. Sûrement parce qu'il devait être trop habitué à être confronté à des situations traumatisantes lors des réceptions mondaines, songea Roxanne, amusée. Après tout, y avait-il pire que d'écouter Isadora Flint et Helen Harris converser ?

"Comment ça s'est passé, d'ailleurs ? Vous êtes en couple, où...?" demanda Roxanne, avec une curiosité qu'on ne lui connaissait pas. Elle reprit une gorgée de Whisky, de plus en plus habituée au goût.

On disait que l'alcool embrouillait la tête mais Perséphone n'avait pas vraiment cette impression, les pensées continuaient de fourmiller dans sa tête. Elle avait juste l'impression de pouvoir parler de tout, sans problème, de pouvoir tout faire. Une sensation de liberté qui l'étreignait toute entière et lui donnait envie d'embrasser le monde entier rien que pour se sentir libérée de toutes contraintes. Laissant échapper un gloussement digne de Katy Scott lorsque Roxanne la questionna sur Aloysius, Séphy s'installa confortablement sur le ventre, les jambes relevées, visage tourné vers sa camarade de bouteille.

- Et bien... Il n'a pas réagi tout de suite. Je crois qu'il était surpris.

Et c'était peu de le dire : elle s'était surprise elle-même. Elle ne savait pas qu'elle était du genre à essayer d'oublier ses soucis ainsi mais il fallait croire qu'Aloysius avait été là au mauvais moment, gentil et réconfortant.

- C'était avant les vacances de Noël, dans la salle des arts. J'étais assez déprimée et j'ai séché Runes pour être tranquille. Aloysius est venu me rejoindre, on a parlé, il a joué du piano et... Et je sais pas, il était gentil, je me sentais triste alors... Je l'ai embrassé. Mais c'est tout, après... On est pas ensemble, conclut-elle en haussant les épaules. Et toi ? interrogea-t-elle, un peu mutine. Tu as déjà embrassé quelqu'un ?

Roxanne écouta le récit de Perséphone, les sourcils froncés. Elle trouvait le comportement d'Aloysius légèrement vexant envers la jeune femme - et elle espérait bien qu'il ne l'avait pas laissé sans nouvelles après ce baiser dans la salle des arts ! De toute façon, c'était bien connu, les hommes pouvaient s'avérer être vraiment sans cœur, parfois. Les femmes aussi, cependant, songea Roxanne, avec une pensée pour l'une de ses tantes.

"Tu trouveras quelqu'un qui te rendra heureuse, j'en suis sûre ! Et si ce n'est pas Aloysius, ce sera quelqu'un d'autre !" affirma Roxanne, lorsque son amie lui avoua qu'elle n'était pas en couple avec le Serdaigle.

La question qu'elle posa ensuite eut le don de la faire rougir et elle masqua sa gêne en portant son verre à ses lèvres.

"Non, je n'ai jamais embrassé personne." lança-t-elle, un peu mal-à-l'aise. "Tu sais, ça ne m'a jamais vraiment intéressée... Dans la Haute Société, les mariages sont souvent arrangés. Enfin, du moins, fortement suggérés. Ça revient un peu au même." songea la jeune fille à voix haute. "On te présente un garçon de bonne famille, lorsque tu es sortie de Poudlard, et le mariage vient très rapidement après... Donc je n'ai jamais eu de petit-ami, je me suis toujours dis que j'attendrais d'avoir fini mes années à Poudlard..." Roxanne laissa planer un léger silence. "Je pense que je le regrette un peu."

Perséphone haussa les épaules lorsque Roxanne sembla désapprouver le comportement d'Aloysius. Elle ne lui en tenait pas rigueur tout simplement parce qu'il n'était fautif en rien les choses ne s'étaient pas faites, voilà tout. C'était la vie, ils étaient de bons amis et c'était déjà très bien, surtout que Séphy s'était considérablement éloignée des gens à qui elle tenait ces derniers temps. Néanmoins, elle oublia bien vite ces considérations - pour une fois qu'elle était ravie d'avoir le cerveau embrumé et la mémoire courte - lorsque le situation de Roxanne fut évoquée. Elle haussa la tête quand elle mentionna la bonne société - elle-même en était issue même si les sorciers semblaient bien plus radicaux que les moldus, vraiment plus modernes - et, toute empreinte de sa maigre expérience et de plusieurs verres, elle se mit dans la tête de pousser Roxanne dans les bras de la débauche. Enfin, débauche toute relative, nous parlions tout de même de Miss Prewett et Miss Harrington.

-Il faut que tu embrasses quelqu'un alors ! Avant de te marier ! Sinon tu regretteras !

Roxanne éclata de rire lorsque Séphy déclara qu'elle devait forcément embrasser quelqu'un avant le mariage. En soit, elle était d'accord, mais qui ? Les garçons ne recherchaient pas forcément sa compagnie, et elle refusait d'embrasser un type comme Grady McNeil ou Danny Sneals ! Elle valait mieux que cela, tout de même.

"Je suis bien d'accord !" approuva-t-elle en pouffant, avant de se resservir un verre - elle avait toujours l'impression que son verre était vide, c'était incroyable ! "Mais bon, il y a un léger petit problème..."

Elle passa une main dans ses cheveux roux avant de ramener ses pieds sous ses fesses, posant un regard songeur sur Perséphone. Ce n'était pas qu'elle ne voulait pas embrasser un garçon, c'était plutôt que les garçons ne voulaient pas d'elle... Elle ne comprenait pas forcément pourquoi - elle était un peu jolie, quand même !

"Qui est-ce que tu veux que j'embrasse ? Ce n'est pas comme si les garçons se traînaient à mes pieds... Et puis, ceux à qui je parle sont mes cousins !" avoua-t-elle en riant. "Et il est hors de question que j'embrasse Jordan Nimbus de Pompadour." affirma-t-elle en prenait un ton pompeux.

- Parce que tu penses que les garçons se pâment à mes pieds, peut-être ? interrogea Perséphone en riant.

Le seul garçon qui lui avait un tant soit peu tourné autour avait été Mark Cory mais elle n'avait jamais souhaité sortir avec lui. Puis il y avait Aloysius mais c'était plus elle qui l'avait embrassé qu'autre chose et il n'était visiblement pas amoureux d'elle, donc... Perséphone n'avait pas l'impression d'être particulièrement laide, il lui arrivait parfois de se trouver jolie au détour d'un miroir.

- Il faut que tu embrasses un garçon que tu trouves mignon ! Faire comme Katy Scott, lui tourner un peu autour, être jolie... Quelqu'un te plairait ? interrogea-t-elle en s'installant sur ke ventre, un sourire malicieux aux lèvres.

"Mais je n'arriverais pas à être comme Katy Scott ! C'est Katy Scott." lança Roxanne, hilare.

Réflexion parfaitement pertinente, vous y conviendrez. Roxanne, peu habituée à boire, venait de se découvrir une nouvelle amitié avec l'alcool. Finalement, perdre pied, ne plus être maître de tous ses actes, ce n'était pas si déplaisants que ça - au contraire, elle était plutôt séduite par cette expérience !

"Un garçon ?" répéta-t-elle avec d'hausser les épaules. "Non pas vraiment... Faut dire que j'y ai jamais trop réfléchi. Puis, j'ai beaucoup de cousins à Poudlard..." Et elle n'avait pas vraiment envie d'une relation incestueuse. "J'ai l'impression que les garçons à Poudlard sont tous les mêmes. Tous un peu immatures ! Cela dit, il faut reconnaître que le poursuiveur de Serdaigle - le plus grand ! - est plutôt beau..." confessa Roxanne en pouffant telle une K-Girl.

"Et toi ? Il y a quelqu'un d'autre qui te plaît ?" demanda-t-elle.