[Nouvel an NDP] THE (other) girl (Joy & Jordan)

31 décembre 2007 - 21h30 - Cité Nimbus

Le repas allait bientôt être servi, Jordan le savait. Les invités de 21h étaient presque tous arrivés. Dès que les elfes feraient tinter la cloche, tout le monde se déplaceraient dans la salle acajou pour le dernier repas de l'année 2007. Bien que les jeunes soient plusieurs à chaque table, ils n'auraient pas l'occasion de s'éclipser d'ici les douze coups de minuit. Et ensuite, les jeunes se retrouveraient tous dans le salon rouge pour un nouvel an plus tranquille. Malgré cela, Jordan devrait rester avec les autres - et il serait peut-être un peu joyeux. Aussi décida-t-il de capture Joy avant le repas pour lui offrir son cadeau de Noël. Il l'attira discrètement près du grand escalier.

"Je ne t'ai pas offert ton cadeau" dit-il d'un air de conspirateur. "Dès que les Mamies là-bas ont le dos tourné, on monte. Enfin, sauf si tu préfères qu'on reste en bas."

Au cas où quelqu'un les surprenne et traite Joy de fille légère. Comme s'il y avait une honte à ça - et comme si Jordan avait l'intention de la séduire.

Joy se laissa emmener à l'écart, près d'un grand escalier. Elle s'interrogea un instant sur ce qui pouvait nécessiter de se mettre à l'abri des oreilles indiscrètes. Elle n'eut pas à attendre bien longtemps. Son... cadeau ? Un premier sentiment l'assaillit aussitôt : la joie, parce qu'on ne lui faisait jamais de cadeau et que Jordan eût pensé à elle la touchait. Puis un deuxième, la culpabilité, parce qu'elle ne faisait jamais de cadeau et qu'elle n'avait pas pensé à Jordan. Elle se fendit d'un sourire spontané au terme « Mamies » avant de le rassurer :

« Non, ne t'inquiète pas, ça ne me dérange pas de monter. »

Se prenant au jeu, elle jeta un œil narquois derrière elle.

« Je crois qu'on peut y aller. Et, euh... pour le cadeau... il ne fallait pas », balbutia-t-elle, maudissant son trouble et le rouge qui lui montait aux joues.

Dès que Joy lui eu donné le feu vert, Jordan l'entraîna vers l'étage, gravissant les marches quatre à quatre. Arrivé en haut de l'escalier, il s'appuya contre la rampe, essoufflé, et jeta un oeil amusé. Personne en bas ne semblait avoir remarqué leur manège.

"Mission réussie", dit-il d'un air espiègle.

Il guida ensuite Joy vers sa chambre, comme il l'avait fait quelques jours plus tôt avec Samantha. Celle-ci ne lui avait donné aucune nouvelles, ce qui le laissait à la fois perplexe et vexé. Mais ce soir, il ne penserait pas à elle. Peut-être aurait-il eu une pointe de culpabilité dans d'autres circonstances, mais les choses étaient toujours plus simples avec Joy, qui faisait partie de son univers et surtout, n'était qu'une simple amie, ce qui facilitait les choses. Tout en la faisant entrer dans sa chambre, il écarta d'un geste de main sa gêne à propos du cadeau.

"Ca me faisait plaisir, et de toute façon, tu aurais refusé si je te l'avais proposé plutôt que de te l'offrir."

Jordan ouvrit son placard et en tira le balais miniaturisé et rangé dans une boîte d'ébène noire. Il avait hésité avec le Galaxie, plus adapté aux poursuiveurs que le Furtif, mais Joy avait un jeu vif qui correspondait bien avec la ligne du balai.

Pendant que Jordan ouvrait un placard, Joy contempla la chambre d'un regard attentif. Luxueuse assurément, décorée par quelques posters et d'un style dont elle n'était pas forcément très fan, mais bien moins impersonnel que sa propre chambre. Jordan devait sûrement offrir des cadeaux à la plupart de ses connaissances. Les Poufsouffle étaient de nature généreuse, non ? Et puis son argument était valable : s'il le lui avait proposé, elle aurait refusé.

« Ce n'est pas faux », concéda-t-elle.

Il lui tendit alors une boîte noire. Elle la réceptionna et en souleva maladroitement le couvercle. Devant l'objet en question, elle voulut tout de suite remercier Jordan mais une exclamation admirative coupa court à sa reconnaissance.

« Oh, je- quelle petite merveille ! »

Loin d'être pauvre, Joy avait déjà possédé plusieurs bons balais depuis qu'elle pratiquait le Quidditch. Le dernier en date remontait au Noël précédent. Offert par son père en récompense de sa nomination en tant que capitaine, il s'agissait d'un Nimbus très performant dont elle se contentait tout à fait. Mais là, c'était un Furtif, le Furtif. Si léger et si rapide que le manier devait être un délice. Un véritable bijou ! Joy ne méritait pas un tel balai, mais elle était peut-être encore plus gênée par l'attention que par le présent en lui-même.

« Et moi qui n'ait rien pour toi... »

L'expression de Joy suffit à contenter Jordan. Il devait bien s'avouer qu'il avait cherché à l''impressionner en lui offrant un tel présent, autant qu'il avait voulu lui faire plaisir. Alors que Samantha aurait trouvé toute exposition de richesse malvenue, Joy en était simplement touchée, et c'était agréable, reposant, frais. C'était son univers, tout simplement.

« Il faut bien un balai à la hauteur du capitaine » dit-il, un peu philosophe.

Joy, cependant, et cette réaction était tout à fait logique quelque soit la classe à laquelle on appartenait, était gênée de n'avoir rien à lui offrir en retour. Cela ne le surprenait pas, car la jeune fille ne semblait pas être habituée aux marques d'attention. Oh, elle avait bien du en recevoir depuis son capitanat, mais ses admirateurs n'étaient pas ses amis, et Joy était assez solitaire.

« Gagner la coupe sera un cadeau suffisant! »

Ouh, c'était mal de dire ça. Mais Jordan était bien moins attaché à sa maison que certains. Il aimait bien Nora, mais elle avait déjà remporté la coupe l'année dernière, elle n'aurait aucune honte à n'être que seconde cette année. De plus, c'était la dernière chance de Joy de se hisser à la première place, quand la blondinette aurait encore l'année prochaine. Troisième élément, Jordan avait bien plus d'affinités avec l'équipe des Serpentard. Bien sûr, Will jouait pour Poufsouffle, mais les verts avaient Samantha ET Joy. Difficile de résister.

Encore une fois, Joy ne sut que répondre. Elle ne s'habituait pas aux compliments. Elle aurait aimé sortir une réplique intelligente, piquante et spontanée mais sur le moment, rien ne venait. L'idée n'en surgirait que trop tard. Elle se mordit la lèvre, regarda ses pieds. Releva la tête.

« Et bien merci, c'est vraiment adorable de ta part. »

Elle hésitait à croiser son regard. Il devait la trouver bien ennuyeuse, à répondre si simplement. Bien d'autres auraient su comment s'y prendre ; les plus provocateurs auraient répliqué du tac au tac, les plus habiles se seraient enroulés dans un aura de mystère, mais pas... ça. Joy avait presque envie de s'excuser pour sa maladresse.

« Tu ne devrais pas dire ça, objecta-t-elle lorsqu'il prit parti pour son équipe, même si elle n'en pensait pas un mot. Un demi sourire étirait alors ses lèvres. Oui, avec ce balai, nos chances sont sûrement multipliées par dix. »

Même si, elle en était consciente, il aurait bien meilleur usage entre les mains d'un attrapeur. Samantha ferait des prouesses avec ce jouet, si encore elle avait eu les moyens de se l'acheter. Quoique, Joy était sûre que le simple fait de l'essayer lui ferait plaisir – elles partageaient cette même passion pour les balais. À l'occasion, elle lui en ferait la proposition.

Joy était mal à l'aise, ne sachant visiblement pas quoi dire. Jordan trouvait cela adorable, même si la conversation s'en trouvait un peu réduite. Peu importait, il n'avait jamais trop de mal à rebondir. Il haussa les épaules lorsqu'elle lui reprocha à demi-mot de ne pas soutenir sa propre maison.

"Je ne suis pas chauvin" répondit-il. "Dans le championnat national, on supporte l'équipe qu'on préfère n'est-ce pas? Pourquoi pas à l'école?"

Jordan espérait ne pas mettre la pression à Joy en lui offrant quelque chose qui multipliaient leurs chances de victoires, car Poufsouffle était très bien parti pour gagner la coupe une seconde année. L'équipe des jaunes avait d'ailleurs joué deux matchs sur trois. Mais même si Serpentard perdait, Joy conserverait sans doute l'utilité de son balai. D'ailleurs, il était curieux de savoir...

"Tu comptes t'orienter dans le Quidditch, l'année prochaine?"

« La majorité des gens a justement tendance à préférer l'équipe qui porte les couleurs auxquelles elle appartient, mais en effet, pourquoi pas ! »

Joy était consciente que si elle restait fidèle à elle-même, comme elle était la plupart du temps, la conversation allait finir par tourner en rond. Elle voyait bien qu'elle obligeait Jordan à faire l'effort de rebondir. « Désolée, souffla-t-elle intérieurement. Désolée de quoi exactement ? D'être moi ? » Elle se souvenait d'un temps où son grand-père lui disait d'arrêter de demander sans cesse pardon pour tout, habitude qu'elle avait prise à cause de sa maladresse croissante et de la sévérité de son père.

« C'est fou comme on me pose souvent cette question, fit-elle remarquer lorsque Jordan l'interrogea sur son orientation. À vrai dire, c'est une possibilité que j'envisage sérieusement. »

Joy croisa les mains derrière son dos et fit quelques pas à travers la pièce. De quoi avait-elle peur ? Elle devait s'imaginer que ses mots n'avaient aucune importance, qu'elle était en compagnie d'Azénor, tiens. Sa cousine avait au moins le mérite de la débloquer là-dessus.

« Je pense que j'irai me renseigner auprès de quelqu'un qui a de l'expérience dans le domaine, je ne sais pas encore qui. »

C'était exactement ce qu'il lui fallait. L'opportunité de parler avec des gens du milieu. Cette perspective lui nouait la gorge d'anticipation mais, enfin, elle voyait mieux ce que son père voulait dire quand il lui rabachait l'importance d'avoir des relations. Jusqu'ici, elle trouvait ce discours froid et manipulateur – elle ne se liait pas avec les gens pour servir ses intérêts personnels. Maintenant, elle comprenait que si l'on cherchait à atteindre un objectif coûte que coûte, de toute la force de son être, on était prêt à employer bien plus de moyens d'y parvenir. Elle ne connaissait pas l'objectif de son père, mais commençait à préciser le sien.

Joy avait promis à Paige, il y a déjà quelques mois de cela, qu'elle ferait le nécessaire pour y parvenir, et elle n'avait encore rien fait. Mais voilà qu'elle en avait l'occasion, grâce à Jordan. L'image de profiteur que lui renvoyait Philip Highlands ne lui semblait plus si forte. Après tout, ce genre d'ami influent pouvait bien rendre quelques petits services.

« Ce serait avec grand plaisir ! On descend ? »

Joy serra entre ses doigts la boîte noire de son nouveau balai et, juste avant de quitter la pièce, glissa au jeune homme un mot qu'elle ne disait sûrement pas assez souvent :

« Jordan... Merci. »