Les secrets qu'on devrait garder [PV Andrew]

Vendredi 16 Janvier 2008

Les cours n'avaient repris que depuis dix jours mais les bouleversement avaient déjà été nombreux au sein de l'école de magie. A commencer par la mort d'Ulrich Keller, et la fin de l'affaire du vengeur masqué. Sasha avait relu l'article de la gazette à trois reprises pour être sûre d'avoir bien compris, de n'avoir manqué aucun détail. Ulrich Keller était le vengeur masqué. Sasha avait partagé la surprise générale suite à cette découverte, mais avait aussi développer une sorte de fascination pour le personnage. Keller était dangereux, il était mauvais, il avait massacré des familles et fait des choses horribles, elle avait conscience de tout ça, et elle ne cautionnait évidement aucune de ses actions, mais elle ne pouvait s'empêcher de l'admirer au moins un tout petit peu.

Les meurtes du vengeur masqué avaient commencé l'année dernière, quand Keller était encore à Poudlard, et il ne s'était jamais fait prendre. Qui aurait pu soupçonner le charmant préfet-en-chef des Serpentard ? Ulrich avait dupé tout le monde avec un talent qu'elle ne pouvait qu'admirer. Serait-elle capable de ça elle aussi ? Si elle s'engageait auprès des Mardoliens, parviendrait-elle à commettre des choses répréhensibles tout en gardant une façade irréprochable ? Elle l’espérait. Elle rêvait de parvenir à mener une double vie avec autant de succès qu'Ulrich Keller, mais avec une fin moins tragique, si possible.

Et comme si la nouvelle de la mort d'Ulrich Keller ne suffisait pas, un autre évènement était venu chamboulé la petite vie tranquille des élèves de deuxième année : Abigail Scavo sortait avec Ahren Keller. Sasha se demandait ce qui avait bien pu passer par la tête de la Serdaigle -qui voudrait sortir avec Ahren Keller ? Bon, ce n'était pas gentil de médire sur quelqu'un qui venait de perdre son frère, n'empêche que c'était bizarre. Et en plus d'être étrange, cette relation semblait toucher pas mal de ses camarades. Gillian avait une petite mine et Andrew ne semblait pas dans son assiette, Sasha ne savait pas s'ils étaient seulement tristes pour Kathrina ou si quelque chose d'autres les tracassaient.

A vraie dire, la petite Serpentard se sentait un peu extérieure à toute cette histoire. Elle ne connaissait que très peu Kathrina et détestait Ahren, ça aurait été hypocrite de dire qu'elle partageait leur chagrin. Pourtant elle reconnaissait sans mal que c'était triste, ce qui leur arrivait, mais ça ne la touchait pas personnellement. Elle était choquée, comme tout le monde, mais rien de plus. Peut-être qu'elle manquait de compassion ? Peut-être qu'elle aurait du aller parler à Kathrina, voir si elle tenait le coup, peut-être qu'elle aurait du essayer d'être gentille avec Ahren ? Honnêtement elle ne voyait pas en quoi cela aurait pu servir à quelque chose. L'un comme l'autre avaient des amis -Ahren avait même une petite amie !- qui sauraient être là pour eux. Alors elle était restée en dehors de tout ça.

Sasha avait donc profité du fait que ses camarades soient occupés à gérer leur problèmes pour travailler dans son coin. Elle avait pris de l'avance sur les cours du second trimestre, s'était entrainé à la danse plus que d'habitude, et avait passé un peu de temps avec Cindy qui, contrairement aux reste de ses amis, était d'excellente humeur en ce moment. Apparemment c'était dû aux affaires de sa mère, qui marchaient particulièrement bien en ce moment. Toutefois, Sasha s'était bien rendu compte que, malgré les jours qui passait, Andrew ne semblait pas décidé à retrouver le sourire. Elle avait donc donner rendez-vous à son meilleur ami dans le parc, après les cours.

La fillette quitta son cours de Sortilèges bien décidée à remonter un peu le moral du Gryffondor, qu'elle n'aimait pas voir dans cet état. Elle atteignit l'arbre où ils s'étaient donné rendez-vous un peu en avance et s'y adossa pour lire un peu en attendant. Elle attaquait le chapitre sur l'annulation d'un sortilèges quand elle entendit Andrew arriver. Elle rangea son manuel dans son sac et accueillit son ami avec un sourire. Autant elle avait senti que ce n'était pas à elle de soutenir Ahren et Kathrina, autant elle savait que c'était son rôle d'être là pour Andrew.

"Hey, comment ça va ? lança-t-elle quand il arriva à sa hauteur. Et ne me répond pas "bien", je ne suis pas aveugle."

Elle voyait bien que quelque chose n'allait pas, et elle était disposé à l'écouter. Elle se demandait si c'était l'affaire Keller ou même Ahren et Kathrina, quoiqu'il en soit ça devait être assez grave pour que le Gryffondor soit d'humeur si morose.

"On marche ?" proposa-t-elle en commençant à faire quelque pas.

Il sentait que cette année allait être pourrie. Mais dans le genre vraiment nulle, dictée par le mot  d'ordre "une tuile n'arrive jamais seule". Il avait pourtant passé une chouette soirée du Nouvel An chez son père : il y avait ses deux demi-sœurs, Grace et Susan, sa belle-mère, les parents de cette dernière ainsi que ses sœurs, son père - bien évidemment - ainsi que sa tante, ses grands-parents paternels et des amis de la famille. Il y avait également pas mal de gens du club - son père avait organisé une grande fête dans la maison - et il avait pu passer une chouette soirée avec d'autres enfants, même s'ils étaient un peu plus jeunes. Il avait assisté aux coups de minuit et avait trouvé tout cela très chouette. Bref, dans les faits, il n'y avait pas de raison qu'il passe une mauvaise année 2008.

Même s'il avait été révélé qu'Ulrich Keller était le Vengeur Masqué, Andrew n'était pas directement touché et il n'y avait pas de raisons que cela affecte son année. Il y avait certes la presse à sensation qui s'était emparée de l'affaire et c'était vraiment horrible quand on y pensait, tous ces gens assassinés, une élève de l'école également ! Mais Andrew ne lisait pas vraiment la presse et avait toujours suivi cette affaire un peu de loin, il n'avait pas vraiment encore assez de conscience du monde pour réaliser tout ce que cela entrainait. Il n'avait jamais parlé à Ulrich Keller et la seule conséquence concrète qu'il distinguait de tout cela était le chagrin de Kathrina. Ils se parlaient beaucoup plus régulièrement désormais et il s'attachait toujours à la faire rire pour la voir sourire et qu'elle oublie quelques secondes sa tristesse. Il l'aimait bien Kathrina, c'était une de ses amies maintenant.

Mais s'il pouvait désormais compter Kathrina dans ses amies, il ignorait si c'était encore le cas pour Aby et c'était là que le bât blessait. Ils ne s'étaient plus parlées depuis qu'Andrew avait appris pour elle et Keller et les choses en étaient restées là. De toute manière, il n'aimait pas vraiment en parler. Un peu avec Gillian parce que l'occasion s'était présentée, un peu à demi-mots avec Kathrina et Gowan avait réussi à le faire parler facilement, ce qu'Andrew avait détesté. Il avait alors décidé de ne plus jamais évoquer le sujet et de passer à autre chose. Il était capable de se gérer seul, non ? Ses amis étaient gentils de s'inquiéter mais il allait parfaitement bien. C'était juste la surprise qui l'avait fait réagir ainsi, voilà. Il préférait éviter d'y penser et ignorer Aby et Keller de toutes ses forces en se concentrant sur le Quidditch et ses autres amis, voilà tout.

C'était ses bonnes résolutions de l'année - un peu tardives - et elle visait à tenter de sauver son année qui avait mal commencée à cause d'Aby et Keller. S'il ignorait le problème, il pouvait presque faire comme s'il n'était pas là. Il n'avait pas envie d'avoir d'autres ennuis en cascade, dans une optique d'enchainement. Malheureusement, les choses s'enchainaient un peu - ce qui lui faisait dire que l'année allait être pourrie - puisqu'entre l'affaire Aby, ses retenues avec Harris et ses disputes avec Henry, il venait de récolter une note abominable en potions, en sortilèges et en DCFM. Le même jour. Ses parents allaient l'assassiner. C'est donc contrarié qu'il se dirigeait vers le parc où Sasha lui avait donné rendez-vous. Il avait vraiment besoin de Sasha en ce moment, il avait l'impression de se disputer avec tout le monde mais sa meilleure amie était toujours là, et c'était l'essentiel à la fin.

- Hey ! T'es là depuis longtemps ?

Il avisa le livre qu'elle rangeait dans son sac et eut un sourire en coin un peu moqueur.

- Quel petit rat de bibliothèque ! lança-t-il, taquin. Je vais bien et...

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que Sasha le coupait, affirmant qu'il n'allait pas bien. Il allait parfaitement bien, d'abord. Il avait eut quelques jours de flottement mais c'était terminé, pas la peine d'en faire tout un plat.

- Je vais bien, répéta-t-il en insistant sur le dernier mot tout en commençant à marcher auprès de Sasha. J'ai juste eut trois notes pourries aujourd'hui, c'est un peu déprimant. Mais je m'en remettrai ! Et toi ? Tu as le droit d'aller bien ou mal, comme tu veux, comme tu le sens, je suis prêt à tout entendre !

Il avait été un peu narquois sur la dernière phrase. Parce que lui n'imposait pas aux autres un jugement sur leur état. Et oui, il était un peu susceptible ces derniers temps. L'adolescence, voilà.

-Non, je viens d'arriver, assura Sasha en rangeant son livre alors qu'Andrew s'inquiétait de savoir si elle l'avait attendu.

Elle lui tira puérilement la langue quand il lui reprocha d'être un rat de bibliothèque. Elle aurait bien fait un commentaire sur le fait que certains accordaient simplement plus d'importance à leurs études que d'autres mais elle avait vu qu'il avait eu une mauvaise note à son devoir de sortilèges -ils étaient dans la même classe- et garda donc sa remarque pour elle, ne tenant pas à enfoncer le couteau dans la plaie. Ça devait être horrible, de recevoir une mauvaise note. Elle avait eu un D une fois l'année dernière, en Botanique, et avait assez mal encaissé le coup. mais plutôt que de renoncer et de laisser tomber cette matière comme elle avait d'abord eu l'intention de le faire, elle avait passé tout son week-end -littéralement- plongée dans un livre de botanique et avait obtenu la meilleure note au devoir suivant. Tout était une question de motivation, elle l'avait toujours dit.

Et puis, Andrew n'avait pas complètement tort, elle passait beaucoup de temps à la bibliothèque. Un peu trop au goût de certains d'ailleurs. Cindy lui disait souvent qu'elle n'avait pas besoin de lire autant pour avoir un bon niveau, et qu'elle ferait mieux de s'amuser avec elle et les autres filles du dortoir. Mais Sasha ne voulait pas d'un bon niveau, avoir des notes correctes n'avait aucun intérêt ! Il n'y avait rien de pire que d'être dans la moyenne. Elle se destinait à la carrière la plus sélective qui soit, elle devait se démarquer. Elle ne visait pas un "bon niveau", ce qu'elle voulait c'était l'excellence. Elle ne l'atteindrait sans doute jamais -personne n'était parfait- mais il n'y avait qu'en travaillant autant qu'elle le pouvait qu'elle s'en approcherait un peu. Mais Sasha n'avait pas donné rendez-vous à Andrew pour lui vanter les bienfaits et mérites de douze heures de lectures par semaine, bien que cela ne lui aurait pas fait de mal, mais juste pour prendre de ces nouvelles, car elle avait remarqué que le Gryffondor ne semblait pas être dans son assiette ces temps-ci.

C'est pourquoi elle l'interrompit à la seconde où il commença à dire qu'il allait bien. Inutile d'essayer de mentir avec elle, elle était bien meilleure que lui à ce jeu-là. Andrew insista toutefois, répétant qu'il allait bien, qu'il avait seulement eu trois mauvaises notes aujourd'hui mais qu'il s'en remettrait. Trois mauvaises notes ? Dans la même journée ? Comment pouvait-on se remettre de ça ?

- On pourra travailler ensemble si tu veux, j'ai déjà fait mon devoir de sortilèges pour la semaine prochaine, je pourrai t'aider avec le tiens, proposa-t-elle avec un sourire.

Bon, elle aurait pu s'abstenir de préciser qu'elle avait déjà fini son devoir, mais c'était plus fort qu'elle. Certains ne se gênaient pas pour mettre en avant leurs talents de sportifs ou de musicien, elle son domaine c'était les études, elle pouvait bien s'en vanter un peu. De toute façon il n'y avait rien de plus hypocrite que la fausse modestie. Elle était assez fière de son travail et ne voyait aucune raison de s'en cacher.

Sasha s’apprêtait à répondre à la question du Gryffondor mais referma la bouche et lui jeta un regard mécontent alors qu'il ajoutait qu'elle avait le droit d'aller bien ou mal, comme elle le souhaitait. La fillette soupira. Il prenait tout de travers. Et après il disait qu'il n'était pas de mauvaise humeur ?

- Je ne t'impose pas d'aller mal, je constate que tu vas mal, nuance, corrigea-t-elle avec un regard sévère. Moi ça va, reprit-elle plus chaleureusement. Tu as passé de bonnes vacances ?

Elle n'était pas certaine qu'Andrew soit d'humeur à aborder tout de suite les raison de sa mauvaise humeur, aussi décida-t-elle de faire un peu la conversation en attendant un moment plus opportun pour évoquer le sujet. Ils étaient rentrés à l'école depuis près de deux semaines mais ils n'avaient pas eu beaucoup d'occasions de discuter depuis leur retour de vacances.

Ce n'est pas qu'Andrew est un mauvais élève, c'est juste que... Travailler, ce n'est pas son truc, c'est tout. Depuis qu'il était enfant, il avait toujours préféré s'amuser plutôt que de réciter ses leçons pendant des heures. Lorsqu'il était encore à l'école primaire et donc sous la tutelle quotidienne de sa mère, cette dernière surveillait ses apprentissages de près. Chaque soir après l'école, il remontait la grande côte du village pour rejoindre la librairie de sa mère. Elle lui donnait quelques pièces pour qu'il s'achète une gourmandise à la boulangerie en guise de goûter et il revenait s'installer derrière le comptoir de la caisse, sur des chaises de bar où elle le perchait les premières années, incapable de le faire seul. Entre deux clients, elle lui faisait réciter ses devoirs jusqu'à la fermeture de la librairie où ils rentraient dîner à la maison.

Mais une fois arrivé à Poudlard, loin de l'étroite surveillance de sa mère, Andrew avait relâche le rythme et s'attelait à son travail par dessus la jambe et à la dernière minute. Gowan faisait un peu pareil et ils s'entrainaient réciproquement dans une intensive procrastination. Ils avaient été tous les deux un peu plus sérieux en première année, pleins de bonnes résolutions mais ces derniers mois... Alors forcément, leurs notes s'en ressentaient : on ne répondait jamais bien à un devoir sans même se rappeler de la partie correspondante du cours. Bon, ce n'était pas si grave, il avait encore le temps de se rattraper, l'année n'était pas finie. Et puis l'année dernière il n'avait pas tant raté ses examens de fin d'année, il avait eut des notes plutôt correctes grâce à l'aide de Sasha et ses parents, s'ils avaient râlé un peu, ne s'étaient pas rendu compte de l'ampleur des dégâts.

- Je veux bien oui ! Il a l'air difficile en plus ! Tu y as passé beaucoup de temps ?

Car avec l'équipe de Quidditch cette année, il consacrait encore moins de temps à son travail. Mais malgré ses notes, la hantise d'Andrew était le redoublement et il se donnait les moyens de passer en fin d'année et réussissait plutôt bien pour un élève qui n'avait pas vraiment été investi durant l'année. Il n'était pas bête, il avait des capacités, il aurait juste suffit qu'il se donne la peine de les exploiter pour revenir à des résultats tout à fait corrects mais pour cela, il fallait travailler et il s'y refusait pour le moment : passer du temps avec ses amis était bien plus amusant.

Mais même s'il faisait le malin et se rassurait en se disant qu'il passerait quand même, Andrew n'aimait pas particulièrement recevoir des mauvaises notes à la chaine, surtout que sa mère était furieuse derrière et cela contribuait à ses coups au moral parfois, lorsqu'il voyait Sasha ou Aby exceller. Il aurait bien aimé avoir de bonnes notes lui aussi, juste sans avoir besoin de travailler. Mais comme pour tout, il reléguait ça dans un coin de son esprit pour ne plus y penser et avancer et c'est exactement ce qu'il avait fait avec l'histoire d'Aby et de Keller. Du coup, tout allait bien !

- Je ne vais pas mal, répondit-il un peu plus sèchement et d'un ton qui ne souffrait aucune réplique. C'est quand même à moi de dire comment je me sens, non ? râla-t-il.

Mais n'ayant pas envie de se disputer avec son amie - déjà qu'il était fâché contre Aby - Andrew lui fut reconnaissant de changer de sujet.

- Pas vraiment ! Mon père a été absent toute la semaine où j'étais chez lui à cause de ses entrainements, je ne l'ai pas vu. Et ma mère passe son temps avec Alexander, il passe son temps à pleurer et tout le monde n'en n'a que pour lui !

Il avait eut l'impression d'être invisible pendant ces deux semaines. Grace, sa petite demi-soeur, était tombée malade et sa belle-mère avait donc passé son temps à s'occuper de sa fille tandis que son père était sans arrêt au travail. Suzie lui faisait la tête et il ne savait pas pourquoi et Andrew était donc resté tout seul dans sa chambre. Quant à sa mère, maintenant qu'elle avait un nouveau fils, il avait l'impression qu'elle se fichait complètement de lui. Même ses grands-parents n'en n'avaient que pour le bébé alors que ce n'était même pas leur petit-fils !

- J'aurais pu rester à Poudlard, cela aurait été pareil ! Sérieusement, pourquoi je suis tombé sur une famille comme ça ? Mon père bosse sans cesse et depuis la naissance du bébé, ma mère s'en fiche complètement de moi ! Famille pourrie, conclut-il en tapant du pied dans une innocente pierre qui n'avait rien demandé.

- Deux petites heures, répondit-elle quand Andrew lui demanda si elle avait passé beaucoup de temps sur son devoir.

Elle n'arrivait pas vraiment à savoir si cela représentait beaucoup de temps ou pas. Elle passait plus de temps sur ses devoirs que certains de ses camarades, mais c'était parce qu'elle faisait énormément de rechercher complémentaire pour être certaine d'avoir toujours quelque chose en plus à dire. Quelque chose auquel les autres n'auraient pas pensé. Aux yeux de beaucoup elle se donnait là une peine inutile, mais le temps qu'elle perdait sur ses devoirs chaque semaines, eux le perdaient en fin d'année avant les examens. L'an dernier la moitié des élèves de leur promotion avait passé la dernière semaine de Juin à retravailler tout le programme et à courir après les passages du cours qu'ils n'avaient pas noté pendant qu'elle relisait tranquillement les notes qu'elle avait déjà apprises.

La jeune fille leva les mains en signe de reddition quand Andrew lui répéta, plutôt sèchement, qu'il allait très bien, ajoutant que c'était à lui de savoir s'il allait bien ou pas. Elle restait persuadée que quelque chose n'allait pas, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure, mais elle n'avait aucune envie de se fâcher avec son meilleur ami pour ça, aussi ne répondit-elle rien. Désireuse de changer de sujet après cette tentative infructueuse de connaitre la cause des tourments du Gryffondor, Sasha lui demanda s'il avait passé de bonnes vacances.

Elle-même avait passé des vacances de noël...étranges. Pour la première fois depuis plusieurs années elle avait passé les deux semaines de vacances avec sa mère. Ni l'une ni l'autre n'avait parlé de son père, mais elle y avait toutes les deux pensé, évidement. L'adolescente avait alterné entre de bons moments, à faire des gâteaux avec sa mère et boire du chocolat devant la cheminée, et des moments où la solitude lui pesait et où son père lui manquait. Penny lui manquait aussi. Sa belle-mère était partie avec sa fille, sans laisser le moindre message à Sasha. Celle-ci se doutait bien que Julie avait du prendre peur, qu'elle avait certainement trouvé ça louche que son mari disparaisse juste après un procès l'opposant à son ex-femme aux mœurs étranges, mais elle ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir. Sasha n'avait jamais beaucoup aimé Julie, mais elle l'avait supporté, parce qu'elle faisait partie de la même famille. Du moins c'était ce qu'elle croyait.

Sasha fut tirée de ses réflexions par Andrew qui se plaignait que son père ne soit jamais là, et que sa mère n'en ait que pour son petit-frère. La jeune fille leva les yeux au ciel mais ne put s'empêcher de sourire. Elle était certaine que d'ici quelques temps Andrew serait sous le charme du petit Alexander lui aussi. Il finirait par l'adorer, tout comme il adorait ses sœurs -quoiqu'il en dise.

-Il est tout petit, c'est normal, ça demande de l'attention, le raisonna-t-elle. Mais ils arrêtent de pleurer un jour, ne t'en fais pas !

Elle se rappelait assez bien avoir passé des nuits entières à maudire Penny et ses hurlements, il y a deux ans. Elle avait d'abord pensé qu'elle devrait subir ce remake de l'exorciste tous les soirs, mais le bébé avait fini par se calmer et toute la famille avait retrouvé un sommeil paisible. Son cœur se serra un peu à la pensée de sa petite-soeur qu'elle ne reverrait peut-être jamais mais elle se força à se concentrer sur les paroles d'Andrew qui...se plaignait. Encore. Sasha soupira bruyamment, sans prendre la peine de cacher son agacement, lorsqu'il assura que sa famille était pourrie, qu'il aurait aussi bien fait de rester à Poudlard.

Si un instant plut tôt elle était prête à battre en retraite pour ne pas risquer de déclencher une dispute, cette fois elle avait juste envie de lui hurler en pleine figure que sa famille était parfaite et qu'il n'avait pas le droit de se plaindre. Ses deux parents étaient en vie, en bonne santé, ils étaient divorcés certes mais s'entendaient toujours bien. Il avait une famille aimante et des tas de personnes qui se souciaient de lui. Comment pouvait-il se plaindre de ça alors que tout le château ne parlait que de la mort du frère d'Ahren et Kathrina, qui avaient déjà perdu leur père ?

Sasha était un peu égoïste parfois, elle le savait. Même le choixpeau le lui avait dit. Elle était prête à beaucoup de choses pour réussir, même si elle devait écraser un peu les autres au passage. Il lui arrivait de penser à elle avant de penser aux autres, elle en avait conscience, et pas vraiment honte. Mais elle ne se serait pas permis de se lamenter sur sa famille "pourrie" alors que certains de ses camarades traversaient un véritable drame familial. Elle n'avait pas parlé de ce qui était arrivé à son père à Andrew, il ne pouvait pas savoir, mais il était ami avec Kathrina ! Comment est-ce que la perte que venait de subir la jeune Poufsouffle ne pouvait pas le faire relativiser un peu ? Etait-il si obnubilé par son propre nombril qu'il ne se rendait pas compte de ce qu'il disait ? Sentant une colère disproportionné monter en elle, Sasha ne put se retenir plus longtemps.

-Arrête un peu de te plaindre... râla-t-elle

Maintenant qu'elle avait ouvert la bouche, elle sentait qu'elle ne pouvait plus s'arrêter. Quelque part, dans un coin de sa tête, elle devinait que c'était démesurée, en partie injustifiée, mais elle était en colère conter Andrew et elle avait besoin de lui hurler dessus. C'était des mois de retenue qui ressortait tout à coup. Les barrages qu'elle avait construits s'effondraient, la tristesse et la rancœur qu'elle s'appliquait à cacher derrière de faux sourire depuis la rentrée refaisaient brutalement surface, et Andrew était là. En face d'elle, en train de se plaindre de sa famille parfaite, d'attiser sa jalousie. Parce qu'elle était jalouse, voilà. Jalouse de sa relation avec son père, de sa jolie maison, de sa belle-mère adorable, de ses petites sœurs un peu collantes. Il n'avait pas le droit de se plaindre.

-Tu te rends compte de ce que tu dis ? explosa-t-elle soudainement. Comment tu peux te plaindre de ta famille Andrew ? Tes parents t'aiment, ils sont en vie et ils sont tous les deux présents pour toi, tu le sais très bien ! Et tu sais très bien qu'on a pas tous cette chance ! Elle s'était mise à hurlé à s'en faire mal à la gorge et ses larmes lui brûlaient les yeux, pourtant cela lui faisait un bien fou. Tu ne sais pas ce que c'est qu'une famille pourrie Andrew ! Tu ne sais rien du tout ! asséna-t-elle un peu moins fort, la gorge nouée de sanglots. Ce que tu peux être stupide ! cracha-t-elle finalement avant de se détourner.

Elle ne voulait plus rien entendre, elle ne voulait même plus le voir. Elle ne lui en voulait pas tant que ça dans le fond, mais sentait qu'elle était encore capable de lui envoyer un flot de reproches en plein visage. Elle fit quelque pas, fébrile, partagée entre l'envie d'aller hurler à nouveau sa rancœur sur Andrew, et celle d'aller s'excuser. Ce n'était pas particulièrement contre lui qu'elle était énervée, c'était contre tout le monde. Elle en voulait à la terre-entière, mais c'était Andrew qui avait pris. Et elle savait qu'elle le regretterait. Sasha s'immobilisa à quelques mètres seulement du Gryffondor, sans pour autant se retourner. Elle serra les temps pour contenir ses larmes, incapable de savoir si elle voulait essayer de se faire pardonner, ou continuer son chemin sans un regard en arrière.

Son demi-frère était né le premier septembre dernier, tôt le matin. Sa mère avait eu des contractions le trente-et-un au soir et elle était partie à l'hôpital avec Doug tandis que ses grands-parents venaient s'occuper de lui. Il n'avait pas vu sa mère avant de partir à Poudlard et il avait reçu une lettre dès le lendemain. Alexander - sa mère aimait les prénoms en A - Wyatt Gardner, son nouveau demi-frère. Il avait eut le temps de s'y faire, vu qu'il ne l'avait rencontré qu'aux vacances de Noël mais cela faisait également quatre mois qu'il n'avait pas vu sa mère. Avant, elle lui écrivait une fois par semaine, la lettre arrivait tous les dimanches mais depuis la naissance, il avait de ses nouvelles deux fois par mois, pas plus. Et alors qu'il était heureux de la revoir à Noël, elle avait passé son temps avec le bébé sans s'occuper de lui. Il avait espéré se rattraper avec son père, mais il avait passé son temps à travailler. Ses deux parents étaient occupés ailleurs tandis que ses demi-soeurs avaient leur mère et Alex avait son père et sa mère. Andrew, lui, était l'enfant en trop qui ne rentrait dans aucune des familles. Ses parents avaient refait leur vie et il était resté en arrière parce qu'ils avaient eu d'autres enfants avec la personne qu'ils aimaient. Il était l'enfant qui était là à mi-temps quelques semaines par un alors que les autres passaient leur temps en famille. Il avait beau porter deux noms, il avait l'impression de plus appartenir à aucune des deux familles.

Mais tout cela, il ne le disait à personne parce qu'à chaque fois qu'il avait un peu essayé, tout le monde avait dit que c'était ridicule. Alors oui, peut-être que ça l'était un peu parce que ses parents ne l'avaient pas renié ou quoi que ce soit mais c'était son ressenti à lui. C'était facile de parler pour Gowan et les autres, leurs parents n'avaient pas divorcé et n'avaient pas divorcé à cause de lui. Ses parents disaient le contraire, évidemment, mais ils s'étaient séparés lorsqu'il avait six mois parce qu'ils n'avaient pas su gérer l'arrivée d'un bébé alors qu'ils n'avaient que dix-neuf ans. Il n'avait même pas été voulu. Son père voulait faire carrière, sa mère venait de lancer sa librairie... Andrew était un accident de parcours pour ses parents, il l'avait toujours su et il le ressentait de plus en plus ces derniers temps alors qu'ils passaient tous les deux à autre chose, construisaient une vraie famille. Des enfants désirés, un couple solide... Lui était juste l'erreur de jeunesse d'Olivier Dubois et de Sarah Cavill, qui étaient juste sortis ensemble en sortant de Poudlard. Il se sentait exclu de sa propre famille et la seule qui aurait pu le comprendre, c'était Sasha. Ses parents aussi étaient divorcés et son père avait de nouveau fondé une famille, elle aurait pu comprendre. Mais elle ne semblait pas d'humeur à parler de ça au vu de comment elle s'emporta.

Elle lui hurlait dessus et il ne comprenait pas pourquoi elle avait brusquement cette réaction. Il avait été un peu sec au début de la conversation mais elle n'avait pas semblé s'en formaliser alors que là, elle semblait au bord de la crise de nerfs et au bord des larmes. Sans savoir pourquoi elle s'en prenait ainsi à lui, Andrew ne se formalisa pas pour autant des mots que Sasha lui cracha au visage, bien trop préoccupé par le problème sous-jacent qui déclenchait la colère de sa meilleure amie. Il l'observa s'éloigner un peu perturbé par ce qui venait de se passer puis s'empressa de la rattraper, posant une main sur son épaule avant de se mettre face à elle, inquiet.

- Hé, Sasha, ça va pas ?

Elle semblait au bord des larmes et il la fixa sans savoir quoi lui dire pour la consoler et savoir ce qui la rendait si malheureuse.

- Qu'est-ce qui se passe ? Tu veux en parler ?

Il passa un bras autour de ses épaules, essayant ainsi de la réconforter.

Sasha hésitait encore entre courir jusqu'au château et se réfugier dans son lit, se retourner pour continuer de hurler autant qu'elle pouvait sur Andrew, ou retourner auprès de son ami pour s'excuser. Elle était encore en colère, mais elle était également consciente que ce n'était pas vraiment contre Andrew que sa colère était dirigée. Il en avait été l'élément déclencheur, et il l'avait un peu agacée, mais cette rage qui bouillonnait en elle ne lui était pas destinée. Sasha savait très exactement à qui elle en voulait, et ce n'était pas à Andrew. C'était à Alastair Brennan, c'était à Andrew Warlock, c'était au juge qui avait décidé que son père était une menace, et à toute ces personnes qui n'avaient rien fait pour empêcher ça.

Elle était encore planter au milieu du parc, au bord des larmes et les mains tremblantes de colère, quand Andrew vint poser une main sur son épaule. Ce simple geste la calma aussitôt, lui rappelant à quel point son ami était gentil avec elle. Il aurait eu toutes les raisons du monde de lui en vouloir, et pourtant il était là. Elle se retourna mais ne répondit pas à sa question. Ça allait, oui. Le procès de son père avait eu lieu des mois plutôt, elle avait eu le temps d'encaisser. Et à force de prétendre que tout allait bien, à force de mentir et de sourire elle avait réussi à se tromper elle-même. En général elle s'en sortait très bien, mais aujourd'hui elle explosée, sans véritables raisons. C'était peut-être d'entendre Andrew se plaindre de son père alors que le sien lui manquait terriblement, c'était peut-être simplement parce qu'elle gardait cela secret depuis trop longtemps, et que c'était trop lourd à porter. Quoiqu'il en soit, elle avait complètement perdu le contrôle, et elle estimait qu'elle devait des explications à Andrew.

"Je suis désolée, commença-t-elle d'une voix faible, luttant contre les larmes qui lui brûlaient les yeux. Je voulais pas m'énerver, c'est juste que..."

Mentir était tellement tentant. Elle n'avait qu'à dire qu'elle avait eu une très mauvaise note en potions et que ça l'avait complètement retournée. Ou qu'elle s'était disputée avec Cindy, cela ferait tout à fait l'affaire. Andrew comprendrait, il la pardonnerait, et cette histoire serait oubliée. Mais Andrew était si gentil avec elle, il avait même l'air inquiet, qu'elle s'en voulait de penser à lui mentir encore une fois. Elle lui faisait confiance, là n'était pas le problème, elle avait juste un peu peur de sa réaction. Que penserait-il de son père ? Qu'il fallait être idiot pour s'opposer ainsi au gouvernement magique ? Qu'il n'avait que ce qu'il méritait ? Sasha n'était pas prête à entendre ça. Et puis, Andrew lui en voudrait certainement de ne pas lui en avoir parlé plus tôt, ils étaient censés être amis après tout, et les amis étaient honnêtes les uns avec les autres normalement.

"Je n'ai pas vu mon père pendant les vacances de noël, répondit-elle finalement en baissant les yeux. Et je ne le reverrai plus."

C'était la première fois qu'elle parlait de ça, et le dire à voix haute lui donna la désagréable impression qu'elle abandonnait, qu'elle acceptait une réalité qu'elle avait trop longtemps nié. Sa mère avait essayé de lui en parler, à quelque reprises, et à chaque fois Sasha avait adopté son ton le plus détaché pour lui répondre que tout allait bien, qu'il n'y avait rien à dire. Mais elle réalisait aujourd'hui qu'en parler lui faisait du bien. C'était pénible, douloureux même, mais aussi étrangement libérateur. Elle n'avait plus envie de s'arrêter et, les yeux toujours rivés sur la pointe de ses chaussures, elle ravala ses larmes et poursuivit.

"Il ne voulait pas que je retourne à Poudlard cette année, il a dit qu'ils n'avaient pas le droit de m'envoyer dans un collège sans l'accord de mes deux parents. Il...Il voulait saisir la justice moldu, pour se défendre, mais c'était une atteinte au secret magique, alors..."

Un sanglot s'échappa de ses lèvres et elle essuya les larmes qui avaient commencé à couleur sur ses joues sans même qu'elle ne s'en aperçoive. Elle prit un instant pour calmer sa respiration.

"Il y a eu un procès, en Août. Il a dit qu'on ne le ferait pas taire, qu'il alerterait les autorités moldues, alors ils ont décidé de... Sa voix se brisa alors qu'elle étouffait un nouveau sanglot. Ils lui ont effacé la mémoire."

Cette fois-ci la fillette fondit en larme, sans chercher à retenir ses sanglots. Elle avait besoin de pleurer, depuis trop longtemps, et elle ne s'en rendait compte que maintenant. Elle avait pleuré le jour de l'audience, beaucoup, le soir aussi. Elle s'était vidée de toutes ses larmes jusqu' tombée endormie sur son lit. Et elle n'avait plus versé une seule larme depuis ce jour, s'interdisant de penser à son père, reléguant ces souvenirs désagréables dans un coin de son esprit. Elle avait voulu oublié, et elle avait même cru qu'elle avait en partie réussi, mais elle venait d'être rattrapée par ses secrets.

Andrew connaissait bien Sasha et la voir dans cet état l'inquiétait véritablement. C'était une fille solide qui savait encaisser et que rien ne semblait pouvoir l'ébranler. Et pourtant, depuis plus d'un an, il savait que ça, c'était l'image qu'elle aimait bien donner au monde. Ils avaient parlé pendant des heures, Andrew savait très bien qu'elle souffrait par exemple beaucoup du divorce de ses parents et qu'elle s'en tenait responsable. Il connaissait sa meilleure amie et si elle était dans cet état, ce n'était pas pour rien, cela signifiait que quelque chose de grave était arrivé et Andrew culpabilisait de ne pas avoir pu être là pour elle alors qu'elle en avait besoin, l'esprit trop cerné par ses propres contrariétés.

- C'est rien, répondit-il en haussant les épaules lorsqu'elle s'excusa. Ils avaient tous leurs sautes d'humeur et il aurait été très mal placé pour critiquer, surtout en ce moment. C'est juste que... ?

Son bras n'avait pas quitté les épaules de Sasha, l'encourageant à parler. Lorsqu'elle lui confia qu'elle n'avait pas vu son père des vacances de Noël, il regretta immédiatement de s'être plaint du sien. Certes, Olivier avait été beaucoup absent mais il rentrait tous les soirs dîner avec eux et avait été là pour le Nouvel An, pour le passage à la nouvelle année. Mais le pire fut lorsqu'elle ajouta qu'elle ne le reverrait plus jamais et il eut immédiatement un mauvais pressentiment. Même un divorce n'empêchait pas les parents de revoir leurs enfants, il en savait quelque chose du fait de la séparation de ses parents : il était toujours resté avec les deux et Sasha également. Elle était comme lui en garde alternée et voyait son père pendant les vacances. Et quand elle mentionna ce qui s'était passé, Andrew comprit immédiatement. Il revoyait encore son père et sa belle-mère mentionner l'article de la Gazette au déjeuner, arguant que c'était scandaleux d'en arriver à de telles mesures qui nuisaient à l'enfant. Mais jamais Sasha n'avait été mentionnée, on parlait juste d'un "élève de Poudlard". Cela aurait pu être n'importe qui. Il posa sur elle un regard indéfinissable, incapable de savoir quoi faire pour la consoler, figé par le récit alors qu'il en connaissait parfaitement la fin.

Lorsqu'elle éclata en sanglots, il la prit complètement dans ses bras tout en sachant très bien qu'un câlin ne suffirait pas à calmer le chagrin de son ami. Il se sentait complètement impuissant face à une telle détresse parce qu'il savait très bien qu'il ne pouvait rien faire. Rien ne ramènerait son père à Sasha et toutes les bonnes intentions du monde ne permettraient pas de revenir en arrière pour sauver l'esprit de Monsieur Benson. Il l'enlaça longtemps, cherchant les mots justes pour essayer de l'apaiser un peu mais rien ne lui venait et il avait la gorge nouée face à la gravité de la situation. Il finit par s'écarter de Sasha pour fouiller dans son sac et en sortir un paquet entier de Chocogrenouilles qu'il lui tendit. C'était puéril et un peu idiot de croire que du Chocolat suffirait mais Andrew avait toujours traité le mal par le sucre. D'habitude, c'était un ou deux bonbons des paquets garnis envoyés par sa mère mais cette fois-il, il en faudrait bien plus.

- Peut-être que sa mémoire reviendra, Sasha, peut-être qu'un jour, ça ira mieux. Tu sais, pendant la guerre, beaucoup d'Oubliettes ont été faits à la sauvage et ont pu être soignés par les Oubliators et Sainte-Mangouste, tout n'est peut-être pas fini !

C'était un espoir un peu vain mais c'était le seul qu'Andrew pouvait donner à son amie à l'heure actuelle.

- Tu n'as pas à faire semblant d'aller bien, tu sais, c'est normal d'être triste...

Il la serra de nouveau dans ses bras conscient que ses efforts étaient faibles par rapport à la détresse de son amie.

- Et ton papa t'aime encore, c'est forcé. L'amour, c'est pas dans les souvenirs, tu sais, souffla-t-il en lui frottant le dos.

Sasha se laissa aller quand Andrew la prit dans ses bras et pleura longtemps sur l'épaule de son ami. Elle détestait pleurer devant les autres, sauf quand elle le faisait exprès. Elle avait la désagréable sensation d'être mise à nue, complètement désarmée. C'était en partie pour ça qu'elle avait absolument voulu cacher cette histoire, pour apparaitre comme une jeune fille solide, et sans faiblesses. Elle voulait susciter la jalousie, pas la pitié. Qui pouvait-elle impressionner ainsi, en pleurant à chaude larmes comme une enfant ? Sauf qu'une enfant elle en était encore une, bien qu'elle aime soutenir le contraire. Alors pour une fois, elle s'accordait le droit de se comporter comme l'adolescente de treize ans qu'elle était, elle ne pouvait plus se retenir de toute façon. Même si elle l'avait voulu elle n'aurait pas réussi à se calmer. C'était comme si toutes les larmes qu'elle avait retenu pendant des mois s’échappaient tout à coup. Tous les souvenirs, toute la tristesse qu'elle avait ignorée, refoulée, resurgissait soudainement.

Pour la première fois depuis des mois, elle s'autorisa à vraiment repenser à ce qui c'était passé, à repenser à son père. Plusieurs fois ses pensées s'y étaient dirigées malgré elle, mais elle avait été forte et à chaque fois elle s'était concentrer sur autre chose. Quand elle sentait la tristesse venir, elle attrapait un livre de cours ou partait faire des grands pliés dans la salle des arts. C'était aussi pour cela qu'elle n'avait pas cessé de travailler depuis Septembre, pour garder son esprit constamment occupé. Ses notes n'avaient jamais si hautes, elle améliorait doucement son français, maintenait son niveau en danse classique, et rédigeait une partie des dialogues du club théâtre, mais elle n'était pas heureuse pour autant. Et, bizarrement, alors qu'elle sanglotait sur l'épaule d'Andrew, elle se sentait plus apaisée qu'elle ne l'avait été durant ces derniers mois.

Elle finit par se calmer un peu, et laissa son camarade s'éloigner doucement d'elle. La fillette essuya ses joues trempées et posa sur le Gryffondor un regard reconnaissant. Elle fronça légèrement les sourcils en le voyant fouiller dans son sac, mais rit doucement en le voyant tendre un paquet de chocogrenouilles dans sa direction. Il n'y avait qu'Andrew pour réussir à la faire sourire alors qu'elle avait encore les yeux rougis par ses pleurs.

"Merci..." souffla-t-elle avec un faible sourire.

Les souvenirs qui se réveillaient dans son esprit ravivaient sa tristesse, en la forçant à réaliser à quel point son papa lui manquait, mais ils ravivaient aussi sa colère. Parce que plus elle y pensait, plus elle trouvait ça injuste. Comment pouvaient-ils parler de justice ? Elle était à la fois révoltée et écœurée par ce qu'elle avait longtemps considéré comme un temple de la droiture et de la morale : le Service de la Justice Magique. Ce n'était que des mots. C'était un service qui la faisait rêver, avant. Elle imaginait qu'il abritait des hommes brillants, défendant la justice avec toute leur âme. Des hommes bons, intègres. Ce n'était que des opportunistes, et des menteurs. Oh, elle rêvait toujours d'être un jour à la tête de ce prestigieux département. Mais pas pour le prestige. Pour la vengeance. Un jour elle leur ferait payer.

"Ce n'était pas un Oubliette lancé à la sauvage, répondit-elle en reniflant. Ça a été ordonné par un juge, exécuté par un oubliator professionnel, devant toute une assemblée. Il ne retrouvera jamais la mémoire."

Sa voix et son regard s'étaient durcis alors qu'elle prononçait ses derniers mots avec résignations. Elle avait nié la vérité pendant des mois, elle l'avait mis dans un coin de sa tête et l'avait presque oublié, maintenant il était temps de l'accepter.

"C'est gentil de vouloir m'aider, reprit-elle plus doucement. Mais ça ne sert à rien d'être optimiste. C'est trop tard maintenant, c'est fait. Un jours ils me le paieront."

Une lueur d'agressivité passa dans son regard encore humide, mais disparut quand Andrew lui assura qu'elle n'avait pas à faire semblant d'aller bien. C'était un peu plus compliqué que ça. Bien sûr, personne ne l'obligeait à aller bien, mais elle ne voulait pas que tout le monde sache qu'elle souffrait de ce genre de blessures. Les épreuves du passé, les secrets, c'était des choses dont on pourrait se servir contre elle plus tard. Elle savait que si quelqu'un l'attaquait à propos de son père, elle serait touchée, déstabilisée. Et elle voulait être inattaquable.

"Je sais, je voulais juste....Je voulais pas que tout le monde le sache. Je crois que je réalisais pas encore vraiment et ça aurait rendu les choses trop...vraies. Et puis je ne veux pas que les autres soient au courant, c'est pas quelque chose que je veux qu'on me rappelle. Elle ne demanda même pas à Andrew de garder le secret, elle savait qu'il le ferait. Merci beaucoup, reprit-elle en baissant les yeux. Et désolée de t'avoir crié dessus, c'était pas sympa."

Sasha savait qu'elle pouvait faire confiance à Andrew, il était au courant de beaucoup de ses secrets, et la connaissait peut-être mieux qu'elle ne se connaissait elle-même, mais jamais il ne lui ferait de mal. Elle en était certaine, et il était la seule personne à Poudlard en qui elle avait une entière confiance. Elle n'avait pas besoin de plus d'amis proches. Avoir autant de connaissances que possible lui serait utile, mais elle ne pouvait pas se permettre de s'attacher à d'autres comme elle s'était attachée à Andrew. C'était en cela que leur amitié avait une valeur inestimable à ses yeux.

"J'aimerais que tu es raison, répondit-elle simplement quand le Gryffondor lui assura que son père l'aimait toujours. Tu penses que je devrais essayer de le retrouver ? "

Son père était interné dans un hôpital moldu, à Londres. Elle ne savait pas combien d’hôpital il y avait dans la capital, mais elle devrait bien réussir à le retrouver, non ? Mais en avait-elle vraiment envie ? Peut-être qu'Andrew avait raison, et que son père l'aimait encore, même s'il ne se souvenait pas d'elle. Mais peut-être qu'il se demanderait seulement qui était cette étrange petite fille qui venait lui rendre visite, et ça elle n'était pas certaine de pouvoir le supporter.

Le chagrin de Sasha brisait le cœur d'Andrew qui ne savait pas quoi faire pour la consoler. Il faut dire qu'il n'avait pas l'habitude de la voir dans cet état, elle qui était si solide et si assurée. Il n'arrivait pas à croire qu'elle ait réussi à cacher cela pendant si longtemps sans que personne ne se rende compte de rien et surtout sans que lui ne s'en aperçoive. Il était l'ami de Sasha, il était son meilleur ami et même s'il savait qu'elle mentait bien, il aurait dû se rendre compte de quelque chose. Il s'en voulait d'être passé à coté pendant des mois et sentait la culpabilité l'étreindre au fil des sanglots de Sasha.

Lorsqu'elle s'éloigna et sourit devant le paquet entier de Chocogrenouilles qu'il lui offrait, Andrew lui répondit par un sourire en coin un peu contrit, démuni face à sa détresse. Il n'avait jamais été bon pour ce genre de choses, il manquait de tact et de sensibilité. Il agissait avant de réfléchir - bien avant même - et n'avait jamais eu assez de délicatesse pour arriver à trouver les mots justes. Il aurait aimé pouvoir arrêter les larmes de Sasha afin qu'elle se sente mieux mais pour cela, il aurait dû avoir la solution pour lui ramener son père et il ne l'avait malheureusement pas. Tout ce qu'il pouvait essayer de lui donner, c'était un peu de réconfort et d'espoir. Car si Andrew manquait de subtilité, il avait en revanche de l'optimisme à revendre.

- Tu te souviens de ce que nous a appris Harris ? Tous les sorts ont un contresort. Sauf l'Avada Kedavra, certes, concéda-t-il après quelques secondes. Mais tous les autres en ont ! Tu sais, il y a eu des victimes de l'Oubliette pendant la guerre et Sainte-Mangouste a fait de gros progrès dessus ! Puis les moldus doivent avoir des techniques aussi, ils peuvent voir l'intérieur du cerveau avec des machines et tout !

Et il le pensait sincèrement. Il était peut-être trop naïf, mais à ses yeux, on pouvait toujours essayer de soigner le père de Sasha. Cela ne se ferait sûrement pas en un jour mais Andrew était convaincu du fait qu'on pouvait annuler, au moins en partie, un sortilège d'Oubli. Il n'était pas spécialiste, c'était quelque chose qu'ils n'avaient pas encore abordé en cours mais il se promit de faire des recherches à la bibliothèque, quitte à y passer ses soirées.

- C'est rien, répondit-il en haussant les épaules. Et je ne dirais rien, juré. Mais si tu veux en parler, tu sais que je suis là. Tout le temps, promit-il avec un sourire sincère, réellement inquiet et malheureux pour Sasha.

Il n'osait pas imaginer dans quel état il serait si son père venait à l'oublier. Plus que dévasté, sûrement. Andrew était proche de ses parents, ils avaient toujours été là pour lui même s'il avait tendance à l'oublier au fil des années et lorsqu'il se sentait délaissé à cause de la nouvelle composition de sa famille. Mais il aimait son père et sa mère et s'ils venaient à ne plus l'aimer un jour, il serait seul au monde.

- J'ai raison ! répliqua Andrew avec plus de conviction qu'il n'en n'avait vraiment. On le retrouvera tous les deux, même si ça doit prendre des années ! On va faire plein de recherches sur l'Oubliette afin de savoir comment ça marche et comment ça se soigne, on va retrouver ton père, tu vas lui parler et ensuite, on le fera guérir ou on le fera nous-même, même si ça prend du temps ! On va faire ça ensemble et on va y arriver, déclara-t-il avec toute la foi du monde, cette fois-ci.

Même si cela prenait des années, Andrew en faisait la promesse à Sasha. Et il tiendrait cette promesse, il se le jurait.

Sasha hoqueta de surprise à travers ses larmes en entendant Andrew citer le Pr.Harris. D'ordinaire c'était plutôt elle qui se chargeait de lui rappeler ce qu'ils avaient étudié en cours, mais aujourd'hui elle était bien trop bouleversée pour songer à son programme de sortilèges. Elle n'aimait pas être celle qui avait besoin d'aide, celle qui devait attendre les autres pour trouver une solution, mais pour une fois elle voulait bien que la réponse à son problème vienne d'Andrew.

Quelque part elle se sentait un peu idiote de ne pas y avoir pensé toute seule, mais elle savait aussi que si elle n'avait pas trouvé de solution, c'était en partie parce qu'elle n'en avait pas cherché. Partir en quête d'un moyen de sauver son père, c'était reconnaitre qu'elle l'avait perdu, et c'était une réalité qu'elle avait préféré oublier jusqu'à présent. Elle avait tout fait pour ne plus penser à ça, pour oublier, et se rendait compte à présent qu'avec un tel comportement elle avait accepté malgré elle la situation. En voulant nier l'évidence, elle avait supporté la situation, alors qu'elle aurait dû lutter contre elle.

La fillette hocha la tête, convaincue par le discours du Gryffondor. C'était exactement ce qu'elle avait besoin d'entendre. Elle était loin d'être idiote, du moins elle ne se pensait pas stupide, mais elle manquait cruellement d'optimisme. Elle avait de la volonté, de l'ambition, mais elle avait cette fâcheuse tendance à voir les choses en noir qu'ont les gens qui ont souvent été déçus. Elle avait baissé les bras trop vite, parce qu'elle ne se sentait pas la forte d'affronter la situation. Mais maintenant que son secret était partagé avec son meilleur-ami, et que celui-ci lui redonnait l'espoir dont elle avait manqué, cela ne lui semblait plus si insurmontable.

Pouvait-elle vraiment retrouver son père ? Andrew semblait croire que oui, et il avait sans doute raison. Sa mère avait gardé plein de papiers en rapport avec le procès, elle pourrait essayer de fouiller pour trouver le nom de l'endroit où ils avaient envoyé son père. Oui, sans doute pouvait-elle retrouver son père, mais en avait-elle envie ? Evidemment, elle avait envie de retrouver son papa, celui auprès de qui elle avait grandi, qui lui faisait faire ses devoirs en rentrant de l'école, celui avec qui elle jouait à la bataille navale les dimanches après-midi. Mais ce n'était pas cet homme-là qu'elle retrouverait. Physiquement ce serait toujours son père, mais il ne lui sourirait pas en la voyant, il ne la serrera pas dans ses bras, ne l’appellerait même pas par son prénom. Elle n'était pas certaine d'avoir la force d'affronter ça, pas toute seule. Mais seule elle ne l'était pas, puisque Andrew proposait déjà de l'accompagner, de l'aider à retrouver son père et à le faire soigner. Réellement touchée par les promesses du Gryffondor, Sasha sentit de nouvelles larmes lui monter aux yeux et adressa un sourire sincère à son ami.

- Merci Andrew ! assura-t-elle chaleureusement en essuyant les dernières traces de larmes sur ses joues. C'est gentil, vraiment. Je crois que....Je crois que je veux bien essayer !

Au moment où elle prononait ses mots, toute trace d'hésitation disparut de son esprit. Elle retrouverait son père, et elle le sauverait. Andrew avait raison, ensembles ils pouvaient y arriver. Elle se découvrait une force de conviction toute nouvelle, se sentant prête à tout pour récupérer son père. Depuis des mois elle rêvait du jour où elle pourrait se venger, elle échafaudait des plans pour faire payer tous ceux qui avaient participé à ce crime, mais désormais toute cette énergie serait consacrée à une cause bien plus importante. Elle devait ce changement à Andrew, et lui en était reconnaissante. Là où elle avait cultivé la rancœur et le désir de vengeance, il lui avait apporté l'espoir et l'optimisme.

- Tu es vraiment prêt à faire des recherches ? demanda-t-elle à son ami avec un sourire en coin. Venant de la part de quelqu'un qui se lamentait dès qu'il avait un devoir à rédiger, c'était une très belle preuve d'amitié. Il va falloir lire beaucoup de livres tu sais... ajouta-t-elle, moqueuse.

Ses larmes avaient séchées, et elle se sentait de nouveau prête à affronter la vie avec le sourire, à reléguer la tristesse et la douleur au second plan. Elle ne chercherait plus à oublier, maintenant. Elle sentait qu'elle avait fait un pas en avant et ne voulait pas revenir en arrière. Elle avait regardé la réalité en face et même si cela avait été pénible, elle ne le regrettait pas, parce qu'à présent elle était prête à affronter cette réalité. Elle allait se battre. Ils allaient se battre, ensembles.

La fillette tendit la main pour attraper celle d'Andrew et la pressa dans la sienne avec un sourire reconnaissant. Elle parlait beaucoup, en général, même trop parfois. Mais à cet instant elle choisit de garder le silence, parce qu'elle n'avait pas besoin de mots.