Best not to think about it [Kathrina]

Encore une fois, Kathrina s’était isolée de ses amis en prétextant un cahier oublié. Bientôt, elle serait à court d’excuses et bientôt, ses amis cesseraient de faire semblant de la croire. Mais, en plus de ne pas avoir fait son deuil –et de douter qu’elle le fasse jamais-, elle avait de plus en plus de mal à supporter les réactions de ses camarades. Maintenant que tous étaient au courant, entre ceux qui la prenaient en pitié, et ceux qui la regardaient comme si elle était un monstre, Kathrina ne se sentait plus à l’aise dans l’école. Même si elle adorait ses amis et qu’ils faisaient tous pour ne pas la froisser, à certains moments, elle avait envie d’exploser et pour rien au monde, elle ne voulait leur montrer ça.

Bref, son état psychologique était semblable à des montagnes russes, ces derniers temps, alternant phases de dépression, et phases courageuses de « Je fais semblant que tout va bien ». Le problème étant que se construire une carapace l’obligeait à s’isoler pour relâcher la pression, et souvent, cela s’accompagnait de crises de nerfs ou de larmes, où elle ne cessait de ressasser la même chose. Ulrich, mort. Son frère, son seul point de repère. Et elle était seule contre tous, à le défendre encore.

Une voix la tira de ses sombres pensées, et elle s’empressa aussitôt d’essuyer ses joues.

« Andrew ! » Surprise, elle ne s’attendait pas à le trouver là, surtout qu’elle avait pris soin de choisir un endroit où personne n’était sensé passer. « Je… »

Il la prenait au dépourvu avec sa question. N’était-ce pas évident ? Est-ce qu’elle allait répondre que tout allait bien, alors que ses yeux étaient encore remplis de larmes ? Kathrina baissa la tête, en ramenant ses genoux contre elle.


« Désolée. Je dois te sembler pathétique. » souffla t-elle, d’une toute petite voix, sans oser croiser son regard.

La conviction avec laquelle Andrew affirma qu’elle n’était pas si désolante la toucha. Elle ne savait pas s’il était sincère, mais elle avait envie de le croire en tout cas. Ce ne fut que lorsque le Gryffondor lança un Lumos qu’elle se rendit compte d’à quel point l’endroit était sombre, avant qu’Andrew ne vienne.

« Ca fait… Je dirais vingt minutes. Peut-être plus… J’avoue que j’ai un peu perdu la notion du temps. » répondit-elle, hésitante.

Un petit rire éraillé lui échappa, presque malgré elle, quand Andrew lui tendit une boîte de dragées.

« C’est bien un conseil typique de Gillian, ça. Merci. »

 Puis elle prit une dragée au hasard, sans vraiment réfléchir et… pas de chance. Une grimace lui tordit les lèvres.

« Hum… Tripes. Je crois que même les dragées se moquent de moi. »

C’était fou qu’elle parvienne à plaisanter dans une telle situation. Kathrina essuya avec le dos de sa manche les dernières traces de larmes sur ses joues. Etrange situation. Elle voulut s'excuser tout de même de s'être montrée ainsi  :


« Désolée que tu m'aies vue comme ça, je n'ai pas l'habitude de pleurer devant les gens, je... Je n'aime pas ça. Gênée, elle voulut reporter la discussion sur le garçon. Et toi alors, tu... passais juste par là ?  »

Kathrina offrit un pâle sourire à Andrew en réponse au sien, consciente qu’il essayait de la réconforter. Elle était quelque part soulagée de voir que le Gryffondor n’avait pas changé d’attitude envers elle, depuis leur dernière rencontre avant les vacances de Noël. Kathrina n’était pas dupe, elle sentait bien que le regard que lui portait de ses camarades, à commencer par ses camarades de maison, n’était plus le même. Elle craignait au fond d’elle qu’il en soit de même pour ses amis proches, qu’ils ne la considèrent plus tout à fait comme avant. C’était peut-être pour ça aussi qu’elle s’isolait. Par peur de les voir changer et de ne pas réussir à encaisser le coup.

Pourtant, même s’ils ne se connaissaient pas vraiment, même s’ils n’avaient commencé à se parler que depuis quelques semaines, même si son sourire était encore un peu crispé, Andrew n’avait pas l’air de la juger, et ce fut ce qui la détendit.

« D’accord, Harris n’est pas très… impartial, disons, ni très coulant, concéda t-elle. Puis elle planta son regard clair dans celui d’Andrew, intriguée. Qu’est-ce que tu lui as fait pour qu’il te colle autant de temps ? »


Harris avait beau avoir une dent contre les Gryffondor, trois semaines, c’était tout de même excessif, il n’aurait sûrement pas sanctionné ainsi le garçon sans raison valable.

Kathrina reprit une dragée plus par politesse que pas réelle envie, mais heureusement pour elle, elle tomba sur un goût chocolat cette fois-ci. Le père de Gillian n’avait pas complètement tort, sentir le sucre fondre sur sa langue lui fit du bien. Et elle ne sut si c’était l’une des autres vertus magiques du chocolat, ou si c’était simplement Andrew qui était doué pour la faire rire, mais le voir se prendre pour un preux chevalier face au méchant Harris lui arracha un son qui lui semblait bien ne pas avoir entendu depuis plusieurs jours.

« Je veux bien te croire, tu sauves déjà de jeunes demoiselles en détresse, c’est un bon point pour le chevalier Andrew. » répondit-elle, sur le même ton de plaisanterie.

La partie retenue avec Harris était déjà moins drôle, et pour tout avouer, elle fut même surprise de son récit. Andrew était peut-être téméraire et impulsif –comme beaucoup de Gryffondor- mais elle n’aurait jamais cru insolent. La fin de sa phrase l’interpella et lui fit échafauder ses premières hypothèses.


« Tu étais tracassé par quelque chose ? » Elle s’empressa d’ajouter, un peu gênée : « Je ne veux pas te forcer à en parler bien sûr, mais… Puisqu’on est là… Je préfèrerais éviter de te retrouver toi aussi dans un coin de Poudlard à broyer du noir. » conclut-elle, de son pâle sourire.

Elle eut une sorte de mouvement de gêne, à replacer nerveusement une mèche de cheveux, quand Andrew ne comprit pas son sous-entendu. Elle n’avait pas honte de remercier ou de montrer sa gratitude, en général, mais cette fois-ci, elle se sentait timide, allez savoir pourquoi.

« Eh bien, moi, pour commencer, répondit-elle, en détournant le regard. On ne se connaît pas tant que ça, mais tu es quand même là, donc… Merci. »

*Merci de ne pas t’être enfui en courant* C’était vrai, Andrew aurait très bien pu faire mine de ne pas l’avoir vue. C’était plutôt courageux de sa part d’être venu lui parler, malgré le fait qu’il n’était jamais facile d’être dans la position de celui qui réconfortait, même quand on connaissait très bien la personne.

La suite la rembrunit, et  malgré elle, de mauvaises pensées remontèrent à la surface. Oh que oui, elle savait pour Abigail et Ahren, comment ne pas le savoir ? Tous les élèves de leur promotion en parlaient. Avec étonnement, la plupart du temps, personne ne s’y attendait, et Kathrina, pas plus que les autres. Même si elle appréciait beaucoup Aby, même si elle n’était de toute façon pas du genre à donner son avis sur les fréquentations de son frère, cette fois-ci, elle avait assez mal pris la chose. C’était comme si Ahren avait déjà tourné la page, en quelques jours, tandis qu’elle peinait encore à trouver le sommeil.


« C’était difficile de rater ça, soupira t-elle. Et je dois avouer que je suis surprise, comme tout le monde. Je ne pensais pas qu’ils étaient si proches… ni qu’Ahren ferait si vite son deuil. » avoua t-elle, amèrement, avant de se souvenir du sujet initial : « C’est ce qui te tracasse ? »

Kathrina hocha la tête à la réponse d’Andrew. Oui, elle aurait sans doute fait la même chose, parce qu’elle appréciait bien le garçon, et qu’elle n’aurait pas aimé le laisser dans sa détresse non plus. Même si elle doutait de le trouver un jour déprimer au coin d’un couloir, il avait toujours l’air tellement joyeux et énergique. Pourtant, quand elle leva les yeux vers lui, au moment où il reposa sa baguette, Kathrina fit enfin plus attention. Et le sourire d’Andrew, même s’il était présent, n’était pas aussi sincère que d’habitude.

« Oui, on a parlé… une fois, déclara t-elle en réponse à sa question, plutôt maussade. C’est pas comme si on se parlait souvent en temps normal, mais ça n’a pas fini en dispute, c’est déjà ça. »

C’était peut-être égoïste de sa part, mais elle aurait aimé avoir un peu plus de soutien de la part de son jumeau. Le plus navrant étant qu’elle ne savait pas comment le lui dire.

Lorsqu’Andrew évoqua Aby, Kathrina ne répondit pas tout de suite, se laissant le temps de réfléchir. Logique, si elle avait eu une pire ennemie, elle n’aurait pas aimé que l’un de ses amis se mette à sortir avec elle. En revanche, elle n’aurait pas ressenti de… tristesse comme elle en lisait dans les yeux du Gryffondor. Sa réaction la plus logique aurait été d’être en colère ou contrariée. Sourcils froncés, elle demanda donc avec précaution :


« C’est parce que c’est Ahren et que du coup, ça ne te plaît pas ? Ou c’est autre chose ? »

« Merci, Andrew. » souffla t-elle, en serrant brièvement la main du garçon, posée sur son épaule.

Si Kathrina en voulait un peu à son frère depuis qu’il s’était mis en couple, elle ne pouvait nier qu’il l’avait tout de même soutenue les premiers jours, après qu’ils aient pu discuter ensemble. Mais cette trêve dans leurs relations plutôt tumultueuses n’avait pas duré longtemps, chacun s’était peu à peu renfermé dans sa coquille. Kathrina ignorait ce qui l’agaçait le plus. Qu’Ahren se soit vite remis de son deuil ? Ou qu’il l’ait fait sans elle ? Elle en arrivait à ressentir une pointe de jalousie envers Abigaïl pour avoir su s’attirer la tendresse de son frère, quand elle-même peinait à avoir quelques mots gentils.

Ceux d’Andrew ne furent pas plus aimables lorsqu’ils abordèrent le sujet des deux Serdaigle, même s’il s’en excusa. Kathrina répondit par un haussement d’épaules assez indifférent.


« Je sais que vous vous détestez, Ahren n’est pas tendre non plus quand il parle de toi. D’ailleurs, je me suis toujours demandée pourquoi vous vous détestiez autant... » Sans avoir eu vraiment de réponse, se rendit-elle compte, son regard interrogateur posé sur Andrew.  « Et Aby, qu’est-ce qu’elle en pense ? Tu lui en as parlé ? »

L’explication que lui fournit Andrew la laissa dubitative, même si elle n’insista pas. Elle trouvait cela  simplement… dommage. En arriver à une telle animosité pour une divergence de caractère. Elle n’avait que peu de points communs avec Gillian, cela ne l’avait pas empêchée de devenir sa meilleure amie. Certes, la situation n’était pas vraiment comparable, certains incidents entre Andrew et son frère dont elle avait eu vent avaient du renforcer ce mépris mutuel, sans compter leur divergence d’opinions, plus que de caractère…

« J’imagine, oui » répondit-elle donc, simplement.

Andrew passa assez rapidement sur le sujet Aby. Il n’avait de toute évidence pas vraiment envie d’en parler, et Kathrina n’était pas assez proche de lui pour se permettre de le secouer ou de lui faire la leçon. Cela ne l’empêcha pas de ressentir de l’empathie pour le batteur, qu’elle essaya de réconforter comme elle pouvait :

« Peut-être qu’Aby reviendra d’elle-même vers toi pour en discuter, si elle voit que tu l’évites, elle a l’air de beaucoup tenir à toi. J’espère que vous réussirez à vous expliquer, quand même, ça serait dommage… Sans que ça se finisse en combat de boue avec Ahren, bien sûr » ajouta t-elle, dans une tentative de détendre l’atmosphère.

Andrew lui tendit sa main, qu’elle saisit le temps de se relever. Elle s’aperçut à ce moment-là qu’elle avait le sourire aux lèvres, alors qu’elle était venue dans ce sombre coin en pleurant à chaudes larmes.  Elle retint le bras du Gryffondor, quelques secondes, avant qu’il ne se détourne.

« Merci encore, Andrew. Vraiment. Ca m’a fait du bien de parler avec toi. C’est dommage qu’on ait pas appris à se connaître plus tôt, en fait » ajouta t-elle, avec un petit rire. « Bref, je te suis, je suis sûre que tu connais plein de chouettes endroits ! »