Les laissés pour compte [Andrew & Gil]

15 janvier 2007

Trop de choses étaient arrivés, dans les derniers jours. Et Gillian avait beau dire qu'elle était capable de s'adapter à toutes les situations, elle commençait vraiment à atteindre ses limites. Entre les révélations de Kathrina sur sa famille et son frère, sa dispute avec Ahren à propos d'un sujet débile et le fait qu'elle n'ait toujours pas trouvé le courage d'aller s'excuser et reprendre leur relation là où elle s'était arrêtée, et surtout… le fait qu'il ait embrassé Aby, comme ça, sous le nez d'Andrew. Elle n'était pas là lorsque c'était arrivé, mais elle n'en avait pas cru ses oreilles. Elle était contente pour eux, là n'était pas la question. Non, absolument pas. Même si elle avait eu un peu de mal à le croire lorsqu'Aby était venue lui avouer ce qui s'était lié entre le jeune garçon et elle.
Mais Andrew était son ami, et elle savait pertinemment que même s'il faisait mine de rien, cela l'avait affecté. A quel point, elle ne le savait pas.

Elle marchait dans le couloir, étonnamment seule. Ses amis préféraient rester avec Kathrina, lui apporter son soutien, et elle les approuvait parfaitement. C'était Kat qui avait besoin d'aide et de compagnie, pas elle. Elle était assez grande pour se débrouiller toute seule,=
Gillian choisit un des raccourcis qui la rapprochait de la salle commune des Poufsouffle, pressée de rejoindre ses amis. Un petit escalier étroit, circulaire, qui descendait du sixième au troisième étage en un temps record, et qui avait l'avantage d'être très peu fréquenté.
Mais là, quelqu'un était assis, sur une des marches de l'escalier. Une chevelure brune, une écharpe aux couleurs de Gryffondor… Gil aurait reconnu son ami entre milles.

" Andrew? "

Elle se laissa tomber sur une marche, à côté de lui, posant son sac sur ses genoux. Tournant la tête vers lui, elle lui adressa un sourire un peu hésitant:

" Ça va? "

Andrew était un garçon très sociable, c'était un fait. Il détestait être seul. Sauf que depuis hier, il se sentait seul même quand il était en compagnie de ses amis alors il avait préféré s'isoler. De toute manière, il avait fini par exploser hier en fin de soirée à force de voir ses amis s'amuser autour de lui et les avait tous envoyés sur les Bulbobus avant de quitter la Salle Commune pour prendre l'air. Il avait trainé dehors après le couvre-feu, s'était fait surprendre par Harris, avait fait perdre des points à Gryffondor, avait été insolent avec Harris sous le coup de la colère et s'était donc pris trois semaines de retenue et une lettre à ses parents.

Foutu Harris, songeait encore Andrew en trainant des pieds vers le sixième étage. Mais il se fichait de ses retenues, il en aurait d'autres dans sa vie. Il n'arrêtait pas de revoir Ahren et Aby qui tournaient en boucle dans sa tête et il avait juste envie de frapper violemment dans quelque chose. De préférence, un quelque chose qui soit la tête de Keller. Avec sa batte. Il avait l'impression d'avoir raté un chapitre, il n'arrivait pas à comprendre une telle chose avait pu arriver. Il avait l'impression d'avoir raté une marche et d'avoir dégringolé en bas des marches. Il avait mal au ventre depuis hier et oscillait entre agressivité et envie de pleurer, sans arriver à mettre de mots sur ce qui l'agitait, même s'il savait bien que c'était relié à Keller et Aby.

C'est pour ça qu'il s'était réfugié au sixième étage, pour être tranquille. Il évitait tout le monde puis hier et s'était assis dans un coin où personne ne passerait. Enfin, c'est ce qu'il pensait. Il releva la tête en entendant quelqu'un l'appeler et fut surpris de reconnaître Gil. Il décala son sac pour qu'elle puisse s'assoir à coté de lui et se colla un sourire faussement enjoué sur le visage.

- Ca va super bien, pourquoi ?

Elle haussa un sourcil, un sourire légèrement triste aux lèvres. A quoi elle s'attendait? Qu'Andrew, fier comme il l'était, admette directement ce qui le poussait à s'isoler dans ce couloir,  bien loin de la tour des Gryffondor? Elle pouvait toujours rêver.

" Tu ne sais pas mentir, je te l'ai déjà dit? "

Il avait toujours cette espèce de sourire affreusement crispé plaqué sur le visage, lorsqu'il essayait de faire croire aux autres que tout allait bien. Gillian, à force de le fréquenter, avait appris à faire la différence entre son sourire habituel et les autres, mêmes si ces derniers apparaissaient rarement sur son visage rieur.
Elle fouilla dans son sac, attrapant une chocogrenouille qu'elle lui mis de force dans la main.

" Il n'y a rien que le chocolat ne peut pas adoucir, au moins quelques secondes. C'est mon père qui dit ça. "

Elle inspira un grand coup, laissant son regard vagabonder devant elle.

" On a vraiment eu un début d'année complètement dingue. Je ne pensais pas que quelque chose pouvait encore me surprendre, mais… je n'avais jamais pensé te croiser assis à broyer du noir dans un escalier désert. "

Elle reposa son regard clair sur lui, sachant ses paroles cruellement honnêtes dans leur imprécision. Elle n'était pas bête, Gillian, elle se doutait bien de ce qui donnait à Andrew ce regard triste, ce sourire crispé, cette volonté de ne rien dire. Et, elle devait être honnête avec elle-même, elle souffrait aussi. Un peu. Parce qu'elle appréciait Ahren, malgré leurs histoires différentes, malgré leurs avis divergents. Et maintenant qu'il avait Aby, apprécierait-il toujours de l'avoir dans les pattes? Elle n'avait vraiment aucune envie de s'imposer, surtout pas maintenant qu'Aby était dans l'équation.

- Je mens comme un Poufsouffle, c'est ça ? fit-il avec un léger sourire, sans pouvoir s'en empêcher.

Mais Gillian avait raison, il mentait. En même temps, que pouvait-il faire ? Lui-même ne savait pas mettre de mots sur ce qui le chamboulait autant, lui contractait l'estomac et l'avait fait se retourner toute la nuit. Ses copains se ficheraient de lui s'il tentait d'expliquer quoi que ce soit, c'était un peu compliqué avec Sasha avec l'histoire de son père et quant à Aby... Il ne lui avait pas parlé depuis hier et ne voulait pas lui parler. Elle était sûrement trop occupée avec Keller, qu'est-ce qu'elle en avait à fiche de lui ? Et puis il ne savait pas comment il réagirait face à elle, alors il préférait ne pas la croiser. Rien que l'idée lui retournait l'estomac encore plus.

Mais il y avait Gillian. Il l'avait toujours appréciée, c'était quelqu'un de super-gentil et il avait confiance en elle, c'était indéniable, même s'ils avaient très souvent des conversations légères, rarement des plus confidentielles. Elle lui fourra une Chocogrenouille dans la main et rien que ce geste lui donna un coup au moral, encore plus, sans qu'il ne sache pourquoi. Il murmura un merci avant de croiser ses bras sur ses genoux et de poser la tête sur ces derniers.

- Je ne...

Et puis bon, à quoi bon nier ? C'était évident de toute manière, Gillian n'était pas idiote.

- Y'a un début à tout, faut croire.

Gillian avait toujours été douée pour reconnaître les expressions des autres, s'en servant toujours pour trouver la limite à ne pas franchir.
Et là, l'expression d'Andrew criait à l'aide. Elle le connaissait, elle savait à quel point il détestait que les autres sachent à quel point certains évènements l'affectaient. Gillian n'était pas sa meilleure amie, elle le savait, c'était Sasha. Mais parfois, c'était plus simple de simplement se laisser à aller, de parler, à quelqu'un de moins proche, qui comprendrait. Parce qu'elle comprenait Andrew, sans vraiment savoir pourquoi, elle comprenait son incapacité à trouver une réponse adéquate à la situation, elle comprenait son ébahissement, elle comprenait sa peur de ne plus être nécessaire dans la vie de leur amie.

Elle passa son bras dans son dos, pressant son épaule, essayant par ces simples gestes de lui faire passer son soutien, son amitié.

" Andrew… C'est… "

Elle voulait lui dire qu'il n'y avait pas de honte à avoir mal, à être blessé. Que cela arrivait à tout le monde, d'avoir des passages à vide, de ne plus trouver sa place. Mais elle savait qu'elle avait plus de chance de le voir se fermer comme une huître plutôt que de le voir vider son sac, et lui avouer ce qu'il n'allait pas. Il ne fallait jamais laisser les mauvaises choses s'accumuler, sous peine d'exploser, elle le savait.

" Je suis là, si tu as besoin de parler. Ou si tu veux simplement rester là, un petit peu, ça me va aussi. "

Je pense que je comprends ce que tu ressens, ajouta-t-elle silencieusement, serrant doucement le corps de son ami dans ses bras.

Andrew soupira quand Gillian passa un bras autour de ses épaules et lui adressa un sourire en coin un peu piteux. Andrew n'avait pas vraiment connu de malheurs dans sa vie. Certes, ses parents étaient divorcés mais avaient toujours fait attention à lui et à son bien-être. Sa famille était agréable, ses parents présents, il n'avait pas connu de drames ou de décès, il avait même encore ses quatre grands-parents. Ce qui c'était passé avec Sasha lui avait fait relativiser pas mal de choses vis-à-vis de sa propre vie et il avait pris un peu plus de recul. Mais c'était peut-être ça aussi qui jouait. Le fait d'avoir rarement connu des chagrins, qui faisait qu'il gérait son mal-être avec autant de difficultés. Peut-être qu'il faisait partie de ces gens qui avaient été trop épargnés dans leurs enfances au point de ne pas savoir affronter les malheurs. Parce qu'il était malheureux, ça, il en avait conscience. C'est juste que tout était trop confus pour qu'il arrive à verbaliser la situation. Il n'arrivait pas à faire le tri entre sa colère, son chagrin, son ressentiment, sa surprise et d'autres sentiments qu'il n'arrivait pas à nommer.

- Je ne sais même pas de quoi je parlerais, marmonna-t-il. Un silence se fit. Je ne sais plus grand-chose, je crois.

Pourquoi les choses étaient-elles aussi confuses et pourquoi est-ce qu'il ne pouvait plus faire le tri dans son esprit, soudainement ? Soupirant, il releva les yeux vers Gillian et lui planta un baiser sur la joue avant de lui adresser un sourire un peu triste mais sincère.

- Merci, fit-il simplement. Il scruta ses traits attentivement avant de reprendre la parole. T'as pas l'air en forme non plus, ça va ?

Gillian resta silencieuse lorsqu'Andrew lui avoua à mi-voix qu'il ne savait plus, qu'il ne comprenait plus ce qui lui arrivait. Ce n'était pas à elle de remuer ses mauvaises pensées, de parler de choses dont il n'avait pas envie de parler. Ce n'était pas à elle de faire remonter le sujet d'Aby et d'Ahren, ce n'était pas à elle de lui mettre en face des yeux le fait que sa relation avec la Serdaigle n'avait aucun rapport avec celle qu'il avait avec elle, avec Sasha, ou même avec Kat. Ce n'était pas à elle de le faire, parce qu'elle-même n'arrivait pas à savoir où se placer, par rapport à cette nouvelle.
Elle sentit ses lèvres d'Andrew se poser sur sa joue, dans un geste amical, et répondu en le serrant quelques secondes dans ses bras, avant de se reculer, partageant son sourire un peu triste. Gillian était quelqu'un de joyeux, qui voyait toujours les choses du bon côté… mais là, même son côté optimiste n'arrivait pas à prendre le dessus.

" J'ai… Il s'est passé beaucoup trop de choses, récemment, et… Je ne sais pas quoi faire, honnêtement. J'essaye d'aider Kat, je ne sais pas comment faire. J'aimerai aider Ahren, mais… je n'ai pas envie qu'il pense que je reviens par pitié, ou par tristesse, plutôt que parce que je l'apprécie. Et maintenant qu'il y a Aby… "

Elle passa une main lasse sur ses yeux, reposant son regard clair et fatigué sur son ami:

" Je n'ai absolument aucun contrôle sur ce qui arrive, je ne sais pas quoi faire, je me sens complètement inutile. Et je déteste ça. "

C'était étrange de voir Gil dans cet état, elle qui était un bout-en-train de nature. Toujours de bonne humeur, enthousiaste... Alors qu'aujourd'hui, elle semblait tout autant de bonne humeur que lui, ce qui n'était pas peu dire. Quel duo ils faisaient ! Tout les deux, assis dans un coin solitaire de Poudlard à se morfondre. Qui aurait pu les reconnaître, alors que d'habitude, quand on les croisait, ils débattaient du dernier match de Quidditch à bâtons rompus ou promettaient que leurs équipes respectives, que ce soit les Harpies ou Flaquemare ou encore Poufsouffle et Gryffondor, allaient s'écraser. Il déballa sa Chocogrenouille, la coupa en deux, et tendit un bout à Gillian tandis qu'elle prenait la parole.

- Tu sais, Kathrina est une fille forte, c'est évident, elle surmontera ça un jour, j'en suis persuadé. Mais c'est génial que tu sois là pour elle, assura sincèrement Andrew.

Son cœur se serra inextricablement quand Gillian évoqua Aby et Keller mais il s'empressa de chasser cette sensation oppressante en se forçant à penser à autre chose.

- Vous n'êtes toujours pas réconciliés, avec Keller ? Il ne parlait évidemment pas de Kat, il n'utilisait jamais son nom de famille pour la désigner, c'était réservé à son frère, ça. En même temps, Gil, comment est-ce qu'on pourrait avoir un contrôle sur ça ? Ça ne nous concerne pas, c'est leur affaire. Nous... On a rien à dire. C'est normal, je sais, mais... Il retint un soupir et changea de sujet. T'as pensé à lui écrire ? A Keller, je veux dire. Pour que tu puisses lui dire ce que tu as à dire et qu'il y pense calmement.

Gillian hocha la tête lorsque le jeune garçon lui assura que Kat était forte, qu'elle s'en sortirait. Elle le savait, c'était sa meilleure amie, qui avait réussi à garder le sourire malgré tout ce qu'elle avait vécu,  Mais c'était justement sa meilleure amie, et elle se sentait impuissante, incapable de lui apporter le soutien dont elle avait besoin. C'était sa meilleure amie, par Helga, mais elle ignorait une grande partie de sa vie, elle ne savait pas quoi faire, elle… et Kat souffrait, et elle se contentait de la serrer dans ses bras, de lui assurer qu'un jour, cela irait mieux.
Gillian laissa fondre le morceau de chocogrenouille qu'il lui avait passé sur sa langue, grimaçant lorsqu'il évoqua le Serdaigle.

" Je sais bien que je pourrais rien faire, mais… je l'aime bien, Ahren, et je… Je n'ai pas envie qu'il pense que je reviens pour les mauvaises raisons. Et vu qu'il est têtu comme une mule, je suis pas sûre qu'une lettre changerait grand-chose. "

Elle se tourna vers lui, se releva, et l'attrapa par la main, le forçant à se lever. Un sourire un peu forcé plaqué sur les lèvres, comme s'ils étaient encore avant les vacances de Noël, quand tout autour d'eux avait encore du sens.

" Allez, viens. On peut… sortir dehors, marcher dans les couloirs, je sais pas. Essayer de prétendre que tout va bien. Que nos amis ne sont pas tombés sur la tête, que le grand-frère de ma meilleure amie n'est pas un meurtrier, qu'on est juste deux amis qui ont besoin de passer un peu de bon temps ensemble. "

Parce que c'était vraiment ce dont elle avait besoin, là. Oublier. Ne pas regarder la vérité en face, au moins pour quelques secondes.

Andrew scruta les traits de Gillian avec attention tandis qu'elle reprenait la parole. Elle était soucieuse, constata-t-il, et fatiguée. Pourquoi est-ce qu'ils se laissaient abattre comme ça, hein ? Ils étaient bien plus dynamiques que ça, d'habitude !

- Je ne vais pas te vanter le grand sens de l'amitié ou la tolérance et le pardon d'Ahren Keller, Gil, commença Andrew. Mais je pense que si vous étiez vraiment amis, enfin, si t'as réussi l'exploit qu'il te considère comme une amie... Bah il comprendra que tu reviens auprès de lui pour le soutenir, voilà tout. Sans histoire de pitié ou de mauvaises raisons. S'il ne comprend pas ça, il n'a rien compris à l'amitié et en plus, il ne mérite pas, répondit Andrew fermement, avec un sourire à l'égard de son amie.

Il se leva de mauvaise grâce quand Gillian le tira par la main - il était bien dans son escalier, lui ! - et saisit son sac de cours abandonné sur une marche. Gil avait raison, ils n'allaient pas rester là. Après tout, pourquoi est-ce qu'ils se montaient la tête comme ça ? Aby et Keller étaient grands, ils faisaient ce qu'ils voulaient. Aby était son amie, il n'avait rien à dire sur sa vie, il devrait déjà être heureux de l'avoir comme amie. C'est juste que... Non, que rien. Il n'y avait rien, cela ne lui posait pas de problèmes. Aby voulait sortir avec Keller ? Libre à elle, voilà ! Elle voulait passer tout son temps avec Keller ? Grand bien lui fasse ! Il avait plein d'autres amis, il n'avait pas besoin d'elle dans sa vie, voilà.

- T'as raison, on va pas se laisser abattre par... Par je-sais-pas-quoi. J'veux dire, Aby et Keller sortent ensemble, c'est un fait - même si je ne sais pas ce qui leur a pris - mais on peut composer avec, j'veux dire, c'est pas comme si moi je voulais être avec Aby et toi avec Ahren, n'est-ce pas ?

Non, du tout.

Gillian ne se serait jamais attendu à ce qu'un jour Andrew puisse parler d'Ahren en termes qui, sans être positifs – fallait quand même pas rêver -, étaient tous de mêmes beaucoup moins négatifs que son discours habituel. Et surtout, ce qui touchait Gillian, c'était qu'il mettait ses sentiments à lui de côté parce qu'il savait qu'elle l'appréciait. C'était son ami à elle qui parlait, pas l'ennemi attitré d'Ahren Keller.

Alors qu'ils quittaient l'escalier, sans vraiment de direction précise, Gillian ne put empêcher un léger sourire, un peu triste, un peu mélancolique, de fleurir sur ses lèvres. Pour elle, le début d'année était une succesion d'évènements: sa dispute avec Ahren, les problèmes des Keller, son dilemme intérieur… même si le fait qu'Aby et Ahren sortent ensemble l'avait surprise, cela ne lui faisait ni chaud ni froid. Vraiment. Elle était contente pour eux, et cela s'arrêtait là.

" Ahren est mon ami, arrête de raconter n'importe quoi, Andrew. "

Ce qui visiblement, n'était pas le cas d'Andrew. Sinon, ce ne serait pas cette partie uniquement de la phrase qu'il aurait rattrapée au vol, parce que franchement… qu'est-ce qu'était un couple, à côté de la mort d'une personne qu'ils avaient plus ou moins connu, grand frère d'une de leurs amies?

" Je suis contente pour eux, parce que s'ils se sont trouvés, c'est une bonne chose. C'est pas comme Kat et Paul, par exemple. Elle ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel, un air légèrement amusé sur le visage. J'attends avec impatience le moment où ils pourront enfin se regarder en face sans ressembler à des tomates. "

Elle jeta un regard par une fenêtre donnant sur la cour enneigée, et se tourna vers son ami, un sourire légèrement machiavélique aux lèvres:

" Je suis pour une bataille de boules de neige, pas toi? "

Pour retourner quelques minutes en enfance, et n'avoir pour unique objectif que d'éviter les projectiles que lui lançait l'autre. Parce que ce que Gillian voulait vraiment, c'était ne plus avoir à agir comme une "grande", concernée par des sujets d'adultes. Elle voulait juste être une enfant de douze ans, pour une fois.

- Je disais ça en plaisantant, lança Andrew, un sourire en coin aux lèvres et en haussant les épaules.

Gillian était amie avec Keller, tout comme il était ami avec Aby, voilà tout. Il n'y avait pas besoin de chercher midi à quatorze heures ou de se torturer l'esprit. C'était simple. La seule qui le gênait, c'était le fait que ce soit Keller, voilà tout. Avec n'importe quel autre garçon, il aurait été heureux pour Aby, il en était certain.

Néanmoins, les mots de Gillian lui firent comme un coup au cœur et le firent se sentir plus mal qu'il ne l'était déjà. Non, ce n'était pas une bonne chose. Et que Gillian pense ça le rendait furieux. En quoi cela serait une bonne chose ? En quoi ce serait bien, ou sympa ou juste supportable ? Cela le mettait dans une rage folle et dans un état de nerfs impossible tout en l'attristant. Et de se retrouver dans cet état sans qu'il ne puisse savoir pourquoi ça le touchait autant le rendait encore plus furieux. Cet état d’agressivité, cette tension permanente, ce bleu à l'âme et cette manie de ressasser sans cesse ce qui était en train de de se passer sans parvenir à s'en sortir et sans parvenir à comprendre pourquoi il était une telle boule de nerfs ne faisait qu'aggraver le tout. Il releva la tête vers Gillian en se rendant compte qu'il n'avait pas écouté la suite et ne put s'empêcher d'être honnête.

- J'vois pas en quoi ça serait une bonne chose.

Gillian se retint difficilement de lever les yeux au ciel alors qu'Andrew, qui n'avait visiblement rien écouté de ce qu'elle venait de lui dire, restant bloqué à ses premiers mots sur Ahren et Aby.

" Et s'ils sont content d'être ensemble? Aby et Ahren sont bien assez grand pour savoir ce qu'ils veulent, et s'ils ont décidé d'être ensemble, tant mieux pour eux. C'est une bonne chose pour eux, d'avoir réussi à se trouver. "

Elle s'était arrêté, avait forcé Andrew à la regarder dans les yeux, son regard clair transperçant le sien. Gillian savait très bien que les deux garçons ne s'entendaient pas. Ahren n'aimait pas Andrew, Dubois n'aimait pas Keller, c'était une vérité admise parmi tous les élèves de Poudlard. A part si on avait vécu pendant un certain temps avec le calamar géant, il était impossible de l'ignorer.
Elle soupira légèrement, ne sachant pas tellement pourquoi elle avait réagi aussi vite et brusquement, secoua la tête avant de reposer son regard sur le Gryffondor:

" Excuse-moi, je n'aurais pas dû réagir comme ça. Mais… Est-ce que c'est vraiment Ahren, le problème? "

Plus elle y réfléchissait, plus elle trouvait cela étrange. Andrew pouvait très bien ne pas apprécier le Serdaigle, mais, vu qu'il était ami avec Aby, il aurait au moins du essayer d'accepter la réalité, par égard pour elle. Ce qu'il était visiblement incapable de faire. Il y avait forcément quelque chose d'autre, Gillian le sentait. Mais visiblement, Andrew non plus n'était pas capable de voir la vérité en face. C'était son rôle, en tant qu'amie, d'aider à le faire voir plus clair, elle le savait.

- Oh, parce que tu crois que j'ai pas pris sur moi ? répondit Andrew avec colère. Il était plus grand que Gillian et la toisa tandis qu'elle le regardait dans les yeux. Parce que, je ne sais pas si t'as remarqué, mais je ne suis pas allé enfoncer mon poing dans la boite crânienne de ton foutu abruti de meilleur ami ! Tu veux que je fasse quoi d'autre, hein ? Que j'aille leur présenter mes félicitations et leur balancer du riz ? J'préfère encore brûler mon balai et ma baguette ! Tu peux jouer les Poufsouffle autant que tu veux, me faire la morale comme si t'étais ma mère et jurer le contraire mais cette histoire ne te réjouit pas non plus, te voile pas la face !

Il se détourna brusquement de Gillian pour se calmer et serra les poings, alors que l'envie de frapper dans quelque chose et de se défouler une bonne foi pour toutes revenait, omniprésente et obsédante. Il s'appuya contre le mur, ferma les yeux et récita une vingtaine de fautes au Quidditch avant de les rouvrir, un peu plus calmé.

- Je ne voulais pas te crier dessus, Gil, désolé. J'ai un peu de mal ce soir.

Il avait quitté la Salle Commune et avait voulu rester seul pour la même raison.

- Et bien sûr que c'est Keller le souci, qu'est-ce que tu veux que ça soit d'autre ?

Mais si Gillian était décidé à le questionner, lui aussi voulait lui demander quelque chose qui l'ntriguait depuis le début de la soirée.

- Pourquoi t'es pas heureuse pour eux, toi ? Et ne dis pas le contraire, t'es un livre ouvert, Gil.

Gillian ferma quelques secondes les yeux, souriant un peu douloureusement à la phrase de son amie, qui faisait écho de manière frappante à ce qu'elle lui avait dit au début. Elle était un livre ouvert, tout comme lui était incapable de mentir. Ils partageaient trop, tous les deux, pour ne pas se rendre compte immédiatement du moment où quelque chose clochait, dans leurs attitudes, dans leurs mots respectifs. Quand bien même on refusait de se l'avouer à soi-même. Elle voyait chez Andrew quelque chose que lui-même refusait de s'avouer, tout comme lui voyait la même chose chez elle.

" Je sais pas, j'ai juste… l'impression qu'ils avancent, et qu'on reste derrière. Qu'ils n'ont plus besoin de nous, l'un comme l'autre. "

Elle se tourna vers Andrew, juste emprise d'une grande lassitude. Pourquoi est-ce que le monde entier n'avait plus aucun sens, en ce moment, franchement?

" C'est bête, comme impression, non? C'est toujours la même Aby, c'est toujours le même Ahren, mais d'un autre côté j'ai l'impression qu'ils ont complètement changé, et que je suis en train de passer à côté. Donc oui, je pense qu'on peut dire que je suis pas heureuse. Pas… "

Elle s'arrêta, se rendant compte que ce qu'elle racontait n'avait strictement aucun sens.

" J'en sais rien. T'as raison, sans doute, mais je suis pas capable d'expliquer pourquoi. Je suis contente pour eux, parce que ce sont mes amis, mais… J'y arrive pas vraiment. Je suis une belle amie, non? "

Gillian ne s'emporta heureusement pas face aux mots durs qu'Andrew venait de lâcher et il lui en fut reconnaissant. Il n'avait pas envie de se disputer avec quelqu'un ce soir et si Gillian lui avait répondu sur le même ton, les choses se seraient sûrement envenimées et Andrew ne le souhaitait pas.

- Je ne dirais pas que c'est bête, comme sensation, la rassura-t-il avec un sourire. J'vois même un peu ce que tu veux dire, dans un sens. Ils ont un truc - il avait prononcé ces mots à regret - qu'on aura jamais, alors qu'avant, c'était plus équitable quand on était tous justes amis. Enfin, sauf Keller parce que j'ai jamais pu le sacquer et que j'ai toujours pas compris ce que vous lui trouviez, termina-t-il, avec un clin d’œil malicieux à l'adresse de Gillian.

Il s'était arrêté de marcher en s'emportant et reprit lentement son pas à coté de Gil, descendant les escaliers.

- Te culpabilise pas. Tu ne peux pas non plus te forcer à être heureuse pour quelqu'un, ça ne veut pas dire que tu es une mauvaise amie ni rien. Il passa un bras autour de ses épaules pour la réconforter. T'es une excellente amie Gillian, ne pense pas le contraire.

Elle ne put s'empêcher de sourire lorsqu'Andrew lui adressa un clin d'œil malicieux. C'était le caractère de son ami naturellement jovial de son ami qui ressortait, preuve que quelque chose restait le même. Elle ne put s'empêcher de lui donner un léger coup d'épaule, en lui disant d'un air taquin:

" T'as jamais réussi à comprendre ce qu'on lui trouve parce que tu lui ressemble trop, je l'ai toujours dit. "

Pour elle, ça avait toujours été une évidence. Ahren et Andrew ne s'entendaient pas, parce qu'ils étaient trop proches dans leurs mentalités fières et leur jusqu'auboutisme. Et vu qu'ils défendaient des idées diamétralement opposées, ça ne pouvait pas coller, c'était normal. Même si elle avait plus de mal à cerner le Serdaigle. Comment arrivait-il à concilier ses idées rétrogrades avec le fait de fréquenter Aby, elle ne le savait pas. Et les mots qu'il lui avait envoyé à la figure avant les vacances étaient toujours présents dans sa mémoire.
Elle posa sa tête sur l'épaule de son ami, appréciant simplement l'étreinte,  passant à son tour  son bras autour de ses épaules.

" J'avais simplement besoin d'un câlin, je crois. Et je suis une excellente amie parce que j'ai des amis géniaux, c'est aussi simple que cela. Même s'ils se comportent parfois de manière complètement irrationnelle. Et je t'inclus dans ce lot, Andrew Dubois-Cavill, quoi que tu en dises, finit-elle avec un sourire mi-moqueur, mi-attendri. "

Elle tourna son visage vers lui, soufflant simplement.

" Je suis contente d'être avec toi, en tout cas. Ça aurait été pire si j'étais restée toute seule. "

- Ne m'insulte pas, merci ! fit-il en riant, répondant à son coup d'épaule.

Il n'avait pas l'impression d'être un intolérant aux idées de Mangemort condescendant et agressif envers les autres, méprisant et insupportable, prétentieux et profondément égoïste, quand même. Qu'est-ce que Aby pouvait trouver à un type pareil ? Elle valait mieux que ça, quand même ! Elle qui était joviale et enthousiaste, ouverte d'esprit, tolérante, gentille et généreuse, amusante et intelligente ? C'était un mystère pour lui et cela renforçait son incompréhension quant à cette histoire.

- Je suis parfaitement rationnel ! répondit Andrew, faussement outré. Ma rationalité est telle que j'affirme objectivement que Flaquemare gagnera la Coupe cette année !

Il attira Gillian contre lui pour lui faire un gros câlin et finit par se reculer avec un sourire.

- Alors ne restons pas tout seuls ! Y'a les Harpies contre les Frelons ce soir sur Quidditch FM, ça te dit ? On peut s'installer dans la Grande Salle, on doit pas être les seuls à écouter et Mary Coldwater a une super radio portable ! Oublions Aby et Keller, rien ne peut rivaliser avec le Quidditch !