Les ennemis de mon frère sont mes... amis ? [Andrew]

Samedi 1er décembre 2007
 
Kathrina regardait pensivement la pluie battre les carreaux des fenêtres de la bibliothèque, plume à la main. Elle avait du mal à se concentrer, l’esprit occupé par trop de choses. Elle n’adressait plus la parole à Ahren. Si cela lui avait fait beaucoup de bien les derniers jours d’octobre, tout le mois de novembre s’était écoulé dans un regret progressif de leur dispute assez violente. Oh, elle ne regrettait pas ce qu’elle lui avait dit -puisqu’elle le pensait vraiment- seulement la façon dont ça s’était passé. Et maintenant, d’autres choses plus sérieuses l’inquiétaient, et elle ne voyait pas d’autre personne à qui en parler qu’Ahren… Un soupir s’échappa de ses lèvres. Elle s’était coincée toute seule.

Décidant qu’elle n’arriverait à rien pour le moment, et qu’il vallait mieux qu’elle aille se changer les idées, Kathrina sortit de la bibliothèque d’un pas lourd. Elle ne marcha que quelques secondes avant qu’un autre élève la percute de plein fouet, et ne fasse tomber ses affaires.

« Oh Andrew, nota t-elle, en ramassant ses livres. Ca va ? Désolée…  J’avais l’esprit un peu ailleurs, c’est de ma faute, j’ai pas regardé. »

Malgré elle, la situation la fit rire. Nerveusement. Elle n’avait pas besoin de grand-chose pour rire ces derniers temps, à croire que c’était une réaction d’auto-défense de son cerveau.

« Pardon, c’est juste que… On dirait une scène de mauvais roman à l’eau de rose. Laisse-moi deviner, c’est maintenant qu’on va en profiter pour faire connaissance, alors qu’on s’est à peine adressé la parole jusqu’à maintenant ? »

Pas le moindre reproche dans son ton, juste un certain amusement. Elle n’avait rien contre Andrew Dubois. Contrairement à son frère.
 

Spoiler:

 « Non, ça va ! Juste un peu sonnée, ça va passer. »

Kathrina répondit à son sourire sans réfléchir, tout en lui soufflant un « merci » lorsqu’il lui rendit ses livres. La situation finit par les amuser tous les deux. Elle n’avait aucune idée de ce qu’étaient ces trucs américains dont il parlait, ni comment des moldus pouvaient animer des récits, mais peu importait. Ils avaient tous les deux l’air de penser à la même chose.

« C’est drôle, on dirait que les moldus et les sorciers ont les mêmes références sans le savoir », fit-elle justement remarquer.

La question d’Andrew, ou plutôt, sa façon de la poser lui arrachèrent un autre sourire. Ce n’était pas très spontané comme façon de faire, mais en y réfléchissant, qu’avait-elle à y perdre ? Elle connaissait Andrew comme quelqu’un de très sociable et de visiblement sympathique, la seule chose qui l’avait retenue de lui parler franchement jusqu’à présent était le fait que son frère le considérait comme son pire ennemi. Elle pouvait bien revenir sur sa décision de prendre en compte la sensibilité de son frère, puisque lui ne tenait pas le moins du monde compte de la sienne quand il mettait son grain de sel dans ses fréquentations, n’est-ce-pas ?

« Pourquoi pas ? On n’a qu’à se poser des questions ! proposa t-elle, déjà prise au jeu. Alors dis-moi... Pour commencer, est-ce que tu es le sale freluquet arrogant et énervant doublé d’un Gryffondor sans cervelle dont on m’a parlé ? Je ne citerai pas de nom, bien sûr… »


Dit en toute innocence, évidemment.

Kathrina leva les yeux au ciel, un sourire amusé aux lèvres quand Andrew sous-entendit qu’elle était injuste. Elle était fidèle à Helga, toujours ! C’était d’ailleurs pour ça qu’elle lui posait cette question. Elle préférait apprendre par elle-même quel genre de personne était Andrew, plutôt que de se baser sur des racontars ou sur les remarques absolument pas objectives de son frère. Ce n’était pas très difficile de deviner d'où elle tenait tous ces jolis qualificatifs à propos d'Andrew, l’animosité Keller-Dubois était connue de tous les élèves, même des professeurs. Pourtant, même si elle était la sœur d’Ahren, elle ne s’y sentait pas plus impliquée que les autres. Elle ne se mêlait pas des affaires de son jumeau, en général. Elle ne le défendait pas non plus, s’il s’avérait qu’il était en tort. Alors, la question était : Ahren se trompait-il sur le compte de Dubois ?

« Bon, je suis rassurée, alors, il y a au moins deux adjectifs qui sont faux, c’est déjà ça ! Gryffondor sans cervelle, ça sera facile à vérifier, et puis énervant sur le Quidditch… Je supporte bien Gillian quand elle en parle pendant des heures ! » conclut-elle avec un clin d’œil.

La question d’Andrew la laissa pensive quelques secondes. Il était vrai qu’elle se faisait moins remarquer qu’Ahren et qu’elle était moins extravertie que Gil. Pour autant, cela ne lui avait jamais traversé l’esprit qu’ils lui faisaient de l’ombre, sans doute parce qu’elle ne s’était jamais sentie en compétition avec eux, ou souciée de sa propre popularité.

« Hum… J’espère être plus qu’une fille effacée, c’est sûr... Je préfère quand même être associée à Gillian, qu’à mon frère, ajouta t-elle en grimaçant. Elle n’avait aucune envie de partager la mauvaise réputation d’Ahren. Mais pour répondre à ta question, je pense qu’il faut creuser pour me connaître vraiment, je ne me dévoile pas facilement ! »

Elle le dit sur le ton de la plaisanterie, mais c’était véridique, même Gillian ne savait pas tout sur elle. Oh, elle ne jouait pas la politique du double visage comme son frère aîné, elle masquait seulement certaines choses et se faisait discrète sur d’autres.


« Hum… Et toi, je suppose que tu fais partie de ceux qui m’associent à mon frère ? » demanda t-elle timide, mais curieuse de savoir.

« Prends-le comme tu veux, je suis sûre que tu aimes les défis en plus ! » répondit-elle en haussant les épaules, amusée par la répartie très gryffondorienne du garçon.

La réponse à sa question suivante soulagea Kathrina plus qu’elle ne l’aurait cru. Entre les élèves de Poudlard qui l’associaient à ses frères parce qu’ils avaient une personnalité plus forte que la sienne, Ulrich qui l’avait toujours associée à Susan et Ahren qui s’y mettait aussi, Kathrina se demandait s’il existait des gens parmi ses proches qui la voyaient telle qu’elle était. Si elle avait eu besoin du modèle de ses aînés pour grandir, elle commençait à avoir cette envie –bien qu’encore timide- d’être considérée comme Kathrina, et non pas comme la sœur, la fille, l’amie d’un tel. Les mots d’Ahren à son propos, par rapport à Susan, lui avaient fait très mal, et la blessaient d’ailleurs toujours.

« Merci, Andrew, dit-elle, avec sincérité. Elle ne put s’empêcher d’ajouter, dans un nouvel élan de rancœur contre son frère, au souvenir de leur dernière dispute : Même si ce n’est pas vraiment difficile d’être plus agréable qu’Ahren…  Enfin, bref, changeons de sujet, si tu veux bien. »


Son sourire nerveux ne trompait personne, parler de sa famille n’était pas vraiment son sujet préféré. Elle se souvint à ce moment-là d’un devoir en groupe que leur nouveau professeur d’Etude des Moldus avait eu la bonne idée de leur demander de présenter avant les vacances, un exposé sur un thème de leur choix, parmi une liste qu’il leur avait remise. Sans doute un souci de casser les tendances communautaristes de chaque maison, il avait fait des binômes entre élèves de maisons différentes, et Kathrina s’était retrouvée avec Andrew.  


« Oh, il faudrait qu’on parle du devoir pour l’Etude des Moldus ! Je sais que c'est pas pressé, mais puisque je t’ai sous la main… On pourrait commencer à en discuter, si tu as un peu de temps. »

Spoiler:

Kathrina eut conscience de changer de sujet un peu trop brusquement pour que cela ne trahisse pas son malaise, mais même si elle était en froid avec son frère, elle avait le sentiment que casser du sucre dans son dos en compagnie de son rival n’était pas la meilleure solution pour une réconciliation. Elle fut donc reconnaissante à Andrew de ne pas insister.
Elle retrouva néanmoins son sourire à la suite, amusée d’entendre le Gryffondor se plaindre de leur professeur de sortilèges.

« C’est sûr qu’il n’est pas… exactement comme Mason, disons. Mais il est pas si terrible qu’il en l’air, au contraire ! Il est sévère, mais ça lui arrive d’être gentil aussi. Je suis désolée pour les Gryffondor, lança t-elle, avec un brin de malice, mais Harris n’a rien contre les Poufsouffle, tout le monde nous aime, nous. »

L’éternelle guerre des maisons, mais c’était de bon aloi.


« J’imagine mal Harris prof d’Etude des Moldus, renchérit-elle, je crois que ce n’est pas vraiment son domaine. Quoique, le professeur Warlock était bien d’une lignée pure, les clichés avaient la vie dure ces temps-ci. C’est pas du tout le mien non plus, d’ailleurs, j’avoue que je comptais un peu sur toi pour m’aider à y voir un peu plus clair dans les sujets à choisir, pour l’exposé. J’ai aucune idée du rapport entre les films et… Untraitnet, euh, Unterrenet… Hum, je ne sais plus trop comment ça se dit… » 

« C’est bien ce que je dis, c’est impossible ! » répliqua t-elle, sur le même ton taquin.

En même temps, ils n’avaient jamais cherché la guerre aux autres maisons, ils étaient au contraire réputés pour être les plus conciliants. Même le Choixpeau le disait ! Loyauté et patience, leurs qualités premières, en faisaient de bons amis. Dans la théorie, du moins.

Andrew lui parla ensuite de sa famille, mi-moldue, mi-sorcière. Voilà un détail parmi d’autres qui ne devait pas plaire à Ahren, lui qui avait toujours eu des préjugés à ce sujet. Kathrina s’étonnait d’ailleurs encore qu’il se soit lié d’amitié à des filles comme Gillian ou Abigaïl, qui n’avaient rien de Sang-Pur. Et à côté, quand ça la concernait elle, il ne faisait plus preuve de la même tolérance et se permettait de faire des remarques d’un autre âge à Ythel, songea t-elle avec agacement. Son frère, un mystère de contradiction, décidément.

« J’espère ! J’aime bien cette matière, je découvre toujours plein de choses, souvent amusantes d’ailleurs. Les Moldus ont vraiment beaucoup d’imagination, reconnut-elle, souriante. On s’y met alors ? »


Sur cette proposition, ils pénétrèrent tous deux dans le lieu silencieux de la bibliothèque, prêts à travailler pour quelques heures, même s’ils discutèrent davantage de tout et de rien, à la grande joie de Kathrina, agréablement surprise d’avoir trouvé chez Andrew quelqu’un avec qui elle pouvait parfaitement s’entendre.