Radio Potins [Charlotte & Aaron]

Jeudi 4 octobre 2007

Bon, il allait s'asseoir, hein. Cela faisait dix minutes qu'il attendait, debout devant le bureau de Seamus, et pas de traces de son cousin. Pourtant, lui-même était arrivé avec dix minutes de retard, parce qu'il savait pertinnement que Seamus avait du mal avec les horaires. Là, il en était à vingt minutes de retard. Dépasserait-il les trente? Aaron ne l'espérait pas. C'était la folie au DOM ces jours-ci. Le déménagement avait eu lieu deux semaines auparavant, et les cartons n'avaient pas encore tous été rangés, ce qui provoquait une certaine cohue dès qu'on cherchait un renseignement. Le DOM avait élu domicile en surface, au numéro dix. Aaron avait une place de choix, près d'une fenêtre qui donnait sur la grande artère moldue où était situé le ministère. Il soupçonnnait Fiennes d'avoir veillé à ce qu'il soit bien placé. Le Ministre était d'ailleurs passé le voir - rapidement, certes - quelques jours plus tôt pour le féliciter de son bon travail et lui donner, l'air de rien, un ou deux conseils.

Après un énième soupir exaspéré, le jeune homme controuna le bureau vide de son cousin, tira la chaise et s'assit. Les relations entre Seamus et Aaron ces derniers mois étaient... tendues. L'affaire Maïa leur pesait à tous les deux. La culpabilité les rongeait - surtout Seamus - et les éloignait plutôt que de les rapprocher. Aaron avait plusieurs fois répété à son cousin qu'ils n'avaient pas condamné un innocent, et que Shawn était à sa place à Ste Mangouste, mais lui-même ne croyait qu'à moitié à ses paroles. Il mettait du coeur à sauver leur relation. D'abord parce qu'il savait que c'était lui qui avait mis Seamus sans cette position, ensuite parce qu'il tenait à son cousin, le seul autre sorcier de sa famille avec Amy.

Cette fois-ci, c'était Seamus qui l'avait invité à manger, lui demandant d'être habillé "correctement" pour l'occasion, ce qui l'avait intrigué. Aaron avait donc revpetu une robe de chez T&T - il y était retourné après le départ de Swann et s'était fait servir par Stefan Guipure - et s'était présenté à midi dix à son bureau (au lieu de midi). Sans surprise, son cousin n'était pas là. Tournant et retournant sur la chaise, Aaron chercha de quoi s'occuper. Il ouvrit les tiroir, trouvant à l'intérieur des dossiers qu'il ne se permis pas d'ouvrir, un bazar sans nom. Il souleva le sous main, traça des dessins imaginaires avec la plume...

Il trouva une pile de procès-verbal vierge et décida de faire payer à l'ancien Gryffondor son retard. Attrapant l'une des feuilles, il trempa la plume dans l'encrier et commença à écrire.

Citation :

Affaire n°325015829731
Auror en charge du dossier: Aaron Finnigan

Le 5 octobre 2007 à 12h23
Identité du prévenu: Seamus Finnigan
Infraction constatée: Retard dépassant les règles de la bienséance
Détail de l'opération:

Aaron leva la plume, se demandant ce qu'il pourrait infliger comme sanction à Seamus pour cette toute nouvelle infraction qu'il venait d'inventer. Les yeux dans le vague, il sursauta lorsque la silhouette de la partenaire de son cousin se matérialisa à l'entrée du box.

"Bonjour Charlotte" dit-il avec un sourire assuré, sans chercher à cacher qu'il gaspillait les fournitures du Ministère. "Tu tombes bien, j'ai besoin d'un renseignement. C'est quoi la peine maximale pour quelqu'un qui est convoqué en tant que suspect dans une enquête criminelle et qui ne se présente pas au BDA?"

Il s'étonna lui-même de son aplomb, mais fit tout de même glisser la feuille vers l'Auror afin de ne pas provoquer de quiprocos. Un par mois, ça lui suffisait.

- Il reste vingt-sept jours avant mon mariage et rien n'est prêt, déclara Jensen en feuilletant son planning.
- Rien ? On voit bien que tu n'as pas passé tout ton samedi avec la mère de Lilly pour faire les plans de table ! s'offusqua Charlotte en sirotant son soda.

Attablés dans la salle du McDonald de Victoria's Street qui était bondée à cette heure, Jensen et Charlotte finissaient un déjeuner parfaitement déséquilibré mais qui avait le mérite d'être bon. Ils avaient beau être des sorciers tout à fait intégrés dans le monde magique, ils restaient quand même des Nés-Moldus à qui un retour au source ne faisait pas de mal. Même si ce retour aux sources prenait la forme de Cheeseburgers et de Sundae au chocolat. Ils s'étaient croisés dans l'atrium au moment de déjeuner et avaient transplané tous les deux dans le monde moldu pour grignoter quelque chose ensemble, même s'il était encore assez tôt vu qu'il n'était que onze heures et demi. Seamus avait pris sa pause plus tôt étant donné qu'il avait "un truc à faire" et donc elle s'était retrouvée à aller manger seule. Elle avait penser acheter un truc sur le Chemin de Traverser mais Jensen l'avait sauvée de cette possibilité.

- Elle voulait que je l'aide pour les gens de l'école et puis finalement, elle m'a demandé des choses comme "Est-ce que l'oncle Albert peut s'assoir à coté de la cousine Victoria ?" J'ai dit non au hasard, mais apparemment c'était la bonne réponse. Je ne connais pas forcément toute la famille de Lilly mais son père ne semblait pas emballé par l'activité plan de table. Et encore ! Le samedi soir, on avait pas fini ! Elle m'a demandé si je pouvais revenir le lendemain mais j'avais des dossiers à boucler et j'ai couru douze kilomètres, quatre de plus que d'habitude, et je suis aussi passé à la salle d'entrainement pour m'entrainer sur des cibles et j'ai croisé quelques collègues, donc j'ai été assez occupée.
- J'en déduis donc qu'Eliott n'est pas rentré ce week-end ? lança son ami narquoisement.

Charlotte fit non de la tête, un peu dépitée. Elle commençait à prendre le rythme et l'habitude de ne voir son petit-ami que de temps en temps mais il lui manquait quand même beaucoup, ce qui lui faisait réaliser à quel point elle avait pu s'attacher à lui en sept mois de relation. La distance faisait relativiser les choses, il fallait voir le bon coté de cet éloignement ! Et puis au moins, elle était tout à fait disponible pour le mariage de ses meilleurs amis qui arrivait à grands pas et dont il fallait régler tous les détails. Les plans de table, il fallait confirmer auprès de l'hôtel une nouvelle fois, les robes de demoiselles d'honneurs n'étaient toujours pas prêtes, Charlotte avait eu une annulation pour l'enterrement de vie de jeune fille, elle avait du mal à trouver un restaurant qui lui convenait et puis le fleuriste n'arrivait pas à trouver des Clématites rouges alors que c'était un élément important du chemin de table et puis Harriet s'y était prise trop tard pour réserver son Portoloin et les prix étaient aberrants selon elle. Bref, il  y avait encore pas mal de choses à régler et cela avait le mérite de garder Charlie occupée. Et puis ce n'était pas une contrainte, elle adorait s'investir dans le mariage de Jensen et Lilly et il fallait le dire, Mrs Callaghan et elle s'amusaient plutôt bien, songea-t-elle en se levant pour débarrasser son plateau.

- Ton costume est prêt ? Tu as réservé l'hôtel pour tes grands-parents ? Vérifié qu'ils avaient pris un billet de train ? Tu as réussi à joindre ton frère pour sa confirmation de réservation ? Et tu es repassé à la boutique pour savoir où en était la gravure de l'alliance de Lilly ? Et tu as fini tes vœux ?
- Oui, oui, ils arrivent le trente à Londres, mon frangin ne répond toujours pas, ils s'occupent de la gravure la semaine prochaine et ma mère ira chercher la bague et mes voeux sont en cours d'écriture.
- Tu n'as pas commencé, c'est ça ?
- Non, m'dame. Mais j'ai avancé ! lança-t-il d'un ton fier.
- Tu vas te retrouver comme un idiot devant le mage et tu n'auras rien à dire. Ça donnerait une bonne raison à Lilly de te laisser en plan, tiens ! lança-t-elle tandis qu'ils s'engageait dans une ruelle tranquille pour transplaner.
- Et ton discours de témoin est prêt, Miss Meyer ?
- Qu'est-ce que tu crois ? Et j'ai même plein de photos récupérées auprès de vos parents et de nos amis respectifs, ajouta-t-elle avec un regard entendu.

Quelques secondes plus tard, ils se trouvaient dans la zone de transplanage de l'Atrium et se dirigeaient vers les ascenseurs en se chamaillant de manière tout à fait mature sur les photos qu'elle ne pouvait pas montrer à ce mariage comme celle de la soirée "Année 80" organisée par le cousin de Jensen lors des vacances d'été de leur sixième année. Évidemment qu'elle l'avait mise celle-là. Et elle en avait même une deuxième de Jensen en pleine danse du ventre. Ils laissèrent passer un ascenseur plein et s’engagèrent dans un qui était miraculeusement vide.

- Ce mariage me stresse au plus au point, grommela Jensen en plongeant ses mains dans ses poches. Surtout la cérémonie, je crois. Puis la soirée. Et tout le reste, en fait.
- Ne t'inquiètes pas, lança Charlotte en ricanant, je suis sûre que Lilly sera douce et patiente pour votre nuit de noces !

La porte de l’ascenseur s'ouvrit pile au nau moment où elle commença sa phrase et laissa place à... Andrew Warlock, évidemment. Dès qu'elle faisait une blague de ce genre, elle tombait toujours sur quelqu'un qu'elle connaissait. Et au vu de la tête du frère d'Eliott, ce dernier avait parfaitement entendu ce qu'elle venait de dire. Un silence tendu s'installa dans l’ascenseur alors qu'Andrew se plaçait dos à eux, tentant visiblement de les ignorer. Charlotte croisa le regard moqueur et narquois de Jensen et dû se retenir de rire.  

- M'enfin, marmonna-t-il, visiblement amusé, tu ris maintenant mais on en reparlera quand tu te marieras !

Charlotte entendit nettement Andrew Warlock se racler la gorge et cette-fois ci, elle mobilisa toutes ses forces pour ne pas rire. Qu'elle épouse Eliott un jour devait sûrement être l'un des pires cauchemars de John Warlock, au vu de leurs relations, et son sacro-saint fils parfait devait suivre le mouvement. Ne résistant pas à la tentation, Charlie se tourna vers Jensen, faussement nonchalante.

- D'ailleurs à propos de ça, je me suis retenue de te le dire tout le déjeuner mais Eliott et moi on...

Cette fois-ci, le frère d'Eliott tourna clairement la tête dans leur direction au moment où les portes de l’ascenseur s'ouvraient sur le Département de la Justice Magique. Charlie croisa son regard et se composa un visage tout à fait innocent. Andrew leur jeta un dernier regard avant de sortir de l’ascenseur à grandes enjambées. Charlie éclata de rire et adressa un sourore complice à Jensen avant de planter un baiser sur sa joue.

- Je t'appelle ! lança-t-elle en sortant.

Jensen lui fit un clin d’œil et un signe de la main avant que les portes ne se referment. Il travaillait à la Coopération Magique donc plus dans les étages supérieurs. Andrew Warlock avait disparu dans le couloir du Magenmagot tandis qu'elle se dirigea vers le BDA d'un pas vif. Le bureau n'était pas très rempli, la plupart de ses collègues étaient partis manger et elle se faufila à travers les bureaux pour rejoindre les siens. Les travaux de rénovation de leur Département avaient un bien fou au QG qui avait été agrandi, leur permettant à tous d'avoir un bureau personnel et plus d'espace pour éviter de se marcher dessus comme ils le faisaient d'avant. Il était midi et demi à sa montre et elle prit la décision de récupérer un dossier dans les tiroirs de Seamus pour récupérer son rapport sur leur affaire d'empoisonnement d'Août dernier - finalement, c'était le fils qui avait tué sa mère et essayé de tuer son grand-père et pas le père comme ils l'avaient soupçonné au début, le fils essayant de mettre la main sur l'héritage - et le confronter au sien étant donné qu'une audience aurait lieu dans quelques semaines. Elle s'attendait à voir Seamus assis mais ce fut sur son cousin qu'elle tomba et elle mit un temps avant de réaliser que s'il n'était pas à l'école, c'est parce qu'il était diplômé. Seamus en parlait souvent comme d'un "petit" cousin alors elle avait tendance à oublier qu'Aaron Finnigan n'était plus si petit que ça. Ce dernier était en train de remplir un formulaire, ce qui fit sourire Charlotte.

- Salut Aaron, lança-t-elle sur un ton jovial, s'appuyant sur la cloison du box.

Elle saisit le parchemin qu'il lui tendait et éclata franchement de rire en lisant ce qu'il avait compris et en entendant ses mots.

- Et bien... On peut toujours ici le trainer ici avec une équipe d'intervention - nous sommes dans les heures légales - mais je pense qu'il serait un peu vexé. Ou je peux ne pas mettre de sucre dans son café, c'est presque un Doloris pour lui !

Elle l'avait même vu recracher un café noir qu'on lui avait servi une fois. Quel manque d'éducation, franchement, songea-t-elle, narquoise. Mais cela ne l'étonnait pas que son partenaire ne soit pas là, elle savait pertinemment que Seamus avait du mal avec les horaires.

- Je ne sais pas quand est-ce qu'il va rentrer par contre, il devrait déjà être là... Tu voulais quelque chose en particulier ? s'enquit-elle avec un sourire.

Spoiler:

Aaron fit mine de réfléchir aux deux alternatives que Charlotte lui offrait, mais le choix était évident. Il repris le papier de ses mains comme elle le lui tendait et répondit:

"Va pour le café, il ne mérite pas de mobiliser toute une escouade."

Par jeu, il griffonna la peine suggérée par la jeune femme et glissa le papier en première page d'un dossier qui trainait sur le bureau. Avec un peu de chance, son cousin tomberait dessus à un moment mal choisi, serait blessé dans son orgueil, apprendrait la leçon et ne serait plus jamais en retard. Hum. L'espoir faisait vivre. Parfois, le jeune Finnigan se demandait si ce n'était pas son retard perpétuel qui avait sauvé Seamus durant la guerre. Il était un spécialiste dans l'art d'arriver après la bataille après tout. Retenant un petit rire face à ce jeu de mot facile, Aaron posa la plume. Il avait vraiment dû mal à voir son cousin comme un héros de guerre. Pour lui, Seamus avait toujours été un aîné enjoué, qui lui apportait des bonbons quand il venait visiter. Imaginer Seamus comme un sorcier avait été difficile, le dépeindre en pleine bataille contre des Mangemorts alors qu'il était plus jeune que lui était... irréel. Les héros n'existaient qu'à la télévision, dans les livres d'histoire. Ils n'étaient pas des gens normaux que l'on cotoyait vraiment. Bien sûr, Aaron reconnaissait les qualités de Seamus, mais cela restait néanmoins difficile à appréhender. Charlotte lui demanda ensuite s'il désirait quelque chose et il haussa les épaules en réponse. Non, il ne désirait rien.

"Non, c'est juste monsieur qui a exigé que je vienne manger avec lui - et correctement habillé, s'il te plait - pour une raison inconnue. Et qui n'est pas là, évidemment. Une idée de ce qu'il mijote?"

Si c'avait un rapport avec sa dernière dispute avec Lavande, Aaron espérait bien qu'il lui paierait le repas. Seamus et l'ancienne remplaçante en divination formaient un couple explosif, à se disputer constamment pour mieux se rabibocher. Si on les écoutait, ils s'étaient séparés cinq fois en moins de deux mois. Sûrement le côté impulsif et définitif des Gryffondor, songeait l'ancien Serdaigle - avant de se morigéner intérieurement et de se rappeler le caractère très définitif de sa propre rupture, dans laquelle aucun Gryffondor n'avait pourtant été impliqué.

Peut-être que Seamus allait enfin sauter le pas et fixer une date pour son mariage. Demander la main de sa copine, c'était bien, mais ça ne résolvait rien. Il imaginait bien l'état de Lavande dans les mois avant les fillançailles. Elle était tout à fait le genre de fille à faire une crise de nerfs parce "qu'il reste vingt-sept jours avant mon mariage et rien n'est prêt". Heureusement qu'elle avait une amie comme Parvati pour la soutenir... ou peut-être Seamus révélerait-il des talents d'organisateur à cette occasion. Peut-être arriverait-il enfin à l'heure. Il devrait déjà être là, et il ne l'était pas. Réussirait-il un exploit pour son propre mariage?

"Et toi, comment vas-tu? Ca fait un moment que je ne t'ai pas vue. Tu lui voulais quelque chose en particulier?"

Et à vrai dire, il s'en portait très bien comme ça. Il aurait détesté croiser Charlotte lors de sa dernière visite au ministère. Seamus aurait été encore plus dans l'embarras, et il ne voulait ni alourdir le poids du mensonge sur son cousin, ni mêler quelqu'un qu'il ne connaissait pas tant que ça à l'histoire, si sympathique fut-elle.

Spoiler:

Charlotte sourit lorsque Aaron, dans sa grande mansuétude de Juge dans leur Mangemagot fictif, valida la peine et la griffonna sur un parchemin. Plus qu'un tampon d'un Auror et c'était validé. Enfin, si cela avait été un dossier officiel. Elle pouvait comprendre l'agaçement d'Aaron, surtout que ce retard n'était pas exceptionnel : Seamus était le plus grand retardataire du monde. C'était bien simple : il n'arrivait jamais à l'heure, jamais. Qu'est-ce qu'elle avait pu être agacée dans les débuts de leur collaboration ! Ils projetaient d'être à huit heures au travail, elle était là à sept heures cinquante-cinq et lui se ramenait quarante-cinq minutes plus tard, comme une fleur, avec un sourire et une explication un peu vaseuse. Elle avait cru lui jeter des sorts ou tenter de le transformer en horloge. Il était programmé pour être en retard, c'était physiologique. Il avait réussi à arriver en retard à une intervention une fois. Le savon qu'il s'était pris du Commandant avait dû lui remettre les pendules à l'heure puisqu'à défaut d'arriver en avance, il arrivait toujours à temps, ce qui était déjà un progrès. Comment faisait Lavande pour supporter cela, Charlotte n'en n'avait pas la moindre idée. Peut-être qu'elles appliquaient la même politique : laisser couler par lassitude. Après tout, Seamus était comme cela et serait toujours comme cela, elle aurait pu mettre sa baguette au feu pour le prouver.

-  Très bien, je prendrais des risques pour toi dès demain matin et j'affronterai le Seamusraptor de sept heures du matin en ne lui mettant pas de sucre dans son café. Si on retrouve mon cadavre, je compte sur toi pour oublier tes liens familiaux avec le coupable afin de le livrer à la Justice ! Le fait que ça soit ton cousin ne doit pas t'empêcher de le dénoncer pour le crime sanglant qu'il aura commis sur ma personne !

Elle lui adressa un sourire amusé avant de sortir sa baguette magique pour tapoter l'un des tiroirs du bureau de son coéquipier qui s'ouvrit en grinçant, laissant entrevoir certains dossiers barrés d'un M. Elle les saisit prestement et referma le tiroir rapidement, réappliquant le sort de fermeture dont elle connaissait la combinaison, tout comme Seamus savait enlever les siens. Ils devaient travailler cet après-midi mais s'il n'était toujours pas parti déjeuner, Charlie savait parfaitement qu'elle devait faire une croix sur leur après-midi studieuse concernant le dossier M. Ils allaient rentrer tard ce soir... Fichu Seamus, songea Charlotte avec une pointe d’agacement. Elle l'adorait, vraiment. Ils étaient amis et elle n'aurait changé de partenaire pour rien au monde. Mais parfois, elle avait envie de lui crier dessus.

-  Il ne m'a parlé de rien, je crois...

Elle fouilla dans son esprit à la recherche d'une information mais la dernière discussion qu'elle avait eu avec Seamus consistait à affirmer que Teddy Furtinus devrait être viré du BDA? c'est-à-dire de la médisance autour d'un déjeuner où ils étaient tous les deux de mauvaise humeur. Elle ne savait pas pourquoi il aurait exigé qu'Aaron vienne manger avec lui et correctement habillé en plus.

- Mais on est assez occupés en ce moment, au Bureau, dit-elle sans s’appesantir sur le sujet. Hum... Il m'a parlé de Lavande, récemment. Mais il parle toujours de Lavande, glissa-t-elle, mi-amusée mi-attendrie. Oui, elle était fleur bleue, elle l'avouait sans trop de complexes. Ou c'est peut-être un truc de famille. Ou Lavande est enceinte aussi et tu es le parrain enchanté de cet enfant ! Elle le charriait un peu pour la dernière, elle devait l'avouer.

Elle fit le tour de la cloison pour s'assoir à son bureau. Ils avaient retiré la plaque entre les deux, comme beaucoup de binômes, pour pouvoir travailler plus facilement ensemble. Elle déposa les dossiers sur des Mardoliens présumés qu'elle avait pris dans le bureau de Seamus dans le tiroir sécurisé de son propre bureau, elle les étudierait plus tard et saisit un stylo bic pour griffonner une note de service avant de relever la tête vers Aaron, tandis que son bureau laissait échapper un grognement. Elle n'était pas à l'origine de l'enchantement, elle avait récupéré un vieux bureau et n'avait pas réussi à le modifier. Donc son bureau grognait quand on s'approchait trop de lui, aboyait en guise d'alarme et les tiroirs se refermaient sur les doigts des curieux. Bref, un bureau adorable. Il aimait bien qu'on lui grattouille les poignées aussi.

- Ca doit avoir un rapport avec leurs fiançailles,finit-elle par dire après un instant de réflexion. Peut-être que Seamus allait enfin sauter le pas et fixer une date pour son mariage : cela faisait des mois qu'il devait le faire. Surtout si tu devais bien t'habiller. Tu es peut-être témoin !, lança-t-il avec un sourire. Avec son meilleur ami Dean. Tu sais, je vais paraître futile, mais le printemps, c'est la saison des mariage, alors le temps de l'organiser, cela ne m'étonnerait pas... Et Lavande voudra un mariage où elle puisse porter n'importe quelle robe, donc des températures printanières sont idéales. Truc de filles, tu peux pas comprendre, finit-elle par ajouter, franchement amusée, après un instant de silence à observer la mine d'Aaron.

Elle classa quelques papiers sans y penser tout en jetant un coup d'oeil à sa montre. Non, décidément, Seamus ne se montrait pas.

- Oh, je vais bien, le rythme est assez soutenu ces temps-ci au Bureau et je suis un peu occupée à coté... Mais ça va ! Et toi ? Comment se sont passés tes ASPICS ? J'ai entendu dire que tu étais dans les petits papiers de Fiennes, c'est impressionnant pour quelqu'un qui sort de Poudlard, lança-t-elle, mine de rien. Comment se passe le DOM ? Et la fac ? Nos Aspirants affirment que c'est vraiment mal fichu, niveau organisation.

Ils avaient pris trois Aspirants cette année, dont Keller malgré ses réticences. Elle aurait aimé qu'il soit avec Stormborn pour que ce dernier garde un oeil sur lui mais il avait hérité d'Isobel Montgomery, ce qui ne manquait pas de le faire râler à chaque fois qu'ils se retrouvaient autour d'un café, c'est-à-dire tous les jours. Machinalement, elle regarda du coté du box de Keller - près des toilettes, elle avait fait passer le mot à Donna lors de la réorganisation estivale et des travaux mais Keller était absent. Il devait être dans l'année d'Aaron, en fait, elle n'avait pas fait le lien. C'était quelque chose à retenir.

Spoiler:

Charlotte scella leur accord sur la peine infligée à Seamus d'un sourire, et Aaron se renversa sur la chaise qu'il occupait. Seules ses années de pratique, passée à réagir au plus vite pour parer ses gaffes sur le monde magique, l'empêchèrent de s'étouffer devant la blague de la collègue de Seamus. Elle plaisantait, bien sûr, lorsqu'elle parlait d'oublier les liens familiaux pour dénoncer l'autre à la justice. Bien sûr. Rien dans son attitude n'indiquait qu'elle savait quelque chose, et Aaron savait que Seamus n'aurait jamais parlé de "l'affaire Maïa" à personne, fut-ce sa coéquipière. Aussi, en dépit du froid polaire qui s'était insinué dans son ventre, ne se laissa-t-il pas démonter et rit-il comme si de rien n'était. Il serait toujours temps de tâter le terrain auprès de son cousin pendant le repas. Discrètement de préférence, pour ne pas gâcher l'ambiance.

"Compte sur moi. Tu es mon alliée dans cette affaire, je ne me pardonnerai jamais de ne pas te rendre justice."

La suite de la conversation, qui tint d'ailleurs plutôt du monologue, fut consacrée à trouver la raison mystérieuse du déjeuner familial que l'Auror-en-retard avait convoqué. Aaron compris très vite pourquoi Charlotte était Auror: elle échaffaudait les théories presqu'aussi vite que Swann, ce qui était suffisamment important pour être noté. C'était à s'étonner que Miss Twilfit préfère la mode aux ragots et faits divers qui parsemaient la vie des Aurors. Enfin, cela s'expliquait sans doute par le manque de glamour de la profession, qui devait porter l'uniforme et des vêtements plus pratiques qu'élégants.
Aaron grimaça lorsque l'idée du bébé fut évoqué. Etre parrain ne le dérangeait pas plus que ça - c'était toujours mieux que d'être père, après tout, mais être parrain du fils de Lavande... Ca, c'était embêtant.

"Je préfère l'idée du témoin" finit-il par dire, "même si je pense que ce sera plutôt Dean et Parvati. Cependant, navré de te décevoir, mais je comprends parfaitement ces trucs de filles."

Il en avait assez entendu parler durant sa relation avec Swann. Lorsqu'on sortait avec une telle fille, mieux valait accepter les heures passées sur le sujet, et tenter de comprendre la logique. Même si c'était terminé, Aaron n'était pas déçu, car c'était quelque chose à retenir. Au moins avait-il acquéri des compétences que la plupart des autres hommes ne possédaient pas, et cela lui donnait un avantage certain lorsqu'il rencontrerait une autre fille. Sérieuse. Il pensa furtivement que ce dernier qualificatif ne convenait pas à Kelsey, puis se concentra sur le reste de la conversation.

"Je te propose qu'on parie. Je prends le témoin, tu veux le bébé? Le perdant se charge du café sans sucre. Ou offre un verre à l'autre au Circée, c'est peut-être plus sûr", ajouta-t-il avec un sourire un peu moqueur.

Il demanda ensuite de ses nouvelles à la jeune femme, jetant un oeil agacé à sa montre devant l'heure qui tournait. Son estomac commençait à grogner, et, autant il appréciait la conversation, autant il refusait de rater un repas. Non, décidément, Seamus ne se montrait pas. Il avait encore un gros après-midi de travail qui l'attendait. Charlotte venait de s'asseoir à son bureau qui grogna. Seamus lui avait parlé du fameux meuble, mais Aaron ne l'avait jamais cru. Ceux du DOM étaient tous parfaitement inanimés, et il avait toujours cru que seuls les vieux objets saturés de magie de Poudlard étaient sujets à des humeurs animales. Il se souvent que son cousine lui avait dit que l'objet aimait bien qu'on lui grattouille les poignées aussi. La jeune femme répondit à sa question mais ne s'attarda cependant pas sur son cas, et il n'eut pas le temps de lui demander ce qui l'occupait "à côté". Il était curieux de le savoir, mais elle lui posa un nombre impressionnant de questions à la suite, et il choisi de ne rebondir que sur les dernières. Il ne savait jamais comment expliquer la protection que lui accordait le ministre,  et il n'aimait de toute façon pas se justifier.

"Eh bien... une chose est sûre, heureusement que le DOM est mieux organisé que la fac! Je n'ai rien contre l'idée, mais quand on est né-moldu, c'est franchement rébarbatif. Vos aspirants n'ont pas tort. Vous en avez combien? J'ai entendu dire que vous aviez pris Ulrich Keller, il se débrouille?"

Son ton à cette dernière question était à la fois curieux et méfiant, laissant clairement transparaître ses doutes à son sujet. Aaron n'était pas (trop) du genre à courir les ragots ou à médire (ouvertement) sur les gens, mais Keller n'incitait pas à la confiance, et il se demandait encore comment il avait pu tromper la vigilance de sorciers aussi accomplis que les Aurors.

- Mais quel petit-ami idéal tu dois faire ! lança Charlotte malicieusement quand Aaron affirma comprendre "les trucs de filles."

Elle plaisantait évidemment, Charlie avait bien conscience que "les trucs de filles" étaient une expression qui ne voulait rien dire puisque c'était généraliser les actions de la gente féminine ce qui était donc impossible. Mais il y avait ces clichés sur la coquetterie et la superficialité des filles et encore plus des demoiselles de l'âge d'Aaron, ou encore un peu en dessous, qu'on traitait souvent d'écervelées. C'était quelque chose qui l'avait souvent agacée du temps de sa scolarité elle qui avait toujours aimé se concentrer à la fois sur la couleur de son vernis et sur ses cours de DCFM et qui faisait les boutiques à chaque sortie à Pré-au-Lard tout en étant une des championnes du club de Duels de l'époque. La coquetterie n'était pas une ablation des neurones contrairement à ce qu'on pouvait laisser entendre. Elle avait eut du mal à se faire respecter en arrivant au BDA et avait bien mis deux ou trois ans pour s'imposer auprès de ses collègues et être autant prise au sérieux que les Aspirants masculins qui étaient arrivés en même temps qu'elle. Il faut dire que le fait que son formateur l'ait affublée du très dévalorisant surnom "Princesse" pour bien souligner sa condition de faible femme superficielle n'avait pas aidé. Elle avait fini par sortir de ce cercle à et prouver qu'elle pouvait être aussi compétente - sinon plus - que ses collègues et ces années de formation l'avait endurcie et avait fortement contribué à faire d'elle l'Auror qu'elle était.

- Ca marche, je parie sur le bébé ! Prépare donc ta monnaie pour le Circée, lança-t-elle, un brin provocatrice.

Après tout, Seamus était parfaitement en âge et en situation d'être père, Lavande et lui étaient un couple posé depuis des années. Enfin, posé... Ils se disputaient et se rabibochaient tous les mois mais étaient néanmoins ensemble depuis des années, dix ans et des poussières si elle se souvenait bien et était donc ce qu'on pouvait appeler un couple viable. Et puis bon, s'ils projetaient de se marier c'était bien pour finir par fonder une famille, non ? Surtout que cela ne nuirait pas au plan de carrière de Seamus qui ne devrait pas s'arrêter pour élever cet enfant. Il fallait bien avouer que le BDA était un milieu fortement machiste et qu'à chaque fois qu'une Auror s'était arrêté pour un congé maternité, les remarques avaient fusé. On fustigeait un manque de professionnalisme, une nuisance à l'équipe, au partenaire qui se retrouvait seul et puis derrière tout cela, l'incapacité des femmes à faire correctement leur travail au profit du pouponnage tandis que eux, les hommes virils et forts restaient toujours fidèles au poste. Et paradoxalement, une femme qui privilégiait sa carrière au lieu de sa famille serait vue comme une mauvaise mère tandis qu'une Auror qui faisait le contraire me serait remise en cause. Peut-être que cela jouait aussi sur ses propres envies de maternité, cette ambiance. Elle s'était trop battu pour obtenir un certain respect et une certaine reconnaissance de ces capacités pour voir tout cela remis en cause parce qu'elle aurait décidé d'avoir un enfant. Cela serait forcément un coup d'arrêt à sa carrière et elle s'y refusait pour le moment et pour les années à venir. Il n'en n'était pas encore question entre Eliott et elle mais c'était quelque chose qu'elle gardait clairement à l'esprit, oui.

- Trois cette année, grosse promotion ! Il était rare de trouver trois élèves assez bons pour pouvoir entrer au BDA, et qui voulaient y entrer, entendons nous bien, dans une même année. Souvent, c'était une seule personne. Isobel Montgomery, Shino Hatori et Ulrich Keller, en effet.

Le ton d'Aaron laissait clairement sous-entendre ce qu'il pensait de Keller et si Charlie aurait pu mettre ça sur des disputes adolescentes au sujet de n'importe quel autre Aspirant, ce qu'elle pensait personnellement de ce dernier suffisait à l'intriguer. Après tout, même si Charlotte avait respecté le vote de ses collègues, elle restait méfiante à l'égard du jeune homme : Keller n'incitait pas à la confiance. Le Bureau commençait à se remplir de nouveau après la fin de la pause déjeuner et regarda imperceptiblement par dessus l'épaule d'Aaron pour distinguer le box de Keller qui semblait vide. Son formateur était également absent, ils devaient être sortis. Charlotte avait certes encore un gros après-midi de travail qui l'attendait mais savoir qu'Aaron avait fréquenté Keller pendant sept ans suffisait à aiguiser sa curiosité. Elle avait songé un temps écrire au Capitaine de Serpentard avec lequel leur nouvel Aspirant avait eut des ennuis mais s'était abstenue : elle n'avait pas de preuves, que des soupçons et enquêter en secret sur un membre du Bureau pourrait lui apporter quelques ennuis. Mais Aaron était là, disponible et devait sûrement disposer d'une foule d'informations utiles.

- Ca te dit qu'on aille grignoter un truc ? Si Seamus arrive, ça sera à son tour d'attendre. Tu dois commencer à avoir faim ! Je te paye le café.

Le ton était enjoué, le visage souriant mais le regard qu'elle venait de poser sur Aaron était suffisamment éloquent pour qu'il comprenne qu'elle ne comptait pas couper ici la discussion sur Keller et qu'elle voulait juste la terminer dans un endroit plus tranquille. Elle saisit sa veste sur le dossier de sa chaise et se leva, invitant le jeune homme à la suivre. Ils traversèrent de nouveau le grand open-space, débouchèrent dans un couloir animé puis dans le grand hall de la Justice Magique et Charlotte, au lieu de se diriger vers la queue pour accéder aux ascenseurs, s'avança vers une petite porte reculée dans un angle, qu'elle ouvrit avec son badge. D'immenses et vertigineux escaliers métalliques se dévoilèrent devant eux, comme suspendus dans le vide et surtout, comme sans fin.

- Quand les ascenseurs tombent en panne - et crois-moi ça leur arrive trop souvent - les Aurors et la PM doivent quand même pouvoir bouger.

Cela faisait également parti des protocoles de sécurité en cas d'attaque contre le Ministère pour pouvoir évacuer ou protéger les personnalités importantes. Il fallait une accréditation pour pouvoir y accéder, un sortilège spécial apposé sur les badges ou les cartes.

- Alors, commença Charlotte, ton ancien et charmant camarade est t-il vraiment aussi parfait qu'il aime à le faire croire ?

Charlotte accepta le pari avec une pointe de malice, et, au grand soulagement d'Aaron, préféra un verre au Circée plutôt qu'une mission périlleuse auprès de Seamus. Il lui répondit avec un sourire, certain qu'il s'agissait de mariage et non de bébé. Même si Seamus était parfaitement en âge et en situation d'être père, Lavande et lui étaient un couple posé depuis des années, Aaron pensait que Lavande aurait été présente. Il n'imaginait pas sa pseudo belle-soeur laisser son petit-ami annoncer la nouvelle à sa place.

La discussion dériva ensuite sur les aspirants, où plutôt sur un aspirant. Charlotte sembla saisir toute la méfiance d'Aaron. Il s'attendait à ce qu'elle hausse un sourcil interrogatif et lui fasse l'éloge d'Ulrich, répétant à quel point il était aimable et compétent. A sa grande surprise et à son grand soulagement, il n'en fut rien. La jeune femme lui proposa d'aller prendre un café (car Le Bureau commençait à se remplir de nouveau après la fin de la pause déjeuner) avec un regard qui en disait long sur ce qu'elle pensait. Ainsi, Keller n'arrivait pas à tromper les Aurors. Son petit jeu d'acteur ne passait pas les barrières des gardiens de la loi, c'était rassurant à entendre. Restait à savoir pourquoi ils l'avaient tout de même engagé. Peut-être parce qu'ils n'avaient rien de tangible à lui opposer. Après tout, malgré tout ce qu'il avait pu entendre sur lui, Aaron n'avait jamais vu de lui-même le sombre visage de l'ancien Préfet-en-Chef.

"Je te suis volontiers" répondit-il donc avec un sourire, sa curiosité piquée au vif. "Je n'aurai aucun remord à faire attendre Seamus, ça lui apprendra."

Le jeune homme se leva et suivi Charlotte qui lui dévoila l'un des secrets du ministère. Il la cru sur parole lorsqu'elle lui parla des pannes d'ascenceurs: lui-même ne travaillait pas depuis bien longtemps et il avait déjà fait la désagréable expérience de rester coincé à l'intérieur pendant de longues minutes. Il regretta qu'il faille une accréditation pour pouvoir y accéder.

"J'aimerai bien pouvoir les emprunter plus souvent." dit-il à regret. Ils permettaient aussi de se déplacer discrètement, et c'était un luxe.

Alors qu'ils descendaient tranquillement vers l'Atrium, Charlotte l'interrogea au sujet d'Ulrich. C'était direct, et Aaron fut surpris de la franchise de l'Auror. En savait-elle donc tant? Cependant, il ne rechigna pas à lui répondre. Jeremy, Swann, Darren et Kelsey n'avaient jamais pu prouver à une figure d'autorité qu'Ulrich était fondamentalement mauvais. Margot Adamson ne les avait pas cru. Charlotte, en revanche, ne semblait attendre qu'une occasion de sauter sur l'aspirant pour lui régler son compte, et Aaron allait se faire un plaisir de lui dire tout ce qu'il savait.

"Je n'ai jamais eu affaire à lui personnellement" commença-t-il pour être honnête "mais tous mes amis proches s'en sont plaint à un moment ou un autre."

Amis proches... Swann et Kelsey étaient plus que ça, chacune à leur manière. Quant à Darren, il était passé d'ennemi à ami par un mystéireux coup du hasard. Au final, il n'y avait bien que Jeremy avec qui il avait une relation normale. Aaron chercha à rassembler ses souvenirs pour donner une histoire claire à Charlotte. Il y avait tellement de détails que c'était un peu compliqué.

"Je ne l'ai jamais apprécié, il a toujours eu un côté lèche-botte insupportable. Mais bon, les goûts et les couleurs... La première fois où j'ai entendu parler de lui, c'est lorsque Swann Twilfit m'a raconté qu'il les avait agressé, elle et Darren O'Connor, à une soirée, parce qu'ils avaient parlé de sa soeur aînée. Elle est morte pendant la guerre, je crois." Il fit une pause avant de hausser les épaules. "Mais pour être honnête, ça ne veut rien dire. Il y avait pas mal d'alcool..." et lui aussi s'était battu avec Darren lors de cette fameuse soirée. "...qu'il réagisse mal quand on lui parle d'un sujet douloureux, ça se comprend." Surtout s'il réussissait à rester calme après six ans dans le dortoir d'un O'Connor qui réagissait mal même quand on lui parlait de trucs sympathiques.

"Mais il y a eu d'autres choses après. Jeremy m'a raconté qu'il l'avait vu menacer son petit frère et parler..." Aaron fronça les sourcils, tentant de se remémorer les paroles exactes de son ami, mais elles dataient de près de deux ans. "Je crois que c'était une histoire de poison, mais je ne sais plus exactement. Toujours est-il qu'il a aussi menacé Jeremy après ça."

Et enfin, il y avait le plus gros. Ce qui l'avait mis le plus mal à l'aise alors qu'il n'avait jamais eu le fin mot de l'histoire. C'était cependant une histoire délicate à raconter, car elle incluait l'intimité de Darren et Kelsey. Aaron n'était pas franchement en paix avec lui-même dans cette histoire. Fréquenter Kelsey, quand bien même il n'y avait pas de sentiments, après toutes leurs histoires amoureuses, était délicat. En fait, le simple fait de fréquenter Kelsey était délicat.

"Pour la dernière chose, je n'ai pas les détails, mais je sais qu'il a fait chanter Kelsey Lorgan pour l'éloigner de Darren. Je n'ai pas trop compris ce qu'il avait contre Darren. Enfin, tout le monde a une bonne raison de ne pas l'aimer" convint-il, "mais je croyais qu'ils étaient amis." Du moins, jusqu'à ce que Darren accuse publiquement Ulrich après ce fameux match de Quidditch.

Il jeta un regard à Charlotte pour voir comment elle encaissait toutes ces révélations.

Charlotte était tout de même était surprise de voir les réserves émises par Aaron sur son ancien camarade : d'habitude, tout le monde au Ministère pensait qu'Ulrich Keller était aimable et compétent mais Aaron avait l'avantage de l'avoir connu auparavant. Enfin, le dossier scolaire de Keller et ses appréciations étaient parfaites et idéales mais cela ne voulait rien dire selon Charlotte : il était facile de se faire aimer des professeurs, beaucoup moins de ses camarades. Alors, tandis qu'ils descendaient les escaliers jusqu'à l'Atrium, Charlie avait l'impression qu'elle apprendrait mille fois plus de choses sur Ulrich Keller par le récit d'Aaron que par son pâle et morne dossier scolaire, presque trop exemplaire pour être honnête. Tout était trop parfait chez l'Aspirant Keller pour être réel, de toute manière. Il était louche et ça, Charlotte en était intimement persuadée.

Alors ainsi, il y avait eu plusieurs plaintes contre Keller mais rien qui n'était remonté jusqu'au niveau des professeurs, à moins qu'ils n'aient classé ça comme des querelles d'adolescents comme il en existe par dizaines. Charlotte avait aussi eu parfois des problèmes avec des camarades lorsqu'elle était à l'école et il n'aurait pas été juste de le condamner sur cette seule base, mais peut-être que les conflits scolaires d'Ulrich Keller dépassaient largement les petites querelles entre adolescents. Qu'il réagisse mal lorsqu'on lui parlait d'un sujet douloureux sous l'influence de l'alcool était une chose qui pouvait se comprendre mais si Keller avait l'alcool agressif, cela pouvait révéler un tempérament pas si doux, contrairement à ce qu'il aimait faire croire.

- Elle a été assassinée durant la guerre, oui, confirma Charlotte sans pour autant donner plus de détails sur la situation familiale de son jeune Aspirant. Malgré sa suspicion, il lui restait un peu de conscience professionnelle tout de même.

Elle connaissait le dossier pourtant, elle l'avait consulté en croisant le nom des Keller dans la liste des sorciers qui voulaient rentrer au BDA. L'histoire était sordide et c'était compréhensible que Ulrich le vive mal : une sœur ainée battue à mort par son propre frère, il y avait de quoi laisser des traces profondes. Et cet évènement tragique renforçait l'idée de Charlotte : après avoir assisté à une telle horreur, Keller ne pouvait décemment pas être quelqu'un d’équilibré.  

Et la suite des paroles d'Aaron sembla la confirmer dans son raisonnement : Keller qui les abreuvait de sa vision de la famille idéale alors qu'il menaçait son petit frère en citant du poison ? Quelle vaste blague ! Peut-être même qu'il menacait de l'empoisonner. Et ça, c'était un délit. Surtout qu'il y avait des poisons redoutablement efficaces, discrets et presque impossibles à repérer post-mortem. Si on était doué en potion ou qu'on avait suffisamment d'argent et de bons contacts, on pouvait commettre un meurtre presque parfait. Entre Keller Junior, Jeremy Baker et la dénommée Kelsey Lorgan qu'Aaron venait de citer, c'était des témoins qui venaient d'être livrés à Charlotte sur un plateau d'argent et elle était certaine que Stormborn serait ravi de l'apprendre.

- Tu m'aides beaucoup, Aaron. Depuis le début, je trouve que Keller est louche mais concrètement, j'ai rien, c'est juste une impression : rien de tangible à lui opposer. Tu penses que je pourrais contacter tes amis ?

Pour le moment, elle n'avait pas de preuves. Mais si elle arrivait à se lancer sur une piste sérieuse, alors elle en trouverait et Keller ne pourrait pas tenir le masque longtemps. Et le monde serait sûrement curieux de savoir ce qui se cachait dessous.