Le changement, c'est maintenant [Nate]

2 septembre 2007, dans la volière

Noah grimpait d’un pas lent l’interminable succession de marches conduisant à la volière. A chaque rentrée, c’était le même rituel. Il envoyait dès le lendemain une lettre à ses parents pour leur dire les banalités d’usage, « bien arrivé », « le repas de rentrée était très bon », « on a eu plein de Gryffondor cette année »… Mais cette fois-ci, sa lettre était un peu plus longue, il n’avait pas pu s’empêcher de glisser un mot sur la nouvelle directrice de l’école et son discours assez inquiétant. Enfin, il ne l’avait précisé que dans la lettre pour son mère, son père n’était pas au courant des désordres politiques chez les sorciers et Noah ne souhaitait pas l’inquiéter inutilement.

Il repensait donc avec une mine soucieuse à la mise en garde du professeur Adamson, aux mots du Choixpeau Magique, mais également à la minute de silence pour leur camarade disparue, qui l’avait ébranlé, même s’il ne connaissait pas la dite Cécilya. Lui qui croyait qu’il serait toujours en sécurité à Poudlard se trouvait petit à petit démenti par tous les évènements de l’année et sa nature anxieuse reprenait le dessus. Tout ce qu’il espérait était que leur nouvelle directrice saurait apporter plus de tranquillité à l’école.

Il finit enfin par franchir la porte de la volière, essoufflé d’avoir autant grimpé. A peine entré, il constata qu’il était pas seul parmi les hiboux. Il appela sa chouette Hermès qui vint aussitôt à son bras, tout en marchant vers l’inconnu pas si inconnu que ça, car il lui semblait bien que c’était…

« Nate ? »

Il s’avéra qu’il ne s’était pas trompé. Noah fut content de retrouver un ami avec qui il avait passé quelques bons moment cet été.


« Je pensais pas te trouver ici, tu vas bien ? Toi aussi, tu envoies une lettre à ta famille ? »

Noah eut un petit rire face à la maladresse de son ami. Voilà ce qui se passe quand on grandit trop vite, on ne sait plus où ranger son corps, songea t-il narquoisement. Lui, en vouloir à ceux qui grandissaient pendant que lui restait encore un minus ? Pas du tout.

« Ca va. » répondit-il machinalement à la politesse.

Noah écouta Nate lui répondre qu’il avait la même tradition des lettres de rentrée que lui, tout en attachant sa lettre à la patte d’Hermès. Il releva la tête seulement à sa question, qui lui fit repenser à la journée qu’ils avaient passé ensemble cet été. Comme ils se l’étaient promis dans le train du retour, Nate avait invité Noah chez lui, avec sa mère, afin de renouer contact entre les deux familles. Diana avait trouvé que c’était une bonne idée, non sans se sentir coupable tout comme lui d’avoir autant tardé à se revoir. Le Gryffondor avait donc eu la joie de retrouver Nate, mais aussi Jude, qu’il n’avait pas revu depuis un sacré bout de temps. Oh physiquement, il n’avait pas changé, ou plutôt, rien ne l’avait surpris puisqu’il était une copie plus ou moins proche de Nate. En revanche, caractériellement…

« Non, ça va… Tes parents n’ont pas vraiment changé. Bon après vous deux, vous avez grandi, c’est sûr. J’avoue que ça m’a fait un petit choc de revoir Jude, quand même. »

Il hésita sur la suite, cherchant ses mots, avant finalement de se lancer :

« Je sais pas si c’est parce qu’on s’est pas revus depuis longtemps ou si c’est parce qu’il a changé, mais je l’ai senti un peu plus… distant. »


C’était le mot. Lui et Noah ne s’étaient finalement pas tellement parlé. Il avait surtout passé la journée à bavarder avec Nate ou à jouer aux échecs avec lui.

De vieux souvenirs, il pouvait le dire. Diana et le père de Nate avaient dû avoir la même pensée en se retrouvant. Anciens amis de Serdaigle, ils avaient gardé contact après la sortie de Poudlard, mais le temps, le travail et leurs devoirs envers leur famille avaient contribué à les éloigner.
 
« Je vois ce que tu veux dire, le rassura t-il sur la suite. C’est un peu ce que je me disais aussi. »
 
Bien sûr, il se doutait aussi que sa récente découverte sur le fait qu’il était Cracmol y était pour quelque chose. Le monde magique était un monde à part et encore fermé, malgré les efforts que le MIM pouvaient faire. Son propre père avait coupé tout lien avec les sorciers depuis son divorce, même si son fils restait l’un des leurs. Le simple fait d’avoir des sorciers dans sa famille ne suffisait pas. Noah comprenait donc la réaction de Jude et il résuma ses pensées à Nate :
 
« Je comprends. Mon père a réagi un peu pareil. C’est pas facile de se sentir intégré chez des sorciers quand on n’a aucun pouvoir magique. Pour Jude, faut juste patienter, il va finir par s’y faire. »
 
En tout cas, il l’espérait, au moins pour Nate. Sa plaisanterie sur l'impatience de son jumeau le fit rire discrètement.
 
« Hey, les échecs c’est un truc de Serdaigle, qu’est-ce que tu crois. Je suis sûr que ce sont mes gènes maternels qui ressortent. »
 
Il finit de nouer sa lettre à la patte d’Hermès et lui donna une petite caresse sur la tête avant de la laisser s’envoler. Noah n’était pas l’ami des bêtes, mais pour sa chouette, il avait appris à faire des efforts, puis que c’était un animal qui lui était utile. Depuis trois ans, tous deux avaient noué une certaine complicité. En revanche Nate n’avait pas l’air très à l’aise avec les hiboux, il n’était toujours pas parvenu à en attraper un.
 

« C’est plus dur que de courir après Chaussette, on dirait, plaisanta t-il en référence à son petit chat intrépide qu’il avait eu la frayeur de croiser chez lui cet été. Il détestait les chats, trop imprévisibles à son goût. Tu veux que je t’aide ? »

La mine déconfite de Nate fit douter Noah. Avait-il dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? Il ne trouva rien d’autre à ajouter qu’un sourire qui se voulait à la fois désolé et rassurant. De son point de vue, Jude n’avait pas plus envie de perdre son jumeau que Nate, sinon il serait resté dans une attitude butée et accusatrice. Or, il ne semblait plus lui en vouloir, c’était déjà un bon point.

La conversation dériva sur les échecs, sujet beaucoup moins épineux. Nate lui opposa tous ses arguments pour défendre les autres maisons, ce qui fit rire le Gryffondor intérieurement. Bien sûr, il était d’accord avec lui, la maison des Serdaigle ne se suffisait pas aux intellos de service, tout comme les lions n’accueillaient pas que des téméraires idiots, les serpents des fourbes psychopathes et les blaireaux des gentils niais, sinon le Choixpeau aurait été bien embarrassé pour répartir la moitié de l’école.  

« C’est vrai, approuva t-il, on a tous nos qualités, le tout c’est d’apprendre à les exploiter. Peut-être que dans quelques années je me découvrirai un courage miraculeux, qui sait ? » ajouta t-il sur le ton de la rigolade.

Il ne se vexait plus d’être moins téméraire que ses camarades, comme à ses débuts à Poudlard. Il savait qu’à côté, on pouvait lui reconnaître une certaine effronterie et un entêtement propres aux rouge et or.
Noah hocha la tête pour approuver le qualificatif de « terreur » que Nate attribua à son chat. Tous les chats étaient des terreurs, selon lui. Avec leurs yeux perfides qui brillaient dans le noir et leurs griffes prêtes à sortir à tout instant…

« C'est Chaussette qui est maléfique, si tu veux mon avis, mais ce n’est pas objectif du tout » ricana t-il.

Les hiboux inspiraient un peu moins de méfiance à Noah, mais il fallait d’abord apprendre à les dresser pour ça.

« Il faut l’appeler au lieu d’essayer de l’attraper. Les chouettes de l’école sont dressées comme ça, si tu t’en approches sans rien dire, elles risquent de ne pas comprendre tes intentions et de fuir. » expliqua t-il brièvement.

Pour illustrer ses dires, il siffla la chouette que Nate essayait désespérément d’attraper en lui présentant son avant-bras. Elle vola de ses petites ailes jusqu’à lui, comme prévu.


« Tu vois ? »

Spoiler:

Le membre 'Nate Windstom' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'Dé à 6 faces' : 3

Noah resta pensif aux paroles de son ami. Leur professeur de botanique, un ancien Gryffondor ? C’était bien vrai, ça lui était sorti de la tête. En même temps, que Mr Londubat soit un héros de guerre ou non, Noah n’aimait pas beaucoup ses cours. Il n’avait rien contre l’homme lui-même, mais avait surtout une dent contre la matière.

« C’est vrai, Londubat était un trouillard ? ricana t-il. J’aurais jamais cru. J’ai toujours dit qu’il fallait beaucoup de courage pour affronter des plantes. T’as déjà vu un Bubobulb ? C’est dégueu’, ça grouille de partout comme des vers, berk. »

Nate avait dit cela pour le réconforter, il le savait bien, mais il préférait prendre la chose avec une note d’humour, et puis c’était le vrai fond de sa pensée. Le programme de quatrième année en botanique lui avait vraiment donné la nausée.
L’enthousiasme du Serdaigle quant à son chat fit grimacer Noah. Chat, chien, rat, licorne, plante maléfique et autres niffleurs… Les êtres vivants non humains, c’était vraiment pas pour lui. Les humains, c’était déjà assez difficile à gérer comme ça.

« Tu vois, tu aurais du t’acheter un hibou au lieu d’un chat, tu n’aurais pas eu tous ces problèmes. » le taquina Noah, simplement pour le plaisir d’avoir le dernier mot.

La chouette, méfiante, mit quelques secondes à se décider, avant de daigner se poser sur le bras de Nate, ce que Noah applaudit par un sourire.


« Bravo, t’as vite chopé le truc, on dirait ! »

Le professeur Londubat était un trouillard,
C’est tout du moins ce que disaient les racontars.
Nate s’empressa donc de préciser,
Ce jugement n’étant peut-être pas justifié.

« C’est ce qu’il paraît mais tu as sans doute raison,
Pour affronter des plantes répugnantes
Et être dehors en toutes saisons,
Il faut que l’ombre de Godric vous hante.

Tu vois, encore une preuve
Qui te montre que le courage
Peut venir avec l’âge
Et quelques épreuves. »

Nate n’était pas certain de réconforter son ami,
Surtout en lui parlant d’épreuves qui risquaient de l’effrayer,
Alors il profita de ses mésaventures avec la chouette et rit.
Il ne lui restait plus qu’à déclarer :

« Merci pour la technique,
Je n’aurai plus besoin de toute une gymnastique
Pour espérer transmettre
Une lettre. »

Le garçon plongea dans ses pensées
Et tout à coup un souvenir lui revint.
C’était plus exactement une idée
Qu’ils avaient eu comme des devins
Lorsque, chez Nate, Noah avait été.

« Te souviens-tu de notre discussion
Concernant l’intégration
Et notre résolution
D’obtenir des informations
En vu de notre inscription
Dans le club de ceux qui ont les échecs pour passion ? »

Noah laissa son ami s’affairer avec l’hibou tout seul, il ne devrait plus avoir besoin de son aide à présent.

« Y a pas de quoi. Par contre, compte pas sur moi pour t’aider à apprivoiser d’autres animaux, je suis une catastrophe ambulante en Soins aux Créatures Magiques. »

De toute manière, Nate l’avait bien compris avec Chaussette. Les animaux, ça pique, ça griffe et ça mord, très peu pour lui, merci.

La question que Nate lui posa ensuite le fit se souvenir de cette résolution qu’il avait prise davantage pour son ami que pour lui-même. Il adorait les échecs, mais faire partie d’un club ne le tentait pas vraiment. Il voyait ça comme un engagement, une nouvelle entrée de responsabilités. Il préférait largement jouer tranquillement quand ça lui chantait. Cependant, à la fin de la partie qu’ils avaient joué ensemble cet été, ils avaient évoqué le sujet du club. Noah avait songé que ça serait une bonne opportunité pour Nate de tisser de nouveaux liens et lorsqu’il lui avait fait part de cette réflexion, Nate lui avait tout naturellement proposé qu’ils s’inscrivent ensemble, et il n’avait pas eu le courage de refuser.

*Toi aussi, ça te sociabilisera un peu plus, ça peut pas te faire de mal*



« Ouais, je me souviens ! Ca te branche toujours ? »

Noah ne savait pas non plus comment il se débrouillait face à un animal, pour être honnête. Ce qui était sûr, c’était qu’il regrettait d’avoir pris l’option, et qu’il ne se retiendrait pas de l’abandonner après ses BUSES. Il l’avait prise surtout pour faire plaisir à sa mère –pour ne pas dire qu’elle l’y avait forcé- qui était convaincue que prendre une matière manuelle lui ferait le plus grand bien, pour une raison qui lui échappait toujours.*

"Oui, ça m'intéresse toujours, j'ai bien envie de tenter. Mais... Heu... Et toi ? Tu es sûr ? Je ne voudrais pas te forcer à faire quelque chose que tu ne veux pas..."


Le ton hésitant de Nate interpella le Gryffondor, qui lui jeta un œil intrigué. Avait-il deviné qu’il se posait encore des questions à propos de ce club ? Noah haussa les épaules en même temps qu’il mit les mains dans ses poches, pour lui signifier que ses pauvres états d’âme n’avaient pas grande importance,  puis répondit sans pouvoir empêcher un rictus de se glisser sur ses lèvres :

« T’inquiète. Je trouve juste ça assez ironique... J’hésite à rejoindre le club un peu pour les mêmes raisons que toi au départ, mais je te pousse quand même à le faire. Faites ce que je dis, pas ce que je fais, hein. »

Car Noah préférait toujours rester dans son coin et se contenter de ce qu’il avait, plutôt que de faire des efforts vers les autres. A ce train-là, il se prédisait une vie sociale aussi palpitante que celle d’un poisson rouge, et le pire, c’est qu’il ne s’en souciait pas plus que ça.

« Mais c’est pas très grave, je vais venir, t’en fais pas. A nous deux, on saura bien affronter quelques uns de nos semblables, pas vrai ? »


Il fallait bien qu’il s’en sorte avec un peu d’humour par-ci par-là, sinon il était aussi chiant qu’un rocher. 

Spoiler:

Nate sourit légèrement à la réplique de Noah, il avait fini par comprendre que le Gryffondor aussi était solitaire, bien qu'il lui sembla toujours qu'il ait plus d'amis que lui-même. Mais bon, ce n'était pas une compétition pour savoir qui aurait le plus d'amis, il n'était pas à la poursuite d'une quelconque popularité, il souhaitait juste avoir quelques amis avec qui discuter, quelques personnes à saluer dans les couloirs au lieu de faire son chemin seul, la tête baissée... Enfin... Il n'était pas là pour s'apitoyer sur son sort, il fallait qu'il arrête cela et qu'il se prenne enfin en main et cette idée de club était la meilleure qu'il avait sous la main puisqu'il ne pouvait décemment pas se diriger vers  un quasi-inconnu dans un quelconque couloir pour lui taper la discut'.

"Tu sais, je pense qu'on sera plus fort si on le fait tous les deux : tu me pousses à le faire et je te pousse à le faire, comme ça on ne se dégonflera pas. Sinon, je suis sûr que je ne vais pas le faire, repoussant toujours au lendemain."

Il eut un sourire désabusé. Sourire qui se transforma en rire lorsqu'il entendit Noah parler "d'affronter ses semblables", c'était exactement ça, Nate avait l'impression de mener une guerre contre les autres élèves et contre lui-même, une guerre pour se faire sa place, une guerre où il se trouvait bien désarmé.

"Tu as raison, allons affronter le monde : peuple nous voilà ! Le double N arrive ! Tenez-vous bien, à partir de maintenant, vous ne pourrez plus vous passez de nous !"

Sans pouvoir se retenir, Nate explosa de rire à sa propre blague, il mit quelques instants à se calmer puis, il se tourna de nouveau vers Noah :

"On va manger ?"

Et ensemble, ils descendirent les escaliers de la volière riant toujours un peu et papotant allègrement.