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[OS] La liberté des uns s'arrête où commence le secret magique

Sasha Benson
Sasha BensonLangue-de-Plomb
Messages : 612
Profil Académie Waverly
[OS] La liberté des uns s'arrête où commence le secret magique Icon_minitimeMar 20 Aoû 2013 - 16:51
21 Juillet 2007 - Londres

Sasha déposa un bisou sur la joue de sa mère, essayant d’oublier le fait que celle-ci détestait la voir partir si longtemps. Son père avait Julie et Penny, mais sa mère était toute seule et Susan lui disait souvent qu’elle lui manquait quand elle n’était pas à la maison. Quand Sasha était à Poudlard elle lui écrivait souvent, au moins une fois par semaine, mais son père refusait qu’elle utilise un hibou depuis chez lui, ça alerterait le voisinage. Elle n’aimait pas l’idée de devoir passer tout le mois d’Aout sans parler à sa mère mais c’était comme ça, elle commençait à avoir l’habitude. La fillette attrapa sa valise à roulette à deux mains et ouvrit la porte. Susan habitait dans une petite maison de ville sur Charring Cross Road, pas loin du Chaudron Baveur. Sasha aperçut son père qui attendait dans la voiture, garée un peu plus loin. Elle fit quelques pas sur le trottoir avant de se retourner pour adresser un signe de main à sa mère, puis de reprendre son chemin vers la voiture de son père. Quand elle fut arrivée à sa hauteur elle frappa au carreau et il sursauta, occupé à jouer sur son téléphone portable en l’attendant. Sasha fronça les sourcils en remarquant qu’il était seul. D’ordinaire il venait avec Julie et Penny, il savait à quel point elle était toujours ravie de retrouver sa petite sœur. Mark sortit de la voiture en souriant et déposa un baiser sur le front de Sasha en la serrant dans ses bras.

« Tu n’as pas emmené Penny ? interrogea-t-elle.
-Non, elle est restée avec Julie à la maison. Le trajet sera un peu plus long que d’habitude, répondit-il avec un sourire énigmatique en prenant la valise des mains de sa fille pour la placer dans le coffre.
- Pourquoi ?
-On a déménagé, plus au nord du pays. »

Sasha ouvrit de grands yeux,  étonnée. Pourquoi ne l’avait-elle pas su plutôt ? Sa mère aurait pu le lui dire dans une lettre ! Elle détestait être prise par surprise, elle n’aimait pas l’imprévu et aurait préféré qu’on la prévienne. Elle réalisa toutefois que sa mère n’était peut-être même pas au courant, puisqu’elle ne parlait plus à son ex-mari. Et son père refusait d’utiliser des hiboux et n’avait donc pas pu la prévenir. Elle se força à répondre au sourire de son père tout en essayant de se faire à l’idée, ce déménagement tombait comme un cheveu sur la soupe et elle n’en comprenait pas les raisons. Elle aimait bien la maison de son père, ce n’était pas trop loin d’ici, on pouvait aller à Londres en voiture et puis elle y était habituée.

« Pourquoi déménager ? demanda-t-elle en montant dans la voiture.
- On a trouvé une maison plus grande, répondit-il avec un sourire. Toi et Penny aurez votre propre salle de bain, c’est cool non ?
-C’est vrai ? Trop génial ! »

Rassurée, son père avait su trouver les arguments pour la convaincre, Sasha lui adressa un sourire sincère et attacha sa ceinture. Elle essaya de rester éveillée pendant tout le trajet, pour voir où ils allaient, mais le ronronnement de la voiture la berçait et la route était longue. Le paysage, d’abord urbain, n’était désormais plus qu’une succession de grandes étendues d’herbe. Du vert, encore du vert, toujours du vert. L’Angleterre, en somme. Elle posa sa tête contre la vitre, tenta vainement de garder les yeux ouverts, luttant contre ses paupières de plus en plus lourde, mais finit par s’endormir. Ce fut la main de son père sur son épaule qui la réveilla près de cinq heures plus tard.

« On est arrivée chérie, annonça-t-il doucement alors qu’elle ouvrait lentement les yeux. Ça te plait ? »

Le soleil était haut dans le ciel, il ne devait pas être loin de quatorze heures, et Sasha mit un moment à habituer ses yeux à la lumière. Elle put finalement détailler les environs et ce qu’elle vit lui plut aussitôt. La voiture était garée sur une allée de gravier menant à la porte d’une grande maison en pierre, perdue au milieu d’un grand jardin. Toujours du vert. Elle sourit à son père et ouvrit la portière de la voiture. Une fois dehors elle put mieux observer la maison et en levant les yeux elle réalisa que celle-ci était vraiment jolie, toute de pierre claire avec ses volets en bois et son petit balcon à l’étage.

« On se croirait en Normandie, tu ne trouves pas ? demanda son père en sortant sa valise du coffre. Tu aimes ? »

Elle n’avait jamais été en Normandie, mais si toutes les maisons étaient comme celles-ci ça devait être joli. Cela valait bien la peine d’avoir été prévenue au dernier moment finalement. Elle oublia rapidement tous les désagréments de ce déménagement, le fait qu’elle soit loin de sa mère, de Londres, qu’elle ne sache même pas où elle se trouvait exactement, et se contenta de sourire.

« Oui, j’aime bien ! » répondit-elle

La porte de la maison s’ouvrit alors sur Julie, qui les accueillit avec un sourire. Penny apparut à son tour et s’élança dans l’année avec une course un peu incertaine. Sasha s’accroupit et écarta grand les bras pour serrer sa petite sœur contre elle. Elle avait tellement grandi depuis noël ! Et elle lui avait beaucoup manqué. Penny dans les bras, Sasha passa la porte de la maison, suivit par son père qui portait sa valise. Elle découvrit un petit salon joliment décoré –il y avait même une photo d’elle et Penny prise l’été dernier accrochée au mur- avec une grande cheminée.

« Je te fais visiter ton nouveau chez-toi ? » lui proposa Julie.

Sasha hocha la tête avec enthousiasma. Si elle n’avait pas été de si bonne humeur elle aurait sans doute répliqué que ce n’était pas ici chez elle, c’était à l’école. Mais Julie ne pouvait pas comprendre de toute façon, elle ignorait tout de Poudlard, ou même de la magie. C’était étrange, de vivre avec quelqu’un qui ignorait tant de vous, mais la fillette n’avait pas vraiment le choix, son père ne voulait pas qu’elle parle. Alors tant pis, elle jouerait la parfaite petite moldue pendant un mois, elle était bonne à ce jeu-là de toute façon. Et puis ce n’était jamais que le temps des vacances.



22 Aout 2007 – Quelque part au nord de l’Angleterre

Sasha passait d’excellentes vacances. Elle jouait beaucoup avec Penny, il faisait plutôt beau et elles profitaient du jardin. Julie lui était de plus en plus supportable de jours en jours, et elle s’était même faite une amie dans le petit village où ils étaient. Winifred était peut-être la seule personne dans un rayon de cinquante kilomètres à avoir l’âge de Sasha –un an de plus pour être exact, mais si peu de différence ça ne comptait pas. C’était une petite brune pas très jolie, avec un long nez sur lequel elle posait des lunettes qui lui donnaient un air sévère, que Sasha avait rencontré lors d’un déjeuner chez des voisins. Elle l’avait d’abord trouvé un peu austère, et s’était contenté de la saluer de loin. Mais en discutant avec elle, Sasha avait réalisé qu’elles avaient plein de points communs et s’en était faite une amie.

Winifred aimait aussi beaucoup la danse classique et étudiait dans un pensionnat qui proposait un système intéressant, les élèves avaient cours le matin, et jusqu’à 15h, puis ils avaient trois heures du sport de leur choix ensuite. Winifred y faisait de la danse, et elle assurait que c’était la meilleure école du monde. Sasha aurait adoré pouvoir lui parler de Poudlard, qui était la meilleure des écoles mais se retrouvait obligé à inventer une école de danse perdue quelque part en Ecosse. Elle n’était pas sûre que Winifred l’ait cru, et triste d’avoir dû lui mentir, mais tant pis. Il fallait ce qu’il fallait.

La fillette passait donc ses vacances à faire des sorties avec son père et Julie –ils avaient été sur des falaises deux fois plus hautes que la tour d’astronomie-, à jouer avec Penny, à faire des cookies, où à rendre visite à Winifred. Elle était tellement occupée qu’elle en était arrivée à délaisser un peu sa lecture quotidienne du journal. Ça n’allait pas du tout. Elle était bien décidée à se reprendre en main, et ce dès ce matin. Elle guettait donc le journal que lisait son père avec impatience, tout en finissant son bol de céréales, un œil sur les dessins-animés que regardait Penny.

"Tiens, je finirai plus tard, lança son père en lui tendant le journal
-Merci ! s’exclama-t-elle en l’attrapant et feuilleta les pages avec avidité jusqu’à retomber sur la une.
Celle-ci titrait « Antilles : Dean fait 24 nouveaux morts ». Elle s’apprêtait à se rendre en page quatre pour tout savoir de ce cyclone qui ravageait les Antilles et les caraïbes, mais son regard se posa sur la date et elle fronça les sourcils. Vingt-deux aout ? s’étonna-t-elle à voix haute. Je devais rentrer chez Maman le vingt, non ? demanda-t-elle en levant les yeux vers son père, qui commençait à débarrasser la table du petit-déjeuner.
-C’est vrai, mais je me suis arrangée avec elle et comme la rentrée n’est que le premier Septembre tu peux rester quelques jours de plus. Tu t’amuses bien ici, non ?
-Oui bien sûr, mais c’est juste que…
-Ne te fais pas de soucis ma puce, on s’est organisé entre adultes."

Marc prit le bol de céréales vides des mains de sa fille pour le mettre dans le lave-vaisselle et, en repassant près d’elle pour se rendre à la salle de bain, déposa un baiser sur son front. Sasha resta un instant installée à la table de la cuisine en se demandant comment tout cela était possible. Son père et sa mère ne se parlaient jamais sans passer par elle. Sa mère n’utilisait que des moyens de communications magiques, et son père avait recours aux voies moldus, elle était leur seul intermédiaire d’habitude. C’était étrange. Et puis, sa mère détestait quand elle restait loin d’elle trop longtemps, sans pouvoir lui donner de nouvelles, c’était étrange –bien que gentil- de sa part d’avoir accepté.

Elle finit toutefois par hausser les épaules, cela faisait bientôt cinq ans que ses parents étaient divorcés, elle n’allait pas se plaindre de constater que les choses s’arrangeaient enfin entre eux. La fillette reporta donc son attention sur la page quatre du journal, avec une moue compatissante pour les victimes du cyclone. Elle se demandait si la Gazette en avait parlé, il y avait une importante communauté magique au Mexique, qui avait été également touché, peut-être y avait-il également des dommages et des blessés du côté magique, mais ça elle ne le saurait qu’en retournant chez sa mère, dans quelques jours.



24 aout 2007 – Quelque part au nord de l’Angleterre

On était en début d’après-midi et il faisait encore trop chaud pour que Sasha puisse profiter du jardin sans fondre sous le soleil, elle était donc assise dans la salle à manger et disputait une partie de bataille navale avec son père. La version magique était plus amusante, les bateaux coulaient vraiment, dans une surface magique qui ressemblait à s’y méprendre à de l’eau, et de minis boulets de canons s’abattaient sur les points visés. Mais la version moldue restait divertissante et était un excellent moyen de passer le temps en attendait que les températures redeviennent supportables.

"Hum….B…8 !  lança-t-elle après un moment de silence à se concentrer, scrutant son père avec un regard méfiant par-dessus son faux tableau de bord.
-A l’eau ! lui répondit-il avec un large sourire.
-Encore ? Je suis sûre que tu as collé tous tes bateaux ! On avait dit qu’on le faisait pas, c’est de la triche ! s’écria-t-elle en pointant vers lui un index accusateur.
-Mais non, je t’assure que je n’ai pas triché, tu frappes aux mauvais endroits c’est tout, lui assura son père avec un sourire malicieux.
-Montre-moi.
-Quoi ?
-Que tes bateaux sont pas collés.
-Aha, bien tenté vile chipie, mais tu ne m’auras pas comme ça, si tu veux gagner ce sera à la loyale. »

Sasha tira la langue à son père avant de lui adresser un sourire complice et fit mine de se concentrer avant de donner les prochaines coordonnées –son adversaire ne s’était pas rendu compte qu’elle venait de sauter son tour et elle comptait bien en profiter- mais elle fut interrompue en pleine réflexion par de violents coups frappés à la porte. Son père pesta contre ces brutes qui allaient réveiller Penny pendant sa sieste, mais se leva pour aller ouvrir. Sasha profita que son père est le dos tourné pour se coucher sur la table dans l’espoir d’apercevoir quelques-uns de ses précieux bateaux, tout en écoutant d’une oreille ce qui se disait dans l’entrée. Le ton bourru et autoritaire qu’employa l’un des visiteurs l’alerta.

"Vous êtes Marc Benson ?
-Lui-même, à qui ai-je l’honneur ?
-Police magique de Londres."

Sasha pivota vivement sur sa chaise pour dévisager les deux hommes qui se tenaient dans l’entrée. Elle avait cru –et même espéré- qu’elle avait mal entendu mais c’était bien deux officier de la police magique, avec l’uniforme réglementaire, leur baguette à la ceinture.

"Nous venons récupérer votre fille Monsieur, sa mère a signalé sa disparition il y a trois jours. Elle veut vous poursuivre en justice pour enlèvement."

Sasha se figea sur sa chaise, assimilant peu à peu ce qu’elle venait d’entendre. Son père ne l’avait pas enlevé, c’était ridicule. Il devait y avoir une erreur. Elle repassa la phrase de l’homme dans sa tête et la vérité s’y dessina peu à peu. L’horrible vérité. Sa mère avait signalé sa disparition trois jours auparavant, parce que son père ne l’avait jamais prévenu qu’il garderait Sasha plus longtemps, ils ne s’étaient pas du tout arrangés. Il avait voulu la garder ici, avec lui, au milieu de la campagne anglaise où personne ne penserait à venir les chercher. Il lui avait menti. Sasha sentit un nœud se former au creux de son ventre alors qu’elle prenait toute la mesure de cette trahison. Son père n’avait jamais eu l’intention de la laisser partir, il avait voulu l’arracher à son monde d’origine. Et elle avait beau savoir que c’était pour qu’elle vive avec lui et qu’elle ait l’éducation et l’avenir qu’il voulait pour elle, elle lui en voulait. Elle lui en voulait de lui avoir menti, de l’avoir manipulé ; d’avoir abusé de sa confiance. C’était son papa, si elle ne pouvait pas croire son propre père, en qui pouvait-elle avoir confiance ? Elle posa d’ailleurs les yeux sur lui avec la douloureuse impression de voir un étranger. Elle ne le connaissait pas, cet homme qui insultait des officiers des services publics, qui parlait de droits, qui menaçait, qui refusait d’obtempérer.

Le plus jeune des officiers finit toutefois par arriver jusqu’au salon alors que l’autre, qui avait sorti sa baguette, s’assurait que Marc reste dans l’entrée. Sasha suivait toute la scène avec des yeux terrifiés et le sentiment qu’elle ne faisait pas partie de cette réalité. C’était comme regarder un film, elle voyait tout comme si elle était extérieure à ce qui se déroulait là, devant elle.

"Vous n’avez pas le droit, c’est une violation de domicile ! Et c’est ma fille, vous ne pouvez pas m’enlever ma fille ! Je vous ferai arrêter, je vous ferai enfermer croyez-moi ! On règlera ça devant un tribunal !"

Son père pouvait crier tant qu’il voulait, il ne pouvait rien face à l’officier qui avait sa baguette pointée vers lui. Son coéquipier, un grand gaillard de presque deux mètres à la peau halée et aux cheveux noirs s’approcha doucement de Sasha et s’accroupit en face d’elle pour lui adresser ce qui devait être un sourire rassurant. Sourire qui ne la rassura pas du tout.

"Sasha, je suis l’officier McGowan, tu vas venir avec moi d’accord ?"

Elle fit non de la tête. Elle voulait rentrer chez sa mère bien sûr, elle voulait retourner à Poudlard, mais pas comme ça. Elle voulait que son père la dépose en voiture, qu’elle lui colle un baiser sur la joue et qu’elle monte les escaliers menant à l’appartement de sa mère aussi vite que le poids de sa valise le lui permettait, pressée de serrer cette dernière dans ses bras. C’était ainsi que les choses devaient se passer. Et elle n’avait aucune envie de suivre cet officier qu’elle ne connaissait pas. Elle ne voulait pas qu’on l’emmène au ministère, ou quelque part ailleurs. Elle voulait dire au revoir à son père calmement et retrouver sa maman. L’officier l’attrapa par le bras et elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Ils se fichaient complètement de ce qu’elle voulait, évidement. Ils suivaient les ordres, rien de plus. Elle ne chercha même pas à se débattre et laissa l’officier McGowan la mettre debout et l’entrainer vers son collègue, contre lequel son père continuer de crier. Là-haut, Penny s’était réveillé et pleurait aussi fort qu’elle le pouvait, inconsciente du drame qui se jouait en bas. Julie était sortie, Penny attendrait.

"Monsieur Benson, vous êtes assigné à comparaitre devant le tribunal de la cour magique de justice le trente août prochain. Rendez-vous dans Surrey Street street, Londres, à onze heures, quelqu’un vous attendra là-bas et vous guidera."

Marc attrapa la feuille que l’officier lui tendait, la main tremblante de rage. Il fixa les deux agents avec une haine non dissimulés alors que celui qui tenait Sasha par le bras l’entrainait vers la sortie.

"Et mes affaires ?"

La fillette fut elle-même surprise en entendant ces mots. Comment avait-elle pu penser à ça ? Comment son cerveau avait pu lui signaler ce détail alors que son esprit était noyé sous de trop nombreux sentiments contradictoires ? Elle était en colère, contre son père, contre la police, contre tout le monde. Elle se sentait trahie, blessée. Elle était triste, elle avait besoin de pleurer, et envie de monter les escaliers pour faire un câlin à Penny. Mais malgré tout ça, son sens pratique demeurait. C’était rassurant, bien qu’un peu surprenant.

"On te les fera parvenir plus tard petite", lui répondit le plus vieux des agents. Le chef, sans doute. Au revoir Monsieur Benson, ajouta-t-il en baissant lentement sa baguette.

Il n’en fallut pas plus à Marc pour essayer d’envoyer son poing dans la figure de ce dernier. L’agent esquiva le coup et releva aussitôt sa baguette, immobilisant son adversaire qui n’osait plus faire le moindre geste, tremblant littéralement de rage.

"Ça ne se passera pas comme ça ! cracha-t-il avec haine.
-Nous verrons, répondit calmement l’agent.
-Sortez, sortez donc, personne ne vous laissera partir avec ma fille, j’alerterai le voisinage ! La police vous arrêtera."

Sasha poussa un soupir qui lui déchira le cœur. Elle était en colère contre son père mais le voir ainsi se battre pour elle lui faisait de la peine. Parce qu’il n’avait aucune chance. Toutes les forces de police moldues du coin ne pourrait rien contre deux agents de la Police Magique. Sa lutte était perdue d’avance, il s’attaquait à beaucoup plus fort que lui, il se battait contre le monde magique. Et c’était perdu d’avance. C’était cruellement injuste.

"Ne vous en faites pas nous allons éviter de faire un esclandre, répondit le vieil agent avec un regard mauvais. Visiblement il n’appréciait pas les menaces. Tu as déjà voyagé par transplanage d’escorte fillette ?" demanda-t-il plus chaleureusement en ce tournant faire Sasha.

Elle fit non de la tête. Non, elle n’avait jamais transplané, sa mère sortait peu et utilisait la cheminée quand elle le faisait. Et non elle n’avait pas envie de tenter l’expérience aujourd’hui. Elle ne voulait pas se faire emmener par ces deux agents qu’elle ne connaissait pas là, tout de suite. A peine cinq minutes plus tôt elle était tranquillement en train de s’amuser avec son père, ils ne pouvaient pas débarquer comme ça et l’emmener avec eux sans son consentement ! Oh si, ils pouvaient. Son père n’avait pas tenu ses engagements, il n’avait rien à dire, et elle n’avait que douze ans, son opinion ne comptait pas. Ils avaient tous les droits.
Sasha sentit l’agent McGowan resserrer son emprise sur son bras et dut lutter pour ne pas se mettre à pleurer. Elle ne voulait pas partir, pas comme ça. Elle aurait voulu dire au revoir à son père, lui dire que ça irait, que ça s’arrangerait –ça s’arrangeait toujours- mais les mots restèrent coincés dans sa gorge nouée.

"Ça va tourner un peu, tu devrais fermer les yeux."

Elle n’en fit rien. Elle releva les yeux vers son père et croisa son regard, plein de rage, de rancœur et de tristesse. Au moment où la fillette sentit une larme s’échapper de ses yeux, elle fut comme aspirée par le vide et eut la désagréable impression d’être compressée de tous les côtés. Elle n’arrivait plus à respirer et se sentait oppressée, écrasée, alors que tout tournait autour d’elle, très vite. Trop vite. Elle sentit soudainement ses pieds rencontrer brutalement le sol et sentit le soleil chauffer sa peau. Elle était en pleine rue, au beau milieu du chemin de Traverse même. Elle avait la tête qui tournait, envie de vomir, les larmes qui lui brûlaient les yeux et besoin de pleurer.

"Ça va gamine ? lui demanda l’agent McGowan en se baissant à sa hauteur.
-Non."

C’était sorti tout seul. Elle n’avait même pas la force de faire semblant, même pas envie d’être polie, ils ne méritaient pas qu’elle se donne la peine de mentir. Ils venaient de l’arracher à son père, comme ça, en dix minutes, au beau milieu de l’après-midi. Elle venait d’apprendre que son père avait voulu la kidnapper, que peut-être il ne l’aurait jamais ramené chez elle, qu’il n’aurait pas voulu la laisser retourner à Poudlard. Alors non, ça n’allait pas, et ces idiots auraient dû le savoir. L’agent McGowan lui tapota doucement la tête et elle serra les dents. S’il croyait pouvoir la rassurer comme on le faisait avec un petit chien, il se trompait. Elle le détestait. Sans la lâcher –et tant mieux, elle n’était pas sûre de pouvoir marcher toute seule après le transplanage qui l’avait un peu secoué-  il l’entraina jusqu’au Chaudron Baveur et elle se mit à prier pour ne croiser aucun camarade de Poudlard. Elle n’avait aucune envie d’expliquer ce qu’elle faisait sur le chemin de Traverse, entourée de deux agents de la Police Magique. Sasha baissa la tête pour cacher son visage derrière ses cheveux et ne la releva même pas pour saluer le patron du Chaudron Baveur.

Ils traversèrent Charing Cross  et se retrouvèrent rapidement devant l’appartement de Susan. Celle-ci ouvrit la porte et se précipita sur sa fille pour la serrer dans ses bras. Sasha ne put se retenir plus longtemps et éclata en sanglots. Sa mère lui assura que c’était fini, que tout allait bien, mais elle n’arrêta pas de pleurer. Ce n’était pas fini, cela venait de commencer. Tout allait bien, avant, c’était maintenant que tout partait en vrille. Elle ne réalisait pas ce qui lui arrivait, elle n’assimilait pas, elle refusait de comprendre. Elle ne prenait pas toute la mesure de ce qui venait de se passer mais les mots qu’elle entendait de la conversation de sa mère avec les agents l’effrayaient. Ils parlaient d’enlèvement, de procès, de procédure d’urgence, d’autorité parentale, d’avocat, de « régler définitivement le problème », et elle n’était pas sûre d’avoir envie d’en savoir plus pour le moment. Elle sentait que ce n’était que le début des problèmes, que le pire arrivait, et elle n’aimait pas du tout cette impression.



30 aout 2007 – Cour de justice magique de Londres

Sasha avait passé la semaine dans le brouillard, à éviter de trop réfléchir tout en sentant l’ombre du procès planer au-dessus de sa tête. Elle voyait ça comme une menace, et détestait cette sensation que quelque chose de désagréable allait se produire. Elle avait fini par poser des questions à sa mère, pour savoir ce qui l’attendait, pour avoir une idée de comment les choses allait se passer, mais elle n’avait eu droit qu’à des réponses vagues et à des « tu es trop jeune pour comprendre».  Elle n’était pas trop jeune pour assister à un procès opposant ses deux parents, pour être déchirée dans ce conflit, mais elle l’était pour qu’on lui explique les choses ? C’était un peu facile comme excuse. Les adultes prenaient vraiment les enfants pour des idiots.

Le jour tant redouté avait fini par arriver, évidement, et Sasha se sentait comme endormie. Elle agissait mécaniquement, sans penser, sans appréhender. Sa mère lui avait préparé une jolie robe et avait longuement brossé ses cheveux, lui demandant d’être sage, et d’être courageuse. Sage elle l’était toujours, en particulier devant des membres du Ministère comme ce serait le cas aujourd’hui. Et elle n’avait pas le sentiment d’avoir besoin de courage pour le moment. On ne lui demandait jamais que de s’asseoir sur un banc et d’écouter des avocats parler pendant des heures. Elle avait déjà vu ses parents se disputer des dizaines de fois, devant un juge parfois –au moment du divorce- il n’y avait pas de raison pour que l’audience d’aujourd’hui soit différente. La fillette repositionna son serre-tête blanc sur ses cheveux et soupira. Elle avait hâte que ce soit terminé.

Susan avait rendez-vous avec son avocat une petite demi-heure avant l’audience, histoire de faire une dernière mise au point. Elle et sa fille retrouvèrent donc Andrew Warlock dans un couloir du département de la justice magique et ce dernier se mit à parler avec la mère de Sasha à voix basse. La fillette ne les entendait pas, et ce n’était pas plus mal. Le jeune homme avait l’air serein, peut-être trop. Il finit par baisser les yeux vers la petite Serpentard pour lui adresser un sourire.

"Je te promets que tu seras dans le Poudlard express demain, assura-t-il avec un sourire. Ne t’inquiète pas."
 
C’était donc ça la question du jour : est-ce qu’elle retournerait à Poudlard cette année alors que son père s’y opposait ? Juste ça ? Ses parents avaient déjà eu des conflits du genre par le passé, concernant sa garde notamment et cela s’était toujours réglé dans le bureau d’un juge spécialisé dans ce domaine. Pourquoi avaient-ils droit à un procès à la cour aujourd’hui ? Sa mère était pâle, elle paraissait inquiète, et fébrile. Il y avait quelque chose de plus important qu’une simple histoire d’établissement scolaire là-dessous, Sasha en était persuadé. C’est donc persuadée qu’on lui cachait quelque chose qu’elle suivit sa mère et son avocat jusqu’à la salle d’audience.

Elle aperçut son père, visiblement un peu perdu, et lui sourit. Celui-ci était en pleine conversation avec son propre avocat mais lui rendit un sourire faible. Si Susan semblait inquiète, lui avait l’air complètement paniqué. Ce qui était compréhensible après tout. Il était entouré de sorciers, dans un environnement magique, noyé dans ce monde qu’il haïssait depuis des années. Andrew Warlock s’arrêta pour saluer son confrère, maitre Finch-Fletchey, ou quelque chose du genre, mais Sasha n’eut même pas le temps de parler à son père qu’on l’entrainait déjà dans la salle. Ses parents avaient à peine échangé un regard glacial.

On la fit asseoir à côté de sa mère, à gauche de la salle, alors que son père s’installait à droite, de l’autre côté de l’allée. La fillette fronça les sourcils. Elle n’aimait pas vraiment qu’on la force à choisir un parti. Elle n’y connaissait rien en procédure juridique mais si elle était assise ici, et non avec son père, cela avait forcément un sens, c’était un choix. Un choix qu’elle n’avait pas fait, personne ne lui avait demandé son avis. Sasha observa rapidement les trois personnes assises en face d’elle. Il y avait un homme au milieu, qu’elle supposait être le juge, encadré d’un homme et d’une femme dont elle ignorait les fonctions. Dans la salle était également présent, de son côté, les agents de la Police Magique qui était venu la cherche l’autre jour. En se retournant elle remarqua que quelques personnes inconnues s’était assises dans le fond de la salle, certaines, plutôt jeunes, prenaient même des notes. Etrange. Un homme d’une quarantaine d’année se tenait debout, dans le fond.

Sasha reporta son attention sur le juge alors que celui-ci prenait la parole, et remarqua qu’une plume à papote notait tout ce qui était dit. La sorcière à droite du juge s’exprima à son tour pour rappeler rapidement ce qui s’était passé, les « faits » comme elle disait. On donna ensuite la parole à Andrew Warlock. Celui-ci se leva pour commencer à parler d’une voix forte, assurée. Il était doué, mais Sasha détestait la vision qu’il donnait de son père. Il le faisait passer pour un égoïste, qui voulait arracher sa fille au monde auquel elle appartenait, qui n’acceptait pas sa nature de sorcière et qui la forçait à cacher cette partie d’elle. Il assurait que ce n’était pas sain, qu’un enfant ne pouvait pas grandir dans de telles conditions, que l’intérêt de Sasha devait passer avant tout. La fillette ouvrit de grands yeux en entendant Warlock réclamer à ce que l’autorité parentale soit retirée à son père. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Que son papa ne serait plus vraiment son père ? Elle tourna un regard paniqué vers sa mère mais celle-ci ne le regardait pas, fixant son ex-mari avec une haine non-dissimulée.

Andrew Warlock se rassit, visiblement satisfait de son intervention, et l’avocat de son père prit la parole. Il parlait bien, mais même Sasha qui n’y connaissait rien remarqua qu’il avait moins d’argument. Il ne cessait d’invoquer l’autorité parentale, justement, et affirmait que ce n’était pas normal que Mr. Benson n’ait pas son mot à dire concernant l’éducation de sa fille. En théorie c’était plutôt juste, en pratique beaucoup moins. Les sorciers allaient à Poudlard, point. Et ce quoi qu’en dise les parents. C’était ainsi depuis toujours. Et son père ne faisait que faire perdre du temps à la justice en s’opposant à son retour à Poudlard, il n’obtiendrait jamais gain de cause.

Plusieurs personnes parlèrent encore avant qu’on ne les fasse sortir de la salle. Sasha avait beau avoir fait de son mieux pour se concentrer, elle n’avait pas tout compris. Tous ces gens employaient des mots compliqués, comme s’ils voulaient que personne ne puisse saisir ce qui se passait vraiment.  Elle ne parla à personne, encore moins à ses parents, et attendit devant la salle d’audience en silence. D’ailleurs elle ne savait même pas ce qu’ils faisaient dehors. C’était fini ? Si oui pourquoi il restait là ? Elle promena des yeux curieux un peu partout autour d’elle et croisa le regard d’Andrew Warlock.

« On attend qu’ils délibèrent. » expliqua-t-il simplement.

Elle ne répondit rien, attendant simplement qu’on les invite à entrer. Le juge donnerait sa décision, et ils pourraient tous rentrer chez eux. Tout redeviendrait comme avant. Et demain elle partirait à Poudlard, loin de tout ça. Elle se demandait si on pouvait rester à l’école pendant les grandes vacances. La directrice passait peut-être l’été là-bas, ou le concierge, ou n’importe qui. Elle serait sage, on ne la remarquerait même pas, il fallait absolument qu’elle se débrouille pour passer les prochaines grandes vacances à l’école. Elle ne voulait plus jamais revivre ça.

Ils furent de nouveau invités à entrer dans la salle et reprirent leur place. Il y eu un léger silence. La dame qui ne servait à rien parla encore pour ne rien dire et le juge annonça finalement sa décision. On retirait l’autorité parentale à son père. Il ne prenait que des mauvaises décisions pour sa fille, apparemment, et l’empêchait de vivre comme une petite sorcière normale. Il était soi-disant dangereux pour elle. Dangereux ? Son père ! C’était ridicule, il n’avait toujours voulu que son bien.

«…Vous conserverez toutefois un droit de visite et d’hébergement, ainsi que…
-C’est hors de question ! tonna Mr. Benson en se levant, ignorant le regard désapprobateur de son avocat. Ça ne se passera pas comme ça ! Jamais les vrais tribunaux ne vous donneront raison !
-Monsieur Benson, veuillez…
-Je mettrai toute la justice en marche ! J’alerterai les médias s’il le faut mais vous ne gagnerez pas si facilement !
-Monsieur, vous menacer le secret magique en tenant de tels propos.
-Je m’en fiche de votre secret ! Qu’est-ce que vous avez à cacher hein ? Vous vous terrez dans votre coin pour mieux persécuter ceux qui ne sont pas comme vous ? Je ne me laisserai pas faire ! Je vous dénoncerai !
-Monsieur s’il-vous-plait…
-Vous ne me ferez pas taire ! Jamais ! »

Sasha sentit une boule d’angoisse grandir au creux de son ventre. Son père tenait des propos dangereux. Trop dangereux. Il menaçait le secret magique avec beaucoup trop de sérieux. Et on ne pouvait pas laisser passer ça. Pas quand on accusait le Gouvernement d’être trop flexible. Pas quand on pouvait lire dans les journaux que c’était la politique idéaliste du MIM qui poussaient les Mardoliens à faire des attentats. Le Gouvernement avait besoin de montrer qu’il faisait encore le nécessaire pour protéger le secret. Il ne pouvait pas laisser passer ce genre de menaces. Les juges semblaient être arrivés à la même conclusion, à en croire leurs mines graves. Ils savaient pourtant ce qu’il fallait faire pour faire taire Mark Benson : lui donner raison.

« Monsieur Brennan, appela le juge. Approchez. Sasha se retourna et vit s’avancer un homme d’une quarantaine d’année, qu’elle avait aperçu un peu plus tôt dans le fond de la salle.
-Ils ne vont quand même pas… ? commença Susan d’une voix blanche.
-Ils n’ont pas le choix, répondit froidement son avocat.
-Qu’est ce qui se passe ? »

On ne lui répondit pas. Elle n’aimait pas ça. Il se passait quelque chose, quelque chose de grave, et personne ne voulait le lui avouer. D’un coup de baguette, le juge ferma les portes de la salle. La fillette sentit les battements de son cœur s’accélérer. Pourquoi tant de secret ? Pourquoi se cacher ? Qu’est-ce qu’ils allaient faire ? Et qui était ce Monsieur Brennan, qui s’entretenait à présent avec la dame inutile. Sa mère attrapa vivement sa main et la serra fort dans la sienne, et Sasha leva vers elle un regard inquiet. Susan avait blêmit et fuyait le regard de sa fille.

« Qu’est ce qui se passe ? répéta-t-elle, encore. Toujours pas de réponses.
-Mon client ne pensait pas ce qu’il disait, intervint l’avocat de son père. Ses propos sont le fait de l’émotion, il ne…
-Je vous interdis de dire ça ! Je ne changerai pas d’avis ! Je vous dénoncerai, tous ! »

Son père se condamnait un peu plus à chaque parole. Pourquoi ne comprenait-il pas ? Jamais il ne pourrait gagner. Sasha aurait voulu le lui dire. Elle l’aurait supplié de se taire, lui aurait promis de continuer à venir le voir, et tout serait rentré dans l’ordre. Mais elle restait là, à attendre. Attendre quoi, elle ne savait pas vraiment. Juste attendre. La situation était sans issue, et elle ne voyait aucune solution. On ne pouvait pas forcer son père à se taire, mais on ne pouvait pas non plus le laisser parler, elle ne voyait pas comment cette histoire pouvait se terminer.

« Qu’est ce qui se passe ? répéta-t-elle, encore, un peu plus fort cette fois-ci. Elle s’attira un regard sévère du juge, un sourire compatissant de la dame inutile et un soupir d’Andrew Warlock.
- Monsieur Brennan est un Oubliator, » lui répondit ce dernier. Il parlait comme si prononcer chaque mot était difficile, et Sasha ne tarda pas à comprendre pourquoi.

Oubliator. Ces gens qui effaçaient la mémoire des moldus lorsqu’ils étaient témoins d’un acte magique. On voulait effacer la mémoire de son père, pourquoi ? Lui faire oublier le procès ne servirait à rien, il continuerait de vouloir la retirer de Poudlard. Tant qu’il connaitrait l’existence de la magie il continuerait de se battre contre ce monde qu’il ne connaissait pas, ce monde duquel il voulait préserver sa fille. Lui effacer une partie de la mémoire ne servirait à rien, à moins de lui faire complètement oublier l’existence de la magie, son existence à elle, Poudlard, tout ça, et cela reviendrait à effacer douze ans de sa mémoire, ça ne se faisait pas. On ne privait pas les gens de douze ans de leur vie simplement parce qu’ils menaçaient le secret magique. C’était un crime ! Mais la vérité, la cruelle vérité, l’injustice s’imposa doucement à elle. Rien n’était plus important que préserver le secret. Que valait la vie d’un homme face à la sécurité de toute une population ?

« Non…souffla-t-elle, horrifiée. Non ! Elle se retrouva sur ses pieds avant même d’avoir pensé à se lever et fit un pas vers son père mais Andrew Warlock lui attrapa le bras.
-Ne regarde pas, assura-t-il en la repoussant vers sa mère.
-Vous n’avez pas le droit ! » s’écria-t-elle alors que les larmes lui montaient aux yeux.

C’était comme si elle n’avait rien dit, comme si elle n’avait pas été là. On ne lui accorda pas un regard. Parce que si, ils avaient le droit. Ils avaient tous les droits, tout était bon pour protéger ce maudit secret. Seul son père prêta attention à ces paroles et se tourna vers elle, abandonnant momentanément son masque de colère pour laisser place à une expression inquiète. Il ne comprenait pas, il ne pouvait pas comprendre, il n’avait aucune idée de ce qui l’attendait. Sasha croisa son regard et plongea ses yeux dans les siens. Elle aurait voulu lui hurler de s’enfouir, de partir en courant, mais il n’avait aucune chance. Il était condamné. La regarderait-il encore, après ? La reconnaitrait-il ? L’aimerait-il ? Il le fallait. Elle avait besoin de lui.

« Papa…commença-t-elle d’une voix étranglée.
-Monsieur Brennan, intervint le juge, s’il-vous-plait.
-Non ! Papa ! Vous pouvez pas ! »Andrew Warlock, qui la tenait toujours par le bras, la poussa vers sa mère et Susan emprisonna sa fille dans une étreinte maternelle.
-Ça va aller ma chérie, ça va aller... » murmura-t-elle d’une voix tremblante.

Comment cela pourrait aller alors qu’un Oubliator levait lentement sa baguette vers son père avec l’intention de lui effacer la mémoire. Est-ce qu’il se rendait compte de ce qu’il allait faire ? Comment pouvait-il obéir ? Comment pouvait-il accepter ? Pourquoi personne ne l’arrêtait ? C’était un crime ! Ils allaient détruire la vie de quelqu’un, au nom du secret. Les larmes s’échappèrent de ses yeux sans qu’elle ne cesse de fixer son père. Et elle voyait qu’il ne comprenait pas.

« Qui êtes-vous ? demanda-t-il à l’Oubliator, méfiant. Et que..Qu’est-ce que vous faites ? »

Un sanglot franchit les lèvres de Sasha, crevant le silence pensant qui s’était installé. Son regard passa de son père à Monsieur Brennan et elle crut le voir hésiter. Il ne pouvait pas faire ça. C’était monstrueux, c’était immoral, il n’allait pas le faire. Et pourtant…

« Oubliette »

Elle fondit en larmes. C’était fini. Terminé. Ils l’avaient fait. Au mépris de ce qu’elle pouvait ressentir, aux mépris de la morale, au mépris de tout. Ils avaient protégé le secret, coûte que coûte. Ils devaient être sacrément fiers d’eux. Elle n’osait pas tourner les yeux. Elle avait peur. Peur de ne pas retrouver son père, peur de ne voir qu’un étranger, peur de l’avoir perdu. Pourtant, lentement, elle tourna la tête vers lui.  Elle ne voyait pas son visage, caché par son avocat, mais ce dernier finit par se décaler. Marc Benson avait la tête de quelqu’un qui vient de se cogner très fort contre une poutre, mais il était toujours là, debout. Elle avait craint de le retrouver évanoui ou complètement gâteux, mais il avait l’air presque normal.  Elle sentit un germe d’espoir naitre en elle. Son père regarda autours de lui, l’air un peu perdu, et elle tenta d’accrocher son regard. Mais ses yeux glissèrent sur elle comme si elle n’avait été qu’une étrangère. Il ne la reconnaissait pas. Sa fille.

« Papa… » gémit-elle dans l’espoir d’attirer son attention.

Il reporta son attention sur elle et fronça les sourcils, comme s’il se demandait qui était cette étrange petite fille qui l’appelait papa. Ses pleurs redoublèrent et elle se réfugia dans les bras de sa mère, enfouissant son visage dans son cou. Il était là, juste sous ses yeux. Son père se tenait juste à côté d’elle et elle mourrait d’envie qu’il la serre contre lui, mais il ne le ferait pas. Plus jamais. Elle n’était plus sa fille. Elle n’était plus rien.

« Je suis désolée ma chérie… » souffla cette dernière en lui caressant les cheveux.

Pourquoi être désolée ? Ce n’était pas de sa faute à elle. Ce n’était pas elle qui l’avait privé de l’homme qu’elle aimait le plus au monde. Ce n’était pas elle qui avait détruit la vie d’un honnête citoyen. C’était la justice. La grande justice magique. Elle les détestait, tous, le juge, la dame à côté de lui, Monsieur Brennan, Monsieur Warlock, le Gouvernement, le MIM. C’était tous des égoïstes ! Une bande de monstres qui ne pensaient qu’à leur propre bien-être. Elle les haïssait. Et un jour, elle se vengerait.


[OS] La liberté des uns s'arrête où commence le secret magique Sasha2023